Chapitre 4
Quand, plusieurs heures plus tard, il rentra à Baker Street, John était épuisé.
Rien, au demeurant, ne l'avait préparé à ce qu'il trouva en arrivant. Il s'était attendu à ce que Sherlock reste au fond de son lit ou du canapé pour cogiter, appréhender la situation, ou se lamenter. Certes, ce dernier point n'était pas dans sa nature, mais la situation était plutôt exceptionnelle, et il était vraiment affecté par cela.
Au lieu de quoi, il croisa Mrs Hudson dans le hall, l'air sévère et épuisé :
— Oh, John, vous tombez bien ! Vous pourriez dire à Sherlock d'arrêter de faire du bruit ? Il est épouvantable, ce garçon, à jouer ainsi avec mes nerfs ! Il n'arrête pas de crier, en plus ! Je m'apprêtais à monter, ça commence à bien faire !
Elle continua de soliloquer sur sa hanche, qui ne lui permettait pas de se mouvoir aussi facilement qu'avant, sans quoi elle serait allée seriner Sherlock bien avant, et John songea qu'ils avaient eu de la chance. Manifestement, l'abruti soi-disant génie qui était son colocataire n'avait pas songé à se faire discret pour éviter d'attirer l'attention. Ils auraient été malins avec une crise cardiaque de leur logeuse au milieu du salon !
— Je vais l'engueuler, promit John.
Elle l'entendit à peine, et ne remarqua même pas ses sacs de shopping, tandis qu'elle continuait de râler sur l'énergumène qu'était Sherlock. Son ton, cependant, était bien trop maternel et affectueux. Elle continuait de le traiter comme un enfant.
John s'attendait au pire en pénétrant dans le salon, et il fut moins choqué que ce qu'il aurait dû : Sherlock avait de toute évidence vidé l'intégralité de leur bibliothèque sur toutes les surfaces planes à disposition. La plupart des livres avaient échoué, jetés avec colère, sur le sol, mais un nombre assez impressionnant restaient ouverts, pages cornées ou marquées, sur les fauteuils, le canapé, la table, le bras des fauteuils. Surpris, John constata que non seulement il y avait des livres scientifiques (ceux de Sherlock, même si quelques manuels de médecine devaient être à lui dans le lot) dans ceux ouverts, mais également tout un tas de romans, qui lui appartenaient.
Parachevaient l'œuvre de tout ce bazar les deux ordinateurs, allumés et ouverts sur des dizaines d'onglets internet.
— Ah John ! claqua la voix de Sherlock. J'ai cherché tout ce qui pouvait exister sur le sujet, de près ou de loin ! Ne dérange rien !
John se pencha sur un bouquin qu'il reconnaissait comme être à lui, posant ses sacs dans un espace libre. C'était un ouvrage de science-fiction, mais à sa connaissance, aucun personnage ne s'y transformait en femme durant la nuit. En revanche, la société était divisée en castes, et le héros, né dans la plus basse de castes, subissait plus ou moins volontairement les transformations nécessaires à modifier son corps pour faire de lui un élu de la plus haute des castes[1]. Le lien était ténu, mais John voyait l'intention.
Il aperçut également, à proximité de son ordi, sa trilogie DVD des X-men et songea que même si Sherlock avait descendu en flammes les films, il avait retenu deux-trois trucs sur l'institut Xavier, et sans doute les pouvoirs de Mystique.
Sherlock, quant à lui, était installé dans la cuisine, ses lunettes de protection sur le nez. D'habitude, John était assez strict sur le fait de laisser de l'espace dévoué à la vraie cuisine sur la table, et Sherlock le respectait plus ou moins, mais son colocataire semblait n'en avoir rien eu à foutre sur ce coup-là. Des microscopes et autres ustensiles de chimie se tenaient partout.
— Qu'est-ce... que tu analyses ? demanda-t-il, pas certain de vouloir connaître la réponse.
— Moi, évidemment, lui répondit Sherlock, confirmant ses pires craintes.
Évidemment, il ne pouvait pas patienter pour que Molly fasse les analyses complètes avec ses moyens perfectionnés. Il s'était probablement prélevé du sang à la barbare, voire enlevé de la peau, des cheveux ou des ongles, et il analysait depuis. D'ici peu, il allait sans doute lui réclamer un séquençage ADN. En ça, il n'aurait sans doute pas tort, mais John trouvait ça excessif.
— Va te changer, indiqua-t-il. Je t'ai ramené des vêtements neufs.
— Attends, tu ne veux pas savoir mes conclusions ?
— Présentement ? Non. Va te changer.
Sherlock sembla surpris de son ton autoritaire, mais il n'ajouta rien, et obéit, coupant ses instruments et retirant ses lunettes pour tranquillement attraper les sacs que John avait laissés, et se diriger vers sa chambre. John le suivit du regard un instant. Un instant de trop. Il ne s'habituait pas à cette silhouette. Une part de lui aurait préféré que tout soit redevenu normal le temps de son absence, et qu'il aurait dépensé des centaines de livres sterling inutilement.
Poussant les ouvrages qui s'y trouvaient, il se laissa tomber dans son fauteuil, se massant les tempes, épuisé. Et c'était seulement le début de l'après-midi. Le café de ce matin ne faisait plus effet, malgré sa haute teneur en caféine, et John se demandait s'il en restait, et s'il était bien sage d'en reprendre.
Histoire de ne pas devenir accro, il préféra se redresser et aller dans la salle de bains, pour se passer de l'eau fraîche sur le visage. Il entendit, au passage, Sherlock jurer dans sa chambre.
— Tout va bien ?
Sherlock marmonna encore deux trois trucs, avant de répondre d'une voix plus claire :
— Je n'arrive pas à attacher le soutien-gorge, dans mon dos.
Il avait une voix beaucoup plus assurée que le matin même, quand il parlait de ça. John n'était cependant pas dupe. Sherlock n'avait pas accepté la situation, et n'avait pas la moindre envie de vivre ainsi, mais il faisait très bien illusion, et avait décrété avec la même conviction qu'il mettait dans tout ce qu'il faisait dans sa vie que tout allait bien et qu'il refusait d'être gêné.
— Essaye par devant, indiqua John à travers la porte, n'ayant aucune velléité d'entrer dans la pièce et aider Sherlock à fermer les agrafes.
— Hein ?
— Tu l'attaches par devant, puis tu le fais tourner pour mettre les agrafes dans le dos, et puis tu mets les bretelles et les coques, indiqua-t-il maladroitement, espérant se faire bien comprendre.
Il y eut un bruit de tissu, et John resta planté là, le temps que Sherlock ne dise :
— Ah oui, tiens. Ça marche. Je n'y avais pas pensé.
— Normal. T'as pas l'habitude.
— Comment tu sais ça, toi ?
John haussa les épaules, conscient que même si Sherlock ne pouvait pas le voir, il était bien capable de deviner ses mouvements et expressions faciales.
— J'ai vu des tas de mes copines remettre leur soutien-gorge devant moi. La plupart faisaient comme ça, en fait. Manifestement, même pour elles, c'est pénible de le faire dans le dos.
— Intéressant. Je ne savais pas. Cela dit, je les comprends. C'est... contraignant. Et ça fait plutôt mal, je trouve.
— Tu t'habitueras... répondit machinalement John, avant de se mordre la langue.
Le but n'était pas Sherlock s'y habitue trop longtemps. Ils devaient résoudre cette situation problématique.
— La taille est bonne, sinon ? Hésite pas à régler les bretelles.
— Ça va à peu près... comment je fais ça ?
— Euh...
John ne savait pas décrire ça clairement. Il voyait bien le principe, mais ne savait pas l'expliquer.
— Je ne veux pas dire, comment régler, je vois bien les éléments sur les bretelles qui permettent d'allonger ou réduire la taille. Mais comment connaître la taille de bretelles dont j'ai besoin ?
C'était, et de loin, la conversation la plus surréaliste que John n'avait jamais jamais eue avec son colocataire. Et cet homme avait simulé sa propre mort, et John avait eu l'occasion de prononcer des phrases du genre « t'avais pas le droit de mourir sans moi, connard, et de revenir après comme si de rien n'était », le tout sur un ton très énervé.
— Aucune... idée... désolé.
C'était sincère. Il avait pu, au cours de sa vie, régler des bretelles de soutien-gorge. Sa propre sœur, un jour, avait débarqué dans sa chambre en haut de maillot de bains, pressée, et lui avait ordonné de réduire ses bretelles dans les plus brefs délais, et il avait obéi. Mais que ça soit Harry ou ses copines par la suite, il s'était toujours contenté d'obéir à leurs ordres, et quand elles disaient « c'est bon », il arrêtait de réduire ou d'allonger, et faisait à peu près la même mesure sur l'autre bretelle. Il n'avait absolument aucune compétence pour connaître la bonne taille. Il supposait que c'était une question de confort, de maintien, mais il n'en savait rien.
Aurait-il dû le savoir ? Était-il un salaud de ne s'être jamais intéressé au confort des seins de ses copines ? D'avoir toujours préféré la lingerie en dentelle pour pouvoir l'enlever, que par le besoin qu'avaient les femmes d'en porter ? Et puis d'abord, en avaient-elles vraiment besoin ? Des tas de mouvements contre le soutien-gorge semblaient fleurir sur internet. Parfois, John avait des vidéos de ce genre dans ces suggestions, et il se demandait bien pourquoi, parce qu'il prenait grand soin de ne pas les regarder, un peu trop gêné d'écouter une femme parler de son expérience sans soutien-gorge, des avantages et des inconvénients.
Mais peut-être qu'il aurait dû les regarder, finalement.
Sherlock ne lui répondit rien, et John préféra ne pas insister, poursuivant son but initial d'aller se rafraîchir dans la salle de bains. Il en avait bien besoin.
Quand Sherlock revint dans le salon, John était dans la cuisine, à observer l'état de leur frigo.
— Tu me ranges une partie de ton bazar, s'il te plaît ? J'ai faim, et je prépare à manger. T'as faim ?
Sherlock ne lui répondit pas, et John sortit la tête du frigo pour le regarder. Ses nouveaux vêtements lui allaient convenablement. Ils n'étaient pas spécialement et terriblement féminins, mais ainsi habillé, on ne pouvait pas vraiment douter que c'était une femme, ça épousait quelque chose d'indéfinissable dans sa silhouette, sa posture.
Pour John, cependant, cela restait incroyablement perturbant. Il ne doutait pas que, de loin ou de près, pour un inconnu, on prenne Sherlock pour une femme. Son visage fin, sa silhouette, sa poitrine, sa taille, ses jambes, tout cela concourait à savoir avec certitude que c'était un corps de femme.
Mais John, lui, semblait voir son ami avant le reste. Ses yeux bleus, ses mèches bouclées, sa peau pâle, ses cicatrices, son maintien droit, même ses mains semblaient proches d'avant. Du coup, lui voyait Sherlock son meilleur ami, l'homme, et avait du mal avec les vêtements un peu cintrés, la poitrine rebondie nettement visible.
— Je peux écouter tes conclusions en même temps que je prépare à manger, indiqua-t-il, voyant que Sherlock regardait son bazar de chimiste avec déception. Dégage au moins une partie de la table.
— D'accord...
Parfois, Sherlock n'était qu'un enfant boudeur.
Lentement, le détective commença à repousser ses microscopes et ses boîtes de lamelle de verre et de pétri pour dégager un espace minuscule, dont John devrait probablement se contenter. John, de son côté, entama la préparation d'un repas sommaire, principalement à base de restes de gratin à faire réchauffer au four, et une ratatouille dans une casserole, en espérant qu'elle n'ait pas été contaminé dans le frigo par des germes de trucs chelous que Sherlock y conservait.
— Alors, tes expériences ?
— Au final, c'est plus décevant qu'autre chose, en fait. Il n'y a aucune différence entre mon sang aujourd'hui et hier, vu au microscope. Pareil pour ma peau, mes ongles, mes cheveux. Tout semble parfaitement normal. Je n'ai développé aucune compétence particulière de... résistance à l'acide, la douleur, de régénération ou ce genre de trucs, dans tes films de héros ou de mutants.
— Pour ce que ça vaut, je ne pense pas que tu sois un mutant.
— Mais j'ai muté.
— Tu as changé.
— C'est une forme de mutation.
— Si on veut... Mais les mutants dont tu parles, ils sont comme ça dès la naissance. Parfois, ça se révèle en grandissant, mais ils sont comme ça depuis toujours.
— Au demeurant, ils n'existent pas, surtout, siffla Sherlock.
John n'avait rien à répondre à ça.
— Je n'ai pas vraiment eu le temps de mener grand-chose, comme expériences, en fait. J'espère que les analyses de Molly nous apprendront plus de choses...
John en doutait, mais il ne voulait pas détruire l'espoir de Sherlock.
— Il faudrait qu'on demande un séquençage ADN, indiqua-t-il, à sa grande surprise.
Quand il y avait pensé, initialement, il avait trouvé ça excessif, n'y pensait pas sérieusement. Mais les propos venaient de sortir tout seul de sa bouche, et maintenant qu'il le disait, ça lui apparaissait comme une nécessité.
— Il faudrait qu'on sache si ton caryotype, si ton ADN est vraiment féminin, désormais.
— Non.
Le refus sec de Sherlock surprit brutalement John, alors qu'il vérifiait que tout était chaud, et dressait la tête, posant une assiette devant le détective assis.
Il était surprenant de voir ses postures subsister malgré le changement de corps, ou du moins essayer. Sherlock parvenait à être assis au fond de sa chaise, et de replier les jambes pour poser ses pieds à plat sur la chaise également, le tout lui donnant l'air d'être recroquevillé sur lui-même, entourant ses jambes de ses bras. Mais là où le détective faisait cela sans aucun effort en tant qu'homme, il semblait avoir plus de mal désormais, entre sa poitrine qui cognait ses genoux et dont il ne savait que faire, ses formes sensiblement différentes, et son centre de gravité modifié.
— Je pensais que tu trouverais ça intéressant... pourquoi tu n'en veux pas ? demanda-t-il, surpris.
Sherlock n'avait pas exprimé l'envie ou le besoin de manger, mais John lui remplit quand même son assiette, par principe. Parfois, il la mangeait machinalement sans s'en rendre compte.
— Parce que Molly n'a pas les moyens pour ça.
C'était sans doute vrai. La légiste en avait sans doute les compétences, et encore, puisque c'était loin d'être son domaine, mais elle n'en avait certainement ni le matériel, ni les autorisations.
— Pour le faire discrètement, nous devrons passer par Mycroft, poursuivit Sherlock. Donc non.
— Je comprends que tu ne veuilles pas impliquer ton frère, soupira John. Mais... reconnais que ça pourrait être utile.
— Je ne parlerai pas à Mycroft.
Le ton n'admettait pas la réplique, et John n'insista pas. Il ne prétendait pas tout comprendre à ce qui se passait entre les deux frères Holmes, leur relation, et la manière dont Sherlock voulait régler ça le regardait.
— Ok. Est-ce que je peux cependant suggérer l'idée d'en parler à Molly ?
— Pourquoi ?
Au moins, ce n'était pas un non frontal et direct, et John prit ça comme un encouragement.
— Parce qu'elle est une femme. Soyons honnête, Sherlock, toi et moi n'y connaissons pas forcément grand-chose dans la mécanique du corps humain féminin, pas réellement.
Il vit Sherlock ouvrir la bouche, et poursuivit avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit.
— Je sais, je sais, t'es détective et tu sais tout déduire, je suis médecin et je connais l'anatomie et les principes... Mais ça ne reste que de la théorie, Sherlock. La réalité de comment les femmes vivent, on ne pourra jamais réellement les comprendre, parce qu'on ne sera jamais dans leurs corps. Enfin, sauf maintenant...
John émit un son étranglé, à peine un éclat de rire jaune. Sherlock ne rit pas.
— On fait quoi si ton corps a ses règles ? Tu penses pouvoir gérer ?
Sherlock devint sensiblement plus pâle que d'habitude, ce qui avait un côté flippant.
— Alors ouais, je suis sûr que Google aurait la réponse à toutes les questions relatives à comment mettre un tampon...
Sherlock avait désormais l'air au bord du malaise.
— ... mais j'sais pas, je pense pas que ça ait les réponses à vraiment tout. Je sais bien que l'actualité t'intéresse uniquement dans les pages faits divers, mais tu as conscience de la montée des mouvements féministes pour revendiquer le droit d'être respectée, elles et leur corps ? Le nombre de femmes qui refusent les codes établis, essayent de faire changer des choses ? Je prétends pas tout y comprendre, et même si je veux bien me revendiquer féministe et les respecter, je pense que y'aura toujours des choses... que je comprendrai pas. Et toi non plus.
Sherlock n'avait toujours pas dit un mot.
— Alors je pense que Molly peut nous aider, nous aiguiller. C'est notre amie. Tu le sais. C'était la tienne avant que je n'arrive, et elle et moi sommes beaucoup plus proches depuis ton... absence. Je suis sûre qu'elle acceptera de nous aider et sera discrète.
Bizarrement, ce qui fit le plus mal à Sherlock dans cet argumentaire, ce fut le mot « absence ». Quand bien même John usait de ce mot comme d'un euphémisme pour décrire la période où il se faisait passer pour mort, et qui n'était pas si ancienne que ça, il entendait dans la voix de son ami la douleur sourdre du propos. John avait pardonné. John ne le punissait pas, ne lui en tenait pas rigueur. Mais il avait la sensation que John, quand il penserait à cette période de leur vie, en souffrirait toujours. Et ça, plus que tout au monde, lui faisait mal. Il avait voulu protéger John, jamais lui faire du mal. L'idée de l'avoir fait souffrir était intolérable, et étendait alors la douleur à Sherlock, et ils se retrouvaient comme deux idiots en souffrance.
— J'y réfléchirai, répondit Sherlock.
C'était sa meilleure réponse, et John hocha la tête. Il ne s'attendait pas vraiment à ce que Sherlock accepte du premier coup.
— Ok, merci. On fait quoi, maintenant ? On attend les résultats de Molly ? On continue tes recherches ?
Sherlock repoussa son assiette, qu'il avait machinalement mangé quasiment en totalité, et déplia son grand corps pour se mettre debout.
— Troisième option. On sort chercher des réponses !
D'une manière assez surprenante, le manteau de Sherlock allait bien à son nouveau corps. Sherlock ne pouvait pas le fermer, parce que sa poitrine prenait une place certaine que sa silhouette longiligne n'avait pas initialement, mais de toute manière, il ne le fermait pas avant. De la même manière que le Belstaff allongeait la silhouette de Sherlock en tant qu'homme, il en faisait de même pour le corps de femme qu'il avait désormais. Il paraissait démesuré, mais dans le bon sens du terme, comme une taille mannequin. John se sentait encore plus petit que d'habitude, et il se félicita que les nouvelles chaussures n'aient pas de talons. Ça aurait été pire encore.
Ils prirent garde à l'absence de Mrs Hudson, puis traversèrent le hall en catimini, s'enfuyant rapidement avant qu'elle n'ait eu le temps de remarquer quoi que ce soit, s'éloignant rapidement de la porte, au cas où.
Ce fut dans la rue suivante, quand Sherlock tenta d'arrêter un taxi comme il le faisait toujours, qu'ils se rendirent compte de quelque chose.
Sherlock avait toujours eu ce super pouvoir un peu stupide, mais terriblement utile, qui était sa capacité mystique à toujours trouver un taxi quand il en avait besoin, et réussir à le faire s'arrêter en quelques secondes, brandissant son bras d'un air convaincu. John n'était jamais parvenu à en faire autant, et il avait toujours mis ça sur le compte de la grande taille de Sherlock, qui le rendait plus visible.
Mais présentement, Sherlock était aussi grand qu'avant, à peu de choses près, et il levait son bras avec autant de conviction que d'habitude. Pourtant, il leur fallut plus d'une dizaine de minutes pour qu'enfin, un véhicule daigne s'arrêter.
— Pourquoi ils ne nous voient pas ? s'agaça Sherlock quand le troisième continua sa route sans daigner s'arrêter.
John ne répondit rien. Il n'en savait pas plus que lui, même s'il devinait que cela avait trait à la condition de femme de Sherlock. Les conducteurs qui les avaient méprisés, tous des hommes, le voyaient parfaitement. Ils l'avaient même, pour la plupart, ouvertement regardé, s'attardant sur son corps plus que de raison.
Seul, Sherlock aurait sans doute eu toutes ses chances, parce qu'il aurait été une femme seule. Mais présentement, il était une femme en compagnie d'un homme, et manifestement, ça ne faisait pas d'eux des candidats sérieusement éligibles au transport en taxi.
Quand, enfin, une voiture s'arrêta, elle était conduite par une femme. Sherlock râla et maugréa dans sa barbe. John continua de se taire. Il n'était pas sûr d'avoir envie de débattre avec Sherlock, le connard arrogant qui lui servait de meilleur ami, des différences de traitement entre les hommes et les femmes en ce bas monde. Il avait le mauvais pressentiment que le détective risquait de s'en rendre compte tout seul s'il gardait ce corps et continuait de sortir au lieu de se replier à Baker Street.
[1] Ça s'appelle « Red Rising », « Golden Son » et « Morning Star », pour la première trilogie, c'est écrit par Pierce Brown, et c'est édifiant de douleur, tant la guerre y est omniprésente et tragique, dans un monde dystopique absolument monstrueux. On dirait sans doute pas, mais j'avais adoré quand je l'ai lu.
Prochain chapitre : Me 05/07
Reviews, si le coeur vous en dit ? :)
