VORACITY I - New World
Arc 3 : L'Être aux Mille Visages
Chapitre 8
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Harddyn regarda avec attention autour de lui. C'était la première fois qu'il venait ici. Il savait que Ainz en avait ordonné la construction il y a quelque temps et avait donné la direction du chantier à Aura, mais il n'avait pas poussé plus loin la curiosité pour aller voir ce que son ami appelait la « Fausse Nazarick ».
Par mesure de précaution et pour éviter que l'un des leurs ne mène des ennemis jusqu'au Grand Tombeau, Ainz avait pensé qu'il fallait créer un leurre. L'idée était de concevoir un bâtiment qui servirait de base de repli. Ainsi, si ennemi il y avait, ils attaqueraient ce lieu et non pas Nazarick.
Situé dans les profondeurs de la Grande Forêt de Tob, il rappelait un peu les Stavkirkes, les églises médiévales en bois typique de Norvège. La volumineuse structure était posée sur un soubassement de pierre évasé à la base dans lequel on avait creusé un escalier menant à la porte d'entrée. Le tout avait bien l'air d'une forteresse, mais elle faisait pâle figure en comparaison des palais de Re-Estize et de Baharut. Mais peu importe. Le faste n'était pas le but.
Et puis, elle n'était pas terminée. Tout autour, des Golems s'activaient pour transporter les lourds madriers ou tailler du bois pour en faire des colonnes. Des Liches circulaient sur le chantier en regardant des plans. Ils agissaient en tant que contremaîtres. C'étaient eux qui dirigeaient les Golems. Des diablotins, petits êtres rouges et nus avec des ailes, une queue, des griffes et des crocs voletaient çà et là pour surveiller l'avancée des travaux et rendre compte aux Liches. C'était assez bien organisé. Tout ce qu'Aura avait donc à faire était d'écouter les rapports, donner des consignes et tout rapporter à Ainz.
En entrant, Harddyn remarqua à quel point l'endroit était dépouillé. Cependant, il se disait qu'une fois la base terminée, il serait sans doute bon d'y ajouter quelques décorations. Après tout, la forteresse était censée représenter Nazarick. Il fallait au moins des bas-reliefs épiques, des tapisseries, des fourrures et des torches pour donner au lieu un semblant de majesté. Il envisageait même d'utiliser la Magie Sorcière pour agrandir les dimensions intérieures. Ainsi la salle du trône, de taille si modeste que sa surface équivalait à peine la moitié de la chambre d'Harddyn, pourrait atteindre l'ampleur de la vraie Salle du Trône de la vraie Nazarick.
Pourtant, à bien y regarder, il y avait tout de même une décoration dans la pièce. Sur l'estrade à l'une des extrémités se trouvait ce qu'on pourrait considérer comme un trône. En fait, ça n'avait même pas la taille d'un fauteuil et surtout, c'était intégralement constitué d'ossements, la plupart humains. Le tout avait l'air à la fois grotesque et inconfortable.
« Vous aimez, Maître Harddyn ? » Demanda alors Demiurge en se plaçant aux côtés de son Seigneur.
« C'est… spécial » répondit prudemment Harddyn.
L'excitation dans la voix de son serviteur l'avait interpellé. Si ça se trouve c'était lui qui…
« C'est moi qui l'ai faite » précisa le Démon en confirmant les soupçons d'Harddyn. « La fabrication de meubles à partir d'ossements est l'un de mes passe-temps. »
« Je suis ravi que tu te sois trouvé un passe-temps qui te plaise » dit sincèrement Harddyn.
Après tout, ce n'était pas parce qu'on aimait faire quelque chose qu'on était forcément doué.
« J'ai créé celui-ci spécialement pour Maître Ainz, qu'en pensez-vous ? »
« Oui, c'est bien, mais c'est… »
Vite. Trouver des arguments.
« Petit » dit-il finalement. « Ça manque d'envergure. Je veux dire, Ainz a une silhouette plutôt imposante. Là-dessus, on doit avoir l'impression qu'il est assis sur un tabouret. Et encore. En plus, il risque de se fondre dans le décor. Surtout que ces os sont à peu près de la même taille que les siens. »
« Au nom des Enfers, vous avez raison ! » S'exclama alors le Démon. « Comment n'ai-je pas vu que ce siège est une disgrâce pour Maître Ainz ? Il me faut le plus vite possible penser à quelque chose d'autre. Quelque chose de plus imposant et magnifique. Peut-être des os de Dragons… En tout les cas, cette chose ne peut pas rester ici, c'est une telle disgrâce ! »
Il fit un geste et le fauteuil s'enflamma avant d'être réduit en cendres.
« Oh non ! Qu'ai-je fait ? » S'exclama-t-il alors. « À présent, Maître Ainz n'a plus d'endroit où s'assoir. »
Il se retourna vers l'Overlord.
« Pardonnez mon empressement, Maître Ainz. Peut-être devrais-je offrir mon dos pour votre auguste bassin… »
« Laisse tomber » soupira Harddyn. « Si tu fais ça, soit Albedo te tue, soit elle réduit le bâtiment en charpie. »
Il utilisa lui-même la magie et créa un trône de pierre noire à dossier bas, mais assez large pour convenir à son ami. Celui-ci lui jeta un regard reconnaissant avant de s'y asseoir. Comme à son habitude, Harddyn se plaça à ses côtés, sur l'accoudoir tandis qu'Albedo se tenait debout et droite de l'autre. Quand ils furent installés, Victim s'approcha de ses Maîtres et s'inclina.
« MAÎTRE AINZ. MAÎTRE HARDDYN. JE PENSE QU'IL EST TEMPS POUR MOI DE RENTRER. »
« Merci d'être venu » dit Ainz en hochant la tête. « Protège le 1er niveau jusqu'à notre retour. »
« À VOS ORDRES » dit le fœtus angélique avec une nouvelle révérence.
Ainz créa ensuite un portail et le referma derrière le Serviteur. En se tournant vers les autres, il remarqua qu'Aura s'agitait. Elle semblait gênée. Elle évitait de le regarder et à la place observait autour d'elle avec un air désapprobateur. Ainz comprit alors qu'elle devait se sentir honteuse de l'état des lieux. C'est vrai qu'on était loin du faste de Nazarick. Pourtant on pouvait clairement voir qu'elle avait fait des efforts.
« Je me souviens, quand j'étais Humain, l'un des directeurs de compagnie avec laquelle mon agence avait fait affaire m'avait dit : Veille sur leur travail avec reconnaissance et confiance, ou les hommes ne muriront pas… »
« Sages paroles » remarqua Harddyn. « Un bon dirigeant devrait toujours récompenser les bonnes actions et punir les mauvaises. Mais même en cas de punition, il doit toujours se montrer bienveillant pour que ceux qui sont en dessous de lui aient envie de faire mieux. »
« Je suis d'accord » approuva Ainz avant de s'adresser à la jeune Elfe Noir. « Je suis désolé de t'avoir demandé de rester ici, Aura. Et tu n'as pas à t'en faire. Nous apprécions grandement le travail que tu as effectué. Nous savons que cet endroit sera digne de représenter Nazarick. »
« M...Merci » balbutia la petite fille, surprise, en écarquillant les yeux.
Ainz hocha la tête. Les remerciements étaient nécessaires à son avis.
« À présent, rentrons dans le vif du sujet » dit-il. « Pensez-vous que nous avons été suivis ? »
Il avait déployé beaucoup de troupes et de magie pour impressionner les Lézardiens. Si jamais des ennemis les avaient remarqués et suivis, il ne voulait pas les amener jusqu'à Nazarick. C'était la raison pour laquelle ils s'étaient repliés ici.
« Apparemment, non » dit Aura qui était leur Pisteuse.
Si elle ne sentait rien, c'est qu'il ne devait rien y avoir. Cependant, mieux valait prévenir que guérir. Ils allaient donc rester là pour le moment.
« Bien » approuva Ainz. « Alors, pensez-vous que ces Lézardiens ont été impressionnés ? »
« D'abord, je voudrais dire quelque chose » intervint Harddyn. « Je trouve ce nom de "Lézardien" extrêmement banal et moche. Je propose de le changer pour Lacertéen. »
« Euh… pourquoi ? » Demanda Ainz dans sa tête.
« Lacerta est le mot latin de la famille des lézards » répondit son ami.
« Ce n'était pas vraiment ce que je demandais… »
« Qui est pour ? » Demanda Harddyn sans même écouter la fin de la phrase.
Tout le monde leva bien évidemment la main. Si c'était un Être Suprême qui faisait cette proposition, alors ils allaient forcément accepter. Ainz soupira et approuva le changement de nom.
« Donc, est-ce que vous pensez que nous avons suffisamment impressionné, ces Lé… Lacertéens ? » Demanda-t-il à nouveau.
« Assurément, Maître Ainz » déclara Demiurge. « C'était parfait. »
« Au vu de leurs expressions, assurément » rajouta Albedo.
« En effet, nous leur avons montré un sacré show » approuva Harddyn.
« Tu ne penses pas que c'était trop ? Nous aurions peut-être dû faire plus simple. »
« Pourquoi faire simple quand on peut en faire des caisses ? »
Entre le sacrifice d'une armée entière de Morts-Vivants intermédiaires, la révélation de deux Gardiens cachés, Gargantua, le Golem et Victim, ainsi que l'énorme bloc de pierre jeté au milieu du marais, on pouvait effectivement dire qu'ils en avaient fait des caisses. Tout cela bien sûr, sans compter Création, le Sort de Niveau 11 utilisé par Ainz pour geler le lac. Quatre fois par jour, celui-ci permettait au lanceur de modifier l'environnement. Un désert pouvait ainsi devenir une oasis, un champ de lave, un océan et un lac, une banquise.
« Dans ce cas, on peut dire que la première étape de notre démonstration de force est un succès » dit-il avant de se tourner spécifiquement vers Demiurge. « Sait-on qu'elle a été l'étendue du Sort ? »
« Malheureusement, la zone était plus vaste que prévu » dit le Démon. « Nous n'avons pas été capables de faire les mesures à temps avant qu'elle ne disparaisse. Je suis désolé. »
« La zone s'est étendue sur 1 km » intervint Harddyn. « L'épaisseur de glace la plus importante était de 5 m. »
« Impressionnant » dit Ainz.
« Encore une fois, je m'excuse de ne pas avoir pu répondre à vos attentes » dit Demiurge.
Il voulut se mettre à genoux, mais Ainz l'en empêcha d'un geste.
« J'étais juste prêt et j'avais les capacités nécessaires pour le faire » répondit nonchalamment Harddyn.
Bien évidemment que l'effet d'une Magie aussi puissante que celle d'un Sort Suprême l'intéressait. Encore une fois, le résultat avait dépassé leurs attentes. Et de loin. Sur YGGDRASIL, la zone d'effet n'était que d'une centaine de mètres de rayon. Comme pour tous les Sorts Suprêmes, le Niveau et le Type de Mage n'avaient aucune importance. Cependant peut-être que c'était le cas dans ce monde. Peut-être que si lui, avec sa puissance, tentait de le lancer, le résultat serait encore plus conséquent. Et puis il était aussi possible que l'environnement de départ et celui d'arrivée étaient à prendre en considération. Après tout, geler l'eau d'un lac était différent que de recouvrir d'eau de la lave. Cela pouvait donc influer sur la zone.
Connaître les limites de sa Magie était très important. Dans un sens comme dans l'autre. Si jamais le Sort était trop puissant, il fallait faire attention quand on l'utilisait.
« À toi, Aura » dit finalement Ainz. « Que dit le réseau d'espionnage ? »
« Vu qu'ils sont à peu près tous rassemblés dans le même village, la surveillance est plus facile » répondit l'Elfe Noire. « J'ai pu réassigner des Démons des Ombres avec l'aide de Dame Greybridge. »
« Je suis heureux qu'elle ai pu t'épauler. Est-ce que tu arrives à mieux contrôler les Démons des Ombres à présent ? »
« Oui, c'est beaucoup mieux. »
« Ça doit être à cause de sa Classe de Dresseuse » commenta Ainz.
« Probablement. Et c'est une bonne nouvelle. J'avais peur qu'elle doive contrôler seule l'intégralité des Démons des Ombres de notre système d'espionnage. »
« D'après ses rapports, Chess commence à y arriver également. »
« Faisant en sorte que d'autres développent cette capacité. Ce serait problématique qu'Alren soit la seule qui en soit vraiment capable. Déjà que c'est elle qui les invoque… »
Alren Greybridge était l'une des 100 d'Harddyn. À la fois Démon et Fée des Ténèbres, elle portait le titre de Reine de l'Hiver (tout comme Jeanne-Elizabeth était Reine de l'Été). C'était également une puissante Invocatrice de Démons. Elle était celle qui avait découvert que, à l'instar de Ainz avait besoin d'un cadavre pour invoquer un Mort-Vivant qui ne disparaisse pas, elle aussi pouvait invoquer des Démons en usant d'une ancre réelle. Dans son cas, elle avait besoin des ombres des gens. En jetant ses Sorts sur une personne, l'ombre de cette dernière se transformait en plusieurs Démons des Ombres. Bien entendu, la cible perdait définitivement son ombre.
Cependant, grâce à ce système et en privant les cobayes de Demiurge de leurs ombres, elle était parvenue à constituer une troupe importante de Démons afin que ceux-ci servent d'espions pour leur réseau de surveillance. Malheureusement, leur intelligence est assez limitée donc ils ont besoin de quelqu'un pour leur donner des consignes précises. Sauf que commander de nombreux Démons était difficile. S'il était seul, cela allait, mais dès qu'il y en avait plus, on risquait d'en perdre le contrôle. Jusque-là, Alren (et dans une moindre mesure, Chess) avait réussi à maîtriser au mieux les agents du réseau, mais cela n'allait pas durer.
Mais on ne pouvait pas se permettre que les Démons des Ombres passent leur temps à faire des aller-retour entre Nazarick (où se trouvait Alren) et leur poste d'espionnage. En effet, ils ne pouvaient pas utiliser la magie ou tout autre système de communication et malgré leur rapidité, ce système n'était pas viable. Ils devaient avoir un référent local avec une intelligence plus développée afin de rassembler les informations pour les transmettre ensuite en remontant la voie hiérarchique.
Si Aura arrivait à commander aux Démons des Ombres alors il serait utile que sa mission suivante soit la formation de Serviteurs à leur contrôle. Cela permettrait de voir si une Classe de Dresseur était nécessaire ou si elle permettait juste de gagner du temps dans le processus. Savoir cela était vital pour la suite des événements.
« Cependant, il est peut-être possible que des ennemies approchent en utilisant des Compétences d'invisibilité » fit remarquer Ainz à Aura. « Qu'en est-il pour cela ? »
« Et bien… » commença l'Elfe Noire.
Mais elle fut interrompue par une voix inconnue.
« Ne vous inquiétez pas vos Majestés » dit-elle. « Mes Enchantements ont permis à mes Démons des Ombres d'obtenir des capacités de perception élevées. »
La voix semblait assez juvénile, mais en même temps assez lente et langoureuse. Sa détentrice paraissait en effet assez jeune, sans doute 16 ou 17 ans. Cependant, son corps avait l'air également assez développé au niveau des hanches et surtout de la poitrine. Le reste de sa physionomie avait des proportions parfaites, en particulier son visage d'un ovale irréprochable pourvu de traits harmonieux.
Elle avança dans la pièce finalement peu éclairée et sa peau laiteuse se mit à luire. Ses yeux étaient aussi étranges. Intégralement noirs à l'exception de l'iris bleu glacier qui brillaient d'un éclat soutenu. Dans son dos dépassaient deux grandes ailes de papillons d'un noir tellement translucide qu'il paraissait presque invisible. Elles étaient recouvertes de poudre scintillante qui tombait à terre à chacun de ses pas.
« C'est parfait, Alren » dit Ainz à la nouvelle venue. « Merci. »
« Je ne fais que me rendre le plus utile que je peux auprès de mes Maîtres avec mes minces talents d'Enchanteresse » répondit la Fée Démoniaque avec une fausse modestie.
Vêtue d'une robe gothique de soie noire au profond décolleté, elle pinça les pans de la jupe qui lui arrivait en dessous des genoux et la releva pour exécuter une révérence. Elle portait également des mitaines en résilles, des collants et des bottes ainsi qu'un ruban noir dans ses cheveux clairs dont le nœud, positionné sur le côté, avait la forme d'ailes de papillons.
« Comme nous l'avions envisagé, la Théocratie de Slane n'a pas bougé depuis qu'ils ont été forcés à la retraite par Shalltear » fit remarquer Ainz.
Cela faisait près de quatre mois à présent.
« Mais ne serait-il pas possible qu'ils nous observent à l'aide d'un Objet de Rang Monde ? » Demanda Démiurge. « Dans ce cas, notre système de surveillance deviendrait obsolète. »
« C'est aussi pour cela que nous portons tous des Objets de Rang Monde. Non seulement ils nous protègent des altérations d'esprits, mais également des effets des autres Objets de Rang Monde. »
Pour donner une explication plus claire, Ainz parla de l'une des anecdotes amusantes (même si cela ne l'avait pas été dur le coup) qui avaient parsemé l'histoire d'Ainz Ooal Gown. À une époque, la Guilde avait réussi à faire main basse sur l'une des Sept Mines Perdues, chacune permettant d'extraire l'un des Minerais Prismatiques. À cause de cela, ils avaient acquis le monopole sur son contenu, l'Uranium Céleste, et étaient ainsi parvenus à faire grimper les prix de façon vertigineuse.
Cependant, une Guilde rivale avait utilisé un Objet de Rang Monde, l'Ouroboros, pour sceller totalement le Monde pour une certaine durée. Pendant ce temps-là, les autres possesseurs d'Objets de même Rang n'étaient pas affectés par la barrière et avaient pu se rendre là-bas pour chercher et conquérir la mine. Bien entendu, Ainz Ooal Gown en conservait également et avait tenté de stopper l'invasion. Mais à cette époque, leur collection était réduite et après que plusieurs d'entre eux soient morts, submergés par le nombre des envahisseurs, leur faisant perdre non seulement leurs trésors, mais aussi quantité d'autres Objets puissants, ils avaient dû se résoudre à attendre. Évidemment, une fois qu'ils avaient de nouveau pu avoir accès à ce monde, la mine avait changé de main.
A posteriori, Harddyn se sentait assez mal à propos de cette affaire. Ouroboros était un Objet dont les pouvoirs étaient semblables à Prier la Bonne Étoile, mais en plus puissant. En effet, au lieu de se voir présenter un certain nombre de choix et de payer avec ses XP, le Joueur qui le possédait pouvait directement contacter l'administrateur pour lui adresser une requête visant à modifier temporairement le système du jeu. Si c'était possible, alors leur demande leur était accordée. Or, l'administrateur du jeu, c'était bien évidemment Harddyn qui n'avait pas hésité à saborder, en quelque sorte, sa propre Guilde pour le bien de son jeu. En ce temps-là, Harddyn était encore un arbre mort donc il n'avait pas ressenti grand-chose. Mais à présent…
Fort heureusement, une fois cet Objet utilisé il disparaissait et pouvait être retrouvé par d'autres joueurs. Avec un tel pouvoir, ce n'était pas étonnant qu'il fasse partie des Vingt.
Toujours était-il que malgré cela, il demeurait un certain risque. À l'époque d'YGGDRASIL, il était arrivé en de rares occasions que des porteurs d'Objets de Rang Mondes ne soient pas épargnés par les effets d'Artefacts de même Niveau. Une fois, l'utilisation d'Altération des 5 Éléments avait forcé dont Harddyn à leur envoyer un message d'excuses accompagné de nombreux cadeaux. En effet, permettre à certains joueurs d'être préservés aurait été trop complexe à mettre en place. Ils avaient donc dû fournir une compensation.
Altération des 5 Éléments avait à peu près les mêmes pouvoirs qu'Ouroboros. Il permettait d'adresser une requête à Harddyn, mais seulement si ça concernait une modification (temporaire) du système magique. Penser à cela rendait d'ailleurs Harddyn perplexe. Si jamais ces deux Objets devaient être utilisés dans ce monde, qui recevrait la requête ? Lui ou bien… quelqu'un d'autre ? Et si c'était lui, aurait-il le pouvoir d'y répondre ? C'était une question qui lui donnait presque envie de faire des tests.
Toujours est-il que pour ce qui était de l'immunité des Objets de Rangs Monde à eux-mêmes, c'était des cas trop rares pour s'en préoccuper. On pouvait donc dire sans trop de risques que tant qu'ils possédaient eux-mêmes ce type d'Objets, aucun ne pouvait fonctionner contre eux… Enfin, sauf bien sûr l'A.D.M.I.N.I.S.T.R.A.T.E.U.R. d'Harddyn. Son pouvoir à lui était absolu.
« Je pense que nous avons donné assez de temps aux Lacertéens » dit finalement Ainz. « Voyons s'ils ne font rien d'imprévu. »
Il plongea la main dans son inventaire et en sortit son Miroir d'Observation à Distance. Il lui suffit d'un geste de la main pour que son visage disparaisse de la surface et soit remplacé par une vision du village de leurs adversaires. Comme le point de vue était assez élevé, tout ce qu'on pouvait apercevoir, c'était des silhouettes à l'aspect de fourmis qui s'agitaient en tous les sens. Un second geste permit à Ainz de zoomer afin que lui, Harddyn et les autres personnes présentes (qui s'étaient rapprochés pour observer avec leurs Maîtres) puissent discerner les formes reptiliennes.
Au vu des paquets qu'ils transportaient, ils devaient se préparer à quitter le village. Il était probable que les Chefs aient envoyé la plupart de leur peuple se cacher pour éviter un massacre. Mes Guerriers, eux, devaient rester pour donner le change. Des efforts louables, mais totalement vains. Où qu'ils aillent, il serait aisé de les retrouver. Aura n'était pas la seule à posséder des Capacités de Pisteuse. Harddyn avait également parmi ses propres PNJ un groupe qui pourrait faire l'affaire.
Ainz de son côté, cherchait manifestement quelque chose. Il stoppa sur plusieurs Lacertéens en particulier. Une avec une armure osseuse étrange, un autre avec un lance-pierre passé à la manière de son pagne ainsi que deux des hommes qui étaient venus parler avec eux plus tôt, Shasuryu Shasha et Zenberu Gugu. Le rapport de bataille avait fait état d'un groupe de 6 combattants qui s'étaient alliés pour vaincre Iguva. Ce devaient être eux que son ami cherchait.
« Je ne vois pas celui avec l'épée magique » marmonna celui-ci presque pour lui-même. « Ni la femelle blanche… »
Il devait parler du troisième émissaire, Zaryusu Shasha. Quant à la femelle blanche… le rapport faisait mention d'une Druidesse relativement puissante parmi le groupe d'assaut. C'était probablement elle.
« Ils sont peut-être dans l'une des maisons » proposées Harddyn.
« Mm. Sans doute » dit Ainz avant de se tourner vers leurs serviteurs. « Demiurge, va me chercher mon Havresac de l'Infini. »
Le Démon s'inclina et alla récupérer l'Artefact posé dans un coin de la pièce avant de l'apporter à son maître. Celui-ci fouilla à l'intérieur et en sortit un parchemin dont il activa immédiatement le Sort sur le Miroir d'Observation à Distance. Le Sort Scrutateur de l'Obscur permettait de créer un organe invisible capable de se déplacer et de percevoir des images et des sons. C'était une version plus évoluée de l'Œil Flottant, car, immatériel, il pouvait même passer au travers des surfaces solides. Lancé sur le Miroir, le Scrutateur augmentait son pouvoir en lui donnant ses attributs.
Ainz choisit une cabane au hasard et y fit pénétrer la vision. Par chance, les deux Lacertéens qu'il cherchait étaient bien là. Cependant, leur position était étrange. La femelle était sur le ventre et plaqué sur le sol par son compagnon. Leurs deux queues étaient entremêlées et on pouvait entendre des gémissements. Il fallut quelques secondes à Ainz pour comprendre exactement ce qui se passait, mais dès qu'il percuta enfin, il éteignait immédiatement le Miroir.
« Hey ! » S'écria alors Harddyn. « Remet ! C'est du porno de Lézard ! J'en ai jamais vu ! »
« J'approuve ! » S'exclama Alren d'une voix forte en se léchant les lèvres.
« Mais il y a des enfants ici ! » Dit Ainz avec un léger mouvement de tête vers les deux Elfes Noirs.
« Euh… c'est… c'est quoi du porno ? » Demanda alors Mare.
« Vous savez quoi ? Je vous expliquerai plus tard » leur promit Harddyn avec un clin d'œil. « Rien ne vaut la pratique pour ce genre de chose. »
« Harddyn ! » S'exclama Ainz, outré. « Ils sont mineurs ! »
« Ils ont 76 ans. »
« Et bien pour des Elfes, c'est jeune. »
Harddyn roula des yeux.
« C'est… c'est répugnant ! » S'insurgea Demiurge. « Faire ça alors que Cocytus est sur le point d'attaquer ! »
« Nous devrions les punir ! » S'exclama Shalltear.
« Ils en ont de la chance… » marmonna Albedo sur un ton plus bas.
« Allons » les calma Ainz. « En temps de guerre… quand la survie de l'espèce est menacée… l'instinct reprend le dessus, c'est tout » temporisa Ainz.
Harddyn ricana et se leva avant de se diriger vers la porte.
« Où vas-tu ? » Lui demanda alors son ami.
« Au village. Histoire de voir si je peux jouer les voyeurs avec ces deux-là. »
« Tu… »
« Ne t'inquiète pas » dit Harddyn. « Personne ne me verra et je reviendrais à temps pour le début de l'assaut. »
Il fit un dernier signe de main puis se téléporta.
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Harddyn grogna de frustration. Il avait manqué toute l'action.
S'introduire dans le village avait été des plus facile. Après tout, avec la Compulsion Mentale, se glisser dans camps ennemis n'avait pas vraiment relevé de l'exploit. Il avait par la suite rapidement trouvé la maison qu'ils avaient observée au travers du miroir, mais malheureusement, les deux Lacertéens étaient à présent serrés dans les bras l'un de l'autre comme s'ils allaient mourir bientôt. C'était le cas. Étant les Combattants les plus puissants, il était certain qu'ils feraient partie de l'assaut contre Cocytus. Ils ne pouvaient pas survivre.
Puisqu'il n'y avait rien à voir, Harddyn décida de se renseigner un peu sur ses adversaires. Plongeant dans leurs esprits, il les fouilla à la recherche d'informations.
Zaryusu Shasha était le frère de Shasuryu Shasha (ce qui, compte tenu de leur nom semblait logique), le Chef de leur village. Zaryusu était également un Voyageur comme l'indiquait la marque au fer rouge sur son torse. Mû par la curiosité, la détermination et un sens du devoir pour sa tribu, il avait rapporté de son pèlerinage des techniques de fermes piscicoles permettant d'élever des poissons à partir d'alevins. Selon lui, cette technologie devait empêcher ce que, dans sa tête, il appelait la Guerre des Ressources.
Comme Harddyn l'avait supposé, une pénurie de poisson avait, une dizaine d'années auparavant, provoqué un conflit entre les différentes tribus. Trois camps s'étaient formés. D'un côté les Griffes Vertes (La tribu de Zaryusu), les Petits Crocs et les Queues Acérées et de l'autre, les Mouchetures Jaunes et les Lames Tranchantes. Les deux dernières tribus, les Yeux Rouges et les Dagues Draconiques, formaient un camp neutre bien qu'ils n'aient pas été alliés pour autant. La guerre avait considérablement réduit le nombre de Lacertéens leur permettant une meilleure distribution des ressources. Les tribus des Mouchetures Jaunes et celle des Lames Tranchantes avaient été dissoutes et les survivants avaient été assimilés par les Dagues Draconiques.
Zaryusu était donc parti en voyage dans espoir de trouver un moyen d'éviter une nouvelle pénurie. La notion d'élevage leur était inconnue jusqu'à ce qu'il ramène cette technologie de ferme piscicole. Il avait ainsi obtenu un certain prestige dans la tribu. Cependant, les Voyageurs étant une caste à part, ce seul fait ne lui aurait pas permis d'avoir le statut privilégié qu'il avait aujourd'hui. Sa position il la devait surtout à Supplice Gelé.
Les Lacertéens possédaient 4 Trésors, des Artefacts magiques propres à leur race. Supplice Gelé était l'un d'eux. Il s'agissait de la lame de glace qu'Harddyn avait vue au côté du Guerrier quand il était venu en émissaire auprès d'Ainz et lui. C'était un butin qu'il avait obtenu en tuant son ancien porteur, le Chef des Lames Tranchantes, durant la Guerre des Ressources. Cet exploit lui avait donc valu de conserver son statut même après avoir pris la marque des Voyageurs.
Cependant, c'était son lien avec Shasuryu qui lui avait permis d'être son envoyé auprès des autres tribus afin de former la grande Alliance qui avait affronté leur armée de Morts-Vivants. Comme son frère était allé trouver les Queues Acérées et les Petits Crocs, lui avait fait le tour du lac dans le sens inverse pour approcher les Dagues Draconiques et avant cela, les Yeux Rouges. C'était dans cette dernière qu'il avait rencontré la femelle qui était aujourd'hui sa compagne.
Crusch Lulu, c'était son nom, était la Chef du village. C'était une chose étrange pour une société patriarcale d'avoir un Chef femelle. Toujours est-il que ses pouvoirs de Druidesse avaient fait d'elle quelqu'un d'à part au sein de sa tribu. Ça et aussi la couleur de ses écailles. En effet, la blancheur sépulcrale de son corps était une rareté parmi son espèce. Cette pâleur ne la rendait que plus belle notamment en faisant ressortir le rubis de ses yeux. Cependant, Harddyn pouvait sentir que son âme était noircie par un lourd secret.
Effectivement, pour survivre à la pénurie et en restant neutre lors de la Guerre des Ressources, la tribu des Yeux Rouges avait fait un énorme sacrifice. Au départ, ils pensaient pouvoir y parvenir en utilisant le pouvoir de leurs Druides, plus nombreux chez eux que partout ailleurs, afin de se procurer de la nourriture. Cependant, cela n'avait pas suffi. Alors le précédent Chef avait pris une terrible décision. Durcissant les lois de la tribu, il avait procédé à quantité de bannissements dans le même temps, il s'était mis à apporter lui-même de la nourriture au village pour que les autres puissent survivre. Sauf que cette nourriture, c'était la chaire de leurs semblables bannis. Tous savaient, mais la famine était telle qu'ils s'étaient efforcés de fermer les yeux et d'accepter de s'adonner au cannibalisme.
Peu après la guerre, l'ancien Chef s'était suicidé pour expier ses péchés et Crusch Lulu, alors son adjointe autant que sa complice, avait pris sa place. Elle avait fini par se délester de ce fardeau devant Zaryusu en espérant mourir à son tour, mais celui-ci était déjà trop amoureux d'elle et lui avait accordé le pardon.
Harddyn sortit de la maison en soupirant. Tout cela était très intéressant, mais il manquait tout de même d'action. Regardant autour de lui, il remarqua le groupe des Combattants que Ainz avait repéré, ceux qui avaient tué Iguva. Alors qu'il s'approchait d'eux, il apprit que tous les quatre étaient les Chefs des tribus restantes. Shasuryu Shasha était celui des Griffes Vertes et Sukyu Juju, celui au lance-pierre, un lézard râblé couleur sable avec une crête bleue sur la tête, celui des Petits Crocs.
Le Chef des Queues Acérées, lui, était d'une couleur violet sombre, enfin c'était ce qu'Harddyn pouvait voir en dessous de la lourde carapace qu'il portait. Cette armure s'appelait l'Os du Dragon Blanc et était un autre des 4 Trésors de cette race. Plus le Lacertéen qui la portait était intelligent, plus l'armure était solide. Malheureusement, en plus de ne jamais pouvoir s'enlever, l'armure se nourrissait de la matière grise de son porteur pour se renforcer, ne laissant qu'une coque vide. Cependant, l'intellect de Kyuku Zuzu était tel avant qu'il n'enfile l'armure qu'il en demeurait des traces, suffisamment pour lui permettre de parler et de raisonner simplement.
Et puis il y avait Zenberu Gugu.
Harddyn l'avait immédiatement remarqué, plus tôt. Il y avait quelque chose en lui qu'il trouvait fondamentalement attirant. Déjà, sa masse musculaire faisait frémir son corps d'un désir primal d'être dominé. Les cicatrices qui parcouraient ses chaires étaient un rappel de la violence des combats auquel il avait participé et ne faisait qu'émoustiller un peu plus l'Incube. Cependant, à présent qu'il était plus proche et surtout dans sa tête, il pouvait à loisir admirer sa séduisante personnalité. D'une nature directe et anticonformiste, il n'avait pas peur de dire ce qu'il pensait sans formalités aucunes. Comme le prouvaient ses cicatrices, il était d'un caractère plutôt violent et c'était par la force de ses bras qu'il était devenu Chef des Dagues Draconiques malgré le fait qu'il ait été voyageur.
Cependant, d'après ce qu'Harddyn pouvait voir dans son esprit, c'était un formidable Guerrier qui pouvait demeurer calme et réfléchi pendant le combat. De son voyage, il était revenu avec une Classe de Moine et savait parfaitement utiliser les Techniques et les Compétences qui lui étaient liées. Le cocktail de ses traits de caractère était absolument fascinant. Et c'était sans compter son histoire.
Ayant voyagé jusque chez les nains des Monts Azerlisia, il était revenu plus fort et était rapidement devenu le Chef incontesté des Dagues Draconiques. Il avait par la suite mené de nombreux combats, notamment contre le porteur de Supplice Gelé qui l'avait défait. Avec sagesse, il avait décidé de ne pas participer à la Guerre des Ressources. Cependant, plus tard, il avait accueilli les survivants des Mouchetures Jaunes et des Lames Tranchantes au sein de sa tribu pour la renforcer.
Il me le faut, pensa avidement Harddyn en se rapprochant.
Lui et les autres étaient assis autour d'une jarre en terre de laquelle ils tiraient de nombreux verres de vin. Celle-ci ne semblait jamais se vider malgré le fait qu'ils étaient loin d'être les seuls à y boire. Harddyn avait appris dans les souvenirs de Zenberu qu'il s'agissait de la Grande Jarre d'Alcool, le troisième des 4 Trésors des Lacertéens et était la propriété de sa tribu. Il l'avait cependant mis à la disposition de tous en ces temps de crises.
Invisible aux yeux de tous, Harddyn se plaça juste derrière la silhouette imposante du Lézard. Se mordant la lèvre, il avança sa main et caressa les scutellums massifs qui recouvraient son corps. D'une couleur vert sapin, elles semblaient avoir des reflets acier. Elles étaient solides et tranchantes, mais Harddyn ne pouvait s'empêcher de les trouver douces. Il se pencha et posa sa tête au creux du cou de l'autre homme, appréciant la fraîcheur de ses écailles.
Il avança ses doigts et se mit à caresser ses bras et notamment la masse imposante et si disproportionnée du droit. Il ne savait pas à quoi était dû ce prodige de la nature et il s'en fichait pour le moment. Zenberu, lui, ne remarquait rien. Ni la présence dans son dos, ni la tête au creux de son cou, ni les mains sur ses chairs. Rien du tout. Il ne pouvait pas.
Harddyn remonta sa main gauche le long du bras. Il s'apprêtait à descendre vers le torse pour savourer la douceur de ses écailles ventrales quand un tintement surgit dans son esprit.
« C'est bientôt, l'heure » dit la voix de Ainz.
Harddyn soupira.
« J'arrive » répondit-il.
Il s'écarta alors à regret du lézard humanoïde qui désirait et se prépara pour la téléportation. Juste avant de partir, il se dit que si jamais il survivra, il voulait le garder pour lui. Non, même s'il venait à mourir durant le combat, il récupérerait son corps pour le ressusciter.
Il serait à lui.
0o0o0
La scène était la même que quatre heures auparavant. Depuis la palissade de bois qui entourait le village, les Lacertéens pouvaient voir une nouvelle armée légendaire prendre position entre la lisière de la forêt et la zone marécageuse aux abords duquel il était installé.
Malgré le fait qu'il n'y aurait qu'un seul adversaire, les troupes prêtes à le combattre étaient nombreuses. Ce n'était pas forcément un choix des plus tactique, car il serait plus difficile de se mouvoir aisément au sein d'un groupe aussi important. Toutefois, les Guerriers étaient confiants et animés d'une vigueur qui se manifestait dans les peintures farouches quoi ornait leur corps. Ils étaient décidés à se battre et à mourir s'il le fallait.
Au-devant de la troupe, les quatre Chefs mâles ainsi que Zaryusu. Crusch Lulu, elle, n'était pas présente. Cependant, sa magie les accompagnait. Elle avait utilisé ses pouvoirs pour les bénir et augmenter leur force ainsi que pour invoquer deux Créatures qu'ils appelaient "Élémentaires des Marais". Avec cela, elle avait épuisé son énergie et avait sombré dans l'inconscience. Zaryusu en était heureux. Au moins, elle ne le verrait pas mourir.
Menant la troupe, les cinq Guerriers traversèrent la tourbière humide jusqu'à être à mi-distance entre leur village et le camp ennemi. Ils s'arrêtèrent là, décidés à attendre leur adversaire.
Au même moment, les Squelettes de l'armée se mirent en mouvement. En un accord parfait, ils commencèrent à frapper en rythme leurs armes sur leur bouclier. Parce qu'ils étaient des Morts-Vivants, la régularité de leurs coups formait une harmonie impeccable. Pendant ce temps, dans la forêt, d'autres bruits, plus forts et plus inquiétants, se firent entendre. Il ne fallut pas longtemps aux Lacertéens pour comprendre. Quelque chose venait vers eux. Quant au bruit, c'était celui des arbres qui tombaient sur son passage.
Bientôt, ils les virent distinctement s'effondrer les uns à la suite et un pressentiment les parcourut. C'était l'œuvre d'une seule personne. Un seul être à la force titanesque qui abattait les obstacles sur son chemin avec sa lame. Une certaine agitation commença à naître parmi l'armée des Lacertéens. Même les meneurs, pourtant préparés à mourir, se mirent à ressentir plus intensément la proximité du combat.
Et puis Cocytus émergea de la forêt.
Sa haute silhouette le fit presque paraître plus proche qu'il ne l'était et certains Guerriers resserrèrent leurs mains autour de leurs armes. Sa forme était des plus étrange et cependant une certitude naquit dans leur esprit. Cet être était dangereux. Son exosquelette glacé, ses quatre bras, ses puissantes mandibules et sa queue garnie de pointes étaient bien suffisants pour justifier ce sentiment. Pourtant, Cocytus n'était pas venu à ce combat sans être préparé. Des gantelets brillants ornaient ses quatre mains, un large pectoral d'or recouvrait sa poitrine et ses tibias étaient protégés par des jambières de platine.
L'armée des Lacertéens se figea à cette vision. Leur instinct reprit alors le dessus et, tous sans exception, reculèrent d'un pas puis d'un second. Cocytus, lui, se mit à avancer dans leur direction, les Morts-Vivants s'écartant sur son passage. Il pénétra le marais et continua sa progression vers ses adversaires. Arrivé à une trentaine de mètres d'eux, il s'arrêta puis regarda autour de lui.
« Maître Ainz et Maître Harddyn doivent nous observer en ce moment » dit-il. « Tâchons donc de briller pour eux, tout autant que nous sommes. »
Sa voix était profonde aux oreilles des lézards humanoïdes. Craquante également. Comme de la neige sous les pattes.
« Néanmoins, avant de commencer… Piliers de Glace »
L'eau du marais se mit à remuer fortement de chaque côté du colosse et quelque chose en émergea soudain. Il s'agissait de deux blocs de glace pointus en leur sommet, comme des crocs pointés vers le ciel. L'air sembla alors se faire plus froid et les Guerriers lézards frissonnèrent. Malheureusement, ce qu'ils ignoraient, c'est que ce n'était pas le seul pouvoir de ces piliers. En effet, ce Sort de Niveau 7 permettait d'augmenter la puissance des Sorts, Techniques et Compétences liées à la Glace. Elle augmentait également la puissance générale des êtres affiliés à l'Élément Glace… comme Cocytus.
« Je sais que c'est un acte assez grossier pour des combattants tels que vous, mais sachez que si vous passez entre ces piliers, c'est la mort assurée pour vous. »
Cocytus se redressa et croisa ses quatre bras. Il était un homme d'honneur. Il n'attaquerait pas à moins que ses adversaires dépassent la ligne qu'il avait tracée. Cependant, ses Maîtres lui avaient demandé de gagner. Là où il était, il subirait l'influence des Piliers et il gagnerait à coup sûr.
« Étonnamment, c'est un brave type » commenta Zenberu.
Zaryusu acquiesça puis se tourna vers les Guerriers.
« Attendez ici » leur ordonna-t-il. « Ou mieux, rentrez. Il est inutile que nous mourions tous. »
Mais ceux-ci n'étaient pas d'accord. Certains parmi les plus âgés persuadèrent les meneurs de les laisser les accompagner et les plus jeunes de préserver leur vie pour protéger leur peuple. Finalement, Shasuryu prit son espadon à deux mains et se tourna vers leur adversaire.
« Désolé pour l'attente, Cocytus » dit-il.
Puis il donna le signal de l'assaut. Avec de puissants cris de guerre, les Lacertéens s'élancèrent vers leur ennemi. Comme il l'avait promis, Cocytus ne bougea pas. Mais une fois qu'ils eurent franchi les Piliers, il passa à l'action.
« Je suis navré pour les Guerriers que vous êtes, mais je vais devoir réduire votre nombre » dit-il.
À ce moment-là, une vague de froid considérable se mit à émaner de son corps et submergea les Lacertéens. Il s'agissait d'[Aura Givrée], une Compétence de la Classe Chevalier de Niflheim que possédait Cocytus. À sa pleine puissance, elle aurait atteint les spectateurs, mais celui-ci ne le désirait pas. Il avait donné sa parole. Donc il n'en relâcha qu'une partie, suffisamment pour frapper le groupe qui venait dans sa direction. Le froid était si intense que seuls les plus forts pourraient résister. Les autres mourraient.
Quand la brume glacée se dissipa, les cinq meneurs étaient encore debout. Autour d'eux gisaient les dépouilles gelées de leurs camarades. Ils n'avaient même pas eu l'occasion d'atteindre leur adversaire. Les survivants n'étaient pourtant pas indemnes pour autant. La puissance de l'Aura avait transi leurs corps. Cependant, ils étaient prêts à l'assaut.
Une pierre fendit alors l'air en direction de Cocytus. Dans le même temps, Kyuku, le Chef à l'armure d'os se précipita dans sa direction rapidement suivie par Zenberu et Zaryusu, puis par les Élémentaires, toujours présents, mais moins vifs. La glace avait laissé des craquelures sur leur corps et les avait encore ralentis. Shasuryu, lui, restait en arrière pour lancer un Sort à leur adversaire. Bien qu'étant un Guerrier, il avait également des pouvoirs de Druides et la Capacité à utiliser une Magie plus puissante que la normale.
Malheureusement, la pierre qu'avait envoyée le Chef Sukyu n'atteint jamais la carapace givrée de Cocytus. Alors que celui-ci avait visé la gorge, son galet avait ricoché comme s'il avait heurté un mur invisible.
« Inutile » dit alors celui-ci. « Nous, Gardiens, sommes immunisés aux dégâts faits par des projectiles, quels qu'ils soient. »
Alors que le Chef Kyuku approchait toujours à grande vitesse droit vers lui, Cocytus tendit la main devant lui. Le vide se mit à onduler comme de l'eau. Il plongea à l'intérieur et en sortit un sabre, un très long sabre japonais, un Odachi. Cependant, entre ses griffes sa taille paraissait presque dérisoire. Pourtant l'arme avait l'air des plus mortelle. Et elle l'était.
Sa lame fendit le vide droit sur l'assaillant en un mouvement si fluide qu'il semblait invisible. Alors que ce dernier portait l'un des Trésors de son peuple, une protection réputée impénétrable, le sabre le traversa de part en part, les tranchant lui et son armure en deux, de la tête à la queue.
Cependant, même la vision du corps mutilé de leur camarade n'arrêta pas Zenberu et Zaryusu. Le premier avait utilisé les Compétences [Arme Naturelle d'Acier] et [Peau d'Acier], les deux renforçant son corps au point que celui-ci puisse servir d'arme. Les doigts serrés et tendus en une prise appelée nukite, il visait la tête de Cocytus. Pendant ce temps, Zaryusu, lui, braquait Supplice Gelé droit sur l'abdomen du Gardien.
Une telle attaque aurait pu fonctionner contre quelqu'un de normal. Mais pas contre Cocytus. D'un même mouvement fluide, il glissa sur le côté et abattit son épée sur le bras de Zenberu. Malgré la dureté de l'acier obtenu en y concentrant un maximum de Ki, d'énergie vitale, le membre fut tranché net. Alors que le Lacertéen tombait en arrière en criant et que son moignon projetait d'énormes giclées de sang, l'une des autres mains de Cocytus se saisit de la lame de l'épée de glace de son second adversaire.
« Mmmm… ce n'est pas une mauvaise arme » dit-il pensivement.
Zaryusu siffla de dépit et voulut la récupérer. Mais la prise de Cocytus était trop forte. Y renonçant, il s'attaqua directement à l'Insectoïde en frappant son genou. Celui-ci ne bougea pas et prit le coup de plein fouet. Et pour cause, il était si dur que la douleur irradiât dans le corps entier de Zaryusu. C'était comme s'il avait heurté un épais mur de pierre.
À ce moment-là, Shasuryu se précipita vers Zenberu.
« Magie Renforcée : Soin de Masse des Blessures Légères » incanta-t-il en direction de l'autre chef et de son frère.
Alors que le Sort régénérait même le bras tranché de Zenberu, Cocytus jeta un regard curieux au Chef-Druide. Voilà qui allait intéresser ses Seigneurs. S'il ne se trompait pas, le Sort qu'il avait lancé était de Niveau 2, mais sa puissance n'aurait pas dû pouvoir restaurer un membre entier. Ce miracle n'avait été possible qu'avec l'utilisation de la Méta-Magie « Magie Renforcée » qui donnait à un Sort une puissance équivalente à un Sort de plusieurs Niveaux supérieurs. Or, d'après ce qu'avaient observé ses Maîtres chacun de leur côté, les Mages de ce monde, les Mages Humains, ne connaissaient pas les Méta-Magies. Ils ignoraient même s'ils pouvaient les utiliser. La preuve était faite ici que, non seulement elles étaient connues par les autochtones, mais que ceux-ci pouvaient également les utiliser. Les Lacertéens tout du moins.
Mais alors qu'il observait le Mage Lézard, les deux invocations de boues se placèrent en défense devant les deux Chefs. Il suffit à Cocytus d'un seul mouvement gracieux de son épée pour les détruire et les faire retourner à l'état de simple fange. Cependant, profitant de son inattention, Zaryusu avait tenté à nouveau de frapper son adversaire. Il avait lâché sa lame et avait visé ses yeux, son abdomen et la poitrine du Gardien, mais sans que celui-ci ne semble en souffrir. Toutefois, ce n'était pas le cas du Lacertéen qui poussa un gémissement en voyant ses poings. La dureté et le froid de la surface du corps de Cocytus avaient laissé sa peau à vif et sanguinolente.
« Tu gênes » lui dit alors simplement Cocytus.
D'un mouvement souple, mais fatal, de sa queue, il le projeta au loin. Celui-ci plana dans les airs sur quelques mètres avant de s'écraser sur le sol avec fracas et surtout douleur. Le choc avait été si rude qu'il avait du mal à respirer. Il sentait un goût de fer dans sa bouche. Du sang lui remplissait la gorge, lui donnant la nausée. Son torse était couvert de coupures dues aux épines qui recouvraient l'appendice de Cocytus. Des coupures profondes et qui saignaient abondamment. Pourtant, il tenta tout de même de se redresser en jetant à Cocytus un regard embrasé.
« Je vois que tu es toujours apte à te battre » dit celui-ci. « Dans ce cas, je te rends ton arme. »
Il lui lança alors Supplice Gelé avant de se détourner vers ceux qui restaient. Le bras de Zenberu n'était pas encore tout à fait guéri malgré le fait que Shasuryu venait de jeter le Sort pour la 3e fois. À ce moment-là, un nouveau caillou vola dans la direction de Cocytus et s'écrasa sur sa protection invisible.
« Ça commence à m'agacer » siffla ce dernier en tendant la main vers Sukyu, le Chef des Petits Crocs. « Échardes de Glace »
Le Sort de Niveau 3 fit apparaître un cercle d'où émergea une myriade d'aiguilles gelées qui transpercèrent le Guerrier au lance-pierre qui s'effondra dans l'eau du marais, mort avant d'avoir touché le sol. Un cri attira alors l'attention de Cocytus. Zenberu, à peine guérie, se précipitait sur lui. Son but ne semblait pas vraiment de se battre contre lui, mais plutôt de servir de diversion pour permettre à Shasuryu de soigner son frère. Le Combattant au bras géant était vif et sa perception du danger était efficace. Pourtant il suffit d'un simple geste de sa lame à Cocytus pour lui ôter la vie. La tête du fier Combattant roula sur le sol alors que son corps s'effondrait à côté, projetant des geysers de sang.
« Comme l'avait prévu Maître Harddyn, vous êtes les derniers » dit Cocytus en regardant les deux survivants.
L'épée qu'il tenait brillait dans le frêle éclat du jour. Sa lame était propre. Ni sang, ni graisse ne semblait y avoir adhéré. Cocytus lui-même n'avait fait aucune erreur depuis le début du combat. Il n'avait montré aucune faiblesse, aucune faille, rien qui pourrait faire croire aux frères qu'ils avaient une minuscule chance de le battre. Mais pourtant ils refusaient d'abandonner.
« Comment vont tes blessures, petit frère ? » Demanda Shasuryu.
« C'est mal barré » grogna Zaryusu. « Je ressens toujours une douleur sourde. Mais ça ne m'empêchera pas d'abattre encore plusieurs fois mon épée. »
« J'espère que ça suffira. De mon côté, je n'ai pratiquement plus de mana. Si je ne me concentrais pas autant, je m'effondrerais. »
« Je vois » répondit son frère avec l'équivalent d'un rictus. « Tu en fais toujours trop. »
Zaryusu avait mal. Plus mal que ce qu'il avait dit. Pourtant il refusait de laisser tomber. Il se pencha alors en récupéra son épée qu'il brandit à la face de Cocytus.
« Jamais je ne cesserai de me battre ! » S'exclama-t-il.
« Quel cri magnifique » s'enthousiasma le Gardien.
On aurait dit qu'il y avait de l'émotion dans sa voix.
« C'est bien petit frère » dit Shasuryu en posant sa griffe sur son épaule. « C'est la bonne attitude. Combattons ainsi jusqu'à la mort. »
Puis il se tourna vers leur adversaire.
« Désolé de vous avoir fait attendre, Messire Cocytus.
« Ce n'est rien » répondit l'Insectoïde. « Je ne suis pas barbare au point d'interrompre des adieux fraternels. »
Peu ou proue prêts au combat, les deux Lacertéens s'élancèrent sur leur ennemi. Cocytus remarqua alors avec étonnement qu'ils n'étaient pas coordonnés. Shasuryu était entré dans son périmètre quelques instants avant son frère. Si son visage avait été capable de sourire, il l'aurait fait. Les deux Lacertéens avaient un plan et il avait hâte de le découvrir.
Shasuryu fut le premier sur lui, mais au lieu d'aller au contact comme il aurait pu le penser, il s'arrêta juste à la limite de la portée de son arme.
« Liens Terrestres ! » S'exclama-t-il.
Des tentacules de boue émergèrent alors de l'eau autour de Cocytus, pour tenter de l'immobilier. De son côté, Zaryusu courait aussi vers son adversaire, mais en dissimulant son arme pour que celui-ci ne puisse en analyser sa portée. Il était évident que quand l'aîné des frères avait prétendu ne plus avoir assez de mana, c'était un mensonge, un mensonge destiné à Cocytus afin de lui faire baisser sa garde et permettre au cadet de profiter de l'effet de surprise pour l'attaquer par-derrière.
C'était un bon plan, mais le Guerrier n'était pas assez puissant pour faire plus que pénétrer l'armure de chitine gelée de Cocytus.
« [Rafale Glacée] ! » S'exclama alors Zaryusu en déchaînant la Compétence de son arme.
Un brouillard blanc et glacé entoura soudain Cocytus. Mais c'était en vain. Le Gardien de Glace était bien entendu immunisé contre le Gel. Cependant, sa visibilité était extrêmement réduite. Qu'à cela ne tienne, il lui suffisait d'attendre.
Rapidement, il aperçut une silhouette dans la brume venir dans sa direction. Il reconnut immédiatement Zaryusu. Celui-ci était lancé à pleine vitesse droit sur Cocytus. Ce dernier hésita. S'il lui tranchait simplement la tête, rien ne disait que son corps, emporté par son élan, s'arrêterait. Il pourrait toujours lui couper une jambe ou les bras, mais il avait bien trop d'estime pour l'autre Guerrier pour cela. À la place, il avança sa main et saisit à nouveau la lame. Trop facile. C'était trop facile. Il ne pouvait pas seulement avoir créé cette tactique pour cette attaque frontale. Non, il devait y avoir autre chose.
Mais à ce moment-là, son appareil auditif perçut quelque chose, un bruit reconnaissable qui lui fit comprendre à quel point il avait eu raison d'accorder son respect aux deux hommes. Il y eut alors un cri. Cocytus leva la tête et vit le corps en suspension de Shasuryu. Son espadon était brandi et prêt à frapper. Cette attaque-ci aurait pu marcher. Cependant…
« Une attaque surprise se doit d'être exécutée en silence ! » S'exclama Cocytus.
Ce que son ouïe avait perçu, c'était les pas du Lacertéen dans l'eau puis le bruit, plus distinct, qu'il fit en sautant. S'il avait pu ne serait-ce que masquer ce bruit, alors tout aurait pu être différent… Mais ce n'était pas le cas. À nouveau, son sabre meurtrier traversa l'air et son tranchant fendit le Guerrier et son arme en deux.
À ce moment-là, alors qu'il pensait que Zaryusu n'était plus une menace, il sentit sa lame bouger. Il retourna son attention vers elle et remarqua un détail particulier. Elle était recouverte d'un liquide rouge. Du sang. Comme Cocytus avait déjà utilisé ce moyen pour bloquer l'épée, le Lacertéen s'en était souvenu. Il avait délibérément donné un coup moins puissant pour que la prise de Cocytus soit mains importantes. Grâce à cela et à la viscosité du liquide, la lame bougeait inexorablement vers le corps de l'insecte géant.
Celui-ci frémit de plaisir. Le Voyageur avait tout misé sur sa chance et il avait réussi. Il avait mis au point une tactique suffisante pour tromper l'une des créations des Êtres Suprêmes. Oui. Pour lui, c'était ça un véritable guerrier. Et pourtant…
« Magnifique… » murmura Cocytus.
Avec une ultime poussée, Supplice Gelé échappa à son emprise et se dirigea droit vers son corps. Mais alors que la pointe de la lame l'atteignait, elle fut repoussée. À l'endroit de l'impact, la chitine glacée de Cocytus était intacte.
« Navré » dit le Gardien à son adversaire. « Mais je possède une Compétence qui me permet d'annuler temporairement tous les dégâts d'attaques de faible niveau. Tant qu'elle est active, vos assauts ne serviront à rien. »
Si cela n'avait été que de lui, s'il n'était pas le bras armé des Êtres Suprêmes, alors Cocytus aurait accepté la cicatrice avec plaisir. Mais voilà, il ne pouvait pas se le permettre. Ainz Ooal Gown et Harddyn Emeryas, Souverains du Grand Tombeau de Nazarick, lui avaient ordonné de leur apporter une victoire éclatante et c'était ce qu'il allait faire.
Cependant, il y avait quelque chose qu'il pouvait faire. Un pas. Un simple pas en arrière. Lui qui n'avait pas bougé de tout le combat avait accordé un pas à ce courageux adversaire et approuvé sa valeur. Celui-ci découvrit alors les crocs en une expression si humaine qu'on ne pouvait se tromper. Il souriait. C'était un sourire pour remercier son bourreau et également, car il savait qu'à présent il allait mourir.
Cocytus leva une dernière fois sa lame et l'abattit. La tête de Zaryusu se détacha de son corps et roula sur le sol. Il s'effondra.
Le combat était terminé.
0o0o0
Cocytus s'inclina devant ses maîtres.
« C'était un magnifique combat » dit Ainz.
« Tu as fait honneur à Nazarick ainsi qu'à tes adversaires » ajouta Harddyn.
« Vos mots me vont droit au cœur, Maîtres. »
« Considère donc toi dès à présent pardonner pour tes fautes » rajouta l'Overlord.
« Je rends grâce à votre mansuétude. »
« Bien, bien, et en ce qui concerne les… Lacertéens, nous leur avons donné un sacré coup de bâton, ne trouves-tu pas, Harddyn ? »
« En effet, je pense qu'à présent il est temps de leur montrer la carotte. »
« Tu comprends ce que cela veut dire, Cocytus. En aucun cas, tu ne devras gouverner par la peur. »
« Je comprends » dit le Gardien avec révérence.
Ainz se tourna alors vers les autres PNJ présents.
« À partir de cet instant, Cocytus sera chargé de diriger les Lacertéens. Un village unique sera construit pour eux et pour lui. S'il venait à requérir de l'aide, qu'aucun d'entre vous n'hésite à la lui donner. Quant à toi Cocytus, ton devoir sera de leur inculquer la fidélité à Nazarick ainsi qu'une éducation spéciale, mais ce sera à toi de décider. Et si tu as besoin de quoi que ce soit pour mener à bien ton objectif, n'hésite jamais à demander. »
« Si cela devait arriver, je l'en remettrais à vous Maître Ainz, Maître Harddyn » répondit le Gardien. « Cependant, j'aurais une question à vous poser. J'aurais voulu savoir ce que vous comptiez faire des Léz… des Lacertéens. »
« Lesquels ? »
« Les Guerriers nommés Shasuryu et Zaryusu. »
« Je pensais en faire des Morts-Vivants. Comme des cadavres de tous leurs semblables. »
« Je crois que ce serait du gâchis, Maîtres » dit Cocytus.
Harddyn et Ainz se regardèrent et retinrent un sourire (chose qui fut bien plus facile pour l'un que pour l'autre). Un Serviteur les avait contredits pour donner son avis. C'était une réussite totale.
« Insinuerais-tu qu'ils auraient une plus grande valeur vivant que morts ? » Demanda Harddyn.
« Certes, ils sont faibles, cependant leur bravoure au combat me fait dire qu'ils pourraient receler un potentiel caché qu'il serait préférable que nous cultivions pour le bien de Nazarick. »
« Vraiment… » dit pensivement Ainz avant de se tourner vers ses serviteurs. « Albedo, qu'en penses-tu ? »
« Il sera fait selon vos désirs » répondit la femme.
« Demiurge ? »
« Je pense que votre jugement sera le plus juste. »
« Shalltear ? »
« Je conçois le même avis que Demiurge. Je me soumettrai à votre décision. »
« Aura ? »
« Je suis du même avis que les autres. »
« Mare ? »
« Oh ! Euh… ah… pa… pareil. »
Harddyn soupira en levant les yeux au ciel.
« Vous tous, vous avez été parfaitement… inutile, merci beaucoup » siffla-t-il.
« Veuillez nous excuser, Maître Harddyn » dit humblement Albedo.
« Que vous n'ayez pas d'avis sur la question est une chose. Cependant, être automatiquement d'accord avec nous n'aide personne. La prochaine fois, si vous avez un avis, dites-le. »
« Oui, Maître » répondirent les Gardiens d'une seule voix.
Harddyn soupira. Il y avait encore du travail.
« Pour ma part, j'approuve la demande de Cocytus. En fait, je voudrais également l'étendre aux trois autres Combattants que Cocytus a affrontés. »
« Ils étaient beaucoup plus faibles que les deux premiers » firent remarquer Shalltear.
« Merci, Mademoiselle Évidence » siffla Harddyn avec énervement.
Parmi ceux dont elle parlait, il y avait son Zenberu.
« Cela n'a rien à voir avec la force, mais avec la politique. Si nous rassemblons les cinq Chefs directement sous l'autorité de Cocytus, ils constitueront une continuité dans la chaîne du commandement. Étant des leaders désignés, qu'ils transmettent l'autorité de Cocytus à leur peuple lui donnera une légitimité plus importante. De plus, leur habitude de gestion lui sera d'une grande aide. »
« J'approuve ton analyse » dit Ainz.
« Et qu'en est-il de l'autre Guerrier, le frère du Chef, Zaryusu ? » Demanda Cocytus.
À ce moment-là, les lèvres d'Harddyn s'étirent en un large sourire de conspirateur.
« En ce qui concerne celui-là, j'ai un plan, et pour le moment, il est plus utile mort que vivant. »
0o0o0
Crusch Lulu était plus prostrée que prosternée devant ses nouveaux Seigneurs. Elle sentait ses yeux la piquer, mais elle n'avait plus de larmes à verser. Et en aurait-elle eu encore, elle ne se serait pas permis de les laisser voir aux deux êtres en face d'elle. Elle avait été convoquée. Elle agissait en tant qu'émissaire de son peuple. Elle devait donc faire bonne impression. Pour leur salut à tous.
« Quel est ton nom ? » demanda Ainz de sa voix profonde.
« Ô, Seigneurs de la Mort et Être Absolus, Maître Ainz Ooal Gown, Maître Harddyn, Emeryas, Je suis la représentante des Lézardiens. Je me nomme Crusch Lulu.
« Nous te souhaitons la bienvenue » dit Harddyn.
Celui-ci se retint de sourire aux pensées qu'avait Ainz au sujet de la femelle. Sous la lumière magique de la pièce, ses écailles blanches scintillaient. Ainz se demandait si elles étaient douces au toucher. Les pensées d'Harddyn, elles, étaient plus d'ordre sexuelles.
Ainz remarqua alors ses épaules légèrement tremblantes. Il ne faisait pourtant pas froid. Même Cocytus n'émettait pas son [Aura Glaciale].
« Elle a peur » dit Harddyn dans sa tête. « Nous sommes les êtres qui avons anéanti une partie de son peuple et réduit les autres à l'état de servitude avec une très grande facilité. Nous avons promis la vie au reste de ses semblables, mais en tant que représentante, elle craint qu'une parole de sa part ne nous fasse changer d'avis. »
« Et mon silence doit lui sembler comme une sentence de mort… » conclut Ainz.
« Précisément. »
Ainz n'éprouvait pas de plaisir à tourmenter les faibles. Harddyn, plus. Cependant, cela concernait seulement ceux qu'il n'aimait pas… ou qu'il aimait bien. Il ne ressentait rien de particulier face à la femelle. Il était donc inutile qu'ils prolongent sa souffrance.
« Dorénavant, ton peuple passera sous notre domination » dit l'Overlord. « Pour célébrer ce fait, nous allons lui attribuer un autre nom. À partir de ce jour, vous ne serez plus connu sous le nom de Lézardiens, mais de Lacertéens. »
« Lacertéens ? » demanda Crusch en essayant de contenir sa surprise.
« Ce nom de "Lézardiens", vous a été donné par les Humains, n'est-ce pas ? » L'interrogea Harddyn.
« Ou… Oui »
« Avant cela, en aviez-vous un à vous ? »
Harddyn sentit la femelle réfléchir. Elle devait fouiller sa mémoire pour trouver le moindre bout d'information sur ce nom. Avait-il seulement lieu d'être ? Beaucoup de peuples ne devaient leurs noms qu'à l'ingérence d'un autre. C'était le cas pour les Gaulois. Jamais ceux-ci ne s'étaient appelés Gaulois avant que les Romains ne les nomment ainsi. Eux étaient Parisii, Albiques, Convènes, Tricastins… Différentes tribus que des ignorants avaient rassemblées sous un patronyme identique. Et c'était la même chose pour les Hommes Lézards qui avaient leurs propres tribus. Mais aujourd'hui, les tribus s'étaient unies. Un nouveau nom était donc de mise.
« Je n'en ai pas le souvenir » répondit Crusch au bout d'un moment.
« Dans ce cas, nous avons décidé de changer ce nom enfantin et disgracieux donné par moquerie par une espèce se pensant supérieure pour un nouveau reflétant votre fierté et vos origines » dit solennellement Harddyn. « C'est pour cela que vous serez appelés Lacertéens au sein de notre territoire. »
« Comme il vous plaira, Mes Seigneurs » dit Crusch.
Il n'y avait aucun indice comme quoi elle aimait ou détestait ce nom.
« Je charge Cocytus de parler en notre place auprès de vous » reprit Ainz. « Il diffusera notre parole et vous dirigera. As-tu une objection ? »
« Non, aucun, Seigneur »
« Bien, je te chargerai donc de l'aider dans cette tâche. Tu travailleras directement sous sa tutelle pour faire prospérer votre peuple. »
« Il… Il en sera fait selon vos désirs.
« Rassure-toi » intervint Harddyn. « Tu ne seras pas seul, les autres Chefs t'aideront. Vous serez le lien entre votre peuple et vos nouveaux Maîtres. »
« Les Chefs… » balbutia Crusch sans comprendre.
Tous les Chefs étaient tombés au combat et comme ils allaient être dirigés par les Seigneurs de la Mort, ils n'en avaient pas choisi de nouveau.
« Je vois les questions se presser dans tes yeux » dit Harddyn en se levant.
Il s'avança alors vers elle, mais s'arrêta juste au bord de l'estrade.
« Sache que si Ainz est un Dieu de la Mort, moi je suis un Dieu de la Vie. Je pourrais parfaitement ressusciter les Chefs déchus. »
Bien entendu, À la fois Ainz et Harddyn avaient la capacité de prétendre aux deux titres. Cependant, Harddyn avait proposé qu'ils ne montrent chacun qu'un seul de ces deux aspects. La séparation des Pouvoirs rendrait leur existence plus crédible auprès des autres peuples et leur permettrait de garder certains atouts dans leur manche. Bien évidemment, à cause de son apparence et également parce que toutes capacités de soins ou de résurrection qu'il pourrait avoir lui viennent d'Artefacts, il était préférable que ce soit Ainz qui soit affilié à la Mort et Harddyn à la Vie.
« En êtes-vous vraiment capable, Mon Seigneur ? » Demanda alors Crusch avec espoir.
« Sois-en assuré » lui répondit Harddyn. « Cependant, une telle bénédiction ne peut venir que d'un certain mérite… ou d'un besoin. C'est pour cela que nous ne ramènerons à la vie que les quatre autres Chefs afin qu'ils t'assistent. »
Harddyn vit ses épaules s'affaisser à cette nouvelle. Il savait parfaitement quel fol espoir elle avait conçu en elle-même en entendant parler de ses pouvoirs. Il savait qu'il la tenait.
« Tu peux partir à présent » lui dit-il.
« Merci, Mes Seigneurs » dit Crusch en retenant ses larmes qui menaçaient à nouveau de couleur.
Elle n'aurait pas cru qu'il lui en restait.
« À bien y réfléchir… » commença Harddyn alors qu'elle se relevait.
« Oui ? » demanda la femelle.
« Il y aurait un service que je voudrais te demander. Quelque chose de bien particulier… »
« Je suis à vos ordres, Mon Seigneur. »
« Bien entendu, je ne te demande pas cela en tant que servante. Ce serait donc un service que tu me rendrais… un service rémunéré. »
Harddyn s'avança et se mit à genoux près d'elle. Il prit son menton dans sa main et lui releva la tête.
« Je t'ai dit que la bénédiction de la résurrection se gagnait au mérite. Si tu me rends ce service, alors je te récompenserais en te rendant ton Zaryusu. »
Crusch écarquilla les yeux.
« Vous feriez ça, Mon Seigneur ? »
« Bien sûr. Je n'ai qu'une parole. »
« Je serais prête à donner n'importe quoi pour cela, Maître. Que désirez-vous ? Mon corps ? »
Harddyn éclata de rire, tant à cause de la demande que du bruit étouffé qui venait d'Ainz, juste derrière lui.
« C'est une proposition tentante » dit-il à la femelle lézard. « Mais non, j'ai autre chose en tête. »
Son expression se fit alors sérieuse.
« Je voudrais que tes oreilles écoutent tes semblables, que tes yeux les observent et que ta langue nous rapporte tout mouvement visant à nous trahir » dit-il.
« De tels mouvements ne peuvent exister parmi vos fidèles Léz… Lacertéens » s'exclama Crusch.
« Dans ce cas, tu n'auras pas grand-chose à faire » dit-il. « Cependant, je veux que cela soit fait. Je ne connais pas la nature de ton peuple, mais je connais celle des Humains. La trahison est souvent dans leurs gènes. Je refuse donc de prendre des risques. »
C'était un plan parfait. Bien entendu, comme c'était pour satisfaire à la demande de Cocytus, il avait déjà accepté de ressusciter Zaryusu. Cependant s'il pouvait également en obtenir un bénéfice de la part de Crusch Lulu, il n'allait pas dire non… Et elle non plus.
« Sache que ce miracle ne se reproduira pas deux fois » dit-il à la femelle en face de lui. « Je peux ramener Zaryusu à la vie tel qu'il était avant ou bien laisser son corps pourrir. C'est à toi de choisir. »
« Je sais que la résurrection existe, mais… » hésita Crusch. « C'est la Magie des Mythes… »
« Et ne suis-je pas un Dieu ? » demanda Harddyn.
Il se pencha jusqu'à son oreille.
« Réfléchis. Qu'est-ce qui t'ais le plus précieux en ce monde ? »
Harddyn savait qu'elle avait déjà accepté. Après tout, c'était un marché équitable. Il était donc forcément bon. La nature des êtres voulait qu'ils se méfient de ce qui était gratuit, car en vérité, rien ne l'était vraiment. Une compensation suffisante permettait alors de faire passer tout acte charitable, mais suspect en une transaction de confiance.
« Tu vas espionner tes camarades en toute discrétion » dit-il en se relevant et en se dirigeant à nouveau vers l'estrade. « Mais prends garde. Sache également que je lancerai un Sort spécial sur Zaryusu. À la moindre perfidie de ta part, la Magie le tuera et tu souffriras encore plus que maintenant, car tu sauras que cette fois, c'est toi qui as provoqué sa mort. Qu'en penses-tu ? »
« Heureusement qu'elle ignore que ce genre de Sort n'existe pas » Soupira Ainz dans sa tête.
« En fait, il en existait dans notre Ancien Monde qui le pouvaient. Par exemple, je pourrais prélever son cœur ce qui me permettrait de le tuer à n'importe quel moment et à distance… ou même de le contrôler. »
« C'est… effrayant. »
« Je sais. »
« Et si je refuse ? » demanda prudemment Crusch après quelques instants.
« Rien ne t'arrivera. Personne ne te fera de mal. Je te l'ai dit, c'est un service que je te demande et non pas un ordre. Cependant, si ce que tu crains est que Zaryusu apprenne au sujet de notre marché rassure-toi. Ton nom ne sera pas cité. Je dirais à qui veut l'entendre que sa résurrection est le fait de sa bravoure. »
Harddyn ouvrit alors ses ailes en grand et activa les aura dorées de ses vêtements. Debout sur l'estrade, il dominait la femelle dans toute sa splendeur, lui interdisant ainsi de douter qu'il était véritablement un Dieu.
« Alors, Crusch Lulu ? Que décides-tu ? »
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Zaryusu avait l'impression de flotter dans un immense océan.
Il ne voyait rien.
Il n'entendait rien.
Il ne ressentait rien. Rien sauf… quelque chose. Une caresse. Comme une main frôlant la sienne pour le remonter à la surface. Cette sensation était si chaude par rapport au froid qu'il éprouvait. Il voulait la saisir, mais il hésitait. Il était si fatigué. Et pourtant la main était là, si chaude. Tellement qu'il finit par se laisser conduire.
Et soudain, ce fut comme si le poids du monde était sur lui. Il eut le souffle coupé avant de se rendre compte qu'il pouvait à nouveau respirer. Il sentait la lumière du soleil tiède de la Saison de l'Eau sur lui et tenta d'ouvrir les paupières, mais elles étaient si lourdes. Il réussit finalement et fut ébloui.
« Zaryusu ! » s'exclama alors une voix.
Il la connaissait. Plus que cela, il l'aimait. Il aimait cette voix.
« Cr… Crusch » gargouilla-t-il.
Sa mâchoire était engourdie. Il arrivait à peine à parler. En fait, son corps entier semblait engourdi. Il avait du mal à bouger. Il réussit néanmoins à tourner les yeux pour voir la forme d'un blanc éclatant de sa bien-aimée.
Mais il ne comprenait pas. Comment ? Comment pouvait-il la revoir alors qu'il était certain que cela ne se produirait jamais ? Car il se souvenait. Il se souvenait de la lame. Il se souvenait du moment où Cocytus l'avait tué.
« Tu… as été… tuée… toi… aussi ? »
Chaque mot lui demandait un effort pour sortir et plus encore pour qu'il sorte comme il le désirait et non pas comme un borborygme indistinct.
« Lui aussi a l'air un peu confus » dit une autre voix.
Zaryusu tourna péniblement la tête vers celle-ci et aperçut un être ailé avec des cornes et une longue chevelure de jais. Derrière lui, il vit un grand squelette en robe noire et tout autour, des Lézardiens qui les observaient en chuchotant, le regard mêlé d'admiration et de crainte.
« Mais les autres ont l'air d'aller bien, donc je pense que lui aussi » dit l'être ailé.
Quel était son nom déjà ? Il le savait… Harddyn. Harddyn Emeryas. Et le squelette était Ainz Ooal Gown. Comme lui et ses compagnons avaient été vaincus par Cocytus, ils étaient les nouveaux Maîtres de leur peuple.
Puis Zaryusu se rendit compte de ce que son Seigneur avait dit. Les autres ? Quels autres ? Il tenta de se redresser et, avec l'aide de Crusch, réussit à se mettre à genoux. Au centre du cercle formé par les membres de toutes les tribus, en plus de lui, Crusch et les deux Souverains, il y avait trois autres personnes qui semblaient, comme lui, fatiguées et hagardes. Il reconnut immédiatement l'un d'eux.
« Sha… suryu ? C'est… toi… mon… frère ? » balbutia-t-il.
Ce dernier se retourna. C'était bien Shasuryu Shasha, le Chef des Griffes Vertes et accessoirement son frère aîné. Il reconnut également Sukyu Juju, le Chef des Petits Crocs. À côté de lui se trouvait un autre Lézardiens qu'il mit un peu plus de temps à identifier. Il finit par comprendre qu'il s'agissait de Kyuku Zuzu, le Chef des Queues Acérées. Son armure lui avait été retirée si bien qu'il avait l'air très différent. Le plus marquant était la lueur d'intelligence qui semblait renaître dans ses yeux à présent débarrassés du Trésor maudit. Il était aussi peu vaillant que les autres, mais on voyait déjà son intellect lui revenir.
« Vous tous » dit alors Ainz en s'approchant. « Je vous félicite pour votre résurrection. »
Les quatre Lacertéens le regardèrent avec surprise. Ils avaient été ressuscités ? Mais comment ? Ils voulaient poser des questions, mais les mots n'arrivaient pas à sortir de leur bouche tant ils étaient ébahis.
« Qu'y a-t-il ? » demanda Ainz. « Votre peuple ressentirait donc de l'aversion face à cette Magie ? »
« Vous… Vous pouvez… vraiment… ramener… les morts ? » l'interrogea Zaryusu.
« Je le peux » intervint Harddyn. « Le prix en est cette immense faiblesse qui vous étreint. Mais elle finira par s'estomper. Cependant, le processus nécessitait un sacrifice. Pour renaître, vous avez perdu un peu de votre force et il vous faudra travailler dur pour la retrouver. »
Harddyn possédait des Sorts de Résurrections qui pouvaient rendre la vie sans aucune pénalité. C'était le cas de Sorts de Niveau 10 ou de ceux de Niveau 12, les Sorts Ultimes créés par la Mort. Mais de la même façon qu'Ainz dissimulait qu'il pouvait lui aussi rendre la vie aux défunts, il préfère conserver ses atouts dans sa manche.
« Cela a dû… vous demander… des efforts » déclara Kyuku Zuzu.
« Non, pas tellement. C'était assez facile » dit nonchalamment Harddyn.
Sa réaction était en partie jouée. Certes, il était vrai qu'il n'y avait rien de compliquer à utiliser ce sort. Cependant, présenter une attitude totalement détachée prouvait à leurs nouveaux sujets à quels points ils étaient puissants.
Aussitôt, les quatre ressuscités se jetèrent face contre terre dans un même mouvement.
« Nous vous jurons fidélité » dirent-ils d'une seule voix sans même se concerter.
« Très bien » dit Ainz. « Que voudriez-vous que je vous promette ? »
« La prospérité » répondit Shasuryu.
« Il sera fait selon votre volonté » dit l'Overlord. « Cependant, il vous faudra également travailler dur. C'est la raison pour laquelle nous avons ressuscité les plus forts d'entre vous, dont les Chefs de vos tribus. Vous travaillerez avec Cocytus, à qui je donne le commandement sur votre peuple, afin de lui apporter cette prospérité que vous demandez tant. »
« Nous vous remercions » dit Sukyu Juju avec déférence.
À ce moment-là, Zaryusu se rendit compte que quelque chose clochait. Le Seigneur Ainz avait dit qu'ils avaient besoin des Chefs pour diriger leur peuple. Cependant, il en manquait un parmi eux.
« Si nous devons tous travailler pour le bien de la tribu, qu'il en soit ainsi » dit Zaryusu. « Mais je remarque que l'un d'entre nous n'est. Je serais ravi d'aider mon frère et les autres dans leur tâche, mais ne serait-il pas préférable de ramener également le cinquième chef Zenberu Gugu ? »
À ce moment-là, Harddyn fit un sourire. Oh oui, il allait revenir. Cependant, il fera ça lui-même dans un lieu plus tranquille. Après tout, il lui appartenait.
À suivre…
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Et voilà un autre chapitre. Je suis désolée pour le retard. Après la sortie du dernier, j'ai été un peu malade ce qui m'a empêché d'écrire le chapitre de Check mate DxD. Après cela, j'ai eu le syndrome de la page blanche et j'ai eu du mal à finir ledit chapitre. Mais pour ceux qui lisent, Check Mate, ne vous inquiétez pas. Je suis prêt à finir le chapitre et à commencer le suivant ce qui fait que la semaine prochaine, vous n'en aurez pas un, mais deux.
J'ai fait un petit clin d'œil à moi-même dans ce chapitre. En effet, quand j'ai énuméré des tribus gauloises, j'ai nommé les Tricastins qui vivaient dans la Drôme. Une mauvaise traduction du nom que les Romains avaient donné à la colonie établie à cet endroit (Augusta Tricastinorum) a donné Saint-Paul-Trois-Châteaux qui est la ville où j'ai passé mon enfance.
Le sort dont parle Harddyn à propos du cœur de Zaryusu est une référence à la série Once Upon à Time.
Pas de sexe pour ce chapitre, mais ça va venir la prochaine fois. En attendant, n'hésitez pas à m'envoyer des commentaires et je vous dis à dans deux semaines.
