Bonjour les lecteurs de VORACITY. Ça faisait longtemps. Je suis désolé du retard pour ce chapitre. Je suis désolé aussi de ne pas vous avoir dit que je prenais un congé pour les deux dernières semaines de décembre. À ce moment-là, j'écrivais un chapitre de Check Mate DxD… que je ne suis pas arrivé à finir.
J'ai voulu le remettre à après mes vacances, mais manque de bol je suis tombé malade. Pas le Covid, je vous rassure, mais ça m'a prit une semaine pour guérir et une autre pour récupérer. J'ai donc pu enfin finir le chapitre de DxD et me voilà pour un nouveau chapitre de VORACITY qui, j'espère, vous plaira.
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VORACITY I —New World
Arc 4 : L'Écuyer Contrefait
Chapitre 1
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Des cheveux argentés coulant presque jusqu'au sol.
Des myriades de dentelles violettes cousues sur le tissu noir de nuit d'une robe.
Une peau pâle, visible seulement sur les petites mains graciles, mais néanmoins mortelles et sur son visage de poupée.
Deux yeux rouges, intenses, méprisants, ornant un faciès au sourire tout aussi condescendant.
« Je suis un monstre cruel, impitoyable et inhumain… mais je reste jolie. »
Assaut. Impuissance. Peur. Fuite.
« Donc on joue à chat maintenant ? D'accord, j'accepte. »
Le sourire se transforme alors en trou noir Gabriel de dents en aiguilles. La peau nacrée devient cireuse. Les yeux se mettent à luire…
La poursuite commence.
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Brain se redressa dans son lit avec un cri. Son souffle était court et sa peau trempée de sueur. Les yeux écarquillés, il regarda autour de lui avec frénésie. Son esprit était encore embrumé par les affres de la peur due à son cauchemar et il craignait d'être à nouveau dans la grotte.
Mais ce n'était pas le cas. Il se trouvait dans une chambre. Pas très grande, ses murs étaient recouverts de chaux abîmée. Le sol, lui, était en parquet grossier. Le mobilier se composait seulement d'un guéridon avec une jatte en terre cuite posée dessus et une aiguière de peau durcie à côté. Celle-ci contenait de l'eau à verser dans la jatte pour la toilette. Il y avait cependant un petit miroir pour se raser ce qui représentait un grand luxe. Le seul autre objet dans la pièce à l'exception bien sûr du lit où il était couché était le seau pour ses besoins.
Reconnaissant l'environnement devenu familier, Brain soupira et prit sa tête entre ses mains. Il ne se trouvait pas chez lui, mais il était à l'abri. Il savait qu'ici elle ne pourrait pas le retrouver quant à l'atteindre… non, il devait faire confiance à l'homme le plus fort du pays, le Capitaine des Guerriers de Re-Estize, Gazef Stronoff. En effet, c'était avec ce dernier qu'il habitait, dans la petite maison qu'il occupait seul dans les faubourgs de la capitale.
Brain ne se rappelait plus vraiment comment il était arrivé jusque-là. Les jours qui avaient suivi l'attaque de son repaire étaient un peu flous. Il se souvenait s'être enfui par le passage secret en rampant au sol comme un vulgaire rat, s'écorchant le corps tout entier pour aller plus vite et s'éloigner du monstre qui avait ruiné sa vie. Par la suite, muni de son simple sabre, il s'était traîné sur la route, grimpant discrètement dans des chariots de marchandises quand il le pouvait et marchant quand il le devait. Pour se nourrir, il avait chipé de quoi manger dans ses moyens de transport ou alors jeûné.
Il avait eu de la chance, il n'avait jamais été surpris, ni par les marchands, ni par les soldats qui assuraient la sécurité, pas même par les gardes de la capitale quand il était arrivé. D'ailleurs, il ne savait pas ce qui se serait passé si jamais il avait été découvert. Il ne se serait probablement pas battu. Depuis les évènements, il n'avait plus confiance ni en sa force ni en sa lame. S'il la transportait encore, c'était plus par habitude que par désir de s'en servir. Confinée dans son fourreau, elle faisait également un pas trop mauvais bâton de marche.
Et puis une fois à la capitale, tout ce qu'il avait fait avait été de traîner dans les rues comme un vagabond. Il ne savait même pas pourquoi il était venu. Espérait-il mettre de la distance entre lui et la femme vampire ? Possible. Ce n'était que plus tard qu'il avait compris qu'en vérité il cherchait quelqu'un. La seule personne à l'avoir jamais vaincue, la seule personne pour laquelle il s'était entraîné durement afin de devenir le meilleur épéiste qui soit avant que son rêve de revanche soit anéanti par un monstre aux apparences de jeune fille.
Gazef Stronoff.
Et il l'avait trouvé. Ou plutôt c'était lui qui l'avait trouvé.
Il pleuvait ce jour-là. L'orage avait grondé toute la matinée avant de finalement déverser ses trombes d'eau sur la ville. Ce n'était pas les premières averses de la Saison de la Terre, loin de là. Mais c'était probablement les plus abondantes. Pas un temps à être dans les rues. Et pourtant c'était là que se trouvait Brain, assis dans une venelle, recroquevillée à cause du froid et tenant son katana fortement dans sa main.
Il frissonnait, mais en même temps son esprit était ailleurs. Il était… hanté. C'était comme ça depuis des jours. Depuis les évènements. Et ça s'était aggravé depuis son arrivée à la capitale. Sur la route, il était plus facile de récupérer de la nourriture, mais ici… ici, il mourrait de faim et aussi de froid. Pourtant son cerveau peinait même à enregistrer ça. Il était prostré.
Jusqu'à ce qu'il entende une voix.
« Ungalus ! Brain Unglaus ! »
Brain avait alors tourné la tête vers l'homme. C'était la première fois depuis des jours qu'il répondait quand on l'appelait. Peut-être parce que la personne avait prononcé son nom. Non, c'était plutôt parce que c'était lui. Son rival.
« Oh… Stronoff » avait-il simplement dit.
Cela devait être ses premiers mots depuis… ce moment-là. Il savait qu'il devait être dans un état pitoyable, mais cela ne le préoccupait pas vraiment. Pas encore du moins. Il était encore trop sous le choc pour ça.
« Que t'est-il arrivé ? » Avait alors demandé Gazef.
Son visage mêlait stupeur et inquiétude. C'était étrange. Réconfortant aussi. Et il voulait répondre. Il le voulait, mais il ne le pouvait pas.
« Dis, tu crois qu'on est fort ? » L'interrogea-t-il.
Il ne savait pas ce qu'il avait espéré avec cette question. Sans doute une affirmation, un soutien, une consolation même. Mais le regard de Gazef Stronoff à ce moment-là était loin d'être réconfortant. Il doutait. Le guerrier le plus puissant du Royaume, celui que même l'Empire craignait, doutait. Il doutait d'être le plus fort. À ses yeux, Brain avait deviné que lui aussi avait rencontré un être qui ne pouvait être battu.
« On est faible » avait-il alors dit. « Je peux te l'assurer. On est que des Humains, finalement. Nous sommes insignifiants. Notre talent à l'épée ne vaut absolument rien. Il n'est remarquable qu'à notre échelle, celle d'une espèce inférieure… »
« Les sommets existent » avait répondu Gazef. « Est-ce que ce n'est pas pour nous en approcher que nous ne ménageons pas nos efforts ? »
Brain avait alors ressenti de la colère.
« C'est faux ! On parle d'un niveau totalement différent ! »
Pourquoi lui disait-il ça ? Pourquoi voulait-il qu'il garde ainsi espoir ? Il savait ! Il avait lui aussi rencontré un être comme Shalltear, Brain en était sûr. Il l'avait vu dans ses yeux. Alors pourquoi essayait-il de lui faire garder espoir ? Comment arrivait-il à garder lui-même espoir ?
« Stronoff, nous aurons beau nous démener, nous n'atteindrons jamais les véritables hauteurs. C'est impossible pour l'espèce Humaine. Au final, nous ne faisons que jouer avec des bâtons. Cela n'a pas changé depuis nos jeux d'enfants. »
Brain avait la fièvre en disant ces mots. Il ne se souvenait même plus d'où ils étaient venus. Ils avaient jailli de lui comme s'ils avaient macéré dans son crâne depuis des jours et qu'il les vomissait à présent sur son rival.
« Toi aussi tu as confiance en tes capacités ? » Avait-il repris. « Mais elles ne valent rien ! Tu te bats juste avec un déchet en main et tu penses pouvoir protéger les gens ! »
« Tu as donc vu un sommet assez haut pour te faire désespérer… » avait dit Stronoff après lavoir longuement regardé dans les yeux.
« Je l'ai vu. Et j'ai su. Un humain ne pourra jamais le surpasser. Et encore, qu'est-ce que je dis ? Ce n'était même pas le sommet. Je n'étais pas assez fort pour pouvoir déceler sa vraie puissance. Ce n'était qu'un jeu. Un jeu ridicule… »
« Et bien… tu n'as plus qu'à t'entraîner pour être capable de voir ces hauteurs. »
À nouveau, Brain ressentit de la colère envers le Capitaine. Non, c'était plus de la rage, la rage qui naît de la frustration de ne pas être compris.
« Je te dis qu'un Humain ne pourra jamais approcher le niveau de ce monstre ! » S'écria-t-il. « On aura beau polir nos talents sans cesse et manier notre épée encore et encore, il sera toujours impossible de l'égaler ! Tout ça est futile. Je me demande même ce que moi je cherchais en vérité. »
C'était après avoir dit ces mots que Brain s'était senti las. Très las. Et c'était là qu'il avait compris. Il avait compris que tout ce temps il avait cherché Gazef Stronoff. Mais pas pour être protégé par lui, non, juste pour le revoir. Une dernière fois. C'est ça. Après ce qu'il avait vécu, Brain n'avait plus vraiment envie de survivre dans ce monde. Il voulait mourir.
Mais Gazef Stronoff ne l'avait pas laissé faire. À la place, il l'avait amené chez lui et l'avait installé dans cette chambre. Il l'avait ensuite veillé les premiers jours à cause de la fièvre qui s'était développée. Puis il l'avait nourri et les deux hommes avaient commencé à vivre ensemble. Cela durait depuis presque deux Saisons. La Saison de l'Eau était passée. On venait d'entrer dans la Saison du Vent.
À présent, Brain ne voulait plus mourir. Plus autant. Il reprenait peu à peu goût à la vie. Mais ça, c'était dans la journée. La nuit, il la revoyait elle, il la revoyait changer et il revoyait… le sang.
En effet, ce jour fatidique, il avait fait l'erreur de ne pas s'enfuir tout de suite. Après avoir abandonné ses subordonnés et fui vers la réserve, là où se trouvait le passage, il était resté. Par le trou de la serrure, il avait assisté à l'innommable boucherie perpétrée par Shalltear. Il avait vu le monstre déchirer le corps de ses hommes comme s'il s'était agi de simples poupées de chiffon. Il avait vu leurs os brisés sortir de leurs chairs, leurs entrailles émerger de leur ventre et puis aussi le sang. Tout ce sang.
À un moment, l'un des cadavres avait été projeté droit sur la porte. Brain s'était jeté en arrière en criant et était tombé sur les fesses. Pendant un instant, il s'était figé craignant que le bruit n'ait alerté Shalltear. Mais c'était ridicule, tous ses hommes hurlaient en attaquant ou en mourant. Le sien ne pouvait pas être différencié des autres. Pourtant il était resté figé.
Pendant ce temps là, le sang du cadavre contre la porte s'était infiltré par l'interstice et une flaque avait commencé à se reprendre. Quand elle atteignit Brain, elle se mélangea à l'urine que l'homme n'avait pas réussi à retenir tellement il avait peur.
Mais outre la terreur, outre le désespoir et le choc, Brain avait ressenti autre chose. Et c'était cet autre chose qui l'avait sorti de sa stupeur plus que le reste. Face à ce carnage, son corps avait eu une réaction inattendue qui l'avait emplie d'un sentiment d'horreur.
Soudain, Brain dégagea sa tête de ses mains et enleva son drap d'un coup sec. En dessous, ses jambes nues étaient tout aussi luisantes de sueur que son torse. Il avait pris l'habitude de dormir sans le moindre vêtement. En effet, en raison de ses cauchemars, ils finissaient chaque nuit invariablement trempée donc il avait décidé de s'en passer. Mais à cause de cela, il avait une vue imprenable sur l'objet de son dégoût.
Avec horreur, son regard était dirigé droit vers son sexe turgescent. C'était cela qui l'avait sorti de sa transe ce soir funeste et il savait que son état actuel était autant dû au souvenir de cette nuit qu'à cause de son rêve. Il était excité. Il était excité et il se haïssait pour la raison de son émoi.
Le massacre. Le sang. Les cris. Elle.
Tout cela le remplissait, à sa grande honte, d'une excitation comme il n'en avait jamais connu.
C'est donc contre sa volonté qu'il sentit sa main se saisir de son sexe pour commencer à la masturber. Pris dans son plaisir, il reposa à nouveau sa tête sur son oreiller de paille. À cause de sa sueur refroidie, son lit était glacé, mais il s'en fichait. Comme possédé, il branlait son membre rigide avec frénésie. Les yeux fermés, il revivait le massacre et sa respiration n'en était que plus haletante.
Rapidement, les souvenirs firent place aux fantasmes. Il revoyait Shalltear. Pas sous son apparence atroce, mais sous son visage de jolie poupée. Dans son esprit, elle était nue, agenouillée sur un cadavre aux traits mutilés et dont les tripes s'échappaient de son ventre pour recouvrir les cuisses de la vampire. Des corps étaient suspendus au-dessus de sa tête. Leur sang coulait en cascade sur sa chaire d'albâtre à peine pubère, dessinant des rigoles couleur rubis sur sa peau. Ses deux mains graciles saisirent alors l'imposante poitrine qu'il avait devinée ce jour-là sous la robe pour la pétrir en même temps que la luxure obscurcissait son regard.
Dans son fantasme, Brain la voyait marcher à quatre pattes vers lui, son corps toujours recouvert de liquide rougeoyant. Il la voyait le chevaucher et promener ses lèvres sur son torse comme si elle allait le mordre. Mais elle ne le mordait pas. À la place, elle se contentait de laisser des traînés carmin sur lui. Puis, toujours dans son esprit, il la vit redescendre et saisir son sexe entre ses doigts graciles à la poigne pourtant forte. Brain poussa un cri étranglé en imaginant cette sensation ferme sur sa bite.
Mais alors que la Vampire était devenue celle qui le branlait, son autre main se glissait entre ses cuisses. Brain sentit ses doigts fins frôler son anus avant de s'y enfoncer, s'aidant du sang comme lubrifiant. Shalltear avait à présent deux doigts en lui, sauf que dans la réalité, c'était ses propres doigts d'homme, épais et longs qu'il enfonçait avec détermination dans son trou encore vierge.
Un frisson le parcourut tout entier, faisant également trembler sa queue et chauffer ses couilles. Ses doigts, enfouis au plus profond de lui, avaient heurté un point sensible particulier. Jamais avant d'avoir ces fantasmes étranges Brain n'avait connu le plaisir que pouvait donner sa prostate. Il le découvrait à présent et ne semblait plus vouloir s'en passer. L'ayant finalement trouvé, il reprit sa pénétration de plus belle, martyrisant son organe de plaisir masculin tout en s'activant de l'autre main sur son sexe avide.
L'explosion le prit par surprise comme à chaque fois. Un bruit étranglé émergea de sa gorge comme il tentait d'étouffer le cri de sa jouissance. Son sperme jaillit alors de son sexe en longs jets qui maculèrent son ventre, sa poitrine et même son visage.
Le souffle court, Brain lâcha son sexe et retira ses doigts de son anus. Il resta pendant quelques dizaines de secondes allongé sans bouger. Mais soudain, la nausée le prit. Il se leva brusquement, chancela quelques instants sur ses jambes flageolantes, mais parvint finalement à se maintenir debout et se précipita vers le seau dans un coin de la pièce. L'odeur d'urine et d'excréments était forte, mais cela ne l'empêche pas d'enfoncer sa tête à l'intérieur et de vomir.
Il vida son estomac à long trait, regrettant, comme à chaque fois, d'avoir aussi bien mangé dans la journée. Parce que oui, ce n'était pas la première fois que cela arrivait. Ce n'était pas la première fois qu'en se réveillant au milieu de la nuit, il avait ressenti le besoin impérieux de se masturber, qu'il l'avait fait, atteignant des sommets de jouissance inégalés… avant que la honte et le dégoût ne le rattraper et qu'il rende son dîner dans le seau à déjections.
Il n'y pouvait rien, il était comme possédé. Il ne pouvait s'empêcher de bander en revivant ses cauchemars. Tout comme il ne pouvait s'empêcher de soulager son sexe turgescent. C'était comme si la Vampire l'avait hypnotisé. Comme si elle avait inscrit en lui ses noirs désirs pour qu'ils le consument.
« Shalltear » murmura-t-il finalement en sortant sa tête du seau. « Je te hais, Shalltear… »
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S'il avait dû décrire la Capitale du Royaume en un mot, cela aurait « figée ». Oui, la vieille ville était figée dans ses habitudes et dans son architecture pour le moins banale et sans éclat. Certains la qualifiaient même de métropole monotone et il était d'accord avec eux.
Un autre terme aurait été « peu pratique ». Les notions d'urbanisme ne semblaient pas exister. Peu de rues étaient pavées et il suffisait d'une petite pluie pour que tous s'embourbent dans la boue. L'appellation même de « rue » était trompeuse. C'était le plus souvent des venelles étroites à peine assez larges pour laisser passer un chariot. Cela voulait donc dire que si deux d'entre eux avaient le malheur d'essayer d'en prendre une chacun par un bout, ils allaient rapidement se retrouver coincés au milieu et bloquer le chemin à tous les autres piétons.
Non, vraiment, elle n'avait pas le standing d'une capitale. Elle était très loin de pouvoir rivaliser avec Arwintar ou encore Kami Mitako, la capitale de la Théocratie de Slane.
Cependant, la rue dans laquelle il se trouvait à présent était plus large que la moyenne. Et pavée. Elle était également très animée, mais rien qui l'empêche de circuler. Les gens, frappés par sa prestance digne, s'écartaient sur son passage et les femmes se retournaient sur lui. Il était rare qu'un homme d'âge aussi mûr attire ainsi les regards, mais l'aura qui émanait de son corps droit et solide avait de quoi impressionner. Sans compter bien sûr le costume noir élégant et impeccable de majordome qui le seyait à la perfection et sa barbe grise soigneusement taillée et ses cheveux coiffés à la perfection.
Cela faisait un mois que Sebas se trouvait à la capitale. Grâce à l'argent gagné par le Seigneur Harddyn, lui et Solution avaient pu acheter un petit manoir dans le quartier bourgeois en bordure de la ville afin qu'ils puissent continuer la comédie qu'ils avaient déjà jouée à plusieurs endroits. Ils avaient ainsi repris leurs buts premiers, trouver des experts en magie et combat dans le but de les capturer pour qu'ils soient étudiés à Nazarick, observer la vie quotidienne des habitants et se renseigner si nécessaire.
À ceux-ci s'étaient ajoutés de nouveaux objectifs notamment la direction du service d'espionnage dans le Royaume. C'étaient eux qui recevaient les différents rapports des Démons des Ombres pour ensuite les envoyer à Nazarick. Ils avaient suivi une formation spéciale de la part de leur Maître Harddyn sur la gestion des informations, comment les traiter, les résumer et déterminer leur ordre d'importance. C'était un travail assez prenant.
Leur second nouvel objectif, cependant, l'était beaucoup moins puisqu'il s'agissait simplement de servir d'appât. Après ce qui s'était passé avec Shalltear, tous les agents puissants sur le terrain avaient reçu des Objets de Rang Monde pour les protéger d'attaques de type mental qui pourrait les retourner contre leurs camps. Seul Sebas n'en possédait pas afin d'attirer à lui de possibles adversaires ayant fait le lien entre lui et Nazarick. Que ce soit la Théocratie de Slane ou un autre, mieux valait mener ses ennemis là où on le désirait.
En tout les cas, le travail d'espionnage était plus particulièrement celui de Solution donc Sebas s'occupait plutôt de la partie étude de la ville. À cause de son rôle de grande dame capricieuse, la soubrette ne pouvait pas circuler aussi facilement que pouvait le faire Sebas. Même s'il attirait grandement l'attention, qu'un domestique effectue une course pour ses maîtres n'était pas chose inhabituelle. Sebas était donc en parfaite position pour visiter la ville.
Et puis si de temps en temps il aidait une vieille dame à rentrer chez elle ou un marchand à ramasser ses articles tombés au sol, peu importe. Beaucoup de ses camarades de Nazarick l'auraient regardé avec méfiance et mépris en voyant ses actions désintéressées, mais Sebas n'en avait cure. Il sentait que c'était juste. C'était comme ça que l'avait créé son Maître, le Seigneur Touch Me.
Et tel il avait été créé, tel il agissait.
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Le hameau était calme sous la lumière de la lune. La seule chose visible était une flamme verte qui se déplaçait dans les rues de terre étroite. Celle-ci venait d'une lanterne tenue par un homme au corps sec et musclé, au visage couturé de cicatrices et portant une armure de cuir ainsi qu'une épée au côté. Il était accompagné d'un autre homme possédant les mêmes traits distinctifs et le même équipement.
À cause de cela, ils ne ressemblaient pas vraiment à une milice de village et semblaient plus habitués à la violence qu'au laboure. D'ailleurs, le village lui-même était assez étrange. Il était entièrement entouré d'une palissade de bois épais avec pas moins d'une demi-douzaine de tourelles sur tout le périmètre. Même les hameaux reculés souvent en proie au monstre n'étaient pas aussi bien fortifiés. L'ensemble avait plus l'air d'une place forte que d'un lieu d'habitation.
Autre fait étrange, les champs cultivés ici ne se trouvaient pas en dehors des remparts, comme c'était d'ordinaire le cas, mais à l'intérieur. C'était comme si le but n'était pas seulement de les protéger, mais aussi de les dissimuler. De même, dans chacune des tourelles étaient postés des archers dont l'attention était tournée le plus souvent en direction de ces mystérieux champs que vers l'extérieur.
Cependant, c'est à l'insu de ces six paires d'yeux que les deux patrouilleurs sentirent soudain quelque chose se plaquer sur leur bouche pour les empêcher de parler alors que des lames aiguisées mettaient fin à leurs jours. Ils étaient presque morts sans s'en rendre compte. Sans un bruit également et sans que personne ne le remarque ou même n'aperçoive leurs assaillants.
Ceux-ci étaient deux, de petite taille et vêtu d'habits noirs qui recouvraient l'intégralité de leur corps à l'exception de leurs yeux. Le fin tissu sombre était cependant renforcé aux points les plus importants qu'étaient les avant-bras et les tibias. Ils portaient aussi sur le torse des plaques de métal sanglées à l'endroit du cœur. Son aspect légèrement bombé était l'indication que les deux « ninja » étaient des femmes. Des jeunes femmes.
Usant de leurs muscles faits pour le combat, les deux maintinrent leurs proies debout. Il ne fallait pas que les archers dans les tourelles remarquent que les patrouilleurs avaient disparu. Au pire penseraient-ils qu'ils s'étaient arrêtés. De plus, il était encore nécessaire d'attendre un peu plus longtemps que les Lames Vampiriques qu'elles avaient utilisées aient fini de boire le sang de leurs adversaires. Si jamais elles ne le faisaient pas, les armes perdraient de leur tranchant.
Soudain, les corps flasques qu'elles tenaient se raidirent et se mirent à s'agiter comme des pantins désarticulés. Les deux femmes lâchèrent alors leurs proies qui finirent par se redresser et repartir sur le chemin qu'ils suivaient auparavant comme si rien ne s'était passé. Ils continueraient ainsi à marcher comme les Zombies qu'ils étaient devenus jusqu'à ce que leur maître en décide autrement. Mais les Ninjas n'étaient pas leurs maîtres. Elles pouvaient donc poursuivre l'opération sans se soucier plus de leur sort. Il leur suffit par la suite d'utiliser leur Compétence [Dissimulation des Ombres] afin de disparaître sans laisser de traces.
Quiconque de normal ne verrait que les ombres. Il aurait fallu une certaine perception pour pouvoir voir au travers de la technique de dissimulation. Cependant, seul un Mage qualifié aurait pu apercevoir la troisième personne qui se trouvait aux côtés des deux Ninjas. C'était cette troisième personne qui contrôlait les Zombies. Son invisibilité était si parfaite que même ses alliées ne la voyaient pas. Toutefois, celles-ci possédaient une Compétence leur permettant de ressentir les présences autour d'elles. Elles savaient donc grosso modo où se trouvait leur camarade.
« Préparatifs terminés » dit l'une des Ninjas.
« Exécutés à la perfection » dit l'autre.
« Je sais. Je vous regardais » dit la voix désincarnée de la troisième personne. « On se sépare ici. Je me rends au prochain point de rendez-vous. Je dois capturer quelqu'un qui a peut-être des informations. »
« Nous allons poursuivre l'opération également. »
« Où sont les deux autres ? Ne me dites pas qu'elles se la coulent douce parce qu'elles n'ont rien à faire. »
« Elles se cachent dans un village voisin » répondit la femme invisible. « Si quelque chose se passe mal, elles pourront mener un assaut pour nous permettre de fuir. À présent, je vous laisse. Vous, continuez la mission. Et suivez le plan à la lettre. »
Les deux Ninjas sentirent alors un souffle de vent indiquant que leur camarade venait de s'envoler par magie. Sa cible était le responsable de la communication du camp. Non seulement il devait avoir des informations utiles, mais grâce à cela, leurs ennemis seraient incapables de planifier une riposte.
De leur côté, les Ninjas se séparèrent également. L'une d'elles se dirigea directement vers les champs. Tous étaient pleins d'une herbe verte qui ne payait pas de mine. Pourtant c'était cette même herbe qui permettait de fabriquer la Poudre d'Ombre, la drogue la plus en vogue dans tout le Royaume. Ses effets récréatifs, son faible coup et la prétendue absence d'effet secondaire en avaient fait un produit de choix. Malheureusement, une drogue sans effet secondaire ça n'existait pas. Des autopsies faites sur des drogués à la Poudre d'Ombre avaient montré une perte de près de 80 % de la masse cérébrale. Autant dire que cette herbe avait la capacité de transformer quelqu'un en légume.
Cela sans compter la forte dépendance qu'elle provoquait. L'herbe même dont elle était issue et dont on faisait la culture ici était toxique. Cependant, ça, très peu de gens le savaient. Les personnes qui avaient mis en place ce trafic avaient bien sûr fait en sorte d'en dissimuler les effets les plus pervers. Le seul point positif était que cet état était curable grâce à la Magie des Prêtres. Toutefois, en arriver à ces extrémités était un fait grave, surtout que tout le monde ne pouvait pas se permettre de se payer ces soins.
Cependant, le pire était l'inaction des autorités face à cette épidémie. Que ce soit les réactions lors de la consommation ou celles durant les périodes de manque, elles étaient si peu flagrantes que le problème n'était pas pris au sérieux. C'était la raison pour laquelle on leur avait demandé d'agir dans l'ombre. Dans tous les sens du terme puisque son groupe n'était pas passé par là Guilde des Aventuriers comme il était obligatoire de le faire. Elles répondaient directement à la requête d'un particulier ce qui était à la fois peu orthodoxe et dangereux pour leur statut. Mais leur cheffe avait accepté, car la commanditaire était une amie donc elle n'avait pas grand-chose à dire.
Rapidement, le feu se répandit dans les champs. Selon la direction du vent, il se pouvait que des braises aillent enflammer les maisons alentour, des habitations appartenant aux pauvres villageois pris en otages par les bandits et forcés de travailler dans les plantations d'herbe à drogue. Mais bon, des sacrifices étaient parfois nécessaires surtout avec l'objectif que leur commendataire poursuivait. En effet, la drogue elle-même n'était pas son seul ennemi, mais tout le réseau à laquelle elle était liée. Couper leurs revenus à la source était un bon moyen d'affaiblir le cartel.
Celui-ci avait pour nom les Huit Doigts, en référence au Dieu des Voleurs, un subordonné du Dieu de la Terre et qui n'avait que huit doigts. Le nom venait également des huit fractions qui le composaient : la drogue bien sûr, mais aussi le trafic d'esclave, l'assassinat, la contrebande, le vol, la sécurité, la finance et le jeu. En vérité, il n'existait pas de crime dans tout le Royaume auxquels ils n'étaient pas affiliés de près ou de loin. Et si c'était le cas, il était probable que ceux qu'ils l'avaient perpétré ne vivraient pas très longtemps.
Cette organisation était donc extrêmement riche et grâce à cela, avait réussi à s'acheter de très importants appuis. C'était ces appuis qui leur permettaient par exemple de cultiver et de fabriquer de la drogue au grand jour. Dénoncer le village ne servait à rien puisque le cartel avait l'appui du Seigneur local. Or accuser un seigneur féodal du Royaume était très difficile. Impossible même. Il pouvait prétexter ne rien savoir de ce qui se passait et personne ne viendrait le contredire… ou serait cru en le faisant.
En tout les cas, quelques heures plus tard, les plantations d'un deuxième village brûlaient. Les deux Ninjas regardaient le spectacle depuis une colline non loin de là. Elles avaient enlevé leurs cagoules révélant leurs visages juvéniles et surtout, identiques. Les jumelles avaient une peau pâle, des traits fins, et une expression grave qui faisait ressortir leurs yeux couleur rose orangé. Leurs longs cheveux blonds étaient retenus en queue de cheval derrière leur tête et la seule différence entre les deux était que ceux de la première l'étaient avec un fil de couleur bleu et l'autre par un de couleur rouge.
À leur côté se tenait une petite silhouette drapée dans une longue cape cramoisie. Celle-ci recouvrait son corps gracile du bas des pieds jusqu'à la tête puisque la capuche en était relevée. En plus de cela, elle portait un masque blanc qui dissimulait complètement son visage à l'exception d'une fine ligne sombre au niveau des yeux. Des motifs de couleurs noirs en partaient et descendaient sur les joues alors qu'un joyau rouge en décorait le front. Outre sa taille, le seul indice de ses traits distinctifs était deux longues mèches de cheveux blonds qui dépassaient de celui-ci et encadraient son visage jusqu'à sa poitrine.
« Tina. Tia. Evileye » dit alors une voix dans leur dos.
Les trois se retournèrent. Derrière elles se trouvaient deux autres femmes qui venaient dans leur direction.
La première était impressionnante. Très grande, elle était également très large. Son corps était musclé comme celui d'un homme et recouvert d'une armure lourde de couleur cramoisie garnie de picots. Son visage était tout aussi masculin, carré avec des traits rudes et épais. Ses cheveux blonds, coupés au bol, étaient retenus par un simple anneau d'argent.
À côté, la seconde aurait pu paraître négligeable si elle n'avait pas été d'une grande beauté et si elle n'avait pas irradié d'autorité et de noblesse. Tout aussi blonde que les trois autres, elle portait ses cheveux longs et tressés avec un diadème en forme de couronne de fleurs autour de la tête. Elle était vêtue d'une tunique bleue par-dessus une combinaison rouge et argent. Elle était également équipée de gantelets, de bottes et d'un plastron, le tout en métal blanc rehaussé d'or. Cependant, le plus impressionnant restait l'épée qu'elle tenait à la main. De la pointe de la lame à celle du pommeau, l'arme était aussi grande qu'elle. À doubles tranchants, elle semblait avoir été sculptée d'une pièce dans un morceau de cristal noir à l'intérieur duquel était enfermé le ciel nocturne. La seule touche de couleur venait du cuir rouge tressé qui enserrait le fuseau afin de permettre une meilleure prise en main.
« Je vois que tout s'est bien passé » dit-elle.
Sa voix était douce, mais ferme. Et on sentait qu'elle avait l'habitude de commander.
« Ouais, mais on a fait tout le boulot » dit l'une des jumelles.
« Quoi ? Tu aurais voulu que moi je vous accompagne ? » Demanda la femme géante avec un grand rire.
« Certainement pas Gagaran » dit l'autre jumelle. « Tu es aussi discrète qu'un troll dans un magasin de porcelaine. »
« Et tout aussi destructrice, gamine ! » Répliqua la géante en tapotant l'énorme marteau dans son dos.
« Bon travail en tout les cas » reprit la première. « Notre commanditaire sera contente. »
« Autant que je l'apprécie, ce serait mieux si à l'avenir nous ne faisons pas de mission sans l'accord de la Guilde, Lakyus » dit la jeune fille en cape rouge, probablement celle qui appelait Evileye.
La dénommée Lakyus sourit.
« J'essaierai » dit-elle.
À ce moment-là, son expression changea et elle se retourna brusquement. Voyant la réaction de leur cheffe, les autres membres de son groupe se tendirent.
« Qu'est-ce qui se passe ? » Demanda Gagaran. « Tu as entendu quelque chose ? »
« Pas exactement » répondit Lakyus en scrutant les ténèbres derrière elle. « Killineirams'est soudain mise à vibrer et j'ai eu un frisson. »
« Si ça peut te rassurer, je ne vois rien » dit Evileye.
« C'est peut-être mon imagination » concéda alors Lakyus. « Ou peut-être que c'est juste le pouvoir maléfique de l'épée qui tente de prendre possession de moi. »
Un silence mal à l'aise s'installa dans le groupe. Il fait dire que l'épée de leur Cheffe, Killineiram était une arme des plus mystérieuse. Elle avait appartenu au Chevalier Noir, l'un des Treize Héros. Ce n'était donc pas n'importe quel objet.
« Si tu me dis qu'il n'y a rien, Evileye, c'est que je dois me faire des idées » répéta finalement Lakyus.
Mais la vérité c'était que les pouvoirs de la Magicienne encapuchonnés n'étaient pas assez puissants pour percer la ceux qui dissimulait la silhouette qui contemplait le groupe depuis la lisière du bois. Celle-ci avait les yeux rivés sur leur cheffe et son regard semblait prêt à tuer. La silhouette montra alors les dents et un feulement rauque sortit d'entre ses lèvres.
« Killineiram… »
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Jeanne-Elizabeth soupira de contentement en respirant la bonne odeur de son thé. C'était un mélange fruité à la framboise et à la violette d'Alfenheim. Il avait pour Capacité d'augmenter les Statistiques d'Esprit et de Concentration, mais ce n'était pas pour ça qu'elle l'avait choisi. Elle trouvait les saveurs qu'il dégageait parfaites pour cette journée de Printemps… ou plutôt de Saison du Vent. Sa saison à elle.
En vérité, il aurait été agréable de faire ça en extérieur… dans le vrai extérieur, pas dans l'atmosphère perpétuellement à la même température de l'Oasis. Elle avait hâte du temps où ils pourraient tous vivre à l'extérieur de Nazarick. Leur Maître Harddyn leur avait dit que c'était dans l'ordre des possibilités.
Mais en attendant mieux, elle avait fait disposer plusieurs fauteuils et sofas à l'ombre d'un grand jacaranda dans les jardins près du pavillon des 100. Les arbres en fleurs avaient la particularité de s'agiter sous un vent invisible et de faire tomber des pétales illusoires sur le sol quand quelqu'un s'installait en dessous pendant un certain temps. C'était une fonction de divertissement. L'effet était appréciable selon elle et cela plaisait également à ses hôtes.
Elle avait envoyé des invitations parmi certains de ses semblables de PNJ et la plupart avaient répondu présents. Ce n'était pas la première fois qu'elle organisait un thé de cette façon. En fait, elle le faisait toutes les semaines. C'était une manière pour elle de marquer le temps dans cet environnement où chaque jour se ressemblait.
« Peut-être que si je lui en parlais, Maître Harddyn créerait quelques variations météorologiques… » murmura-t-elle.
« Vous dites ? » Demanda Huduma Omega à ses côtés.
La Femme-Louve aux formes généreuses, à la peau acajou et aux cheveux rouges était une habituée des petits goûters de Jeanne-Elizabeth. Elle était d'ordinaire la seule de la Meute, mais c'était différent cette fois-ci. Elle avait réussi à piéger Kinga, son Alpha et l'avait traîné avec elle. La femme semblait encore plus frêle qu'à son habitude. Non seulement elle ne portait pas son armure, mais une simple tunique de lin bleu à motifs jaunes, mais le malaise qu'elle ressentait sans la faisait se recroqueviller sur elle-même. Elle était enfoncée dans un large fauteuil en sirotant nerveusement son thé. Celui-ci était si grand et elle si petite que ses pieds ne touchaient pas le sol.
« Je me demandais simplement si je n'allais pas discuter à Maître Harddyn au sujet du temps qu'il fait ici, de sorte qu'il varie un peu » répondit Jeanne-Elizabeth. « Juste pour avoir vraiment l'impression d'être en extérieur. »
Elle prit alors pensivement son menton entre ses doigts.
« Oui, je suis sûr que ça ferait plaisir à certains » murmura-t-elle.
« Encore à faire des plans pour être apprécié de tous, Princesse ? » Ricana Léthé.
La femme guêpe à la silhouette longiligne était nonchalamment alanguie sur l'accoudoir de son sofa. Sa posture accentuait le galbe de sa hanche mise en valeur par son justaucorps noir. D'une nature assez caustique, elle aimait particulièrement taquiner Jeanne-Elizabeth, le reprochant son côté bêcheuse et calculatrice. En effet, la Reine Féerique du Printemps ambitionnait de devenir l'équivalent d'Albedo pour les PNJ de l'Oasis, une Régente vers laquelle tout le monde se tournerait et à qui tous obéiraient. Pour cela, elle multipliait les attentions et gentillesses en espérant se faire bien voir et obtenir des votes de sympathie. Grâce à cela, peu à peu, elle étendait sa domination.
De son côté, malgré les remarques qu'elle faisait, son caractère ne dérangeait pas trop Léthé. Au contraire, elle trouvait ses manigances assez divertissantes. C'était la raison pour laquelle elle était souvent aux petites parties de thé de la jeune femme.
Assis juste à côté d'elle sur le canapé, se trouvait un individu des plus singulier. En fait, c'était même à se demander s'il était un individu tout court. Comme Léthé, il ressemblait à un insecte humanoïde, une sort de sauterelle sauf que l'intégralité de son corps était d'un blanc laiteux et translucide. En vérité, on aurait plutôt cru voir une mue qu'un véritable tettigoniidae.
Cela venait du fait que Phlégéthon (c'était son nom) était un Spectre. Pas n'importe laquelle puisqu'il possédait la Race de Spectre Desséché, un insecte fantôme, généralement Mage (comme lui).
Immobile, il était simplement assis sur le canapé, tenant sa tasse sur ce genou et regardant dans le vide droit devant lui. En vérité, on le voyait rarement bouger. Jamais en fais, pas en situation normale. Il apparaissait et disparaissait dans diverses postures tel un véritable Spectre. Même pendant les combats, il semblait ne faire que tenir la pose. Pourtant, malgré cela, ses Sorts déferlaient continuellement sur le terrain. Il n'était pas un DPS Magique pour rien.
Également muet, personne ne savait vraiment ce qu'il pensait. Cela n'empêchait pas les autres de le traîner avec eux de temps en temps. En effet, s'il ne bougeait pas, il était cependant transportable. Très léger, il était assez aisé de le prendre avec soi pour le poser quelque part. C'était ce que Léthé avait fait en l'amenant ici. Il était le seul mâle de l'assemblée, mais vu qu'il ne parlait pas, quelle importance ?
« M... moi je trouve que c'est une excellente idée Jeanne-Elizabeth » dit Loli Curelove depuis son ottoman.
La Céphalophage avait abandonné ses lourdes robes de Magicienne pour une plus légère à motifs floraux, décolletée avec des bretelles. Le tissu vaporeux laissait apercevoir les bourrelets adipeux de son corps en dessous. Elle portait également des sandales roses et un chapeau à large bord. L'ensemble correspondait vraiment à sa voix douce de jeune fille, mais rendait bizarrement avec sa physionomie. Pourtant cela ne dérangeait personne. Quelle que soit l'apparence d'un PNJ, elle ne dérangeait jamais personne.
« Ce serait bien s'il y avait de la neige » dit la dernière invitée présente autour de la Reine des Fées en posant pensivement sa main sur sa joue.
De taille moyenne, elle avait la peau très pâle et des cheveux d'un blanc cristallin tressés dans son dos. Son visage ovale avait une expression douce et un peu rêveuse. Elle était vêtue d'une robe longue sans manches, cintrée à la taille et corsetée, le tout dans des tons blanc et bleu pâle. Elle portait des manchettes de tulle serrées au poignet et des chaussons à ses pieds. L'élément le plus insolite de son accoutrement était le chapeau pointu à large bord de sorcière sur sa tête.
« Ce serait tellement joli » poursuivit-elle. « Je suis sûr que les plus jeunes d'entre nous apprécieraient de jouer. N'est-ce pas Amaryllis ? »
« Quoi encore ? » Gémit la jeune fille à qui elle s'était adressée.
D'environ une quinzaine d'années, mais pas très grande, elle avait des cheveux noirs assez longs qui pendaient dans le dos et de larges yeux orange vif. Elle portait une robe assez semblable à celle de la plus âgée, mais avec une jupe bouffante et des manches ballons, le tout dans des tons gris, rouge et orangés. Tout comme elle, elle arborait également un chapeau de sorcière, mais celui-ci semblait bien trop grand pour elle et lui tombait sur les yeux.
« Tu aimerais que Maître Harddyn fasse tomber de la neige pour que toi et les autres puissiez y jouer ? »
Les « autres » en question étaient Nyan Nyan Katz et les Petites Filles Modèles. Toutes ayant à peu près l'apparence d'avoir le même âge, elles étaient souvent considérées comme un groupe, que cela leur plaise ou non.
« Et puis quoi encore, putain ! » S'exclama Amaryllis. « Je déteste le froid ! T'as fumé ou quoi ? »
« Attention, si tu ne parles pas mieux, je serais obligé de le dire à Grande Sœur ! »
« Je te préviens Edelweiss, si jamais tu dis quoi que ce soit à Clematia… »
En l'entendant, Nyan Nyan éclata de rire.
« Toi ? Faire quelque chose à une de tes sœurs ? Nyan Nyan voudrait bien voir ça ! »
« Ferme-la, sex toy sur patte ! » Grinça Amaryllis en retournant sa colère contre elle. « Sinon je vais et… »
« Encore des menaces ? Nyan Nyan est l'idole chérie du monde entier » contra l'androïde. « Il n'y a rien qu'il ne lui fasse peur. Surtout pas une sorcière de seconde zone. »
« Comment ! » S'écria ladite Sorcière en rougissant de fureur et de honte. « Tu vas voir, sale pimbêche ! »
Et en disant ces mots, elle se jeta sur l'autre jeune fille et la plaqua au sol en essayant de la rouer de coups.
« Ne touche pas Nyan Nyan avec tes sales pattes ! » S'écria l'idole robotique aux cheveux roses.
Mais bien évidemment, Amaryllis n'écouta pas le moins du monde et continua à tenter de la frapper. Elles se mirent alors à rouler sur le sol sous les yeux des Petites Filles Modèles.
« Nyan Nyan n'est pas censé être une spécialiste du corps à corps ? » Demanda Anne-Claire en suivant la lutte avec son expression neutre habituelle.
« Si ! » S'exclama Marie-Alice avant de se mettre à encourager les deux combattantes.
« C'est beau l'amitié » commenta Lily-Rose avec un grand sourire. « Elle fait tout pour ne pas blesser Amaryllis. »
« Ou alors elle ne veut pas se casser un ongle » conclut Anne-Claire avec un sourcil levé.
« Alala… » soupira Edelweiss avec une expression ennuyée. « Je vais vraiment devoir en parler avec Grande Sœur Clematia. Je suis désolée de son comportement Jeanne-Elizabeth. »
« Il faut bien que jeunesse se fasse… je suppose » dit la femme avec un sourire forcé.
Zut. Elle devait rapidement trouver le moyen de ramener la conversation à un sujet plus intéressant. C'est à dire elle-même. Après tout, c'était pour se faire bien voir qu'elle faisait ces goûters. Malheureusement, alors qu'elle avait finalement trouvé quelque chose à dire, elle fut brutalement interrompue.
« Salut, les filles ! » S'exclama une voix enjouée.
Jeanne-Elizabeth plissa les yeux en voyant la nouvelle venue.
« Inquisada » dit-elle froidement. « Étrange, je ne me souvenais pas t'avoir invité. »
Elle n'appréciait pas l'Ange. Trop indépendante à son goût. D'autres parmi leur groupe l'étaient également. Elle pensait surtout à Aude-Lise qui continuait encore et toujours à résister à ses convocations. Cependant, le pirate n'était pas des plus actifs dans l'Oasis. Inquisada, si. Presque inconsciemment, elle avait conquis de nombreux fans grâce à ses discours enflammés sur l'amour qu'elle portait à leur Maître Harddyn. Ce n'était à ses yeux ni plus ni moins que du prosélytisme, mais cela lui faisait gagner des voix auprès des PNJ les plus faibles. Certains des 100 l'appréciaient également ce qui était intolérable. Fort heureusement, aucun de ses partisans ne se trouvait aux alentours en ce moment. Même Léthé, qu'elle ne pouvait pas vraiment compter comme une alliée la trouvait souvent ridicule.
« Parce que tu crois que je suis venu pour ton petit goûter Jiji ? » Rétorqua Inquisada sur un ton mi-nonchalant, mi-moqueur.
Cela ne l'empêcha pas pourtant de prendre plusieurs biscuits sur la table basse au centre et de s'assoir sur le sofa à côté d'Edelweiss. De son côté, Jeanne-Elizabeth s'était crispé sur sa tasse. C'était aussi ça qu'elle détestait chez l'autre femme, sa manie de donner de surnom et en particulier celui qu'elle avait inventé pour elle.
« Je me contente juste de faire le tour de l'Oasis pour annoncer mon futur départ » reprit innocemment Inquisada.
« Tu t'en vas ? Quel dommage » grinça Amaryllis.
L'arrivée de la femme avait eu pour effet de faire cesser son combat avec Nyan Nyan.
« Oui, vous savez, l'appel du devoir » répondit Inquisada avec un air faussement humble. « Maître Harddyn m'a demandé de l'accompagner dans sa mission dans le Royaume Humain. Selon lui, mes talents lui seraient indispensables. »
« Il a vraiment dit ça ? » Interrogea Amaryllis, dubitative.
Mais prise dans son délire, Inquisada ne l'entendit même pas. À la place, elle se leva de son canapé et se mit à tourner joyeusement sur elle-même.
« Moi. Et Maître Harddyn. Seuls. Quelle excitation ! »
Sa respiration se fit plus fort et elle posa ses mains sur ses joues pour tenter de contenir la chaleur qui montait à son visage.
« Je serais là, à ses côtés, prêts à obéir au moindre de ses ordres, à satisfaire au moindre de ses besoins… » se mit-elle à dire dans son délire. « Et alors, peut-être, peut-être, que cette proximité se transformera en autre chose. Peut-être qu'il me verra en tant que femme. Et peut-être que le désir étreindra ses reins comme il le fait à chaque fois que mon regard se pose sur son corps parfait. Et alors il me susurrera des mots doux à l'oreille, posera ses mains sur ma peau brûlante, la dépouillera de ses oripeaux sacrilèges et enfin me fera subir les derniers outrages en prenant pour la première fois la fleur sublime au mi-temps de mes cuisses avec son sceptre de chair glorieux ! »
À ce moment-là, elle se tut complètement, le visage en feu, les yeux dans le vague et la bave aux lèvres. La seule chose qu'on entendait encore était son souffle haletant mêlé de ricanement graveleux.
« Tu veux dire qu'il n'a pas encore couché avec toi ? » demanda alors Léthé d'une voix consternée.
« Quoi ? balbutia Inquisada en redescendant sur terre. "Tu veux dire… Maître Harddyn… Avec toi…"
« Que je sache, avec nous toutes » dit simplement Jeanne-Elizabeth avec un ton derrière lequel transparaissait le triomphe. « Personnellement, j'ai visité sa chambre peu après notre éveil en ce monde. Je dois être la première femme à m'être abandonné à ses désirs depuis notre arrivée ici, je pense. Sa virilité était si puissante et imposante que j'en ai été toute retournée. »
« Mais… » Balbutia Inquisada.
« Nous aussi nous avons visité sa chambre » intervint Huduma alors que Kinga hochait la tête avec gêne. « Il a appelé la Meute dans son ensemble à le rejoindre un soir, juste avant son départ pour son premier voyage. Il était tellement fougueux et endurant qu'il a satisfait et épuisé chacun d'entre nous au point qu'il nous était impossible de nous lever. N'est-ce pas, Alpha ? »
Celle-ci se contenta de hocher la tête, le visage rouge.
« Nous aussi on a baisé ! » S'exclama Marie-Alice en se précipitant vers le groupe, les volants de sa robe bleue flottant derrière elle. « Il nous a pris toutes les trois, c'était trop bien ! »
« Oui » dit simplement Lily-Rose en posant ses mains sur ses joues de gêne.
« Je lui ai demandé si je pouvais porter ses bébés, mais il a répondu que c'était probablement une impossibilité biologique pour tous les deux » ajouta Anne-Clair de sa voix monocorde. « Pour se faire pardonner, il a empli mon corps de sa semence au point que je croyais être enceinte. »
À ce moment-là, une légère teinte rose colora ses joues et un petit sourire naquit sur ses lèvres.
« Le Maître est gentil. »
« Nyan Nyan aussi a offert sa virginité au Maître. »
« Oh, je t'en prie » ricana Amaryllis. « Tu écartes les cuisses pour tout le monde ici depuis le premier jour. »
« Mais Nyan Nyan lui a réservé son hymen, tous les autres devaient emprunter l'autre chemin. »
« Moi au moins j'étais seule avec le Maître quand il m'a baisé ! Toi il t'a partagé avec Solo Band, ce démon malodorant. »
« Tu ne le trouves pas si malodorant quand il te culbute dans les jardins. Nyan Nyan t'a vu ! »
« De quoi ! »
« Alala ! Ça recommence… » soupira Edelweiss alors que sa jeune sœur et la gynoïde se remettaient à se battre. « Personnellement, mon expérience avec Maître Harddyn a été des plus plaisante. Il a torturé mon corps avec des cordes et de la cire de bougie… »
Elle soupira avant de reprendre.
« J'aurais voulu garder les marques toute ma vie… »
« M… Moi, je l'ai rejointe pendant son voyage » intervint Loli Curelove. « Nous nous sommes baignés dans des sources chaudes. C'était tellement romantique… »
Léthé ricana alors.
« Moi, le Maître a pu apprécier ma flexibilité et mon imagination » se vanta-t-elle. « Comme nous pouvions voler tous les deux, nous l'avons fait à plusieurs centaines de mètres d'altitude. Au moment de l'orgasme, nous nous sommes mis à chuter vers le sol. C'était l'extase. »
Elle se tourna alors avec son voisin.
« Et toi, Phlégéthon ? Il t'a baisé ? »
Aucune réponse. Aucun mouvement.
« Oui, bien sûr qu'il t'a baisé, il a baisé tout le monde. Enfin presque… » rajouta la femme guêpe en coulant un regard vers Inquisada.
À l'écoute de tous ces témoignages des ébats de son Maître, elle s'était totalement effondrée. À quatre pattes sur le sol, elle pleurnichait.
« C'est… C'est pas vrai… Maître… Maître Harddyn, pourquoi pas moi… »
Puis soudain, elle sauta sur ses pieds et partit en courant.
« Je vous déteste ! » cria-t-elle en s'enfuyant.
Jeanne-Elizabeth la regarda s'éloigner pendant quelques instants avant de se tourner vers ses autres invités.
« Bien, qu'est ce que l'on disait déjà ? »
0o0o0
Expirant, Climb abaissa la lourde épée d'exercice qu'il tenait entre ses mains et l'arrêta juste avant que la pointe ne touche le sol. Il la releva ensuite au-dessus de sa tête en aspirant l'air et recommença le même mouvement.
Il était tôt ce matin-là dans le Château Royal de Ro-Lente, situé au centre de la Capitale de Re-Estize. Trop tôt pour qu'il n'y ait quelqu'un d'autre que lui dans la vaste salle d'entraînement. Pour l'occasion, il n'arborait pas la magnifique armure de mithril blanc qu'il avait toujours quand il se trouvait aux côtés de la Princesse Renner. À la place, il était vêtu d'un simple gambison épais recouvert d'une côte de maille. Par-dessus, il portait une veste avec de nombreuses poches. Il avait glissé des lingots de métal à l'intérieur pour augmenter son poids et entraver ses mouvements comme le ferait une véritable armure. Cela devait rendre son entraînement plus efficace.
À mesure qu'il répétait son geste, il sentait la douleur prendre possession de son corps. Ses bras le faisaient souffrir de même que ses jambes. Même respirer l'air glacé de la pièce était presque une torture. Pourtant il continuait. Chaque fois qu'il a baissait son épée, il savait qu'il faisait un pas sur le chemin pour devenir plus fort. De plus, cela lui permettait d'occuper son esprit et de l'empêcher de penser au rêve qu'il avait fait pendant la nuit.
Ce n'était pas vraiment un cauchemar. Cependant, ce n'était pas vraiment un beau rêve non plus. C'était plutôt un souvenir, celui d'un jour de pluie des années auparavant. Il était seul à l'époque. Il n'avait jamais eu de parents et avait dû se débrouiller sans personne. Cela avait fonctionné pendant six ans, mais il se rendait bien compte que sa chance avait tourné. Peu de temps avant, il avait été chassé de la maison abandonnée qu'il habitait. Il s'était par la suite construit une cabane, mais elle avait été détruite par pure méchanceté. Et puis il y avait cette pluie. Cette pluie glaciale. Il aurait bien cherché un autre abri que celui où il se trouvait et qui était fait de quelques branches recouvertes de hardes pleines de trous, mais des ivrognes l'avaient roué de coups un peu plus tôt et la douleur l'avait empêché de trop bouger.
Le seul avantage à cette situation était que le froid l'avait grandement atténuée. Mais il savait qu'il allait mourir. Pourtant, il ne blâmait rien ni personne pour cela. Pas même sa propre vie. Pour lui, n'avoir jamais eu pour nourriture que des aliments rassis était normal. Qu'il n'ait jamais bu autre chose que de l'eau croupit était normal. Qu'il soit chassé et battu était normal. Il n'y avait donc dans sa vie aucun malheur à part celui de ne pas comprendre que ce n'était pas normal.
Et puis il y avait eu un rayon de soleil. Ce rayon était venu d'une petite fille d'à peu près son âge aux cheveux blonds comme l'or.
Renner Theiere Chardelon Ryle Vaiself.
C'était grâce à elle qu'aujourd'hui Climb n'avait plus faim, ni soif, ni froid, et qu'il était en sécurité. Il avait même sa propre chambre dans le château alors que certains devaient dormir dans les dortoirs. Et puis il y avait son armure. Une perfection faite de mithril, l'un des métaux les plus résistants au monde, mais également l'un des plus onéreux. Elle représentait la promesse qu'il lui avait faite de lui offrir sa vie, de la protéger et de mourir pour elle s'il le fallait.
Une telle dévotion et une telle ardeur auraient dû faire de lui un guerrier d'exception, mais il en était bien loin. Contrairement à d'autres, il n'en avait pas le talent. Alors tout ce qu'il pouvait faire, c'était s'entraîner et s'entraîner encore, progressant un peu plus à chaque coup d'épée tout en essayant d'oublier le fait que ce ne serait jamais assez.
Mais il continuait et continuait toujours à lever et à abaisser la lourde lame tout en comptant le nombre de fois qu'il avait répété ce mouvement. 498, 499, 500…. Ses bras le faisaient souffrir et les gouttes de sueur s'étaient transformées en ruisseaux constants. Pourtant, il ne voulait pas s'arrêter. Il en était hors de question.
« Et si tu faisais une pause ? » Dit alors quelqu'un dans son dos.
Climb se retint de sursauter et se tourna vers l'homme qui l'avait ainsi interpellé et dont il connaissait parfaitement la voix profonde.
« Messire Stronoff » salua-t-il, le souffle court en s'inclinant.
Après tout, c'était tout de même le Capitaine des Guerriers du Royaume, un homme que leur Souverain, Ramposa III, considérait comme son bras droit. Cependant, celui-ci ne s'était jamais montré condescendant envers Climb, ou hautin du fait de sa position. En vérité, Gazef estimait que le plus jeune et lui étaient dans une même situation. Gazef aussi était un roturier, un ancien mercenaire. Sa force était telle qu'il aurait pu être Chevalier. Mais seuls les Nobles pouvaient être adoubés. À la place, le Roi Ramposa avait créé une unité spéciale de Guerriers pour l'en mettre à la tête et servir le Royaume, ce qu'il faisait avec diligence et passion depuis lors.
« Si tu continues à t'entraîner comme ça, tu risques d'abîmer ton corps » dit l'homme qui s'était toujours montré assez paternaliste avec le plus jeune. « Le surmenage ne sert à rien. »
Climb regarda ses bras qui tremblaient. Il en avait peut-être un peu trop fait. Encore.
« Ce n'est pas la première fois que je te le dis d'ailleurs » dit Gazef sur un ton de reproche. « Tu ne vas tout de même pas m'obliger à me répéter tout le temps ! »
« Excusez-moi » lui répondit Climb, sincèrement penaud, en s'inclinant.
En effet, ce n'était pas une nouveauté que le Capitaine surprenne le jeune homme en train de s'entraîner tout seul. Habituellement, il se contentait de ces quelques remontrances, mais il semblait qu'il ait pour une fois un autre plan.
« Et si nous croisions le fer, toi et moi » dit-il soudainement.
« Vous… et moi ? » Balbutia Climb.
La proposition était des plus étrange. Voire même dangereuse. Bien entendu, Climb ne craignait pas de perdre contre le Capitaine. Il savait qu'il allait perdre. Mais même de cette façon, un combat contre un guerrier aussi expérimenté serait une source intarissable d'enseignements. Cependant, les inconvénients étaient trop nombreux. Il n'y aurait pas eu de problème s'ils étaient des hommes ordinaires, mais ce n'était pas le cas.
La cause en était bien entendu la lutte de pouvoir entre les deux factions qui divisaient le pays. Quoi qu'il résultât d'un tel combat entre eux, cela affecterait leurs maîtres respectifs. En effet, dans la situation hypothétique et improbable où Gazef venait à perdre contre Climb, alors les Nobles opposés au Roi se serviraient de ce prétexte pour l'attaquer lui et, par son intermédiaire, le Souverain lui-même. Il leur suffisait de remettre en question la force de Gazef et la décision du Ramposa de le nommer à un si haut poste.
Bien entendu, la situation inverse (bien plus plausible) ne serait pas sans conséquence non plus. Toute défaite de sa part rejaillirait sur Renner. Les mêmes Nobles qui étaient contre le Roi étaient également opposés à la Princesse et à ses choix. En effet, celle-ci n'était pas encore fiancée et en avantageant Climb, un simple homme du peuple, pour en faire son protecteur, elle avait fait un affront majeur à une grande partie de l'aristocratie du Royaume.
C'est pour cela qu'une telle proposition était des plus… absurde. Même l'apparente absence de témoin ne saurait les préserver. Il était aisé pour quelqu'un de se dissimuler dans les ombres de sa salle pour observer. Et rien ne disait que d'autres gardes n'allaient pas se présenter à un moment où à un autre pour leur propre entraînement. Au vu de l'heure, c'était improbable, mais pas impossible. C'était d'ailleurs pour cela que Climb préférait venir aussi tôt.
En effet, si sa position lui offrait la sécurité et de quoi vivre, elle était également extrêmement solitaire tout en lui attirant l'inimitié de très nombreuses personnes. Sa proximité avec la Princesse lui donnait un rang presque équivalent à celui des Chevaliers. Mais bien entendus, ceux-ci le méprisaient à cause de sa basse extraction. Celle-ci le rapprochait plus des Gardes, les soldats du Château chargé de protéger la Famille Royale et les Nobles. Eux aussi venaient du peuple. Cependant, son rang était bien supérieur au leur. Il était donc, comme on disait, le cul entre deux chaises, une posture inconfortable, mais qu'il endurait afin de pouvoir rester auprès de la Princesse.
Toutefois, il y avait également un dernier élément qui différenciait Climb de tous les autres et c'était dû aux Factions. En effet, les Chevaliers étaient tous fils, frères, cousins ou neveux de Nobles. De même, les Gardes avaient beau être, à l'origine, des roturiers, ils devaient leur position au Château aux recommandations de ces mêmes Nobles. Ainsi, ceux-ci avaient des partisans sur place dans les différentes sphères du pouvoir militaire. Et bien entendu, cela leur donnait de l'influence dans la lutte pour la suprématie de la Faction qu'ils soutenaient.
« Récemment, j'ai pu éprouver l'étendue de mon inexpérience » reprit Gazef pour se justifier. « Alors je voulais m'exercer avec un combattant qui le donnerait un peu de fil à retordre. »
« Vous ? Inexpérimenté ? » Demanda Climb, abasourdie.
Il hésita.
« Est-ce que ça a un rapport avec ce qui s'est passé l'été dernier ? »
Il faisait allusion à cette mission à l'Est du pays. Il y avait eu des attaques d'agresseurs inconnus dans les villages au-dessus d'E-Rantel. Apparemment, des soldats de la Théocratie de Slane s'étaient grimés en Chevaliers Impérieux pour attirer le Capitaine des Guerriers dans un piège et rejeter la faute sur Baharuth. Toute l'affaire avait été passée sous silence pour ne pas ébranler le pouvoir royal. Climb avait juste remarqué des absents dans les troupes de Gazef, mais la vérité lui avait été révélée plus tard par la Princesse.
« C'est ça » acquiesça l'homme. « Si je n'avais pas rencontré ce Mage et s'il ne m'avait pas secouru, je ne serais probablement plus là pour en parler. »
Climb frissonna à l'aveu. C'était comme s'il découvrait le véritable Gazef pour la première fois. C'était… touchant.
« Quel Mage ? » Demanda-t-il.
La Princesse n'était pas rentrée dans les détails quand elle lui avait expliqué de ce qui s'était passé. Mais il se doutait qu'elle était au courant. Beaucoup la croyaient ignorante et idiote, mais c'était l'une des femmes les plus intelligentes, perspicaces, et renseignait qui existaient. Elle devait sûrement lui avoir caché ces informations pour préserver le secret d'État ou bien encore, par gentillesse, pour ne pas qu'il se fasse du souci pour un homme qu'il considérait comme son héros.
« Ainz Ooal Gown » répondit Gazef. « Je le suspecte d'être aussi puissant que Fluder Paradyne, le monstrueux Mage Impérial. »
« Je… je me souviendrais de ce nom » dit finalement Climb.
Il avait toujours été admiratif des héros. Pour lui, Gazef en était assurément un. Et si un être pouvait ainsi susciter le respect de cet homme, alors cela en faisait également un à ses yeux. Il aurait aimé pousser l'interrogatoire un peu plus loin, mais il sentait qu'il ne devait pas forcer les choses. Le Capitaine Stronoff s'était ouvert à lui en toute honnêteté. Il ne devait pas abuser.
« Allez-vous vraiment me donner des leçons ? » Demanda-t-il tout de même.
« Non, pas de leçons » dit Gazef. « Nous allons simplement croiser le fer. Ce que tu en retireras ne dépendra que de toi. Mais comme tu es un Combattant de premier ordre, cet entraînement devrait aussi m'être utile. »
Climb accepta la flatterie avec une certaine gêne. Le Capitaine des Guerriers était particulièrement généreux avec lui. Climb ne se considérait pas comme fort. C'était juste que les soldats de ce Royaume étaient plutôt faibles. Il était certes plus habile que la plupart des hommes de Gazef, mais il était loin du niveau des Chevaliers et autres militaires de profession. Et c'était sans compter les Aventuriers. Lui-même s'estimait au même niveau qu'un de Rang Or. Cela pouvait sembler impressionnant, mais ça ne l'était pas tant que ça si on considérait tous ceux au-dessus de lui.
Mais c'était aussi pour cela qu'il voulait progresser, devenir plus fort afin de protéger la Princesse. Or, pouvoir expérimenter un combat contre le Capitaine des Guerriers lui-même était une chance inespérée d'apprendre. Il se devait donc de la saisir.
« Très bien. J'accepte » dit-il d'une voix assurée.
Comme il s'y attendait, le duel fut épique, inégal, mais plein d'enseignement. Les tremblements de ses bras étaient passés et sa prise sur son arme ainsi que sur le bouclier qu'il avait également choisit, s'en étaient trouvés renforcée. Il avait pu ainsi combattre de toutes ses forces, n'épargnant ni ses efforts ni sa détermination contre le Capitaine.
L'homme était rapide, puissant et précis. Climb savait qu'il n'avait aucune chance de gagner. Mais c'est cela qui le poussa à continuer. S'il savait qu'il allait perdre, alors il n'avait pas à s'inquiéter et pouvait donc donner son maximum pour offrir un bon combat à Gazef.
Du côté de ce dernier, même s'il avait dit que ce n'était pas un cours, il ne pouvait s'empêcher de lui donner des conseils, de lui placer des limites, de lui faire résoudre des problèmes. S'il devait maîtriser des armes, autant en maîtriser peu, mais de manière approfondie. Si l'ennemi était plus fort, comment pouvait-il prendre le dessus ? Cependant, malgré cela, à aucun moment il ne sous-estima son adversaire. À aucun moment il ne ralentit ses attaques ou n'en diminua la puissance. Il avait trop de respect pour lui. Et il savait qu'il n'en avait pas besoin.
En effet, Climb était bien décidé à ne pas se laisser faire, allant jusqu'à utiliser des Arts Martiaux contre son adversaire. La première fois, celui-ci ne s'y était pas attendu, persuadé d'avoir décelé une faille dans la défense du jeune homme. Mais ce n'en était pas une. C'était un piège. Climb connaissait le style de Gazef. Ce n'était pas un Chevalier. Tous les moyens étaient bons pour gagner même les coups en dessous de la ceinture. Littéralement. Il lui avait simplement fallu patienter jusqu'au moment propice pour parer l'assaut et riposter.
Cette tactique avait absolument ravi Gazef. Il savait que contrairement à lui, Climb ne possédait pas de talent particulier pour le combat. Et il savait également que l'entraînement avait ses limites. Mais ce qui n'en avait pas, c'était l'expérience. Et c'était ça qu'il voulait que le jeune homme comprenne. Que l'expérience pouvait lui faire gagner des batailles. Même contre lui.
Malgré cela, toute victoire était, pour le moment, impossible. Cependant, Gazef était satisfait du temps qu'avait tenu Climb. Et c'est pour cela qu'il avait mis fin au combat. Alors que le jeune homme soufflait, un genou à terre, le Guerrier s'approcha de lui et posa une fiole à ses côtés.
« Je ne pense pas t'avoir brisé ou fêler d'os… »
« Je suis juste endolori, tout va bien » l'interrompit Climb en reprenant son souffle.
« Très bien, mais si la douleur est trop importante, utilise-la. »
« Je préfère éviter » grimaça le jeune homme. « Je ne voudrais vraiment pas perdre les effets de mon entraînement musculaire. »
La magie des Potions de guérison avait un inconvénient majeur. Plutôt que de réellement soigner, elle ramenait le corps à un état antérieur, annulant ainsi les dégâts occasionnés même s'ils étaient volontaires. C'était assez utile pour un véritable combat, mais pas en entraînement. Cependant, devant l'instance du Guerrier, Climb accepta de la prendre. Il ne l'utiliserait sans doute pas aujourd'hui, mais posséder une Potion était tout de même profitable en cas d'imprévu.
Soudain, un léger bruit fit tressaillir les deux hommes. C'était le son d'un applaudissement. Climb se releva précipitamment et lui et Gazef se tournèrent dans sa direction.
Quelqu'un était là. Dans la pièce, nonchalamment appuyée contre un mur. Assez proches d'eux bien qu'à aucun moment ils n'aient senti sa présence. Au début, à cause de sa silhouette menue et de sa taille, Climb crut que c'était un adolescent. Cependant, en regardant mieux, il se rendit compte qu'il s'agissait en fait d'une jeune femme.
D'une tête plus petite que lui au moins, elle avait un corps frêle et pourtant, curieusement, elle semblait plus forte qu'il n'y paraissait. Sa peau était d'un rose pâle légèrement foncé par le soleil. Son visage était rond avec un menton pointu, un front haut et un nez en trompette surmonté de taches de rousseur. Ses cheveux auburn ondulés étaient coupés au carré et encadraient ses traits, faisant ressortir ses grands yeux de biche aux iris vert-jaune.
Le plus étrange aux yeux de Climb était qu'elle portait la tenue des Écuyers, de simples braies, des bottes et une chemise de serge avec, par-dessus, un gambison sans manche longue jusqu'à la naissance des hanches. Celui-ci était aux couleurs de la famille du Chevalier qu'elle servait, vert avec un blason sur le cœur. Celui-ci semblait familier à Climb, mais il n'arrivait plus à se souvenir d'où.
Toujours est-il qu'une femme Écuyer était du jamais vu dans le Royaume. Les femmes étaient plus généralement dédiées au mariage et, dans le cas des Nobles et de la Royauté, aux alliances politiques. Souvent, le seul moyen pour ces dernières d'échapper à ce sort était de devenir Aventurière, de se découvrir des talents de Mage ou d'entrer dans les ordres (ou toute combinaison des trois). De plus, cette femme Écuyer portait une épée. Ceux-ci n'avaient le droit d'en porter une que si le Chevalier qu'ils servaient le permettait. En tant qu'aspirant ils apprenaient à la manier, mais sans jamais en posséder une si on le leur refusait. Or la demoiselle possédait bel et bien une lame qui semblait, de plus d'excellente facture pour autant que Climb pouvait le dire.
« Ah ! C'est vous ! » Dit Gazef sur un ton mi-soulagé, mi-joyeux.
« Heureuse de vous voir, Capitaine » dit la jeune femme d'une voix à la fois douce et énergique en approchant du duo. « C'était une magnifique démonstration. J'ai beaucoup appris. »
« Tant mieux alors » dit Gazef avant de se tourner vers son compagnon.
« Climb, je te présente Aliz Jouvelon, du Clan Toldeyne. »
« Toldeyne ? » Demanda le jeune homme.
Il se rendit alors compte que le blason que la demoiselle arborait était bien celui du vieux Baron qui les avait accueillis plusieurs mois auparavant, lors du voyage de retour de la Princesse à la capitale après ses quartiers de la Saison du Feu.
« En fait, je suis la petite fille de la cadette de la première femme du Baron, mon arrière-grand-père » dit-elle sur un ton légèrement moqueur. « Je crois que vous connaissez mes cousins, Cedoric et Enan. »
« Euh… en effet » répondit Climb, gêné. « J'ai été soulagé d'apprendre qu'ils aient été retrouvés. »
« Je vous remercie » dit-elle en hochant la tête.
« En compensation de leur haut fait, le Roi a tenu à faire d'eux des Chevaliers » intervint Gazef. « Et le Baron a également obtenu qu'Aliz soit exceptionnellement autorisé à devenir leur Écuyer. »
Ce n'était pas une nouvelle qui avait dû ravir la Faction des Nobles. Très attachés aux traditions (surtout quand celles-ci leur assuraient le pouvoir), ils avaient dû voir d'un mauvais œil que le Roi contrevient à celles-ci. Surtout pour une femme.
« J'apprends beaucoup auprès des Chevaliers » repris Aliz. « Mais je préfère les enseignements de Messire Stronoff et de ses Guerriers. »
« C'est vrai qu'elle a pris l'habitude de nous rejoindre et parfois de s'exercer avec nous depuis qu'elle est là » acquiesça Gazef.
Il semblait quelque peu gêné en disant ces mots et une légère rougeur colorait ses joues.
« Je suis ravi de pouvoir m'entraîner avec des Guerriers aussi adroits et puissants » reprit la jeune femme.
« Vous êtes cependant déjà plus forte que la plupart d'entre eux » répliqua Gazef.
Il se tourna vers Climb.
« D'ailleurs, je dirais que vous êtes à peu près de la même force tous les deux. Ce serait sans doute utile que vous vous entraîniez ensemble. »
« Quoi ? » Balbutia Climb. « Moi et… elle. Mais enfin je… et elle ne peut pas… »
Certes, on pouvait dire que leur rang était équivalent, mais s'associer avec lui n'était pas vraiment une bonne chose surtout si la Faction des Nobles l'avait en ligne de mire. Ils pourraient se servir de lui pour l'atteindre.
« C'est une très excellente idée, Capitaine ! » S'exclama cependant la jeune femme. « Je vous ai bien observé pendant votre combat. Vous étiez fantastique. »
« Pas autant que Messire Stronoff » bégaya Climb.
« Vous lui avez pourtant tenu tête. J'aimerais bien en faire autant. J'espère qu'en l'entraînant avec vous, je pourrais y parvenir » dit-elle en tendant la main à Climb.
Même si elle paraissait amicale et si son rang n'était pas très élevé, contrarier une Noble n'était pas vraiment une bonne idée. Climb se résolut donc à accepter la main tendue.
« Heureuse de faire votre connaissance, Monsieur Climb » dit Aliz.
Ou plutôt, heureux de te revoir mon petit Climb, dit Harddyn en son for intérieur en serrant amicalement la main du jeune homme.
À suivre…
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Petit retour en force après mes vacances et ma maladie. J'espère que ça vous a plu.
Encore une fois, j'espère que ma petite scène de sexe ne vous a pas dégoûté. C'est sorti comme ça, en écrivant. Dans l'œuvre originale, il n'y a bien sûr aucune allusion à d'autres séquelles psychologiques que le désespoir chez Brain après sa rencontre avec Shalltear, mais je trouvais que ça apportait du… piquant. La question est de savoir si Shalltear a vraiment ensorcelé Brain ou alors… mais ça, on le verra plus tard.
Premier interlude. Un peu trop de personnages à mon goût cependant. Mais ça a permis d'en introduire deux nouveaux.
Et oui, Harddyn est encore une fois sous couverture. Qu'est-ce que vous en pensez ? Cette nouvelle identité va avoir sa petite importance pour la suite surtout pour ses relations avec un autre personnage. Je vous laisse deviner lequel.
En tout cas, n'hésitez pas à me laisser un commentaire et je vous dis à dans deux semaines.
