VORACITY I - New World
Arc 4 : L'Écuyer Contrefait
Chapitre 11
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Climb regardait le Majordome, incrédule. Sa présence ici était étrange, c'est vrai. Cependant à aucun moment il ne lui était venu à l'idée qu'il puisse être du côté de leurs ennemis. Toutefois, ce n'était pas cela qui le surprenait.
Il avait parlé à voix basse, mais il l'avait tout de même entendu, avait tourné la tête dans leur direction et les avait vus alors même qu'ils se cachaient dans l'un des coins les plus sombres. Par cette nuit nuageuse, qu'il ait pu les repérer témoignait de ses facultés prodigieuses. Le fait qu'il les rejoigne également. Enfin non, pas vraiment à cause du fait qu'il les rejoigne, mais plutôt à cause de la façon dont il le faisait. L'homme était à une cinquantaine de mètres et pourtant il les atteignit en quelques secondes sans même courir. C'était comme s'il parcourait plus de distance à chaque pas que sa foulée n'aurait pu le permettre, comme si le sol le portait vers eux.
« Tiens, quelle coïncidence » dit-il en arrivant à leur niveau. « Que faites-vous donc là ? »
Sa surprise était authentique. En effet, si Harddyn avait rapporté les détails du plan et la répartition des tâches à Demiurge (accompagné de ses propres instructions), celui-ci n'en avait pas fait part au Majordome. Celui-ci ne s'attendait donc pas à croiser son Maître ici. Heureusement, il était suffisamment habile pour que personne ne remarque que son attention était tournée vers Aliz.
« Et bien… C'est plutôt à nous de vous demander ça » commença Brain. « Nous, nous étions embusqués pour prendre d'assaut ce bâtiment qui appartient aux Huit Doigts. »
« Seulement vous trois ? »
Il savait que Maître Harddyn pouvait se charger de cette cible seul et avec un simple battement de cil. Mais il était toujours incognito donc ses capacités étaient limitées. Quant aux deux autres…
« Quelques hommes patientent un peu plus loin » dit le capitaine de l'escouade.
« Je vois… »
« Et vous, Maître Sebas ? » Demanda Climb. « Que faites-vous ici ? Avez-vous quelque chose à faire ? »
« En effet » acquiesça le Majordome. « Vous souvenez-vous de la jeune femme dont je vous ai parlé hier ? Et bien il se trouve qu'elle a été enlevée et que ses ravisseurs m'ont donné rendez-vous à cette adresse. »
« Lockmeier n'a-t-il pas évoqué une prisonnière ? » Demanda le Soldat à son Commandant avant de se tourner à nouveau vers Sebas. « Il s'agit de notre éclaireur. »
« Mm… » dit celui-ci, pensif. « Il faudrait que je lui parle. »
« Il ne devrait pas être… ah ! Le voilà ! » Dit Brain alors que l'homme sortait de l'ombre.
Bien sûr, Sebas l'avait déjà repéré. Les gens publiaient souvent que le simple fait de ne pas être vu n'empêchait pas d'être entendu, senti ou perçu. Il s'était tenu prêt à intervenir au cas où, mais celui-ci ne paraissait pas belliqueux. Si l'on exceptait bien entendu le regard suspicieux qu'il lançait sur sa personne.
« Maître Sebas, voici Lockmeier, un Voleur et Aventurier vétéran de Rang Orichalque » dit l'ancien Mercenaire en guise de présentation. « Lockmeier, voici Maître Sebas. C'est lui qui nous a aidés à capturer le Fantôme Infernal, hier. La prisonnière dont vous nous avez parlé est, semble-t-il, l'une de ses connaissances. C'est un homme de confiance, alors ne vous inquiétez pas. »
Sans doute habitué à suivre les ordres, l'Aventurier n'insista pas. Il détacha son regard de l'ex-intrus avant de faire un rapport plus complet de la situation.
« Je vois » dit Sebas quand celui-ci eut terminé. « C'était très clair. Je vous remercie. À présent, je suis plus à même de pouvoir la sauver. »
« Ce n'est rien, Monsieur » dit Lockmeier en hochant simplement la tête.
Il se tourna ensuite vers son commandant.
« À ce propos, nous sommes prêts… »
Brain hocha la tête. Il hésita quelques instants, se tourna vers Sebas puis hésita encore.
« À l'intérieur de cette maison se trouvent 5 des Six Bras, les Guerriers les plus forts des Huit Doigts. Est-ce que vous pensez être capable de les vaincre ? »
« Si je me souviens bien vos propos d'hier, ce… Succulent que nous avons capturé est le 6e de cette milice. S'ils ont son niveau alors, ça ne posera pas le moindre problème. »
« Est… est-ce qu'il est sérieux, commandant ? » Demanda Lockmeier, éberlué par ce qu'il venait d'entendre.
Et on le serait à moins quand on sait que ce simple Majordome venait d'affirmer pouvoir se débarrasser de 5 Guerriers dont la force était équivalente à celle d'Aventurier de Rang Adamantite. De plus, le ton qu'il avait utilisé laissait à croire que ce ne serait qu'une formalité pour lui.
« Ne vous arrêtez pas à son apparence » dit Brain avec un rictus légèrement amer. « Cet homme est fort. Pas vrai Climb ? »
« Assurément. Et même si ça me fait mal de le dire, je pense qu'il est plus fort que le Capitaine. »
Le Voleur cligna des yeux, sonné, avant de tourner à nouveau son attention vers la Majordome. Dans son regard, on pouvait y lire de l'incrédulité, mais aussi du respect… et de la peur.
« Et donc, Maître Sebas » reprit Brain. « Accepteriez-vous de collaborer avec nous ? »
« Bien entendu. J'étais de toute façon là pour délivrer Tuare. Je m'occuperai également des Six Bras. »
« Puisque vous êtes attendu, mieux vaut que vous entriez par la porte principale et reteniez leur attention. Cela nous laissera la possibilité de nous glisser par-derrière et de libérer la prisonnière… enfin, si ça ne vous dérange pas. »
« Mais pas du tout » dit le vieillard avec un léger sourire. « Vous répartissez vos troupes avec beaucoup de brio. C'est la marque des meneurs. D'autant plus que si vous vous chargez de ma jeune protégée, cela les empêchera de vouloir la tenir en otage pour me contrôler. Je vous en suis très reconnaissant. »
« Moi en revanche, je ne suis pas d'accord » intervint Aliz.
C'était la première fois qu'elle s'exprimait depuis le début de la conversation.
« Je refuse que nous laissions Maître Sebas se jeter dans la gueule du loup tout seul » dit-elle d'un ton péremptoire.
« Même si on excepte les Six Bras, je doute qu'il y ait quelqu'un de suffisamment fort pour tenir tête à Maître Sebas » objecta Climb.
« Il peut certes vaincre n'importe quel adversaire, mais il n'est pas à l'abri d'un coup en traître. Je souhaiterais l'accompagner pour assurer ses arrières. »
« Comme il passera par la porte principale, il sera surveillé » fit remarquer Brain. « Je doute qu'on le laisse entrer avec quelqu'un. »
La jeune fille eut un sourire triomphant et montra un anneau à l'un de ses doigts.
« J'ai bien appliqué ce que nous a dit Dame Gagaran et je me suis préparé. Cet anneau me permettra de demeurer invisible suffisamment de temps pour me faufiler à l'intérieur et me cacher. »
En vérité, ce n'était qu'une babiole qu'elle avait tirée au hasard de son inventaire. Il avait tout de même le pouvoir de l'immuniser totalement contre le Poison et l'Acide (ce qui, dans ce monde, en faisait un trésor inestimable), mais au vu de sa propre physionomie de Slime, ça lui était complètement inutile. Toujours était-il que l'objet lui servait de leurre pour dissimuler son utilisation de [Voile de l'Indicible] qui allait masquer sa présence aux yeux de tous, même ceux possédant des artefacts capables de disperser ce genre d'illusion.
C'était une Compétence de la Classe Aigrefin, une forme Supérieure du Voleur. Aliz l'avait rajouté en vitesse à son panel alors que tout le monde autour d'elle discutait du plan. Il existait bien aussi les Sorts Invisibilité et Disparition, de Niveau 4 et 9, mais il ne les avait pas enregistré et il ne disposait pas d'emplacement libre pour le faire. Le seul moyen aurait été d'exécuter un Rituel de [Désir Infini] et ce n'était pas vraiment le moment.
« Très bien » finit par soupirer Brain en acceptant la proposition de sa seconde.
Il avait tout de même pris un certain temps pour réfléchir. Sa réticence semblait un peu trop importante pour un chef d'équipe. Aux yeux d'Aliz, l'ancien Mercenaire paraissait ne pas vouloir la voir partir. Elle se doutait qu'il devait y avoir quelques raisons personnelles, mais à vrai dire, elle s'en fichait. Si Brain s'était attaché à elle après une seule partie de jambe en l'air, ce n'était pas sa faute.
Toujours était-il que le plan initial, déjà bien mis à mal par la présence des Six Bras devait être totalement revu. Les troupes qui avaient été amenées étaient utiles pour un assaut frontal, mais ce n'était plus du tout ce qui était prévu. Or, les armures des Guerriers étaient trop bruyantes et les Mages ne possédaient aucun Sort pour les rendre silencieux et encore moins invisibles. D'ailleurs, ces derniers, avec les Guérisseurs, n'étaient pas entraînés pour une mission discrète. Ils devaient donc être, eux aussi laissés derrière.
Il ne restait alors plus que Lockmeier, Climb et Brain, chacun ayant non seulement la possibilité de disparaitre par divers procédés, mais également de pouvoir tout de même discerner les autres après qu'ils ne soient plus en vue.
Le fait de se retrouver coincer parce qu'on ne pouvait plus apercevoir ses alliés était incompréhensible pour Aliz. À YGGDRASIL, les Joueurs d'une même équipe étaient parfaitement capables de voir ceux d'entre eux qui étaient invisibles pour les adversaires. Pour ce qui est d'ici, le problème ne se posait pas non plus puisque chacun des Serviteurs de Nazarick était capable de percevoir l'énergie des autres. Probablement grâce à leur connexion commune au Grand Tombeau notamment.
Il fallut tout de même un petit peu de temps pour finaliser les derniers préparatifs, mais, bientôt, tous furent prêts.
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Sebas se présenta devant la grille quelques minutes à peine avant le rendez-vous fixé par les ravisseurs. Il pouvait voir à l'intérieur, mais plusieurs arbres lui bouchaient la vue sur la maison. Il aperçut cependant un homme sortir des frondaisons pour s'avancer vers lui.
« T'arrives pile à l'heure, le vieux » dit-il d'une voix rauque qui donnait comme un ricanement en ouvrant le portail.
Sebas ne répondit et se contenta d'entrer. L'homme se pencha à l'extérieur et regarda à droite et à gauche pour voir s'il était seul. Rassuré, il referma la grille à clé sans se douter qu'Aliz était passé devant lui pour pénétrer à son tour dans le petit parc.
« Suis-moi » dit simplement l'homme en avançant sur le sentier.
Il faisait sombre, mais Sebas tout comme Amie savait à quoi s'attendre. Ils pouvaient parfaitement voir dans la pénombre et leurs Compétences particulières leur permettaient de ressentir qu'il y avait de nombreuses personnes face à eux. Ils pouvaient également constater que malgré le fait que les Huit Doigts soient une organisation criminelle, on pouvait dire qu'ils ne se refusaient rien, le parc était magnifique. Après. C'était justement une preuve de leur pouvoir, se cacher à la vie de tous dans une somptueuse villa.
Ils n'eurent cependant pas trop à marcher avant d'arriver dans la cour du domaine. Assez large, on aurait dit un terrain d'entraînement. Des torchères étaient accrochées aux murs et éclairaient l'endroit. Une trentaine de personnes environ, hommes et femmes, attendaient là, un sourire narquois sur les lèvres. C'était l'expression d'individus accoutumés à la violence et qui n'avaient pas l'habitude de perdre. Généralement, ce type de personne s'attaquait presque exclusivement à plus faible qu'eux, raison de leur témérité.
Ils pouvaient sembler assez nombreux, mais il fut assez aisé à Sebas de repérer les membres des Six Bras. Ils n'étaient malheureusement que quatre. Trois hommes et une femme. L'un des hommes était intégralement recouvert d'une cape sombre brodée de fils cramoisis et un autre d'une armure de plate de la même couleur. Le 3e était vêtu d'une tenue très serrées composés d'une culotte et d'une veste courte noire décorée d'or. Aliz y vit une certaine ressemblance avec les habits de lumière des toréadors de leur ancien monde. La rapière passée à son côté ne faisait que renforcer cet aspect. La femme, elle, était vêtue d'une tenue légère, à l'Orientale, faites de voiles sombres qui couvraient les parties les plus secrètes de son corps ainsi que le bas de son visage. Elle ne cachait pourtant pas grand-chose et surtout pas les nombreuses lames qu'elle dissimulait.
Grâce aux descriptions qu'il leur avait été donné, il était aisé aux deux nouveaux arrivants de savoir à qui ils avaient affaire. Le premier, malgré ses traits restés dans l'ombre de sa capuche, ne pouvait être que Davernoc, surnommé le Maître de la Mort. Son aura sombre et l'absence d'Énergie Vitale provenant de son corps permettaient à la fois de l'identifier lui ainsi que son espèce. En effet, Davernoc était bel et bien un Mort-Vivant.
Bien entendu, malgré son sobriquet grandiloquent, ce n'était qu'une Liche Ancestrale. Il était apparu naturellement comme toutes les Liches, à un endroit avec un fort regroupement de Morts-Vivants Inférieurs. Leur haine de la vie se cristallisait pour donner naissance à un Monstre plus fort qu'eux afin d'assouvir leurs vengeances. Cependant, en évoluant, les Liches obtenaient une certaine forme d'intelligence qui leur permettait de réprimer cette haine et entretenir quelques relations avec les vivants, généralement dans le but de devenir plus puissant et de les exterminer.
C'était le cas de Davernoc. Dans sa quête de pouvoir, il avait souhaité apprendre plus de Sorts qu'il n'en connaissait et pour cela, il avait cherché un moyen de gagner de l'argent pour s'offrir des cours. Il avait pour cela attaqué des marchands sur le bord de la route et s'était déguisé pour devenir Aventurier, mais à chaque fois, la découverte de sa nature l'avait forcé à fuir. Pour Zero, le chef des Six Bras, cependant, c'était cette nature qui l'avait attiré et qui l'avait poussé à lui proposer de travailler pour lui. Ainsi Davernoc gagnait-il de l'argent qui lui servirait à apprendre la magie et à accumuler la puissance nécessaire afin de détruire toute vie, même celle de ses employeurs. Zero devait bien s'en douter, mais, le Mort-Vivant étant, par nature, immortel, il prenait son temps. Il se disait donc que l'anéantissement du monde n'arriverait pas de son vivant et ce qui se passait après sa mort lui importait peu.
Voilà ce qu'Harddyn avait retiré de l'esprit du Monstre en face de lui. Connaître son adversaire était une chose primordiale après tout.
« Bienvenu à ton exécution, vieillard » dit l'homme en habit de lumière en s'avançant avec ses trois camarades vers Sebas.
Les autres brigands, eux, s'étaient également déplacés pour encercler le Majordome.
« Il paraît que tu peux défaire l'un de nous d'un seul coup de poing » ajouta-t-il. « C'est impressionnant, mais tu comprends que l'on ne puisse pas laisser passer cela ? »
Bien évidemment, ils devaient faire référence à Succulent, le Fantôme Infernal.
« Parmi les Huit Doigts, nous devons notre position à notre force » poursuivit la femme. « Si l'un de nous commence à perdre, c'est nous tous qui sommes dans la mouise. Tu comprends. »
« C'est pour cela que nous avons une question pour toi » dit Davernoc. « Succulent nous a assuré que c'était Brain Ungleus qui l'avait vaincu. J'espère pour lui qu'il ne nous ment pas pour éviter d'avouer avoir été défait par toi. »
Donc Succulent était en liberté. Aliz n'était pas au courant de ce fait, mais ça ne l'étonnait guère. En tant que l'un des Six Bras, c'était un membre important de l'organisation et vu comme toutes les institutions du Royaume semblaient noyautées par eux, il n'était pas surprenant que l'homme soit déjà hors de prison.
« Je ne saurais dire s'il dit la vérité ou non » répondit Sebas à la question qui lui était posée. « Je suis arrivé au moment de sa défaite et c'était bien de la lame de Brain Ungleus… Cependant, d'après les dires de celui-ci, quand lui-même est arrivé, Succulent était déjà bien amoché. Or la seule autre personne présente était un tout jeune soldat. Il me semble que c'est celui que vous appelez le "Chien de la Princesse". »
Bien sûr, ces derniers mots ne venaient absolument pas de Sebas, mais lui avaient été soufflés par son Maître. Il en fut récompensé par les expressions de mépris et de honte qui déformèrent les traits des Six Bras. Du moins, ceux dont on pouvait voir les visages. Les observer ainsi dépiter en public était particulièrement jouissif.
« Cela rend donc sa faute encore plus inexcusable » décréta alors Davernoc.
Dans sa bouche, cela donnait comme une sentence. C'était probablement le cas.
« Nous réglerons leur compte à Ungleus et au toutou de la Princesse une autre fois » dit-il finalement. « Pour le moment, il est temps de s'occuper du vieillard. »
« Très bien » répondit Sebas. « Je vous attends. »
« Allons, ne sois pas si pressé » ricana le bretteur en habit de lumière. « Nous devons te tuer, c'est certain. Mais nous pouvons tout de même y mettre un peu de panache. Ne serait-ce que pour notre public. »
Il désigna alors les hauteurs de l'habitation derrière lui. Au niveau du deuxième étage se trouvait ce qui semblait être une vaste terrasse. De là où ils étaient, Sebas et Aliz pouvaient voir des personnes les regarder en discutant et en ricanant. Au vu des vêtements luxueux qu'ils portaient, des verres scintillants dans lesquels ils buvaient ainsi que des fins masques de dentelles qui recouvraient leurs yeux, nul doute qu'il devait s'agir de riches membres de l'organisation ou des actionnaires fortunés. Aux discussions nombreuses qu'ils entendaient et aux signaux vitaux qu'ils percevaient, il devait y avoir toute une foule.
Apparemment, l'exécution de Sebas avait été transformée en événement public. C'était tout autant pour la réputation des Six Bras que le plaisir de bourgeois et nobles désœuvrés qui se délectaient de la vue du sang.
« Je suppose que Zero se trouve là aussi » dit Sebas.
« On peut dire ça, oui » répondit nonchalamment le toréador.
Sebas leva alors la main en direction du balcon et pointa simplement son doigt sur le public. À l'insu de l'assemblée, une ombre se propulsa dans cette direction. Il s'agissait de la troisième personne de leur petit groupe. Solution les suivait depuis le début et avait attendu le signal de son supérieur pour agir.
« C'était quoi ça ? » Demanda le toréador en plissant les yeux. « Tu nous provoques ? »
« Ne faites pas attention » dit nonchalamment Sebas. « Et pour ce qui est de Tiare ? Elle se trouve également à l'intérieur ? »
« Qui te dit qu'elle n'est pas déjà morte ? » dit la femme avec un sourire carnassier à peine discernable sous son voile.
« Vous ne seriez pas aussi clément. »
La femme gloussa.
« Bonne réponse. »
« Et si nous y allions » dit finalement le Majordome. « J'aimerais en finir rapidement avant que Zero ne s'enfuie. »
« Cet humain a la langue bien pendue » siffla Davernoc.
« Il doit avoir pris un peu trop d'assurance après avoir vaincu quelques larbins » dit la femme avec un autre gloussement. « Il ne doit jamais avoir rencontré d'adversaire véritablement puissant. »
Elle ponctua sa phrase en sortant deux de ses armes dont la lame recourbée si reconnaissable lui avait valu le surnom de la Danseuse aux Cimeterres.
« Je pourrais vous retourner votre réplique » murmura Sebas avant de s'adresser à nouveau à eux. « Une question cependant, qu'est-ce qui vous fait croire que je suis moins fort que Messire Brain ? »
« Ne nous prends pas pour des imbéciles. Des guerriers de notre niveau peuvent juger un adversaire du premier regard et d'après notre analyse tu es clairement inférieur à nous » glosa l'homme en habit de lumière en faisant glisser sa rapière hors de son sabre.
C'était une arme ouvragée dont la garde avait la forme d'une rose épanouie. La lame, quant à elle, luisait d'un éclat malsain, celui d'une magie mortelle et aussi de celui du poison. Loin d'être un véritable bretteur, c'était un assassin qui tuait le plus rapidement possible et par tous les moyens nécessaire. C'est ainsi qu'il avait gagné son surnom, « Mille-Morts ».
Le dernier, l'homme en armure noire, qui n'avait pas parlé, porta également la main à son arme. Cependant, au lieu d'une lame ordinaire, celle-ci ressemblait à un long ruban argenté flexible qui tomba sur le sol, visiblement plus longue que le fourneau lui-même. Elle était aussi extrêmement fine si bien qu'il devait être particulièrement difficile de la voir. Ses attaques invisibles lui avaient valu le surnom de Trancheur de Vide.
« C'est pour cela que nous avons décidé de te combattre un à un » reprit le faux bretteur. « Tâche de nous amuser un peu. »
« Quelle perte de temps » soupira Sebas. « Je préfère que vous m'attaquiez tous ensemble, cela vous permettrait peut-être de tenir plus d'une dizaine de secondes. »
« Ne nous sous-estime pas, Humain ! » Cracha Davernoc dont l'aura sombre s'intensifia.
« Je ne crois pas un instant vous avoir sous-estimé. C'est plutôt vous qui jugez mal cette situation. Je me nomme Sebas Tian. L'être qui m'a donné ce nom était un être d'une puissance incommensurable et les Seigneurs qui me gouvernent aujourd'hui ne sont rien de moins que ses égaux… mais je vois qu'il est inutile d'en dire plus. Des êtres aussi vulgaires que vous ne méritent pas d'obtenir de telles informations.
« Insolent ! » S'écria alors le toréador. « Sache que moi, Malmvist aux Mille-Morts, je ne laisserai pas cet affront impuni ! »
Il pointa sa rapière devant lui en une sorte de parodie de position de duel.
« Il en est de même pour moi, Edström, la Danseuse aux Cimeterres » dit la femme.
Elle lâcha alors ses lames, mais celles-ci, au lieu de tomber, se mirent à flotter autour d'elle. Les autres armes qui composaient son arsenal sortirent toutes seules de leur fourreau et se joignirent au mouvement. Accompagnant les gestes gracieux de la femme, on aurait dit qu'elles dansaient.
« De même pour moi, Peshurian, le Trancheur de Vide » ajouta l'homme en armure.
C'était la première fois qu'il parlait. À cause du casque, sa voix était étouffée, mais elle demeurait très claire. Il accompagna sa menace de mouvement complexe de sa lame. Celle-ci était toujours invisible, mais le sifflement qu'elle produisait avait de quoi glacer le sang.
« Et enfin, il en est de même pour moi » dit le dernier des Six Bras en faisant émerger un orbe sombre de sa cape, « Davernoc, le Maître de la M… »
Cependant, il n'eut jamais l'occasion de finir sa phrase. Sans que personne ne comprenne vraiment ce qui s'était passé, la tête de l'homme avait explosé. Ses camarades ainsi que les autres brigands virent alors avec stupeur son corps tomber lentement en arrière. Tout ce qu'il restait à l'endroit où il se trouvait, c'était une main, une main recouverte de sang qui flottait dans les airs.
« Et dire que j'étais prêt à ne pas intervenir » dit une voix froide. « Mais la prétention de ce vulgaire Zombie de pacotille était vraiment insupportable. »
L'air se mit à onduler et une silhouette apparut alors pour accompagner la main. C'était celle d'un être androgyne à la beauté époustouflante, presque irréelle. De longs cheveux noirs scintillants comme de la soie flottaient autour de lui et ses yeux émeraude étaient glacés. Les lourdes cornes enroulées de chaque côté de son crâne et les ailes noires émergeant de ses reins étaient des indices supplémentaires qui prouvaient qu'il n'était pas humain.
« Sebas, je te laisse t'occuper du menu fretin » dit l'être éthéré. « Moi je vais m'amuser avec les prétendus puissants Guerriers. »
Mais les trois étaient figés. La brusquerie de l'assaut et la mort soudaine de leur camarade les avaient plongés en état de choc.
« Quelle plaie ! » Soupira Harddyn. « Triple Magie Silencieuse : Cœur de Lion ! »
Un fin voile doré recouvrit les corps des trois combattants. Le Sort de Soutien, habituellement monocâble, avait pu être appliqué sur simultanément (et discrètement) grâce aux Méta-Magies. Si Harddyn avait possédé une Classe de Magie de Soutient comme un Enchanteur, il aurait pu utiliser ses Compétences pour jeter un Sort à cible unique sur plusieurs, mais ce n'était pas le cas. Avec le recul, il se disait que son personnage d'Aliz était assez mal conçu en termes de Compétences et Capacités. Le manque d'ennemi puissant l'avait rendu complaisant. Certes, il lui serait facile de battre ces trois-là sans vraiment de problème, mais il subsistait que ses choix (ou plutôt l'absence de choix) au niveau de ses Classes demeurait peu pratique. Il devrait absolument faire mieux la prochaine fois.
Toujours était-il que, alors qu'il était perdu dans ses réflexions, les membres restants des Six Bras avaient repris du poil de la bête.
« Un seul coup ! Il a tué Davernoc en un seul coup ! » S'exclama Malmvist.
« C'est impossible ! Mais d'où sort-il ? » Demanda à son tour Edström.
Le Sort Coeur de Lion avait le pouvoir de donner à la cible une résistance quasi absolue à l'Altération d'État Peur. Ne modifiant pas les souvenirs, les trois Guerriers devaient tout de même être bien secoués.
« Nous devons réagir ! » S'écria alors Peshurian, celui qui semblait le moins touché des trois (difficile à dire avec son casque à la visière baissée). « Allons-y ensemble ! »
Il leva sa lame et l'abattit d'un seul coup en direction d'Harddyn alors que celui-ci se trouvait au moin de lui. « Trancheur de Vide », c'était à la fois son surnom et celui de son attaque parce qu'il donnait l'impression d'agiter une arme invisible dans le vide et réussit à souper en deux un adversaire à une assez grande distance de lui alors que le fourreau de son arme ne faisait qu'1m. En vérité, il ne tranchait pas du tout le vide puisque sa lame, flexible, était en fait bien plus longue que ne le laissait deviner le fourreau.
En clair, c'était un tour de passe-passe, mais avec une arme extrêmement difficile à manier. Et en plus de sa technique parfaite, l'effet de surprise lui avait valu de nombreuses victoires. De son point de vue, cette fois-là ne serait pas différente des autres. C'est ce qu'il pensa au moment où il vit la tête de la créature éthérée se détacher de son corps et être propulsée dans les airs. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'était qu'une main la rattrape, la même main blanche aux doigts fins à qui appartenait le corps à présent décapité. Un corps qui ne saignait pas.
« Technique intéressante » dit la tête coupée. « Mais ça ne marche pas sur moi. »
Peshurian poussa un cri et voulut attaquer à nouveau. Il abattit sa lame flexible, mais, avec une vitesse inhumaine, son adversaire la saisit au vol. L'homme en armure tenta de se dégager, mais la poigne de l'être éthérée était trop forte. Soudain, celui-ci tira la lame d'un coup sec. Surpris, Peshurian s'agrippa instinctivement à sa garde et trébucha jusqu'à lui.
« Je me suis laissé emporté avec le Mort-Vivant, mais je vais tâcher de prendre mon temps avec vous » murmura-t-il avec excitation alors qu'il reposait calmement sa tête sur ses épaules.
Celle-ci sembla se rattacher au corps aussi facilement que deux produits se mélangent dans un verre, la peau fluctuant tel un liquide en retrouvant son intégrité. Sa main à présent libérée, il fit courir un ongle joueur sur le métal de l'armure de Peshurian tout en se penchant en direction de son oreille.
« Combustion Spontanée » susurra-t-il.
« Que… » balbutia Peshurian sans comprendre.
Cependant, il se rendit compte qu'il commençait à avoir chaud. Très chaud. Trop chaud. Ce n'était pas normal. Il regarda son corps et vit que le métal de son armure commençait à rougir. Il poussa un cri et se débattit pour se défaire de la poigne de son adversaire. Celui-ci finit par le lâcher et le Guerrier tomba en arrière. Il se mit à se rouler au sol alors que sa cuirasse devenait de plus en plus rouge et brillante et que la température augmentait. Il tentait bien d'essayer de l'ôter, mais les attaches avaient déjà fondu.
Harddyn, lui, regardait le spectacle, satisfait. Alors que ce Sort avait pour but premier d'enflammer une personne de l'intérieur, il l'avait lancé non pas sur Peshurian lui-même, mais sur son armure. Celui-ci était à présent prisonnier de son armure en fusion tels ces criminels Carthaginois exécutés en étant enfermés dans un taureau creux fait d'airain auquel on avait mis le feu.
Soudain, il tendit la main sur le côté. Les cimeterres volants d'Edström stoppèrent à quelques centimètres à peine de son corps. Il tourna alors la tête en direction de la femme figée de stupeur et lui sourit.
Edström ne s'était jamais retrouvé dans cette situation. Loin d'être uniquement une Guerrière, elle était un Mage qui s'était spécialisé dans un seul Sort, Danse. Celui-ci avait la capacité de faire se mouvoir des armes dans les airs. Cependant, les mouvements devaient totalement être contrôlés par le lanceur et donc, en situation de combat où le risque de mourir augmentait le stress, ce Sort se révélait peu pratique. En vérité, il était plus considéré comme un moyen pour un Combattant de limiter sa fatigue ou distraire l'adversaire.
Mais Edström était différente. Ou plutôt, son cerveau était différent. En plus de posséder une parfaite perception de l'espace, elle était capable de parfaitement réaliser plusieurs actions distinctes en même temps. Ainsi, son esprit pouvait contrôler indépendamment chacune de ses six armes à la perfection afin d'attaquer ses adversaires.
Pourtant, ce n'était pas suffisant contre Harddyn. La puissance cérébrale du Maître de la Mort renforcée par les Capacités de sa Classe de Mage d'Esprit était sans égale. Il lui avait suffi d'une seule pensée et d'un peu de [Télékinésie] pour arracher à Edström le contrôle sur ses lames… et de la retourner contre elle. En voyant ses propres armes revenir dans sa direction, la femme voulut les éviter, mais c'était inutile. La maîtrise que son adversaire possédait était bien au-delà de la sienne. La vitesse et la précision n'avaient tout simplement plus rien à voir. Il n'avait fallu que quelques micros secondes pour que les cimeterres ne l'atteignent et ne tranchent les nerfs de ses pieds, de ses poignets ainsi que sa gorge, rendant par la même occasion ses cordes vocales inutilisables.
Edström s'effondra au sol. Elle voulut ramper loin de ce monstre à la beauté irréelle, mais le dernier cimeterre la frappa dans le dos, se glissant entre deux de ses vertèbres lombaires et sectionnant sa moelle épinière. Paralysée, tout ce qu'elle pouvait faire c'était attendre la mort. Cependant, chacune des entailles était si fine qu'elles laissaient simplement sourdre le sang. Qui sait combien de temps il lui faudrait avant qu'elle ne se vide complètement ?
« Et bien, j'imagine qui ne reste plus que toi » dit finalement Harddyn en se tournant vers le dernier des Six Bras encore debout.
Malgré le Sort de courage, Malmvist tremblait de tous ses membres. Sa fidèle rapière, Épine de Rose, également. Il avait vu ses compagnons être vaincus les uns après les autres en quelques instants. Le premier était mort, quant aux deux autres, ce serait bientôt le cas. Quant à lui… lui était pratiquement convaincu à présent qu'il allait les rejoindre.
Habituellement, il ne lui fallait qu'un seul coup pour tuer ses adversaires. La moindre éraflure de la lame activait les deux Sorts dont elle était imbue. Broyeur de Chair détruisait la peau et les muscles par simple contact, laissant des plaies béantes. Quant à Maître Assassin, elle aggravait toute blessure faire par son arme qu'elle qu'elle soit. Si une personne survivait à l'un d'eux, l'autre pouvait le terrasser et si aucun des deux ne fonctionnait, alors c'était le poison violent dont était recouverte la lame qui s'en chargeait. Dans tous les cas, la victime mourait.
Mais en se reposant uniquement sur le pouvoir de son épée, il avait fait l'impasse sur la technique. C'était donc un bretteur assez moyen qui excellait pourtant sur une chose : l'estoc. Puisqu'il lui suffisait de ne faire qu'une entaille, ces attaques précises et rapides étaient faites pour lui. Il en était devenu un spécialiste et les faisait même parfois par réflexe.
C'est ce qui se passa quand il vit Harddyn avancer vers lui. Même paralysé de terreur, il eut tout de même la force de faire un geste, un seul, porter un coup directement dans la gorge découverte de son adversaire. Il ne savait pas si cela allait fonctionner. Après tout, la créature était parvenue à rattacher sa tête sur son corps. Cependant, il devait tenter le tout pour le tout. La lame s'enfonça dans la chair de l'être éthéré et celui-ci s'arrêta. Malmvist sentit l'espoir renaître en lui. Malheureusement, rien ne se produisit. Pas d'entrailles, pas de trou béant, pas de vaisseaux noircis par la toxine… même pas une seule goutte de sang.
« Ces Sorts ne sont pas suffisamment puissants contre moi » commenta Harddyn d'une voix légère. « Quant au poison… disons que j'y suis totalement insensible. »
À ces mots, un sourire nerveux naquit sur les lèvres de Malmvist. Il tomba à genoux sur le sol alors que ce sourire se transformait en rire hystérique.
« Que vais-je bien faire de toi » dit alors pensivement Harddyn.
Il regarda sur les côtés. Peshurian avait cessé de crier et de bouger. Une odeur douceâtre de viande grillée s'échappait de son armure. Il était déjà mort. Edström, elle, ne bougeait plus non plus, mais elle, était vivante. Elle le serait encore sûrement quelques heures. Harddyn revint à Malmvist et le contempla alors que celui-ci continuait à rire.
« Tu aimes bien les poisons, je crois. J'ai justement une petite sélection de douceurs que m'a donnée Sarin… »
Il plongea la main dans son inventaire et en tira une mallette. À l'intérieur, dans un moule en mousse, il y avait un pistolet injecteur. Fixé au couvercle se trouvait une plusieurs fioles colorées. Harddyn prit le pistolet et deux des fioles. Il chargea la première dans l'arme et la posa sur le côté du cou de Malmvist.
Sitôt le produit injecté, celui-ci tomba en arrière, son visage figé dans un rictus atroce et les yeux écarquillés. Il n'était pas mort cependant, juste paralysé. Harddyn se pencha puis injecta le produit dans la seconde fiole à l'assassin. Celui-ci allait rapidement se mettre à ronger les os de sa victime. N'ayant plus rien pour la soutenir, son corps allait s'affaisser en particulier ses poumons, coupant l'arrivée de l'air. Il mourrait probablement de suffocation si une autre cause due à son manque de squelette ne le tuait pas avant. C'était un spectacle auquel Harddyn aurait bien voulu assister, mais ils n'avaient pas le temps.
« Quelle déception » soupira-t-il. « La technique de Peshurian était parfaite. Et son idée de tromper ses adversaires en leur montrant un fourreau plus petit était brillante. Mais pourquoi tout gâcher avec une armure ? L'utilisation d'une telle arme, alliant adresse et habileté, aurait été bien plus efficace avec un corps en mouvement. La rapidité du Guerrier autant que de sa lame aurait pu faire croire à un ennemi invisible. Mais il a fallu que tu en imposes avec cette abominable armure. »
Il secoua la tête.
« C'est comme toi, Edström » dit-il ensuite. « Oui, je parle de toi. Je sais que tu m'entends encore. Toi aussi tu as gâché ton potentiel avec des apparats inutiles. Tes cimeterres donnaient un effet esthétique à ta danse, mais leur aérodynamisme laissait à désirer. C'est pour cela que tu étais incapable de les rendre aussi rapides que moi, parce que le frottement de l'air était trop important. Des armes moins ostentatoires comme des aiguilles de métal auraient été bien plus efficaces. Et toi… »
Il se tourna vers Malmvist. Celui-ci n'était pas mort non plus, mais amené aux portes de la folie, il était peu probable qu'il comprenne quoi que ce soit à la conversation. Mais ce n'était pas comme si Harddyn s'en préoccupait vraiment.
« Pourquoi te faire passer pour un bretteur alors que tu es clairement un assassin, hein ? » Demanda-t-il. « L'épée ornée, l'habit de lumière… Tout ça, ce n'est que des fanfreluches inutiles. En t'équipant une rapière dont tu ne savais manifestement pas te servir pour autre chose que les coups d'estoc. Tu dévoilais ta principale faiblesse. Une arme plus discrète aurait très bien pu faire l'affaire. Tu aurais même oublié quelqu'un dans la rue sans que personne ne remarque avec tes poisons. »
Il soupira à nouveau.
« Tous les trois, vous vous êtes reposé sur des acquis et sur votre image. Une fois que vous avez été convaincus d'être les plus forts, vous n'avez plus fait aucun effort pour vous perfectionner ou vous remettre en question. Il n'est pas étonnant que vous ayez été vaincus aussi facilement… »
Il secoua la tête.
« De toute façon, je ne vois pas pourquoi je me donne tant de mal. »
D'un geste nonchalant, il agita la main. Aussitôt, Malmvist et Edström rendirent leur dernier souffle. Les savoir agoniser pendant des heures aurait été amusant, mais il était énervé.
« Je suppose que tu as fini également, Sebas » dit-il en se tournant vers le Majordome.
Celui-ci se tenait droit et digne à quelques pas de son Maître. Autour de lui gisaient les cadavres des brigands dont il devait se charger. Bien évidemment, aucun n'avait survécu.
« Comme vous le désiriez, Seigneur Harddyn. »
« Un excellent travail, Sebas. »
« Je suis indigne de tels compliments de votre part, Maître. »
Harddyn fit un simple geste de frustration avant de lever la tête vers l'étage. Il n'y avait plus personne au balcon, mais on pouvait encore entendre des cris et des pleurs. Tel qu'il lui avait été demandé, Solution les avait coincés sur la terrasse et attendait les ordres.
« Ils peuvent avoir des informations importantes » dit Harddyn. « Ne les tue pas tout de suite Solution. »
« Bien, Maître Harddyn » répondit la soubrette en se penchant par-dessus la balustrade.
Harddyn se préparait à monter, mais il regarda le carnage autour de lui. L'état des trois membres des Six Bras risquait de soulever des questions. Avec de puissants Sorts d'illusions, il modifia les blessures pour les faire correspondre à celles des hommes autour d'eux. Il lui fallut quelques minutes avant d'être satisfait.
« Si on te demande, c'est toi qui les as tous tués » dit-il au Majordome.
« Comme il vous plaira, Maître. »
Cela ne dérangeait pas l'homme de prétendre puisque, de toute façon, ils se seraient tout de même retrouvés dans cet état si c'était lui qui les avait vaincus.
Harddyn hocha la tête. Mais au moment où il allait partir, son regard tomba sur sa main. Celle-ci était recouverte de morceaux de peau suintante, de fluides divers et d'un peu de sang. Davernoc avait beau être un Mort-Vivant, il n'était pas un cadavre desséché. Cela ne dérangeait pas vraiment Harddyn, mais, s'il voulait que tous croient que Sebas était l'auteur du massacre, il ne pouvait pas laisser les choses comme ça.
Il suffit d'un peu de magie pour enlever toute trace de combat de sa peau. Il ne lui restait plus qu'une chose à faire avant de rentrer dans le bâtiment : changer son apparence et redevenir Aliz Jouvelon.
Décidément, ses identités d'emprunts ne résistaient pas à un coup de sang. À l'avenir, il lui faudrait être prudent ou cela pourrait lui jouer des tours…
0o0o0
Comme tous les soirs, le casino était plein à craquer.
La vaste pièce rutilante décorée d'or, de joyaux et éclairée par des lustres de cristal magique resplendissait. Au sol, il y avait tellement de tapis moelleux que le parquet disparaissait presque complètement et chacun d'eux était assez onéreux pour que leur prix d'achat suffise à nourrir plusieurs villages pendant des années.
Des silhouettes en vêtement tout aussi somptueux et paré d'énormes bijoux circulaient entre les tables proposant des parties de cartes, de dés ou encore de roulettes. Tous étaient masqués, mais en regardant bien. On pouvait apercevoir certains avec des tenues moins luxueuses et possédant des parures visiblement fausses ou bien pas du tout.
Généralement, ces gens-là étaient plus fébriles que les autres. Assis à des tables, ils tenaient leurs cartes avec nervosité et se mordaient les doigts. Parfois, ils souriaient avec soulagement… mais c'était pour ensuite sombrer dans le désespoir le plus profond avant de supplier ses adversaires de lui donner une nouvelle chance de se refaire. Bien entendu, ceux-ci acceptaient avec une condescendance feinte. Ils n'allaient tout de même pas laisser partir une telle poire avant de l'avoir totalement pressé de son jus.
Combien de familles s'étaient retrouvées à la rue parce que le maître de maison avait tout perdu à ces tables ? 10 ? 100 ? Plus ? Cela n'avait aucune importance pour eux, après tout, ils étaient riches. Quant aux gens tout autour, ils regardaient le spectacle de la misère humaine en commentant, riant et pariant toujours plus. Ils n'avaient que cela à faire ici. Et puis cela faisait passer le temps.
Au milieu de cette foule bigarrée, il y avait un homme portant des habits plus luxueux que les autres, des bijoux plus fastueux et un embonpoint plus considérable. Il déambulait dans la pièce en saluant chacun afin de recevoir leurs respects chaleureux à son tour. Malgré les masques, il semblait connaître tout le monde et tout le monde semblait le connaître. C'était normal après tout, c'était l'hôte.
Le Baron Kralberg avait tout pour être un homme heureux. Il était le propriétaire du casino clandestin le plus en vue de tout le Royaume. Bon, il n'était pas vraiment le propriétaire. Il n'était qu'une façade bien pratique utilisée par le Département des Jeux des Huit Doigts, mais le pourcentage qu'il recevait était plus que généreux. Grâce au soutien du Marquis Boullope, le propre beau-père du Prince Héritier, il était protégé contre toute intrusion de la couronne. Il était donc un candidat idéal.
Oh bien sûr, il savait qu'il n'était qu'un outil, mais il avait l'ambition d'être le meilleur des outils. Ainsi avec l'aide des Huit Doigts il pourrait devenir assez puissant pour ne plus avoir besoin de son protecteur et, qui sait, prendre sa place. Il était également au courant de tous les commentaires que ses si merveilleux invités faisaient sur lui quand il avait le dos tourné, des commentaires sur son poids, son arrivisme, sa femme alcoolique, ses enfants moches et stupides… mais de tout cela, il n'en avait cure parce qu'il possédait le plus important : l'argent.
Grâce à cela, il avait tout ce qu'il pouvait désirer. Vêtements, propriétés, nourriture, bijoux, estime (même simulé)… Et puis les femmes aussi. Avec la fortune considérable qu'il avait accumulée, il pouvait être reçu par les plus belles et talentueuses courtisanes du Royaume. Mais ce n'était pas seulement des courtisanes. Toutes les autres femmes, mariés ou non oubliaient facilement la répugnance que leur inspirait son physique ingrat quand il leur faisait miroiter ses richesses sous les yeux. Même les plus vertueuses et douces vierges écartaient volontiers les cuisses pour quelques breloques et des taffetas.
Malheureusement, ce soir-là, il n'était pas vraiment attiré par qui que ce soit. Où que ses petits yeux porcins se posent, il n'y avait que de la chaire périmée qu'il avait déjà goûté plus d'une fois. Il était amusant de voir les matrones aux langues les plus empoisonnées se renfrogner quand, d'un simple regard, il leur rappelait qu'elles avaient abandonné leur superbe et leur orgueil entre ses bras et s'étaient comportées comme les pires des putains. Toutefois, même ce jeu finissait par le lasser.
Sentant la chaleur de la pièce l'étouffer, il se décida à délaisser quelque temps les mondanités pour aller se rafraîchir le balcon. La nuit était douce et la lune pleine, mais quelques nuages en dissimulaient la lumière. Il faisait tellement sombre que, pendant quelques instants, le Baron ne se rendit pas compte qu'il n'était pas seul.
Finalement, quand ses yeux se furent accoutumés à la pénombre, il remarqua une silhouette dos à lui. Au vu de son ample robe, il était bien évident qu'il s'agissait d'une femme. Et il avait beau ne pas voir son visage, il était presque sûr qu'il ne l'avait jamais rencontré. Après tout, il avait déjà salué ses habitués.
La brise du soir commençant à chasser les nuages, il lui fut plus facile de discerner la silhouette. Il put ainsi confirmer que ce n'était pas quelqu'un qu'il connaissait. Il n'y avait personne parmi ses invités qui puissent se procurer une robe aussi somptueuse. Les brocarts écarlates brillaient comme du sang sous la lune et les noirs créaient des ombres exquises sur son corps qu'il devinait généreusement pourvues. Il pouvait également distinguer les reflets dorés de ses bracelets et il était certain que sa tête était décorée d'un diadème.
Attiré par l'appât du gain et par sa libido, le Baron Kralberg s'approcha de la silhouette dans l'espoir de l'aborder. Cependant, au moment où il allait ouvrir la bouche, la femme se retourna. La beauté de son visage éclairé par la lune coupa le souffle de l'homme. Mais il pouvait à peine voir les deux yeux sombres posés sur lui, car son regard était irrémédiablement entraîné plus bas, dans le très volumineux et rempli décolleté de la femme.
Celle-ci s'approcha alors et se posta juste devant le Baron. Au vu de sa taille, sa poitrine était presque au niveau de son visage. De sa main fine, elle souleva le menton de l'homme. Celui-ci plongea ses iris dans ceux, noirs, de la femme et fut encore plus captivé. Il la vit porter son autre main à ses lèvres et mordre dans le fruit qu'elle contenait. Il était d'un rouge vif. Une pomme ? Non, une pomme ne ferait pas autant de jus et celui-ci ne serait pas aussi… rouge.
Quelques gouttes coulèrent sur son menton puis glissèrent le long de sa gorge avant de finir leur course dans le Saint Graal d'une femme, le creux délicieux entre se deux seins. Hypnotisé, le baron vit une autre goutte la rejoindre. Et une autre, et encore une autre. C'était à présent des filets de jus qui parsemaient sur la peau grise.
Grise ? Sa peau était-elle vraiment grise ? Il ne se souvenait pas si elle était grise tout à l'heure. Et toutes ces veines sombres. Et ce jus. Si rouge. Si… opaque… et ce fruit… il ne ressemble pas vraiment à un fruit. On aurait dit… de la viande.
À ce moment-là, il sentit le froid se reprendre dans son torse. Il baissa les yeux. Sur son magnifique pourpoint brodé de fil d'or, d'argents et de perles multicolores, il y avait une tâche. Une grosse tache noire dont les bords rouges se répandaient sur le tissu. Un rouge profond. Opaque. Comme le jus du fruit qui n'en était pas un.
Le froid se propagea dans le corps du Baron. Il se sentait vaciller. Il leva à nouveau les yeux vers la femme. Celle-ci avait terminé son fruit et léchait à présent ses doigts pleins de jus. Ou peut-être était-ce du sang. Son sang. Et ce fruit qui n'en était pas un, est-ce que c'était… son… cœur ?
Le Baron s'effondra en arrière, mort avant même de toucher le sol. Queen observa quelques instants son cadavre tout en continuant à lécher ses doigts. Elle jeta un coup d'œil par delà les grandes baies vitrées. À l'intérieur, personne ne semblait avoir remarqué ce qu'il s'était passé. Tout le monde continuait à jouer, à rire et à boire. Elle tourna ensuite la tête de l'autre côté, vers le paysage obscur pour n'importe qui sauf pour elle. Grâce à cela, elle pouvait parfaitement voir le groupe de Combattant mené par la Guerrière masculine arriver.
« Hélas » soupira-t-elle. « Moi qui voulais m'amuser avec ces insectes. Leurs têtes auraient fait de parfaites balles de croquet. Et leurs jambes… »
Elle poussa un nouveau soupire. Puis, dans un claquement, deux paires d'ailes de chauve-souris émergèrent dans son dos. Elles étaient effilées comme des lames et plus noires que la nuit. Il leur suffit d'un seul battement sec pour transporter Queen of Heart à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du château de feu le Baron Kralberg. Même de là où elle était elle pouvait percevoir les bruits des fêtards. Et ce n'était pas grâce à ses sens de Démons.
« Si je dois faire vite, autant y aller d'un seul coup » dit-elle en pointant l'un de ses longs doigts vers le bas.
N'importe quel Combattant PNJ des 100 aurait le pouvoir de raser le château. Mais rares étaient ceux qui pouvaient le faire en une seule fois. Parmi ses camarades, elle était l'une des seules à posséder celle considérée comme la plus destructrice des Classes Magiques : Désastre Planétaire.
Ceux qui là en étaient pourvus avaient une puissance de feu inégalé. Tous les Sorts qu'ils lançaient étaien fois plus destructeurs que la normale. Bien entendu, le coup en PM augmentait aussi, mais cela en valait généralement la peine. Surtout que les Désastres Planétaires possédaient également plusieurs Compétences puissantes. L'une d'elles en particulier était vraiment adaptée aux dégâts de zone. Elle s'appelait…
« [Grande Catastrophe] »
À ce moment-là, l'espace se mit à vibrer. Une onde de choc se propagea dans l'air, semblant inverser toutes les couleurs du réel. Puis la terre se mit à trembler et un souffle colossal déracina les arbres alentour et fit s'envoler des rochers de la taille d'un homme.
Quand finalement il fut à nouveau possible de voir ce qui se passait, le château avait disparu. Non seulement lui, mais aussi la montagne sur le flanc duquel il était construit. À la place, il ne restait qu'un immense lac de roches en fusions qui illuminaient la nuit plus encore que la lune.
Quand le groupe de Gagaran arriva enfin sur les lieux, ils cherchent frénétiquement quel pouvait être la cause de ce cataclysme. Mais ils ne trouvèrent rien. Le ciel était vide.
0o0o0
Gilondale n'était pas un faible. Il était membre du département de Sécurité des Huit Doigts et ce n'était pas pour se vanter, mais il était presque au niveau des Six Bras. En fait, il était certain que si Succulent ne redevenait pas en odeur de sainteté avec Zero, c'est lui qui serait amené à le remplacer. Il avait même déjà imaginé son surnom : le "Rempart Infaillible".
Gilondale était grand. Très grand. Et très large aussi. Un cou de taureau, des épaules et un torse ample, des mains comme des battoirs et des jambes comme des poutrelles. Et il était fort. Pas autant que Zero, bien sûr, mais il pouvait porter une armure d'acier complète pendant des heures ainsi qu'une large épée et un bouclier tout aussi large.
Il avait fait ses armes en tant qu'Aventurier, mais rares étaient les personnes qui parvenaient à le supporter longtemps. Selon eux, il était trop franc-tireur et téméraire. Ils lui reprochaient de se jeter dans le combat sans réfléchir en ne comptant que sur sa force. À cause de cela, certains de ses compagnons étaient morts lors de mission. Bien entendu, si on écoutait Gilondale, ce n'était jamais de sa faute, toujours celle des autres. Cela provoquait de nombreuses disputes entre lui et les membres de son équipe et, comme il avait le sang chaud, cela pouvait être violent.
Et ce qui devait arriver était arrivé. Lors d'un désaccord avec eux, sous l'emprise de la colère, il avait donné un coup de bouclier à l'un de ses partenaires qui s'était effondré. Mort.
Gilondale avait été arrêté, jugé, emprisonné et sa licence d'Aventurier révoquée. C'était Zero qui était venu, en personne le recruter directement dans sa cellule. Il l'avait fait sortir en échange de sa soumission et de son adhésion aux Huit Doigts. Comme il était de toute façon impossible pour Gilondale de redevenir Aventurier (il n'en avait de toute façon pas envie), il avait accepté.
Il était donc devenu membre du département de Sécurité. Cela voulait dire qu'il avait des missions comme garder des lieux appartenant pour les Huit Doigts, escorter des convois et jouer les gardes du corps pour les membres importants de l'association ou bien de riches clients qui payaient rubis sur l'ongle pour un service de qualité. De temps en temps, il combattait dans l'une des arènes que possédaient ses employeurs. Il pouvait y tuer à loisir des Monstres… ou biens de gens, le tout pour le plaisir du public et le sien. Grâce à cela, il était heureux et il n'avait jamais regretté son choix… jusqu'à ce soir.
Tout le monde était aux aguets depuis près d'une semaine. Trois de leurs villages couverture pour la culture d'Herbe d'Ombre avaient récemment été attaqués par des assaillants inconnus. Ils ne voulaient donc pas prendre de risque. Surtout ici. En effet, leurs propres villages ne possédaient aucune plantation. Il s'agissait en fait du lieu où l'herbe était acheminée et transformée en Poudre d'Ombre. Il existait bien des petits laboratoires à d'autres endroits, mais aucun ne disposait de l'ingrédient le plus important pour la préparation : une eau pure. Leur drogue était donc de moins bonne qualité (et donc moins rentable) que celle confectionnée ici, raison pour laquelle, la sécurité, déjà conséquente, avait été encore renforcée.
C'est pourquoi Gilondale se trouvait là-bas. Il avait pris le commandement dès son arrivée, mais n'avait rien accompli jusque là en arguant que son travail à lui était de se reposer au maximum en cas d'attaque… et voilà qu'à présent que le village était attaqué, il se cachait comme un lâche dans le coin le plus sombre de sa chambre.
Tout d'abord, personne ne s'était méfié d'elle. Ce n'était qu'une vieille femme. Qu'elle se retrouve à cet endroit à une heure aussi tardive était étrange, mais à aucun moment, les gardes ne l'avaient jugée dangereuse. Ils avaient eu tort.
Toujours est-il qu'elle n'avait beau pas représenter une menace à leurs yeux, ils devaient l'éliminer. Ce camp était secret. Toute personne qui venait à le découvrir devait l'être. Sauf bien sûr si c'était des jolies filles… ou juste des femmes pas trop repoussantes. Elles, ils les capturaient et les gardaient pour eux. Mais une vieillarde, autant la tuer.
À l'appel des vigies, quelques-uns des hommes en faction étaient rapidement sortis de l'enceinte pour entourer la femme. De près, ils avaient pu voir qu'elle était vraiment très très vieille. Tout son visage était recouvert de rides profondes. On avait même peine à discerner ses yeux. Ils étaient si plissés qu'ils semblaient fermés. Elle souriait également. Ce seul fait aurait dû leur mettre la puce à l'oreille. Mais, habitués à la peur qu'ils provoquaient, les hommes avaient abandonné toute méfiance.
« Alors, la vioque » avait dit l'un des brigands en s'avançant vers sa victime alors que les autres l'encerclaient pour l'empêcher de s'enfuir, « on s'est perdue ? Tu sais que t'es sacrément mal tombé ? T'es bien trop ridée pour jouer aux putes donc on va devoir de tuer, tu le sais ça ? »
« Alala, petit sacripant » avait rétorqué la femme d'une voix chevrotante et rauque, « ce n'est pas le genre de chose que l'on dit à une vieille dame. Si vous recommencez. Je serais obligé de vous couper la langue. »
L'homme avait explosé de rire et sortit une lame de sous sa tunique.
« Tu manques pas d'air, la vioque ! » S'était-il exclamé. « Pour la peine, j'ai bien envie de m'amuser avec toi. Qu'est-ce que tu dirais que j'enfonce ce gros couteau dans ta vieille moule. Tout ce sang, ça te rappellera ta jeune… »
Il n'avait pas eu le temps de terminer sa phrase, car sa tête s'était soudain détachée de ses épaules et était tombée sur le sol à plusieurs mètres. Un geyser écarlate s'était échappé de son cou tranché avant qu'il ne s'écroule à genoux puis bascule dans la poussière.
« Pauvre petit » avait dit alors la femme. « Voilà ce qui arrive quand on écoute pas ce que dit Mère-Grand. »
Son bras était tendu sur le côté, sa main parfaitement à plat. Les doigts serrés les uns contre les autres. Ses longs ongles ressortaient comme des poignards. Personne ne l'avait vu bouger. Elle s'était tout de même penchée sur le cadavre en frottant son menton pointu.
« J'avais parlé de sa langue, mais voilà que j'ai coupé toute la tête. Quelle maladroite je suis ! Il faut dire que je n'ai plus une aussi bonne vue qu'autrefois. »
En disant ces mots, elle avait enlevé ses lunettes à petits verres ronds et s'était mise à les essuyer avec un mouchoir en dentelle sortie de sa manche. À ce moment-là, les brigands autour d'elle avaient repris leurs esprits et, en poussant de grands cris de colère, s'étaient jetés sur elle. Mais alors que le premier l'atteignait, Mère-Grand, sans cesser de nettoyer ses lunettes, avait projeté l'un de ses pieds vers le haut. Le dessous de son chausson avait heurté durement le menton de l'homme qui avait gémi de douleur. Il s'était mordu la langue.
Alors que sa jambe était à présent complètement à la verticale, elle l'avait abattu tel un couperet sur le dessus de la tête de son adversaire qui s'était effondré sur le sol. Dans le même temps, elle s'était servie de l'appui pour sauter dans les aires. Ses jambes avaient tourbillonné à la manière d'une hélice, fauchant les crânes des deux hommes suivants. Le coup était si brutal que leurs cous s'étaient tordus. Les deux étaient morts sur le coup.
Il ne restait plus qu'une demi-douzaine d'assaillants autour d'elle. Tous avaient subi le même sort et avaient été victimes des pieds meurtriers de la femme. Quand tous ses adversaires s'étaient retrouvés étendus sur le sol, morts ou mourants, elle avait inspecté une dernière fois ses lunettes avant de les percher à nouveau sur son nez.
« Oui, c'est bien mieux comme cela » avait-elle déclaré sur un ton satisfait.
« Tenez-vous prêt ! » S'était alors écrite une voix effrayée.
Mère-Grand avait levé les yeux en direction des remparts du fort. De très nombreux archers étaient positionnés, prêts à tirer. Devant le massacre perpétré par la vieille femme, ils avaient préféré attaquer à distance. Décision futile. Celle-ci avait parfaitement vu arriver les flèches dans sa direction et s'était contentée de les éviter. Mains dans le dos, elle s'était mise à danser d'un pied sur l'autre en se contorsionnant pour esquiver chacun des traits qui lui étaient envoyés.
« Rechargez ! Rechargez ! » S'était écrié le même homme que précédemment.
Tous les brigands avaient fébrilement tenté de tirer une flèche de leurs carquois et de la placer correctement sur leurs arcs. Malheureusement, la peur face à l'adversaire inattendu que représentait la femme les rendait nerveux et ils avaient du mal à bouger efficacement.
« Aller ! Aller ! Plus vite ! » Avait crié l'homme qui semblait être leur chef.
Lui était déjà parvenu à recharger et dirigeait sa nouvelle flèche directement sur Mère-Grand. En voyant cela, le sourire de celle-ci s'était agrandi. Elle avait pointé deux de ses doigts et fait un geste. Aussitôt, l'homme avait ressenti une douleur fulgurante dans le dos et la poitrine. Quelque chose venait de le traverser de part en part. Quelque chose de plus gros qu'une flèche et qui venait de derrière. À ce moment-là, la lune s'était reflétée sur quelque chose de brillant suspendu dans les airs. Une épée. Il s'agissait d'une épée qui volait. Celle-ci était couverte de sang. Son sang.
« Que… » avait-il gargouillé.
Mais il n'avait rien pu dire de plus, car des flots carmins avaient jailli d'entre ses lèvres. Il s'était mis à chanceler et, finalement, s'était effondré par-dessus les remparts avant de s'écraser sur le sol.
« Et voilà » avait alors soupiré Mère-Grand. « À force de jouer avec des objets pointus, on finira par se couper. »
Elle avait secoué la tête puis l'avait relevé en direction des autres hommes. Ceux-ci s'étaient figés quand leur chef avait été touché. Ils regardaient à présent l'endroit où il était tombé ainsi que la femme qui l'avait tué. Ils tremblaient. Ils avaient peur. Et ils avaient raison.
Mère-Grand avait à nouveau fait un geste à deux doigts et l'épée volante s'était mise bouger de concert. Les cris des brigands avaient alors résonné dans le camp comme la lame fendait l'air.
C'était ces cris qui avaient réveillé Gilondale. Il lui avait fallu quelques minutes pour s'extraire des corps rances et mal lavés des trois prisonnières qu'il avait usés la veille. Toujours nu, il avait ensuite attrapé son épée et son bouclier et s'était précipité hors de la maison qu'il occupait. C'était là qu'il avait vu le carnage.
Tous les hommes, du plus insignifiant chimiste jusqu'aux Guerriers d'élite qui avaient accompagné Gilondale, couraient dans tous les sens. Aucun ne se battait. Ils avaient compris depuis longtemps que c'était inutile. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était essayer de s'échapper, mais même ça c'était impossible. Avec des sifflements stridents, l'épée volante les cueillait les uns après les autres, les tuant tous sur le coup. Personne ne lui résistait. Gilondale avait aperçu les trois femmes qui étaient avec lui pour la nuit tenter de fuir par la fenêtre. La lame les avait transpercés de part en part comme elle le faisait également avec les autres prisonniers.
La voyant venir vers lui, Gilondale avait planté son bouclier devant lui. Son armure tout comme son épée étaient en simple acier, mais son bouclier. C'était autre chose. Il était en Orichalque. Pas en pur Orichalque, c'est vrai. Il s'agissait en fait de plaques de métal clouées sur un support en bois brut, mais cela le rendait indestructible. C'était sa fierté et son assurance de devenir un jour l'un des Six Bras. Il avait donc attendu le bon moment, celui où l'arme ennemie, sûrement manipulée par la même magie qu'Edström, heurterait sa muraille. Mais ce n'est pas ce qui s'était passé. Avec surprise, Gilondale avait vu la lame volante traverser son bouclier comme s'il avait été fait de papier, l'effleurant au passage et lui occasionnant une estafilade sur la joue.
En tremblant, il avait regardé fixement la fente dans sa précieuse protection qu'il croyait impénétrable. Il avait alors poussé un cri, lâché l'objet ainsi que son épée et était retourné se cacher dans sa maison. C'était terré dans un coin qu'il était resté tout le temps de l'attaque.
Au bout d'un moment, les hurlements se turent, mais il refusa de bouger. Il craignait que la vieille femme aux vêtements étrange qu'il avait aperçue au milieu du champ de bataille ne le trouve. Finalement, comme elle ne venait pas, il finit par se détendre un peu. Elle avait probablement cru avoir tué tout le monde et était partie. Mais mieux valait vérifier. Il se mit à ramper en direction d'une fenêtre et se risqua à tenter de regarder ce qui se passait au-dehors.
Mais soudain, il poussa un cri et se jeta en arrière sur le sol. La femme. Elle était là. Juste devant la fenêtre. Comme si elle l'attendait. Gilondale perçut alors un sifflement et un éclat lumineux. Aussitôt, toute la partie supérieure de la maison fut projetée dans les airs, les murs tranchés nets.
Au moment où il avait perçu l'éclat, Gilondale s'était recroquevillé sur lui-même. Sentant qu'il était toujours en vie, il avait fini par rouvrir les paupières et c'est là qu'il l'avait vu. La femme. La femme qui volait debout sur la lame de son épée.
« Qui… qui êtes-vous ? » Beugla le Guerrier en tentant de ramper en arrière sans quitter des yeux cet être terrifiant face à lui.
« Moi ? Mais je suis Mère-Grand voyons » répondit la vieille femme avec un sourire.
Puis son regard se fit plus préoccuper.
« Il fait frisquet, tu sais, mon petit. Tu devrais mettre un chandail ou tu vas attraper la mort. »
Soudain, elle gloussa.
« Oh c'est vrai. Tu vas mourir de toute façon. »
L'épée s'abaissa vers le sol pour laisser la vieille femme descendre. Celle-ci se redressa et sembla ensuite passer dans son dos avant de disparaitre complètement. Comme évanouie ou dissimulée par un quelconque tour de passe-passe.
Gilondale se dit à ce moment-là que c'était peut-être sa chance. Il n'avait vu la femme se battre qu'avec sa lame et ignorait tout de ses facultés physiques. Pensant avoir une ouverture, il parvint à se relever aussi rapidement qu'il le pouvait afin de se jeter sur son adversaire, bien décidé à en découdre à mains nues. Mais alors qu'il pensait attraper la carcasse chétive de la femme, ses bras énormes se refermèrent sur le vide. Une jambe pliée à l'avant, l'autre tendu à l'arrière, Mère-Grand avait abaissé son corps tout entier. Puis plaçant ses deux mains côte à côte devant sa poitrine, elle les propulsa soudain brusquement dans le ventre de sa victime.
« [Double Paume du Dragon Rugissant] ! »
La Compétence martiale décupla la force de son coup alors que de longs dragons de feu semblèrent se matérialiser dans ses mains. Avec un cri étranglé, Gilondale s'envola avant de s'écraser lourdement sur le sol près d'une centaine de mètres plus loin. Rapidement, Mère-Grand rejoignit le point d'impact et analysa son adversaire. Il était mort.
« Mission accomplie » dit-elle avant que son visage ne se déforme sous son grand sourire. « Zut ! Mon dentier ! »
Au moment où elle se pencha pour récupérer sa prothèse, sa main jaillit instinctivement par-dessus elle, à l'endroit exact où se trouvait sa tête quelques instants auparavant. Entre deux de ses doigts se trouvait un kunai de métal noir. Mère-Grand ramassa son dentier couvert de sang et de poussière et le remis directement dans sa bouche avant de regarder dans la direction d'où était venue l'arme de jet. Une jeune fille blonde en habit sombre se trouvait là. Si Mère-Grand se souvenait bien, il s'agissait du membre de l'une des équipes du Royaume envoyé pour nettoyer le camp.
Elle avait dû se montrer remarquablement discrète pour s'être faufilée ici et Mère-Grand, remarquablement distraite pour ne pas avoir discerné sa présence. L'excitation du massacre sans doute. L'ordre de mission était d'éliminer la cible si possible avant l'arrivée des forces adverses. S'il y avait contact, ce n'était pas grave tant que le combat n'était pas engagé. Mieux valait éviter de révéler leurs tactiques aux ennemis. Ils auraient déjà un aperçu de leur pouvoir, c'était bien suffisant.
Mère-Grand sourit alors à la Ninja devant elle et lui relança nonchalamment le kunai. Tia esquiva facilement l'arme. Mais quand elle se retourna à nouveau vers son adversaire, celle-ci avait tout simplement disparu.
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Même sans leur invisibilité, il leur aurait été très facile d'avancer dans le bâtiment. Les couloirs étaient absolument déserts. Cela ne voulait dire qu'une seule chose, que tout le monde était à l'avant à combattre Sebas.
Malgré le fait qu'il connaissait parfaitement la force du Majordome, Climb ne pouvait s'empêcher de se faire du souci. Certes avec une puissance équivalente à celle de Gazef Stronoff et Brain Ungleus cumulées, il lui serait aisé de venir à bout de l'un des Six Bras. Mais là il devait affronter les cinq en même temps sans compter des hordes de brigands de la pierre espèce. Face à un tel nombre, il ne savait pas combien de temps l'homme pourrait tenir.
Ils devaient donc faire vite.
Grâce au pouvoir de son heaume, il pouvait voir ses deux compagnons également dissimulés. Enfin, "voir" était un bien grand mot. En se concentrant, il pouvait apercevoir un fin voile translucide dessinant des silhouettes, mais cela n'allait pas plus loin. Ce fut cependant suffisant pour le faire piler au moment où Lockmeier se figea soudain.
« Désolé » dit le Voleur en constatant que ses deux camarades avaient failli trébucher lors de son arrêt brutal. « On est presque arrivés. Un peu après ce virage, il y a les geôles où la femme est enfermée. »
C'est à ce moment-là que la magie qui les recouvrait cessa de faire effet. Heureusement, comme dans les restes du bâtiment, il n'y avait personne. Pas de garde et aucun autre prisonnier que la dénommée Tuare. Aux yeux de Climb, c'était assez suspect. Comme s'il s'agissait d'un piège. Il se rassura en se disant que la présence de 5 des Six Bras avait rendu les bandits plus confiants, car personne ne serait assez fou pour les affronter et espérer en ressortir indemne… enfin, normalement.
Pourtant Climb ne pouvait se défaire de cette impression désagréable alors que lui et Brain suivaient Lockmeier dans le couloir. Celui-ci était large avec une série de cellules sur les côtés et une imposante double porte au fond. Il régnait ici une odeur assez forte, une fragrance musquée qui prenait à la gorge. Comme dans des écuries, mais en plus persistant.
Cela et la disposition des lieux firent alors dire aux trois hommes que les cellules devaient plutôt être des sortes de cages et que la double porte au fond devait mener à une arène. Les Animaux devaient être parqués là avant d'être amenés pour s'y entredévorer… enfin, s'il s'agissait seulement d'Animaux. Climb savait que l'Empire était friand de combats de gladiateurs et parfois ceux-ci affrontaient également des bêtes… voir des Monstres. Une bataille souvent assez peu équitable que les Huit Doigts étaient parfaitement susceptibles d'avoir reprise à leur compte. Probablement en rendant le combat encore moins équitable pour satisfaire la soif de sang de leur public.
Mais ils n'avaient vraiment pas le temps de penser à ça. À la place, ils suivirent Lockmeier jusqu'à la cellule où se trouvait l'unique prisonnière. Le Voleur se mit à examiner la porte, mais Climb sortit simplement sa clochette de déverrouillage et la fit tinter. Dans un claquement sec, la serrure sauta. Lockmeier jeta un œil étonné au jeune homme, mais, rapidement, se détourna pour ouvrir la porte. Ils n'avaient pas de temps à perdre.
Climb s'avança alors et regarda à l'intérieur de la cellule. Il y avait bien une silhouette féminine allongée sur le sol.
« Êtes-vous Tuare ? » Demanda-t-il en s'approchant.
Elle se redressa et hocha la tête. Elle ressemblait parfaitement à la description qu'en avait faite Sebas. Elle portait même ses vêtements de domestique. Cela ne pouvait être qu'elle.
« Nous venons vous chercher à la demande Maître Sebas » dit-il. « Allez, il faut y aller. »
Le plus urgent était de la faire fuir d'ici. Climb lui expliqua alors la situation et, heureusement, la jeune femme sembla comprendre. Elle accepta donc docilement de le suivre et sortit de la cellule avec lui. Au-dehors, elle regarda les deux autres hommes avec une certaine surprise, son retard s'attardant quelque peu sur Brain.
« Je n'ai entendu aucun bruit provenant de la porte, mais mieux vaut éviter d'aller en terrain inconnu » dit Lockmeier en désignant l'entrée de l'arène. « Le plus sûr est de rebrousser chemin. »
Avec un peu de chance, il n'y aurait pas plus d'ennemis au retour qu'à l'aller. C'était à espérer puisqu'ils n'avaient plus la possibilité de se rendre invisibles eux ou leur charge. Ils devaient donc se montrer plus prudents.
« Je passe devant, comme tout à l'heure » dit le Voleur. « Mais ne manquez pas les signes. »
« Nous ferons attention » dit Climb avant de se tourner vers Brain qui, lui, n'avait rien dit.
Il était occupé à détailler la jeune femme.
« Il y a un problème ? » Demanda le Soldat.
« Mm ? Euh… non, aucun » répondit distraitement le Mercenaire.
Il fit simplement signe à Lockmeier qu'il était prêt et le Voleur prit la tête du groupe. Il fila rapidement le long des cellules avant de ralentir à proximité du tournant afin de jeter un coup d'œil pour voir si la voie était libre. Malheureusement, à ce moment-là, une silhouette déboucha nonchalamment, surprenant le Mercenaire et le jeune soldat. Le Voleur, lui, habitué, parvint à garder son sang froid. Il tira sa dague et se jeta sur l'intrus dans le but évident de le tuer. Il eut l'impression de heurter un mur de brique. Il ressentit alors une importante douleur au ventre et il fut projeté en arrière. Heureusement, Climb réussit à rattraper l'homme avant qu'il ne s'écrase sur le sol. Sans cela, avec la force de l'impact et sans amortir sa chute, il aurait pu être gravement blessé. Cependant, le Voleur était bien plus trapu que lui. Sans compter l'importante inertie. Surpris par le choc, il trébucha et s'étala lourdement avec lui sur la pierre froide.
Brain, lui, s'était déjà mis en position de combat devant l'intrus. Main sur la poignée de son sabre, il regardait l'homme avec gravité. Celui-ci était grand, large et extrêmement musclé. Pas étonnant que Lockmeier ait simplement rebondi contre lui. Il portait un sarouel épais maintenu à la taille par une ample ceinture de tissu ainsi qu'une veste courte sans manche bordée de fourrure. Le plus impressionnant chez lui, à part sa stature, était ses immenses tatouages en forme d'animaux qui ornaient tout son corps jusqu'à son crâne rasé.
Loin d'être ébranlé par le Mercenaire en face de lui, il regardait le groupe avec un rictus moqueur.
« Zero » siffla Brain en serrant encore plus sa main sur la fusée de sa lame.
C'était bien lui. Le mythique chef des Six Bras. L'homme considéré comme le plus fort parmi eux.
« Brain Ungleus » salua Zero avec un ricanement. « Et qu'est-ce qu'on a d'autre ? Un Aventurier anonyme et l'esclave de l'autre catin. Belle brochette de poids mort ! »
Ses petits yeux enfoncés dans son crâne avaient à peine quitté le Mercenaire en face de lui. Il semblait le jauger, comme si celui-ci était le seul dont il devait se méfier. Ce n'était pas pour déplaire à Climb qui en profita pour s'occuper du Voleur toujours au sol avec lui.
« Ça ira ? Vous pouvez vous soigner ? » Demanda-t-il.
Lockmeier ne répondit pas. Son visage exprimait seulement de la douleur. Avec surprise, Climb constata alors que son plastron était défoncé. Le métal, pourtant solide, présentait à présent la marque d'un énorme poing. Zero ne s'était pas laissé simplement heurter. Sans que personne ne le voie, il avait porté un coup à son assaillant. Cela expliquait la force avec laquelle le corps du Voleur l'avait percuté.
Climb secoua l'homme pour lui faire reprendre ses esprits. Finalement, il plongea la main dans sa sacoche et se mit à fouiller frénétiquement à l'intérieur à la recherche d'un remède.
« Je vois que ta posture ne laisse transparaître aucune faille » dit Zero qui ne se préoccupait pas du tout de ce qui se passait plus bas. « Je dirais même que tu es encore plus fort que lors de ton combat avec Stronoff. Pas étonnant que Succulent ait perdu contre toi s'il t'a attaqué de front. Il est tombé sur le mauvais adversaire. Je pourrais donc lui pardonner sa défaite. Pour cette fois. »
Il parlait presque comme si Succulent pouvait effectivement l'entendre.
« En temps normal, je devrais te tuer pour rétablir notre honneur, mais il se trouve que je suis quelqu'un de généreux. Agenouille-toi devant moi et jure-moi fidélité et je t'épargnerai. »
« La paye est bonne ? » Demanda Brain sur un ton qu'il espérait nonchalant.
« Oh… intéressé ? »
« Ça coûte rien d'écouter ta proposition. Puisque j'ai vaincu Succulent, je peux espérer un bon traitement. »
Zero éclata d'un rire tonitruant.
« Tu es bien gourmand, dis-moi » dit-il. « Je ne pensais pas que tu parlerais d'argent au lieu d'implorer pour ta vie. Tu sais que tu ne pourras pas emporter ta fortune dans l'au-delà ? »
« Là, tu me déçois. Est-ce que ça veut dire que tu n'as pas de quoi me payer une retraite dorée ? Est-ce que les Huit Doigts seraient pauvres en fait ? Ou est-ce que c'est juste toi qui as des oursins dans les poches ? »
« On dirait bien que tu as la langue bien pendue, Ungleus » dit Zero avec un ricanement jaune tout en faisant craquer les jointures de ses poings monumentaux. « J'espère tout de même que tu n'es pas meilleur avec elle qu'avec ta lame. Ce serait dommage. Ce serait même encore plus dommage si tu avais pris la grosse tête après avoir battu Succulent. Il n'y a pas vraiment de gloire à vaincre le plus faible des Six Bras. »
Brain haussa nonchalamment les épaules. Il était visible qui tentait de gagner du temps pour laisser à Lockmeier la possibilité de se remettre. Alors pourquoi Zero entrait-il dans son jeu ? C'est ce que se demandait Climb en se relevant quand il remarqua que Tuare se rapprochait subrepticement de Brain. Ce n'était pas logique. Si elle cherchait une protection, elle aurait dû se placer derrière lui, loin de leur adversaire. Quelque chose clochait. Le léger coup d'œil de Brain en arrière le lui confirma.
« J'espère que tu as gagné assez de temps » dit finalement Zero. « Il va falloir que tu choisisses maintenant. Tu t'agenouilles ou tu meurs. »
Brain ricana, mais ne retira pas la main de la poignée de sa lame.
« Dans ce cas, tu vas mourir » dit Zero.
Il se mit alors en position de combat, le dos gainé, les genoux fléchis, la main gauche en avant et le poing droit vers l'arrière. Il semblait aussi solide que le roc et plus dangereux qu'un taureau avant de charger. Brain l'imita, mais, loin de se préparer à l'attaque, il se positionnait plutôt en défense.
« J'ai ordonné qu'on épargne le vieux, mais tu sais, avec des types au sang chaud comme les 4 autres, ça risque d'être coton » dit Zero sur le ton de la conversation. « Ce serait fâcheux. Il faut absolument que je le tue de la manière la plus cruelle possible pour bien faire passer le message. »
Le rictus de l'homme s'était à présent transformé en grimace de haine, rendant son visage d'une abominable laideur.
« Ta mort sera vraiment la cerise sur le gâteau » dit-il. « Ta pierre tombale sera le symbole qui montrera à tous que je suis le plus fort et aux idiots ce qui les attend s'ils défient les Six Bras à l'avenir. Quant au chien-chien de l'autre catin, je lui enverrai sa tête en cadeau. »
L'aura meurtrière de Zero submergea alors Climb, mais il ne bougea pas d'un pouce. À côté de celle de Sebas, ce n'était rien d'autre qu'une petite brise. Il se contenta donc de toiser l'homme avec son regard perçant habituel. Celui-ci, ne s'attendant pas à une résistance de la part de ce morveux, en fut légèrement décontenancé.
« T'en fais pas, Zero » ricana Brain. « Ce sera que moi, ton adversaire. Je laisse à Climb le soin de s'occuper de celui dans mon dos. »
Climb regarda son camarade, surpris. Il ne savait pas du tout ce qu'il voulait dire. Ce n'était heureusement pas le cas de Lockmeier. Le Voleur, qui entre temps s'était à peu près remis du coup magistral de Zero, sortit de sous sa tunique une fine dague qu'il jeta droit sur Tuare… ou plutôt sur la personne qui se faisait passer pour elle.
« Alors tu m'avais démasqué » dit la jeune femme d'une voix trop grave pour lui correspondre après avoir évité le couteau avec aisance alors même que le lanceur était un Aventurier de Rang Orichalque.
Climb reconnut immédiatement cette voix. Malgré le visage d'ange qui le regardait, il était à présent certain que la personne en costume de servante était Succulent, le Fantôme Infernal.
« C'est pour ça que tu n'as pas dit un mot depuis qu'on t'a sauvé » dit nonchalamment Brain sans quitter Zero des yeux. « C'était une bonne idée de jouer la victime traumatisée rendue muette, mais te glisser dans mon dos, ça, c'était une erreur. J'ai tout de suite pensé qu'elle était manipulée ou que quelqu'un se faisait passer pour elle. J'ai eu des doutes tout à l'heure quand je t'ai vu courir et puis après… disons que je suis assez ravi que ce soit toi puisque ça aurait été difficile de se battre contre une personne manipulée. »
C'était, semblait-il, également l'avis de Lockmeier. De son côté, Zero se contenta de grogner.
« Ta petite ruse a été percée à jour un peu trop facilement » dit-il en s'adressant directement à Succulent mais lui aussi, sans quitter son adversaire des yeux. « Finis les tours de passe-passe maintenant ! Tue ces deux-là ! Si c'est moi qui dois le faire. Je te tue avec eux, c'est clair ? »
« T… très clair, boss » balbutia le Fantôme Infernal.
La silhouette de Tuare se dissipa pour laisser apparaître l'Illusionniste. Il portait toujours les vêtements de soubrette ce qui rendait le résultat un peu ridicule. Toutefois, le regard meurtrier qu'il faudrait sur Climb était suffisant pour le prendre au sérieux.
« Comme on se retrouve, gamin » crachat-il.
Climb ne répondit pas et se contenta de se mettre en garde. Plusieurs sentiments se bousculaient en lui. Il était en colère, inquiète, mais également, déterminée. Si les Huit Doigts étaient capables de faire sortir de prison quelqu'un qui y avait été envoyé sur ordre de la Princesse, cela voulait dire que l'organisation était plus puissante que ce qu'il pensait ou que sa Maîtresse avait encore moins de pouvoir qu'il ne le craignait.
De plus, la dernière fois, il s'en était tiré de justesse contre Succulent. Si Brain n'était pas arrivé, il savait qu'il serait mort. Pourtant, il était déterminé. Déterminé à se battre. Et à gagner.
« Te bile pas, gamin » dit alors une voix dans son dos. « Je suis là pour t'épauler. »
Climb sentit la présence rassurante de Lockmeier derrière lui. Il ne se retourna pas. Il avait confiance en l'Aventurier. Toutefois, malgré la Potion qu'il lui avait donnée, celui-ci n'était toujours pas au mieux de sa forme. Sans compter qu'en dépit de cette confiance qu'il lui portait, il n'avait encore jamais combattu avec lui. Il ne savait donc pas comment ils pourraient s'accorder.
« Inutile de t'inquiéter » dit alors l'Aventurier comme s'il avait deviné ses pensées. « Je suis spécialisé en soutien. Bas-toi comme tu en as l'habitude et je m'adapterai. Je vais te montrer que les Voleurs ne sont pas faits que pour brandir des dagues. »
« Merci beaucoup » dit Climb avec un simple geste de la tête.
Mais déjà, Succulent se préparait au combat. Il avait sorti une épée d'on ne sait où et avait fait apparaître plusieurs clones parfaitement identiques. Comme pour leur précédent duel. Climb serra les dents à ce souvenir amer. La dernière fois, il n'avait deviné lequel était le vrai que de justesse. Mais alors qu'il tentait de se fier à ses autres sens pour trouver le véritable Fantôme Infernal tout en essayant de ne quitter aucun des yeux, une bourse passa juste à côté de son visage et s'écrasa au sol au pied des Succulents. Sous le choc, elle s'ouvrit et une fine poudre se répandit dans les airs. Tous les clones plaquèrent leur main devant leur bouche pour éviter de l'inhaler, mais ce n'était pas du poison. C'était quelque chose de bien plus pratique.
« Voilà comment se battent les Voleurs comme moi » dit Lockmeier avec un ricanement. « C'est de la Poudre de Feu Follet. »
Au moment où il disait ces mots, l'effet de l'objet magique se fit sentir. Alors que les cinq Succulent reprenaient leur position de combat, l'un d'eux se mit à scintiller d'une lueur blafarde. Normalement, la Poudre de Feu Follet permettait de révéler ce qui se dissimulait dans les ombres ou sous un voile d'invisibilité. Comme elle n'agissait que sur les êtres vivants, elle avait fait la même chose avec le véritable Succulent. En effet, le Sort utilisé par le Fantôme Infernal, Vision Multiple, permettait non seulement de créer des clones identiques à la cible, mais en plus de cela, il actualisait leur apparence pour qu'ils le restent. Ainsi. Si un adversaire avait eu l'idée de lancer de la peinture ou de l'eau sur les clones en espérant que seul l'original soit aspergé, il n'aurait pas été plus avancé. Seulement, ce n'était pas le cas pour un objet magique. Une technique d'illusion de plus haut niveau aurait pu également copier l'effet de la Poudre de Feu Follet sur les clones, mais, comme Succulent l'avait dit, il n'était pas si bon Mage que ça.
« Merde ! » S'exclama celui-ci en se rendant compte qu'il était le seul à briller.
Immédiatement, il sauta en arrière pour éviter le coup d'épée de Climb. Celui-ci revint aussitôt à l'assaut, forçant son adversaire à rester, cette fois, sur la défensive. Bien évidemment, cela avait beau leur sembler à tous les deux des années, mais leur premier combat ne datait que de la veille. Il était peu vraisemblable que Climb soit devenu plus fort en l'espace d'une seule journée. Pourtant les faits étaient là. Climb avait bien la main haute dans leur duel et Succulent se retrouvait acculé.
Tout cela venait d'abord du fait de leurs équipements respectifs. Climb était à présent revêtu de son armure complète en mithril, un métal bien plus résistant que l'acier, sans compter son casque, son épée et son bouclier. Succulent ne pouvait se pas se permettre d'attaquer comme il l'avait fait. Non seulement il était peu probable que sa simple lame en fer ne fasse de dégât, mais la dureté du matériau risquait bien de lui briser les os du poignet ou des avant-bras s'il portait mal ses coups. Lui-même ne disposait plus de son propre attirail, seulement le fin vêtement de servante qui lui avait permis, brièvement, de tromper ses adversaires. À présent, il était un handicape plus qu'autre chose puisqu'il limitait ses mouvements et qu'une seule attaque du jeune homme en face de lui pouvait suffire à le blesser.
Et puis il y avait les accessoires. Comme le lui avait conseillé Gagaran, il s'était pourvu d'un certain nombre d'entre eux. Ceux-ci augmentaient sa force, sa vitesse, mais également sa défense. Au contraire, Succulent s'était vu confisquer tous ses équipements lors de son arrestation. Il était à présent libre, mais il n'avait pu en récupérer aucun. Il était donc sans protection face à un adversaire plus que bien préparé. Lui qui avait toujours veillé à être le mieux équipé pour surpasser ses victimes et les tuer facilement, voilà que la roue avait tourné.
Mais ce n'était pas tout, car son opposant n'était cette fois pas seul. Il avait sous-estimé le Voleur de Rang Orichalque, mais celui-ci secondait très efficacement Climb. Tous ses tours et ses Sorts étaient immédiatement contrecarrés par les préparations alchimiques et les artefacts que possédait l'Aventurier. Cela faisait longtemps que les informations sur les techniques des Six Bras tournaient dans le milieu. Il n'était donc pas étonnant qu'un Voleur aussi talentueux que Lockmeier ait prévu des contre-mesures adaptées pour les combattre.
« Nom d'un chien ! » S'exclama Succulent.
Il venait de réaliser qu'il se trouvait dans une impasse, et ce, depuis le début de cette bataille. L'Aventurier déjouait chacune de ses tactiques et le Guerrier le protégeait tout en attaquant continuellement.
« Allons, allons ! Fais pas cette tête ! » Se moqua Lockmeier bien à l'abri derrière Climb. « Tu es l'un des Six Bras après tout. On vous dit aussi fort que des Rang Adamantite. Tu ne vas quand même pas faiblir avec un petit handicap, non ? »
« Enfoirés ! » Cracha Succulent.
Son visage était déformé par la haine et du sang coulait des quelques estafilades provenant des coups d'épée de son adversaire qu'il n'était pas parvenu à éviter totalement. Il se mit alors en position pour lancer un nouveau Sort. En temps normal, Climb se serait jeté sur lui pour l'en empêcher, mais il n'en fit rien. Après quelques échanges, il s'était habitué à la façon de se battre de son partenaire. Il savait donc que celui-ci avait déjà une parade.
En effet, il vit une fiole passer à côté de lui et s'écraser au pied de Succulent. Un gaz clair s'en échappa et l'homme se mit à tousser furieusement. S'il était un véritable Mage, la gêne aurait été mineure, mais il n'en était pas un. À cause de ça, il ne pouvait plus lancer son Sort et laissait ainsi une ouverture à Climb pour attaquer.
Ce qu'il fit.
Avec une charge sauvage, il se jeta sur son adversaire. On aurait pu penser qu'un tel assaut de front était inconsidéré, mais Climb sentait que c'était le bon moment. Que le duel était arrivé à un tournant. Leur ennemi était vulnérable et ni lui ni son coéquipier ne savaient combien de temps cela durerait. Ils devaient donc en profiter.
Voulant mettre toutes les chances de son côté, Climb décida alors d'utiliser sa botte secrète : [Libération Cérébrale]. C'était le nom (probablement temporaire) qu'il avait trouvé pour l'Art Martial qu'il avait créé seulement la veille. En l'activant, il brisait les limites imposées par son cerveau afin de décupler ses facultés. Il l'avait découvert lors de l'épreuve de Sebas. En focalisant sa pensée au-delà de lui, de sa raison, il parvenait à accroitre son potentiel, augmentant ses capacités physiques et ses sens jusqu'à un niveau supérieur.
Malheureusement, une utilisation prolongée faisait peser un poids énorme sur son corps puisque celui-ci allait au-delà de ses propres limites, mais également sur son esprit. Il transcendait ses doutes, ses craintes et ses peurs par la seule force de sa volonté, mais le prix à payer était assez lourd. Si tout allait bien, il ne ressentait qu'une grande fatigue physique et mentale. Mais au contraire, il pouvait aussi se déchirer un muscle… ou pire.
Pourtant, même si cette capacité fonctionnait normalement, il était dangereux de l'utiliser en plein combat. Si jamais celui-ci venait à durer trop longtemps, même sans anicroche, il se retrouverait tout de même totalement vulnérable et incapable de bouger pour se défendre au bout d'un certain temps. C'est pour cela qu'il ne devait employer cette technique que lorsqu'il était sûr d'avoir une ouverture et qu'il pouvait clore le duel.
Il rugit.
Surpris, son adversaire se figea quelques secondes. Mais il n'avait pas le niveau d'un Aventurier de Rang Adamantite pour rien et parvint à éviter le coup qui lui aurait été sûrement fatal. Toutefois, à sa grande honte, cela ne l'empêcha pas se ressentir quelque chose qu'il n'avait pas éprouvé depuis longtemps face à un opposant plus faible que lui : de la peur. La première fois qu'il avait combattu le jeune homme, il avait senti de l'agacement puis de l'énervement. Sa ténacité avait commencé à faire naître également une certaine crainte, mais il avait rapidement fait taire ce sentiment ridicule. À présent, il le percevait pleinement. Il était si ancré en lui qu'il était presque prêt à s'enfuir quitte à braver la colère du tout puissant Zero.
Cependant, il n'eut pas le temps d'envisager cette possibilité, car Climb n'en avait pas fini avec lui. Il avait déjà prouvé que l'influence de Combattant de Gazef Stronoff était forte en lui et que se battre de façon non conventionnelle ne le dérangeait aucunement pourvu qu'il vainque son adversaire. C'est pour cela que, profitant du fait que Succulent soit tombé dans le piège de son coup d'épée, qui n'était qu'un leurre, il porta son véritable assaut à l'aide de son pied. L'Assassin vit parfaitement la direction vers laquelle se dirigeait la botte bardée de métal. Glacé par une terreur ancestrale et toute masculine il voulut protéger cette partie si sensible de son anatomie, mais il n'y parvint pas à temps.
Un gargouillement étouffé jaillit de sa gorge alors que ses yeux roulaient dans ses orbites. Il couvrit, bien trop tard, son entrejambe meurtri de ses mains et tomba à genoux, le teint pâle. Refusant de laisser à l'homme le temps de se reprendre (même si après un coup de cette puissance et à cet endroit n'importe quel homme se serait sans doute déjà évanoui), il utilisa son épée pour porter une dernière attaque à son adversaire. Le sang jaillit et Succulent s'effondra finalement au sol.
À bout de souffle, le jeune Soldat se redressa en sentant une exaltation s'emparer de lui. Certes, le combat avait été à deux contre un, mais réussit à vaincre l'un des Six Bras restait un exploit sont il pouvait être fier. Plein d'assurance, il se tourna alors vers l'autre duel qui suivait son cours dans le couloir espérant apporter son aide au Mercenaire. Il déchanta cependant rapidement.
Ce combat était d'un tout autre niveau…
À suivre…
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Désolé, désolé ! J'ai été malade. Bon, rien de trop grave, mais je me sentais pas d'écrire (oui, je sais ça m'arrive souvent, excusez-moi). En tout cas, j'espère que le chapitre vous a plu. Pour le faire pardonner, il est plus long que d'habitude.
Ça faisait longtemps qu'Harddyn ne s'était pas battu mais genres vraiment. J'avoue que ça fait du bien. Dans l'anime, j'avoue avoir été déçu de la rapidité avec laquelle Sebas se débarrasse des 4 Six Poings. Bon, c'est vrai que c'est dans son caractère d'être expéditif, mais quand même… donc ben je me suis amusé avec Harddyn. Depuis le début, je voulais le faire intervenir là. C'est pour ça que j'ai changé le surnom de Davernoc en « Maître de la Mort » plutôt que « Roi Mort-Vivant » pour que ça se rapproche plus d'Harddyn que de Ainz (même si ça marche aussi pour Ainz).
Pour ce chapitre et au moins les deux suivants, les interludes seront bien centrés sur des PNJ des 100, mais seulement sur ceux en combat dans le Royaume. En tout les cas, j'espère que vous avez aimé les passages avec Queen of Heart et Mère-Grand. J'ai parlé de la scène de Queen avec le cœur à des amis et elles m'ont dit de me faire soigner . J'espère que vous au moins, ça vous a plu. Pour Mère-Grand, je voulais lui donner le caractère et les phrases d'une gentille mamie. J'espère que c'était réussi.
En tout les cas, encore merci de m'avoir lu. N'hésitez pas à
