VORACITY I - New World

Arc 4 : L'Écuyer Contrefait

Chapitre 6

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Sarin et Clematia n'étaient pas les seuls à travailler dans le complexe du Niveau 5 de Nazarick. En plus des laboratoires d'analyses se trouvaient le hangar et la manufacture de Gear McFly ainsi que le secteur technologique de Cybertina Gadget.

Parler de "secteur" était peut-être un peu exagéré. Si la zone occupée par l'Androïde était assez vaste, celle de l'A.I. se résumait à… pas grand-chose. Mais c'était normal.

En effet, le vieux McFly avait besoin de place, d'énormément de place. Sa manufacture était le centre névralgique de la production de technologie de Nazarick. Pour le moment, l'un des seuls produits à sortir vraiment de ses ateliers était les CrysTels. Cependant, l'usine produisait énormément de composants divers nécessaires à de futures créations. Ces composants devaient par ailleurs être stockés et un espace considérable était indispensable.

De même, le Garage (comme Harddyn l'avait appelé) possédait également de très vastes dimensions pour la simple et bonne raison que l'Incube désirait que Nazarick dispose d'une flotte de transport complète. Pour le moment, la plupart des véhicules étaient principalement des prototypes en modèles uniques, mais certains d'entre eux étaient amenés à prendre énormément de place. C'est pour cela que les robots sous les ordres de McFly passaient leur journée entre ces deux lieux en un ballet ininterrompu d'aller-retour.

En comparaison, Cybertina n'avait à sa disposition qu'un petit bureau avec une salle de serveurs attenante dans lequel elle travaillait seule. C'était parce que, dans son cas, la place physique était moins importante que l'espace informatique. En effet, si les nombreux serviteurs invoqués par Harddyn et Ainz pour aider Gear McFly dans ses tâches étaient mécaniques, ceux qui avaient été confiés à Cybertina Gadget étaient numériques et travaillaient à l'intérieur des serveurs, dans un Monde Digital.

Les dirigeants de Nazarick avaient estimé qu'il était logique que ce soient des Programmes qui soient assignés à la conception technologique. Effectivement, rien, ou presque, n'était construit dans ce secteur. Tout y était conceptualisé, analysé et planifié avant d'être envoyé à la manufacture pour créer les prototypes.

Cependant, Cybertina avait sollicité de pouvoir avoir son propre bureau physique. L'une des raisons en était qu'elle avait besoin de pouvoir procéder à des expériences sur leurs ressources afin de déterminer ceux qui seraient le plus à même de fonctionner avec la technologie. En effet, si des métaux comme l'aluminium ou le zinc, habituellement utilisés pour l'ingénierie mécanique et informatique, existaient sur YGGDRASIL (grâce à la même extension qui avait introduit les machines et les véhicules), Harddyn avait expressément demandé à ce que des analyses soient faites pour vérifier la compatibilité avec des matériaux plus exotiques comme le mithril ou les minerais prismatiques.

C'était d'ailleurs grâce à cela que la technologie magique des CrysTels avait vu le jour. Sans cela, ils n'auraient pas pu fonctionner. La technologie utilisant la magie comme source d'énergie n'existait pas quand Harddyn était parti de son monde. Les Sorciers vivaient toujours dans le passé et aucun d'eux ne s'était senti assez concerné pour la développer. Harddyn avait créé quelques pistes, mais à cette époque-là, il ne s'intéressait pas vraiment à résoudre le problème. Toutefois, c'était ces pistes qui avaient permis à Cybertina de poser les bases d'une toute nouvelle technologie à base d'énergie propre.

Cependant, pour elle, c'était en quelque sorte le début des ennuis. À cause de cela, elle enchaînait les travaux et les commandes sans discontinuer. Si on la cherchait, on était presque sûre de la trouver devant son ordinateur à parler toute seule.

C'était d'ailleurs ce qu'elle faisait ce jour-là.

« Qu'est-ce que je vais faire ? » Gémit-elle à voix haute. « Il y a tellement de travail… oui, je sais qu'il faut faire une liste de priorités, ne sois pas méchante… »

Plusieurs fichiers s'ouvrirent devant ses yeux.

« Alors… euh… le service de contre-espionnage a été formé à la gestion de la base de données » dit-elle tout en continuant à se parler à elle-même. « C'est eux qui s'occuperont de la fournir et de l'indexer… je sais que ce n'est pas idéal. Il serait plus pratique que ce soit notre secteur qui s'en charge puisqu'on s'occupe aussi du reste, mais on a déjà trop de travail… oui, j'ai envoyé ma demande pour une extension de personnel, mais je n'ai pas encore eu de réponse… ce n'est pas ma faute ! »

Elle avait presque les larmes aux yeux en parlant à ce qui semblait être son reflet dans l'ordinateur.

« Ah ! Il y a la maintenance des bornes à faire !... Oui, c'est à de s'en occuper, mais je ne lui ai pas encore transmis la procédure… Ne me traite pas d'idiote, c'est pas gentil ! »

Un oubli, ça pouvait arriver… même sur quelque chose d'aussi capital que le réseau interne de Nazarick. En effet, à mesure que Cybertina avait développé les fonctions de son téléphone, elle s'était rendu compte d'une complication majeure. La communication par voie magique était possible d'un appareil à l'autre. Le passage de la voix, de messages ou encore d'image se faisait sans problème. Ainsi, chacun avait la faculté de communiquer entre eux ou aux espions de faire parvenir leurs données aux serveurs.

Cependant, le système non satellitaire de Cybertina s'était révélé avoir une faiblesse majeure : l'incapacité de consultation à distance. Il était impossible, à partir de la magie d'un CrysTel, d'accéder aux serveurs de bases de données et à leurs informations. La seule solution était de demander aux personnes en charge de sa gestion de faire une recherche et d'en envoyer le résultat. Ce n'était pas du tout pratique. Surtout avec les projets qu'avait imaginés leur Maître Harddyn.

Pour lui, cette base de données qui indexait l'intégralité des connaissances rassemblées sur le Nouveau Monde n'était qu'une première étape. Son désir était en quelque sorte d'émuler l'offre qui était disponible dans son Ancien Monde en matière d'information, d'expression et de divertissement. Il voulait que des bulletins de nouvelles soient créés et accessibles pour les habitants de Nazarick. Il voulait aussi mettre en place des réseaux sociaux, des messageries instantanées, des applications d'expression artistiques et audiovisuelles et des jeux. Seulement, toutes ces innovations n'ont été possibles qu'à partir du moment où le réseau internet est devenu facilement accessible de n'importe où.

Et c'était là le problème. Le système des CrysTels et de leur réseau pouvait se comparer à un réseau téléphonique classique. Ce qui voulait dire en fait, c'est que ce qu'il manquait, c'était l'internet.

Fort heureusement, Cybertina avait été créée pour être la plus intelligente et elle disposait de toutes les données nécessaires pour élaborer ce réseau. Et c'était ce qu'elle avait fait. Elle avait commencé par relier les différents serveurs du Niveau 5 puis concevoir des bornes utilisant une technologie semblable au Wifi pour que chaque personne puisse y accéder à partir de son CrysTel (ce qui a bien sûr demandé une mise à jour des protocoles de tous les appareils).

Le plus difficile avait été de pouvoir ensuite transmettre le signal aux autres Niveaux. En effet. Aucun d'eux n'était relié physiquement aux autres. Et ils ne le pouvaient d'ailleurs pas puisqu'ils se trouvaient en fait chacun dans des subespaces différents. Il était donc inutile de creuser dans le sol de l'un des Niveaux pour atteindre le suivant (sinon il était probable que les ennemis d'Ainz Ooal Gown du temps d'YGGDRASIL auraient pu utiliser cette méthode et le Grand Tombeau serait tombé depuis longtemps). Il avait alors fallu utiliser la magie des portails qui reliaient ceux-ci pour faire passer les câbles.

Le problème, c'était que ce procédé créait une sorte de brèche dans la sécurité du donjon. En effet, il devenait impossible de refermer ces portails au risque de sectionner les câbles. Ils demeuraient donc ouverts pour tout envahisseur ce qui était intolérable.

Une consultation active avait cependant permis de résoudre cette difficulté. Il suffisait de séparer les espaces de circulation. Les portails ordinaires resteraient en place pour le passage des gens et seraient fermés si nécessaire (en particulier ceux menant au 8e Niveau et au-delà) et de nouveau seraient construits pour l'usage exclusif du réseau.

Toutefois, la faille de sécurité demeurait. Même en réduisant la taille des portails pour ne permettre que le passage des câbles, cela restait toujours une ouverture. La solution avait alors été de les dissimuler et donc les câbles par la même occasion, en les enterrant. Les portails étant invisibles, la faille l'était donc également.

À partir de là, il avait été facile de créer des serveurs proxy à chaque Niveau en les reliant à des bornes. Grâce à cela, il n'existait pas un endroit dans le Donjon où leur réseau internet personnel n'était pas disponible.

Malheureusement, ce n'était pas le cas pour l'extérieur. Les communications étaient toujours possibles, mais beaucoup de fonctionnalités disponibles à l'avenir ne pourraient pas être utilisées en dehors du Grand Tombeau. Pour y parvenir, il faudrait créer des antennes puissantes, mais discrètes et également des satellites. Mais ça, ça devrait attendre.

Pour le moment, si Cybertina ne transmettait pas au service technique de Gear les documents nécessaires pour expliquer la manœuvre d'entretien des bornes, leur système local ne tiendrait pas le coup.

« Mais j'ai tellement de travail ! » S'exclama Cybertina en se prenant la tête. « Les plans des antennes et satellites ne sont pas urgents, mais je dois encore faire les modifications du prototype de microscope optique, en créer une version à balayage, mettre au point un spectromètre de masse, un analyseur hémostatique, un appareil de chromatographie en phase gazeuse, les machines-outils pour les projets d'extraction et de manufacture automatisés… »

Alors que l'AI allait continuer son monologue, un tintement retentit. Elle tourna les yeux vers son CrysTel et s'aperçut qu'on venait de lui envoyer un message. Elle prit l'appareil, l'ouvrit, consulta attentivement la note et s'effondra sur son bureau en gémissant de plus belle.

« Ce qui m'arrive ? » S'exclama-t-elle toujours en s'adressant à son écran. « M. Titus Annaeus Secundus vient de me dire que les tests sur les derniers papiers pierre que nous avons mis au point ont échoué ! Même fabriqué à l'aide des joyaux les plus purs et rares, le support ne tolère pas de Sorts au-dessus du Rang 4 ! Tout est à refaire ! »

Elle soupira.

« Mais je n'y connais rien, moi, en Magie ! Si seulement c'était aussi simple que d'appuyer sur un bouton ! »

En disant ces mots, une idée traversa alors son esprit. Elle se redressa.

« Mais peut-être que ça peut le devenir, tu ne crois pas ? » dit-elle à son reflet. « Les CrysTels utilisent une variante du Sort [Message] pour communiquer. Et si on pouvait faire en sorte qu'ils puissent en utiliser d'autres ? »

Après tout, dans la magie comme pour le reste, l'information était plus importante que le support lui-même. Le support ne devait servir qu'à permettre à cette information d'être fixée. À ce moment-là, peu importe que ce support soit physique… ou numérique.

C'était la même polémique qui avait existé entre livres physiques ou numériques. Aucun des deux n'avait l'ascendant sur l'autre, l'important c'était la manière dont chacun pouvait les utiliser faire ce qu'il avait à faire. Certains préféraient les livres physiques par attachement et d'autres les livres numériques pour leur praticité. Aucun n'était meilleur que l'autre, car l'information en elle-même était identique. Cependant, il fallait choisir en fonction de ses besoins.

Et Nazarick avait vraiment besoin d'avoir accès à de la magie rapidement et s'ils ne trouvaient pas de support suffisant pour y inscrire les Sorts, alors ils devaient tout simplement s'en passer.

« Les appareils fonctionnent déjà à l'énergie magique donc les Sorts seront alimentés » dit Cybertina alors qu'elle réfléchissait à toute allure. « Et il n'y aurait plus également de problème de limite, car les Sorts ne seraient plus qu'un programme à copier sur son CrysTel à partir d'une base de données sur le réseau donc tant que la mémoire vive arrive à suivre tout va bien. Bien sûr, il faudra faire des tests. Voir si tout le monde peut utiliser les Sorts, mais le potentiel est… »

Elle s'arrêta et fixa son ordinateur.

« Oui, je sais qu'il faut qu'on s'y mette tout de suite » soupira-t-elle. « Tu dis ? Ce serait plus rapide si j'opérais dans le Monde Digital ? Et bien, c'est vrai, mais… »

Il y avait une autre raison pour laquelle Cybertina préférait un lieu de travail physique plutôt que numérique. C'était que quand elle se matérialisait dans le virtuel, elle n'était plus… vraiment la même.

« Si tu es sûr… » dit-elle finalement.

Elle hésita un instant puis posa sa main sur l'écran face à elle. Son image se parasita plus fortement qu'à l'accoutumée puis son corps sembla se dissoudre en commençant par ses pieds et en se terminant par le bout de ses doigts. Il y eut un flash et Cybertina n'était plus là.

Elle se matérialisa presque aussitôt dans le Monde Virtuel. Ici, tout n'était que vitesse. De son rythme ridiculement lent de physique, elle était à présent aussi rapide qu'un fichier numérique. Avec assurance, elle s'avança dans l'espace de travail ressemblant au poste de commandement d'un vaisseau. Des centaines de figures anonymes étaient assises devant des écrans et manipulaient des données en continu. Tous levèrent les yeux à son arrivée, détaillant son corps de femme à la silhouette langoureuse.

Elle s'approcha d'un grand fauteuil placé sur une estrade et s'y installa. Elle croisa les jambes, sa jupe remontant pour révéler la jarretelle d'un bas. Ceci, ajouté au chemisier et à sa blouse ajustée, lui donnait des airs de dominatrice. Elle repoussa ses cheveux en arrière et sourit avant de s'adresser à ses troupes.

« Un nouveau travail nous attend, mes serviteurs dévoués » dit-elle d'une voix suave. « Je vous envoie les spécificités immédiatement. »

Aussitôt, des messages s'affichèrent sur les ordinateurs des Programmes présents. Une vague de commentaires et de gémissements se fit entendre. Un simple claquement de doigts de leur chef y mit cependant un terme.

« Cessez de vous plaindre et au boulot ! » S'écria-t-elle.

Avec plaisir, elle les vit donc s'activer. Bien entendu, elle aussi allait faire sa part, mais pour le moment, elle se délectait de son pouvoir. De sa main fine, elle retira ses lunettes et les regarda quelques instants.

« Aurevoir Miss Cybertina » dit-elle avec une voix amusée en jetant négligemment les lunettes. « Et bonjour Maîtresse Gadget. »

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« Attendez ! J'aurais… j'aurais quelque chose à demander » dit Brain Ungleus en passant le coin du bâtiment derrière lequel il s'était dissimulé.

Il avait manifestement assisté à la scène. Bien entendu, Sebas était au courant de sa présence grâce à ses perceptions surdéveloppées. Aliz également, malgré le fait que ses sens à elle soient moins aiguisés que celle de son Serviteur. Elle possédait cependant un avantage grâce à ses pouvoirs mentaux. Elle s'était peut-être promis de ne pas utiliser sa Télépathie pour entrer dans la tête des gens, mais celle-ci avait d'autres applications.

Elle pouvait aussi agir comme un sixième sens, un sonar lui permettant de capter les ondes cérébrales des êtres autour de lui. Il ne pouvait percevoir ni pensées ni émotions, toutefois, il captait autre chose : l'identité. En effet, des ondes cérébrales, c'était comme une odeur, c'était propre à chaque individu. Et de la même façon qu'un chien pouvait reconnaître quelqu'un à son odeur, il pouvait reconnaître quelqu'un à ses longueurs d'onde.

Il avait déjà "sentit" Brain quand il avait commencé à les suivre. Il savait donc où il s'était caché et avait perçu quand il s'était mis à bouger. C'était comme… des ondulations dans l'eau. Cependant, de leur groupe, Climb était le seul à ne pas être au courant si bien que la première chose qu'il fit fit de pointer son arme en direction de l'intrus qui leva les mains.

« Je… Excusez-moi sincèrement de vous déranger » dit-il. « Croyez bien que je ne cherche pas à faire du mal à quiconque, je ne pouvais tout simplement plus attendre. »

Il était nerveux. Très nerveux. Et il avait de quoi. Quelques instants auparavant, il avait subi de plein fouet la pression psychologique émise par Sebas et, à sa plus grande honte, s'était retrouvé à quatre pattes sur le sol à vomir. Quand il avait finalement pu redresser la tête, il avait vu que le jeune homme à qui était vraiment destinée cette attaque était encore debout. Il tremblait, respirait fort, mais il ne s'était pas effondré comme lui alors qu'il n'avait fait qu'en supporter le contrecoup.

Il voulait savoir comment il avait fait. Comment il avait pu résister à la terreur de se trouver face à une mort certaine devant un adversaire plus puissant que lui.

Lui aussi était, plus tôt, dans le cercle des badauds alors que le Majordome défendait l'enfant de la bande de voyous. Il avait vu sa technique, son coup foudroyant et il s'était demandé si lui aurait pu l'éviter. Au même moment, il s'était une nouvelle fois retrouvé dans la caverne, face à Shalltear Bloodfallen, à l'attaquer sans relâche de toute la puissance de sa lame comme celle-ci ne faisait que parer nonchalamment à l'aide de l'oncle de son petit doigt.

Après que Gazef l'ait trouvé, il avait repris le contrôle de son esprit… mais pas de sa vie. Il y avait toujours un vide béant en lui. Il était comme entouré de ténèbres sans savoir si tout ce qu'il avait traversé dans son existence avait un sens et quoi faire pour son avenir. Fuir ? Disparaître pour être sûr de ne jamais plus recroiser la route de cette abomination ? Ou alors, devenir encore plus fort ? Et comment ? Avec de nouvelles armes ? Des objets magiques ?

Tout cela lui semblait futile. Inutile. En fait, quoi qu'il pût penser, il ne sentait qu'un énorme vide à l'intérieur de lui. Et puis une nouvelle fois, c'était arrivé. Il s'était retrouvé face à un adversaire immensément plus fort que lui. Il l'avait suivi comme attiré par un aimant, sans vraiment savoir pourquoi, et il s'était heurté à ce mur infranchissable. Sauf que cette fois, l'attaque n'était pas dirigée contre lui, mais contre ce tout jeune homme presque deux fois moins âgé que lui et il avait résisté. Là où Brain, l'un des meilleurs combattants du Royaume, s'était effondré par deux fois, lui, était resté debout… et il voulait savoir comment il avait fait.

« Est-ce une de vos connaissances, Messire Sebas ? » Demanda Climb en baissant quelque peu la pointe de son épée.

« Non, pas du tout » répondit le Majordome. « Mais peut-être que cette demoiselle… »

« Je ne sais pas non plus de qui il s'agit » mentit Aliz.

« Je m'appelle Brain Ungleus » se présenta celui-ci en s'inclinant. « À nouveau, je m'excuse pour cette interruption. »

Climb baissa son arme, mais la conserva en main.

« Et bien » dit Sebas. « Que nous voulez-vous ? »

Mais l'attention de Brain était toute entière tournée vers Climb.

« Je voulais te demander… comment tu as fait pour résister à cette incroyable aura meurtrière. »

Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent légèrement. Il resta inexpressif cependant son regard manifestait tout sa surprise, son incrédulité et également son gène.

« Cette soif de sang dépassait de beaucoup le niveau qu'une personne ordinaire pourrait supporter. Un enfant comme… pardon, je veux dire… moi-même, avec mon expérience, je n'ai pas été capable de l'endurer. Et pourtant, toi, tu l'as fait. Tu as tenu bon. Comment est-ce que tu as pu réussir un tel… exploit ? »

Son excitation était palpable. Même Climb pouvait le dire. L'homme semblait vouloir désespérément savoir.

« Je ne suis pas très sûr de comment j'ai fait » répondit le jeune soldat. « Je pense juste que c'est grâce à ma maîtresse. »

« Ta maîtresse ? » Demanda Brain, incrédule.

« La personne que je sers » précisa Climb. « C'est à elle que je pensais à ce moment-là et c'est pour elle que je désirais donner le meilleur de moi-même. »

Un sentiment de frustration envahit alors le mercenaire. Ce n'était pas vraiment ça qui allait l'aider. Cependant, avant même qu'il ne puisse s'exprimer, Sebas prit à son tour la parole.

« Cela signifie que le jeune Climb éprouve une très grande loyauté envers cette personne, une loyauté suffisante pour surmonter sa peur. »

« Les êtres conscients ont toujours possédé un potentiel caché qui se révèle quand des êtres chers se trouvent en danger » reprit Aliz. « Ainsi, des mères ont été vues soulever des v… des décombres pour sauver leur enfant ou une personne ramener la bien-aimée sur le bord de la falaise d'une seule main. »

« De très bons exemples, Mademoiselle » approuva Sebas avant de se tourner à nouveau vers Brain. « C'est la même chose pour tout le monde. Si vous possédez quelque chose d'immuable, alors vous deviendrez capable de déployer une puissance incommensurable. »

Le Mercenaire n'était pas sûr de parvenir à croire ce que disaient le Majordome et la Demoiselle. Après tout, il avait eu un rêve, celui de devenir plus fort. Mais celui-ci s'était brisé au combat et il avait fui.

« Par nature, les êtres humains sont fragiles et faibles » dit Aliz comme si elle avait deviné les pensées de l'homme. « Les aspirations qu'ils cultivent pour eux-mêmes sont souvent fragiles. C'est quand il commence à bâtir pour quelqu'un d'autre, quand il se dévoue pour une ou plusieurs personnes qu'il peut rester debout même abattu. Parce qu'il n'est pas seul. »

Brain regarda la femme qui venait de parler dans les yeux. Elle était bien plus jeune que lui et pourtant elle semblait être bien plus mature. Il eut alors un ricanement sans joie. L'ironie de la situation ne lui échappait pas. Dans sa quête de puissance, il avait abandonné tout lien avec les autres en pensant qu'ils ne feraient que le freiner. Or il s'avérait que c'était en fait tout l'inverse.

« Je n'ai fait que renoncer à mes idéaux » dit-il plaintivement. « Est-ce que je peux seulement changer ma façon d'être ? »

La jeune femme s'avança alors vers lui et lui donna un coup de poing dans l'épaule. Brain grogna et porta sa main à l'endroit de l'impact. Bon sang ! Ça faisait mal ! Elle devait avoir une certaine force pour avoir réussi à l'atteindre au travers de la côte de maille qu'il portait en dessous de sa tunique. D'autant qu'elle ne semblait pas du tout en souffrir.

« Si tu as mal, c'est que tu es encore en vie » dit-elle. « Et si tu es en vie, alors tu peux changer. Il te suffit de le vouloir. »

« Dit sans violence » reprit Climb en jetant un regard noir à son amie qui haussa les épaules, « je pense qu'il ne faut pas vous en faire. Si même quelqu'un sans talent comme moi a réussi à changer, alors vous pouvez le faire aussi. »

« Très bien, tu l'as dis sans violence. Et sans autodénigrement, ça donne quoi ? » Demanda Aliz en roulant des yeux.

De son côté, Brain se sentait étrangement apaisé par les paroles de Climb. Elles ne reposaient sur aucun fondement, mais il se sentait mieux. Le coup d'Aliz avait également aidé. Il avait vraiment besoin parfois qu'on lui enfonce du bon sens dans le crâne à coup de poing. Littéralement.

« Vous êtes gentil et fort » dit-il alors. « Tous les deux… Je suis navré de mon insolence. »

Climb se retint de rougir.

« Je vous en prie » dit-il. « Cependant. J'ai une question. Vous avez dit vous appeler Brain Ungleus. Est-ce que par hasard, vous êtes le même qui a combattu à force égales le Capitaine Stronoff ? »

À cette question, l'attention d'Aliz redoubla. Toute information sur Gazef était bonne à prendre. Dans l'unique but de connaître les forces et les faiblesses du Royaume bien entendu. Pas autre chose.

« En effet » répondit Brain. « Tu as vu notre combat ? »

« Malheureusement non. Mais j'aurais adoré. J'en ai seulement entendu parler par une spectatrice. Elle a loué votre talent exceptionnel et disait que de tels escrimeurs se comptaient sur les doigts d'une main dans tout le Royaume. Et même si je ne lui faisais confiance sur ma vie, rien qu'à voir votre posture ou la manière dont vous vous déplacez, je suis à présent convaincu qu'elle disait vrai. »

Gêné par la franchise du jeune soldat, Brain rougit.

« C'est… hum… merci, je… » balbutia-t-il en passant sa main sur sa nuque d'embarras. « Je pense que j'ai encore beaucoup à apprendre, mais être loué comme ça c'est… assez agréable, je dois dire… »

« Messire Ungleus ? » Intervint alors Sebas.

« Oh ! Je vous en prie. Pas besoin de "Messire" avec moi. Je ne mérite pas une telle marque de respect de votre part. »

« Je me nomme Sebas Tian » dit le Majordome. « Vous pouvez m'appeler Sebas. Et sur ce jeune Ungleus, pourriez-vous, je vous prie, donner une leçon d'escrime à ces deux jeunes gens ici présents ? Je pense que ça pourrait leur être profitable. »

« Ah oui, au fait, désolé de ne pas m'être présenté plus tôt, je m'appelle Climb » dit celui-ci en s'inclinant.

« Et moi Aliz » dit à son tour celle-ci alors qu'elle sortait son épée. « Et effectivement, une leçon d'escrime pour le petit pourrait s'avérer nécessaire. »

« Je ne suis pas… » commença à dire Climb d'une voix étranglée en rougissant.

« Je pensais que Maître Sebas devait s'en occuper » dit Brain. « C'est ce que vous avez dit avant que je vous interrompe, il me semble. »

« En effet » dit le vieux domestique. « Mais comme Demoiselle Aliz l'a également remarqué, on dirait qu'il va être nécessaire que je me charge

de quelques visiteurs inattendus. »

À ce moment-là, trois hommes à la mine patibulaire sortirent de l'ombre de l'autre côté de la ruelle. Ils étaient vêtus de noir avec, à en croire leur mouvement, des côtes de mailles par-dessous. Ils étaient armés de poignards qu'ils tenaient à l'aide de lourd gant de cuir. Ce fait, ainsi que la gouttière luisante des lames, indiquait qu'elles étaient sûrement empoisonnées.

« Impossible ! » S'exclama Brain avec surprise en sortant son épée. « Ils osent attaquer malgré votre aura meurtrière de tout à l'heure ? Soit, ils sont fous, soit extrêmement confiants en leurs capacités. »

Si c'était le cas, alors chacun de ces hommes devait avoir son niveau ce qui était problématique. Certes, il ne les avait pas remarqués, mais si une jeune Guerrière comme cette Aliz ne l'avait fait c'est que leurs compétences de filatures n'étaient pas des plus fiables. Cela renforçait son opinion qu'il s'agissait d'une troupe d'assaut.

« Oh, j'en doute » dit Sebas. « Après tout, la pression que j'ai exercée n'était concentrée que sur vous deux. »

« Pardon ? »

« Mon but était avant tout d'entraîner le jeune Climb, mais sachant que vous vous trouviez à proximité, j'ai décidé de vous éprouver un peu aussi. J'ignorais qui vous étiez et ce que vous désiriez donc je voulais essayer de vous faire sortir de votre cachette ou vous faire fuir. Mais ceux-là… »

Il désigna les hommes qui n'avaient pas bougé.

« Je savais déjà qu'ils étaient mes ennemis c'est pourquoi je les ai exclus de la zone d'effet. J'aurais été bien embêté s'ils s'étaient enfuis la queue entre les jambes. »

« Vous savez donc qui ils sont ? » Demanda Climb.

« J'ai ma petite idée, mais aucune preuve pour le moment. C'est pourquoi j'aurais voulu en capturer un ou deux afin de les interroger » répondit le Majordome. « Cependant, j'aurais aimé ne pas vous impliquer là-dedans. Puis-je vous demander de vous éloigner d'ici sans tarder ? »

« Avant cela, je voudrais vous poser une question » dit Climb. « Ces hommes sont-ils des criminels ? »

« Ils en ont l'air en tout cas » commenta Brain.

Aliz leva les yeux au ciel en voyant le feu qui se mit à illuminer les prunelles de Climb à cette réponse. Elle savait qu'à une certaine époque une lueur identique avait éclairé son regard. Mais c'était loin tout ça et ses jours de héros étaient finis. Ou plutôt les Sorciers, par égoïsme et ambition, y avaient mis fin. À présent cependant, Harddyn ne ressentait plus de colère, seulement une frustration amusée en percevant ce regard chez d'autres personnes.

« Je risque de vous gêner, mais j'aimerais le battre à vos côtés » dit-il. « En tant que Soldat, il m'appartient de protéger les innocents. »

Aliz capta immédiatement le regard sceptique de Brain Ungleus et le comprit parfaitement. Rien ne disait que Sebas était du côté de la justice après tout. Cependant, Climb avait sa propre conception du monde. Une conception assez manichéenne à vrai dire… et assez naïve. Ce qui n'était pas pour déplaire à Harddyn. Certains parlent de naïveté alors qu'il s'agit plus de bonté. Il est vrai que le naïf ne vit pas longtemps… enfin, à moins d'avoir des amis fidèles. Et c'était ce qu'était Aliz pour lui à ce moment-là.

« Si Climb reste, je reste aussi » dit-elle. « Maladroit comme il est, il risque de se blesser et sa maîtresse m'en voudrait. »

« Je doute que vous ayez besoin d'aide » dit Brain en se retenant de sourire à la couleur cramoisie qu'avait prise le Soldat, « mais j'aimerais bien me battre à vos côtés. »

« Surtout qu'il serait sans doute difficile de s'enfuir alors que les compagnons de ceux-là tentent de nous prendre en tenaille » rajouta L'Écuyère.

Les trois assassins déjà présents flanchèrent légèrement en entendant que leur plan avait été découvert. Au même moment, trois autres hommes surgirent du côté opposé de la rue. Ils étaient habillés et armés de la même façon que les premiers.

« Bien. Ils sont tous là à présent » dit Sebas. « Que faisons-nous ? Tentons-nous une percée ? Se charger de ceux qui se trouvent devant nous rapidement avant de s'occuper des autres ? »

« Ce serait le plus sûr, mais… » commença Brain.

« Ceux de derrière pourraient s'enfuir » fini Aliz.

« En effet » approuva Sebas. « Dans ce cas, puis-je vous demander à tous les trois de vous occuper de ceux-là pendant que je me charge des autres ? »

Climb et Brain hochèrent la tête. Malgré les aprioris qu'ils avaient à laisser Sebas seul, ils savaient que c'était son combat et qu'eux ne faisaient que l'assister. Ils se devaient alors de lui obéir. Aliz, elle, savait parfaitement que ces hommes n'étaient que de la petite bière pour le Majordome. Il n'était donc pas nécessaire de s'inquiéter. Elle allait faire sa part et puis c'est tout. Mais auparavant…

Climb sursauta quand il sentit des mains sur les siennes. Il se tourna vers Aliz au moment où elle passait un anneau à son doigt.

« Que… »

« Bague magique antipoison. Contre eux, ça te sera utile » dit-elle.

« Pas mal » commenta Brain. « À se demander pourquoi une jeune fille de bonne naissance comme vous aurait besoin de quelque chose comme ça. »

« C'est justement ma naissance qui fait qu'elle est nécessaire » dit Aliz. « En tant que noble dans un pays aussi divisé, on ne sait jamais quand quelqu'un pourrait glisser du poison dans un aliment. Un tel accessoire est presque une obligation quand on vit au château. »

« Pauvre petite fille riche » ricana le Mercenaire.

« Merci » répondit simplement Aliz avec arrogance.

« Je… je ne peux pas accepter ça ! » S'exclama Climb en tentant de retirer l'anneau.

« Regarde leurs dagues » dit Aliz. « Elles sont sûrement empoisonnées. »

« C'est pour ça que tu devrais le garder. »

« Mon style est plus basé sur la rapidité. J'ai moins de chance de me faire toucher que toi qui est au contact. »

« Mais je ne peux pas accepter… »

« Climb ! » S'écria alors Aliz. « La fierté est une chose, mais en combat, ça pourrait te faire tuer. »

Le ton mortellement sérieux de la jeune femme fit immédiatement taire son ami.

« Ton devoir est de rester en vie pour ta maîtresse et de la protéger et pour cela tu vas devoir ravaler ton orgueil et dire oui à tout ce qui pourrait t'aider » dit-elle. « Si tu dois accepter la charité des autres, fais-le. Si tu dois utiliser des méthodes de combat déshonorantes pour gagner, utilise-les. Si tu dois marcher sur les cadavres de tes camarades ou d'innocents pour la sauver, va-t'en sans te retourner. Ta conviction doit être plus forte que ton orgueil alors garde cette foutue bague, tu me la rendras plus tard ! »

« Tu as entendu la dame » persifla Brain en ricanant à nouveau.

« Toi, ta gueule et bats-toi » lui rétorqua Aliz, énervée.

Elle en avait assez des héros de pacotilles à la fierté trop démesurée pour demander de l'aide. Elle en avait été un. Elle refusait donc de devoir assister encore à ça.

Le Mercenaire, de son côté, trouvait assez amusant ce petit bout de femme. Manifestement, elle savait se battre. Avec elle à leur côté et Messire Sebas dans leur dos, il se sentait en sécurité. Ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps.

« Ne vous préoccupez pas de ces jeunes gens » dit Sebas à ses propres adversaires. « C'est moi qui vous combattrai. »

Une vague de malaise se répandit parmi les trois hommes face à lui. La raison en était plus qu'évidente quand on voyait que le Majordome tenait trois dagues entre ses doigts. Le fait qu'il les ait rattrapés au vol d'un seul geste devait les avoir renseignés sur sa véritable force.

« Il est incroyable » souffla Climb qui avait observé l'action.

« Je ne serais pas surpris s'il était le Guerrier le plus puissant du Royaume » commenta Brain.

« Plus fort que le Capitaine ? »

« Sans aucun doute » répondit Aliz.

« Parce que vous avez déjà vu Stronoff de battre ? » Demanda Brain, gouailleur.

« Je lui ai fait mordre la poussière une ou deux fois » se vanta la jeune femme.

« Sérieusement ? » s'exclama presque Climb, admiratif.

« C'était des entraînements donc il n'a pas utilisé ses Arts Martiaux, mais même sans ça, je peux dire que Messire Sebas est plus fort. »

« Ouais… même si on s'y mettait tous les trois avec Gazef, je doute qu'on parvienne à l'abattre. »

Alors qu'ils parlaient, ils regardaient les hommes en face d'eux. Contrairement à Brain, Aliz savait que c'étaient des Assassins. Cela voulait dire qu'en perdant l'effet de surprise, leur capacité offensive avait diminué d'environ 50 %. De plus, leur embuscade avait échoué. Tout ce qu'ils avaient donc gagné de tout ceci, c'était d'avoir divisé leur force, les affaiblissant encore plus. C'était le risque des embuscades.

« Je suppose que nous en prenons chacun un » dit Aliz.

Son épée était déjà pointée sur celui de droite. Elle se mit à courir à la rencontre de son adversaire. Elle pila juste devant lui, se porta sur sa jambe d'appui, hanches de profil et fouetta l'air avec sa lame en un revers à l'horizontale. L'arme de la jeune femme était plus d'estoc que de taille. Avec ce coup, elle espérait plutôt déstabiliser son ennemi.

Cela fonctionna. L'homme recula d'un bon pour l'éviter, rompant sa garde. Aliz profita de ce bref moment de flottement pour appuyer sur sa jambe avant et se propulser droit sur son adversaire. Son épaule le heurta en plein dans le sternum, lui coupant le souffle. Le coup finit également de le déséquilibrer et il tomba au sol avec un grand bruit.

Reprenant rapidement sa propre balance, Aliz s'avança pour porter une attaque à l'homme à terre. Puisqu'il était équipé d'une cotte de mailles, elle devait frapper à un endroit où elle n'était pas : le cou. Elle visa là où passait la carotide, prête à s'écarter pour éviter les éclaboussures, et voulut y porter un coup d'estoc.

Mais l'Assassin, ayant repris ses esprits, se mit à rouler pour éviter la lame. Celle-ci heurta le sol alors que le criminel parvenait à se relever pour faire face à nouveau à son adversaire. Un filet de sang coulait d'une estafilade au niveau de son cou. Il n'avait esquivé la pointe de l'épée que de justesse.

Il tenta par la suite de mener plusieurs assauts, mais l'allonge supplémentaire dont disposait Aliz ne lui permettait pas d'aller au contact. Soudain, il décela une ouverture dans la posture de la jeune femme. À un moment où sa garde était un peu trop haute, il se baissa et se fendit afin de donner un coup d'épaule dans la poitrine de son adversaire comme elle l'avait fait précédemment.

Ramenant sa jambe arrière, il voulut abattre la lame de son poignard sur elle. Inutile de viser. Tant qu'il ne lui faisait ne serait-ce qu'une égratignure alors il gagnait. Malheureusement, son arme fut bloquée par celle de l'Écuyère. Parant à l'horizontale, elle réussit à stopper l'Assassin dans son geste.

Normalement, une rapière n'était pas assez solide pour résister à un tel assaut. Elle aurait forcément plié. Cependant, pour ce faire, elle utilisa le point le plus rigide de son épée, c'est-à-dire à la base de la lame. La force de frappe de l'homme fit tout de même glisser sa lame contre celle d'Aliz, mais celle-ci fut stoppée en arrivant à sa propre base, au niveau de sa garde.

À ce niveau-là, le combat se rapprochait plus d'un bras de fer. L'Assassin forçait sur sa lame pour la faire descendre tandis qu'Aliz forçait sur la sienne pour l'en empêcher. Au vu de leurs différences de stature, il aurait dû être facile pour l'homme de briser la garde de son adversaire, mais la force surhumaine d'Aliz ne le lui permettait pas d'y parvenir. Bien entendu, il était nécessaire pour elle qu'elle renverse rapidement la situation et elle ne pouvait pas utiliser sa pleine puissance pour cela. Cela aurait été suspicieux. Fort heureusement, elle avait déjà un plan.

Comme l'Assassin ahanait en tentant de toucher son adversaire de sa lame. Il sentit une douleur fulgurante au niveau de la cuisse. Surpris, il sauta aussitôt en arrière. Il s'aperçut à ce moment-là qu'Aliz, en plus de son épée, tenait un poignard à la main. Il se rendit alors compte que tout cela n'avait été qu'un piège. Elle avait feint une ouverture pour le forcer à l'approcher et l'attaquer quand il serait au contact.

Son coup l'avait bien déséquilibré, mais en posant un genou à terre, elle avait eu la stabilité nécessaire pour le parer tout en sortant son arme secondaire, plus petite. Fort heureusement, elle avait échoué. Il avait réussi à se mettre hors d'atteinte avant qu'elle ne fasse de dommages trop importants. Tout ce qu'il avait était une estafilade à l'intérieur de la cuisse.

Soudain, il sentit sa tête se mettre à tourner. Sa vision devint floue et il commença à tituber. Il jura. Est-ce qu'il y avait du poison sur sa lame ? Il baissa les yeux pour estimer les dégâts et vit que la jambe de son pantalon était déjà imbibée de sang. D'après ce qu'il pouvait apercevoir, la blessure n'était pas si large et pourtant des flots de liquide carmin en jaillissaient.

Ce qu'il ignorait, c'était que non seulement, Aliz l'avait bien piégé, mais qu'elle avait parfaitement réussit son attaque. Puisqu'elle n'était pas parvenue à atteindre la carotide, elle avait visé la fémorale. Le sang qui passait là venait directement du cœur. En la sectionnant, il était certain que le système de pompe travaillerait pour lui et que l'homme serait rapidement exsangue.

En le voyant s'effondrer, elle sut qu'elle avait réussi son coup. Elle sortit un mouchoir pour nettoyer les lames de sa dague et de son épée avant de les rengainer alors que son ennemi se vidait de son sang sur le sol. Inutile de continuer le combat, elle savait qu'il n'en avait plus pour longtemps. Elle décida donc de simplement le laisser mourir et se tourna vers ses alliés pour voir où ils en étaient. Brain avait également défait son propre adversaire quant à Sebas, il avait allongé les siens depuis déjà quelque temps à l'aide de coups de poing bien placés. Il observait à présent Climb dont le combat se déroulait un peu moins bien que les leurs.

Il résistait cependant vaillamment aux assauts du dernier Assassin. Seulement, aucun des deux ne dominait l'autre et ils commençaient lentement mais sûrement à se fatiguer. À ce niveau-là, le premier qui parviendrait à porter un coup, même non décisif pourrait être sûr d'être le gagnant.

Soudain, l'homme jeta son poignard sur Climb. Celui-ci réussit de justesse à le dévier, malheureusement, ce n'était qu'une feinte. Il en sortit un second de sous sa tunique et se précipita vers son adversaire en position basse, rasant presque le sol. À cause de la surprise, il avait fait un geste un peu trop large pour parer l'attaque précédente. À présent, il ne pouvait plus la ramener assez rapidement pour se défendre contre ce nouvel assaut.

Il plaça tout de même son bras en avant. Il ne savait pas si cet autre poignard était imbibé de poison, mais il avait de toute façon la bague d'Aliz. Cependant, il y avait des chances que sa cotte de mailles ne tienne pas le choc, mais mieux valait une blessure au bras qu'à un endroit plus vulnérable comme son visage.

Mais à ce moment-là, Climb perçu quelque chose le frôler à grande vitesse. Son esprit en alerte lui permit d'apercevoir le petit caillou au moment où il frappa l'assassin à la paupière. La surprise lui fit immédiatement stopper l'assaut et reculer.

« La peur est une émotion cruciale » dit alors Sebas. « Cependant, vous ne devez pas vous laisser entraver par elle. D'après ce que je vois, votre façon de combattre est trop monotone. Votre esprit n'y est pas. Si vous êtes prêt à sacrifier un bras, autant sacrifier tout de suite le reste. Souvenez-vous que si vous ne pouvez pas dominer votre adversaire par la force, vous devez essayer de la faire par la ruse. Le mental permet parfois de surpasser le physique. »

Climb hocha la tête, signe qu'il avait compris. D'ailleurs, la peur commençait déjà à disparaître. Il savait que quelqu'un veillait sur lui. Mais cela ne voulait pas dire qu'il en était totalement débarrassé.

« Si jamais je venais à mourir Aliz, tu pourrais dire à la Princesse que j'ai combattu vaillamment. »

Son amie roula des yeux. Quelle Drama Queen celui-là alors.

« Arrête de dire des bêtises et achève-le. Je commence à m'ennuyer. »

Rendu nerveux par la nonchalance de la jeune femme et par le fait qu'il était à présent seul contre quatre, l'Assassin voulut se dépêcher de porter un coup à Climb. Il n'était pas sûr qu'il pourrait le tuer, mais il espérait que le blesser distrairait suffisamment les autres pour lui permettre de s'enfuir. Il avait analysé le rythme du garçon donc il savait comment faire pour l'atteindre.

Malheureusement, à ce moment-là, celui-ci lui le surprit par un mouvement qu'il n'avait pas encore fait, plus rapide que les précédents. L'attaque verticale cingla l'air et le frappa à l'épaule. Elle fut stoppée par sa cotte de mailles, mais réussit tout de même à briser sa clavicule ainsi que son omoplate. L'homme s'effondra en arrière en criant, la bave aux lèvres. Il se tut cependant quand Sebas l'assomma d'un coup de pied bien placé.

« C'était magnifique, bravo » complimenta-t-il Climb.

Il se dirigea ensuite vers l'un des assaillants qu'il avait mis hors d'état de nuire et s'agenouilla près de lui.

« Je vais procéder à leur interrogatoire » dit-il. « N'hésitez surtout pas à leur poser des questions si vous en éprouvez le besoin. »

Il le gifla pour le forcer à reprendre conscience, mais avant que l'homme n'ait pu réagir, Sebas posa sa main sur son front. L'Assassin se figea et ses yeux devinrent flous, comme s'ils n'arrivaient pas à se fixer. Le coup n'avait pas été très puissant pourtant sa tête partit en arrière avant de revenir.

« Qu'est-ce que vous lui avez fait ? » Demanda Climb surpris alors que leur assaillant se faisait docile.

« J'ai utilisé une Compétence appelée [Paume Fantoche] » répondit Sebas. « On dirait bien que ça a marché. »

À voir les regards de Climb et Brain, ni l'un ni l'autre n'avait jamais entendu de cette technique. Et pour cause, se disait Aliz, puisqu'il s'agissait d'une Compétence propre à la Classe Maître du Ki. Elle permettait à son utilisateur de perturber le flux d'énergie vitale de sa cible à l'aide du sien afin d'en prendre le contrôle… Enfin, c'était ce que le texte d'ambiance qui lui était associé disait.

Cependant, c'était en fait d'une technique de manipulation mentale en situation de combat. Elle n'avait pas été faite, au départ, pour être employée comme méthode d'interrogatoire. Cet usage hors norme d'un mouvement purement Yggdrasilien était une découverte assez intéressante. Surtout sur l'un des PNJ de Nazarick qui n'avaient montré, jusque-là, que peu de facultés d'évolution.

Toutefois, Sebas avait somme toute un avantage. C'était le seul à passer autant de temps dans le monde extérieur et qui était donc confronté à d'autres manières de faire. De plus, les restrictions sur ses capacités imposées par sa mission l'obligeaient à éviter de se reposer sur ses pouvoirs et à faire les choses autrement.

Peut-être que c'était ça la solution pour provoquer une évolution chez les PNJ de Nazarick. Une sorte d'année sabbatique où ils seraient contraints de vivre parmi les humains (ou toute autre race) de façon incognito… Il faudrait qu'il en parle à Ainz.

En tout les cas, l'interrogatoire de leur assaillant leur apprit pas mal de choses intéressantes. Les hommes qui détenaient auparavant la jeune protégée de Sebas ainsi que ceux qui l'avaient menacé faisaient tous partie des Huit Doigts. Mais ça, ce n'était pas vraiment une surprise. Après tout, d'après ce qu'Aliz avait appris, les Huit Doigts étaient une organisation criminelle assez vaste et puissante. Ce genre d'association tolérant mal les concurrents, toute activité illicite sur leur territoire pouvait donc leur être imputée.

Les révélations de l'Assassin leur avaient également appris qu'ils étaient sous les ordres d'un homme appelé Succulent qui faisait partie des Six Bras et qui était surnommé le Fantôme Infernal. Apparemment, cette faction était composée des six Guerriers les plus puissants de l'organisation criminelle. Ils représentaient l'un de ses 8 départements, celui de la sécurité (celle de l'organisation vraisemblablement) et avait sous ses ordres d'autres types de combattants dont ces Assassins.

Quelques détails avaient permis à Sebas de conclure que ledit Succulent était en fait l'un des hommes qui étaient venus chez lui pour lui extorquer de l'argent. Apparemment, plutôt que de s'amuser à les faire chanter, il avait décidé qu'il serait plus facile de tuer le Majordome et de s'approprier la fortune de sa maîtresse ainsi que le corps de cette dernière.

« Que comptez-vous faire Maître Sebas ? » Demanda Brain une fois l'interrogatoire terminé.

« Et bien, je pense que je n'ai pas trop le choix » répondit le vieil homme. « Succulent semble se trouver dans le même endroit où j'ai retrouvé Tuare. Comme il est préférable de couper le mal à la racine, je présume qu'il ne me reste plus qu'à raser cet endroit. D'autant que d'autres personnes pourraient y être retenues captives. »

« Et si nous attendons trop longtemps alors, ils pourraient les déplacer en ne voyant pas revenir les Assassins » supposa Brain.

Le vieil homme hocha la tête.

« Je vais donc infiltrer les lieux » conclut-il. « Je suis navré, mais pourrais-je vous demander de conduire ces hommes au poste de garde ? »

« Attendez, Messire Sebas » intervint Brain. « J'aimerais… enfin, est-ce que je pourrais vous accompagner ? Si cela ne vous dérange pas, bien sûr. »

« Moi aussi » dit Climb. « En tant que sujet de la Princesse Renner, je me dois de protéger son peuple. Si des innocents souffrent alors je dois les aider du mieux que je le puisse. »

« Je pense que le jeune Ungleus pourra se débrouiller, mais j'ai quelques inquiétudes à votre sujet. »

« Je vous promets que je ne resterai pas dans vos pattes ! »

« Je me faisais plutôt du souci pour votre santé, jeune excité » le contredit Sebas. « Là-bas, je ne pourrais pas vous protéger. »

« J'en suis conscient. »

« Ce que nous nous apprêtons à faire n'est pas vraiment honorable, ni pour vous ni pour votre Maîtresse. M'est avis qu'il existe un meilleur moment et un meilleur lieu pour risquer sa vie. »

« Fermer les yeux sur ces actions serait la preuve que je ne mérite pas de servir ma Maîtresse » rétorqua Climb sur un ton buté. « Comme elle, je veux aider le peuple de mon mieux et tendre une main salvatrice à ceux qui souffrent. »

« Vous êtes donc résolu ? » Demanda Sebas.

« Je le suis. »

Le Majordome se tourna vers Brain qui hocha la tête.

« Et vous gente Damoiselle ? » Demanda-t-il en se tournant vers Aliz. « On ne vous entend plus. Souhaitez-vous nous accompagner ou préférez-vous mener ces hommes aux autorités ? »

Si Aliz ne parlait plus, c'est qu'il y avait une raison. Elle réfléchissait. La situation était en train de dégénérer à vitesse grand V. Et tout avait commencé quand Sebas avait sauvé cette jeune fille. Mais comment aurait-il pu faire autrement avec le Créateur qu'il avait ? Le problème c'est que cet acte était le battement d'aile de papillon qui annonçait le chaos qui allait bientôt déferler et dont Nazarick risquait de subir le contrecoup.

En fait, cette situation énervait prodigieusement Aliz pour la simple et bonne raison qu'elle ne parvenait pas à en vouloir au Dragonoïde qu'était le Majordome. Toutes ces actions après son sauvetage sur un coup de tête avaient été logiques. Bien entendu que négocier avec ces hommes était impossible, bien sûr que le seul moyen de s'en sortir était de les détruites. Mais le problème, c'est que ce ne serait pas suffisant. Si le bordel d'où venait Tuare était rasé et Succulent mis hors d'état de nuire. Les autres seraient sur la trace de Sebas. Il devrait donc annihiler l'intégralité de l'organisation pour y parvenir. Or un tel vide dans le milieu de la pègre ferait autant de bruit qu'un grincement de placard dans la nuit.

Et voilà maintenant qu'elle y était impliquée ! Bien évidemment, elle ne pouvait pas laisser Climb et Brain sans surveillance avec Sebas. Elle devait l'imiter les dégâts. Et tout ça parce que Climb jouait, comme d'habitude, les chiens-chiens fidèles pour Renner, persuadé que sa Princesse dorée n'est que cupcakes et arc-en-ciel et qu'à présent ils se retrouvaient accompagnés d'un mercenaire fana d'épées et de combats qui les suivraient jusqu'à ce que son Dragon de Majordome lui ait dit comment sortit du trou émotionnel dans lequel il se trouvait.

Franchement, Aliz n'avait pas envie de se mettre au milieu de tout ça. Tout ce qu'elle voyait pointer dans l'avenir, c'était des emmerdes… ou peut-être pas finalement. Alors que son monologue se déroulait dans sa tête, elle s'était rendu compte de plusieurs éléments intéressants par rapport à cette histoire. Petit à petit, son esprit reliait les points entre la situation présente et ses souvenirs.

C'était ça. Bien sûr que c'était ça. Elle n'avait pas à s'en faire en définitive. Tout était prévu.

Elle sourit.

« J'en suis bien sûr ! »

0o0o0

Tout s'était déroulé à merveille bien entendu. Bordel rasé, malfrats arrêtés, esclaves libérés… ils avaient même fait des prisonniers importants.

Dès leur arrivée devant la maison close, ils s'étaient séparés en deux groupes. Sebas était passé par l'entrée principale et Brain, Climb et Aliz, par une entrée dérobée située dans une habitation adjacente. Selon l'Assassin, c'était les seuls accès. En pénétrant le bâtiment de cette manière, ils seraient donc certains de pouvoir empêcher les personnes présentes à l'intérieur de s'enfuir.

Bien entendu, à ce stade, il était tout simplement hors de question pour Aliz de laisser son Majordome sans surveillance. Il avait lancé le Sort Scrutateur de l'Obscure sur un Miroir de Vision à Distance miniature rendu invisible aux yeux de ses compagnons. L'organe magique créé par le sort servirait d'espion à la jeune femme auprès de son serviteur. Elle lui avait, bien sûr, adjoint de nombreux Sorts anti détection pour éviter que celui-ci ne remarque quelque chose et cela avait fonctionné.

Bien entendu, malgré le fait qu'il ait promis de capturer certains des malfrats en vie, Sebas avait entrepris de nettoyer méthodiquement les lieux. Avec du sang, naturellement. Après tout. Son but premier était de sauver Tuare. Il devait donc tuer le plus de gens qui pourraient avoir eu vent de son existence afin de la protéger.

Pour se faire, il avait navigué dans les couloirs comme s'il était chez lui, ouvrant chaque porte sans la moindre difficulté grâce à sa force surdéveloppée. Il y avait une détermination sauvage sans ses gestes. Même les hommes qu'il avait interrogés pour se diriger dans le bâtiment étaient méthodiquement massacrés. Alors que ceux-ci avaient parlé dans l'espoir d'échapper à ce tueur fou, ils avaient rapidement déchanté quand Sebas les avait éliminés.

Sebas devait s'être énormément attaché à cette Tuare pour être ainsi sans pitié avec ses ex-geôliers. C'était comme s'il voulait leur faire payer les sévices qu'elle avait reçus. C'était un comportement qu'Aliz comprenait parfaitement bien qu'elle aurait été plus subtile quant à l'exécution. Pour punir des proxénètes, il les aurait évidemment torturés longuement en les faisant violer par les pires sadiques sexuelles qui soient, mais bon, les tuer, c'était bien aussi.

Et puis Sebas était tombé sur Stefán Heivish, l'homme venu le menacer avec Succulent.

Le terme convenable pour décrire une telle personne était "tordu". Enfin, selon les standards humains. C'était ce qu'en avait conclu Aliz après une petite balade dans son cerveau. En effet, cette affaire était trop importante pour qu'il ne mette pas tous les atouts de son côté. L'heure n'était plus aux jeux. Elle pouvait tourner soit en la faveur de Nazarick, soit les faire tous découvrir avant qu'ils ne soient prêts. Ils avaient déjà la Théocratie de semaine au cul, inutile d'en rajouter.

Toujours était-il qu'Aliz avait fait un petit tour dans l'esprit d'Heivish pour voir s'il n'y aurait pas pu y avoir quelques renseignements intéressants. Il n'y en avait aucun. L'homme n'était qu'un pantin. Il usait de son autorité de patrouilleur afin de favoriser les Huit Doigts contre des pots-de-vin et un accès à ce lupanar très particulier.

En effet, ici, pourvu qu'on y mette suffisamment d'argent, tout était permis. Même de tuer. Ce qui arrangeait vraiment Stefán compte tenu de ses goûts. L'homme éprouvait un immense plaisir sexuel à battre ses partenaires durant l'acte. L'adrénaline sécrétée, le contact de la chair contre ses poings, le sang qui coulait et poissait son corps… tout cela avait un effet des plus aphrodisiaque pour lui.

Auparavant, ces petits jeux étaient réservés à ses esclaves. Ceux-ci faisant partie du patrimoine de leur propriétaire, il était mal vu de les abîmer. Mais ce n'était pas ce qui allait arrêter Stefán. À l'époque, cependant, ses jeux n'avaient pas cette ampleur. Il était certes violent, mais aucune des femmes avec qui il avait été n'avait été défigurée.

Cela avait changé quand la Princesse Renner était parvenue à faire passer sa loi qui rendait l'esclavage illégal. Privé de défouloir, la colère de Stefán était montée, encore alimentée par sa haine pour celle qui l'avait privé de ses jouets. Introduit aux délices de cette maison close, il s'était mis à choisir des femmes jeunes et jolies lui rappelant la Princesse et prenait une joie sadique à les mener aux abords de la mort avec ses poings, réduisant leur visage en des bouillies de cahier sanguinolentes.

C'était d'ailleurs ce à quoi il était occupé quand Sebas l'avait trouvé. La femme presque ensevelie sous son corps massif ne bougeait plus. Sa figure était tellement boursouflée qu'il était impossible de deviner ses traits. Le reste de son anatomie était également recouvert d'hématome frais et de sang. Apparemment, la seule raison pour laquelle la femme était en vie était parce que le matelas avait amorti l'impact des coups. Si cela s'était produit au sol, elle serait bel et bien morte.

Visiblement, celle-ci était en fait un remplacement. D'après ce que constatait Aliz, sa victime précédente n'était autre que Tuare. Elle avait bien entendu été choisie pour sa ressemblance avec la Némésis de Stefán et celui-ci s'était fait un plaisir de l'abîmer. Il avait été furieux quand on lui avait affirmé qu'elle était désormais inutilisable, mais finalement, a chaque chose malheur était bon puisque, sous peu, il pourrait s'amuser avec la maîtresse du foutu vieillard qui avait ramené la catin chez lui. Cette femme était encore plus belle que toutes celles ici et ses similitudes avec la Princesse encore plus grande. Il ne pouvait pas attendre pour l'avoir à lui tout seul.

C'est pour cela que le traitement que lui avait réservé Sebas était des plus délicieusement sadique, mais aussi extrêmement juste. Il avait commencé par une paire de gifles dont chacun avait fait enfler les joues de l'homme. Celui-ci, plus habitué à donner les coups qu'à les recevoir, s'était mis à couiner comme un goret. Il était sorti de la chambre en appelant à l'aide, mais, bien sûr, personne ne lui répondit. Sebas avait déjà fait le ménage. En comprenant qu'il ne serait pas sauvé, il s'était effondré.

Avec son flegme coutumier, Sebas l'avait alors prévenu qu'il allait le tuer. Bien entendu, l'homme avait supplié et tenté d'acheter sa liberté. C'était toujours ce que ce genre de personne faisait après tout. Faire parler l'argent. Mais, évidemment, Sebas n'était pas intéressé et quand l'autre lui demanda pourquoi il faisait ça, le Majordome répondit seulement :

« Réfléchissez à vos actes ! Vous ne devinez vraiment pas ? »

Mais Stefán ne voyait pas ce qu'il avait fait de mal. Pour lui, sa vie était des plus ordinaire. Posséder des esclaves, les battre, se payer des prostituées, les défigurer à mort… tout cela était normal à ses yeux. Il était dans son bon droit.

Voyant que l'abject personnage n'apprendrait jamais même aux portes de la mort, Sebas décida d'en finir. D'un seul coup de pied au ventre, il fit exploser plusieurs organes de Stefán. L'homme s'effondra. La douleur était telle qu'il ne pouvait plus bouger. Sebas, lui, savait qu'il était inutile d'en faire plus. Le sang qui sortait de ses blessures internes allait peu à peu remplir son organisme.

Le vieil homme avait donc abandonné sa victime en sachant très bien qu'il se noierait bientôt dans son propre sang en souffrant le martyre. Ce qu'il ignorait, c'était qu'avec un peu de magie, Aliz avait fait en sorte que son supplice soit beaucoup plus long que prévu. Avec Mort Impossible, il pouvait prolonger son agonie, le faisant s'étouffer continuellement sans jamais expirer. Puis, avec un petit Sort de Sorcier de paralysie et un Glamour qui allait le faire ressembler à un cadavre, elle était sûre que, quand il serait retrouvé, tout le monde penserait qu'il était vraiment décédé. Avec un peu de chance, il serait inhumé, enfermé dans un cercueil pour l'éternité et sinon, il serait brûlé, ressentant les flammes dévorer son corps, devenir cendre emportés par le vent, le tout sans jamais lui accorder le repos de la mort.

Ça, c'était de la punition.

Mais toujours était-il qu'à cause de ses petites manigances et amusements, Aliz était passé à côté d'une rencontre importante de son côté de l'action. Une rencontre qui avait bien failli coûter la vie à Climb.

À suivre…

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Et voilà un autre chapitre de terminé. Je vous remercie tous de me lire et je vous remercie aussi de votre patience.

Juste pour ceux qui n'auraient pas compris, oui, Cybertina a des tendances au dédoublement de personnalité à la manière de Dr Jekyll et Mister Hyde. Cybertina est timide, nerveuse et a tendance à nager dans ses vêtements alors que Maîtresse Gadget est sûre d'elle, dominatrice, et ses vêtements la rendent sexy.

Ceux qui lisent aussi Check Mate DxD se diront probablement avec sarcasme : « Des sorts lancés à partir d'un téléphone portable ? Comme c'est original ». Oui, je sais, il m'arrive de reprendre des idées d'une fic à l'autre.

N'hésitez pas à me laisser un commentaire et je vous dis à la prochaine fois.