Aujourd'hui, on va aller à Scotland Yard... et si vous croyez que jusque là, tout va bien, c'est assez mal me connaître et oublier qu'il reste quelques chapitres, hein... ^^

Bonne lecture !

Chapitre 14

John ne savait pas vraiment à quoi s'attendre, mais pas à ça, c'était certain. Sherlock se comporta exactement comme d'habitude. Il traversa les couloirs habituels, franchit les portes comme il l'avait toujours fait, comme si Scotland Yard lui appartenait, la tête haute, le port altier, et ses yeux défiant quiconque de l'arrêter.

Dans un premier temps, personne ne remarqua rien. Les agents d'accueil avaient autre chose à faire que de le suivre des yeux, et dans le hall se croisaient trop de gens pour qu'on fasse attention au détective au manteau voltigeant et au médecin sur ses talons.

La seule petite variable que John ne put que remarquer, ce fut les escaliers. Sherlock les prenait rarement, principalement parce que les ascenseurs du bâtiment étaient très rapides et efficaces, et que le bureau de Lestrade et ses équipes était situé au septième étage. Ça ne posait pas de problème à Sherlock, mais dans les premiers temps de leur collaboration, ça en posait à John et sa jambe douloureuse. Le détective avait alors négligemment pris l'habitude d'utiliser les ascenseurs, pour soulager John. Mais un ascenseur était un lieu clos dont on ne pouvait s'échapper, et dans lequel on était forcément soumis à l'examen des autres.

Alors sans une hésitation, Sherlock se dirigea vers les escaliers et attaqua l'ascension, sans même prendre la peine de vérifier que John suivait : il savait que c'était le cas.

Ils croisèrent au final davantage de monde que s'ils avaient partagé une cabine avec deux ou trois inconnus, mais personne ne s'arrêta pour les dévisager.

Arrivés au septième, l'ambiance changea cependant. À cet étage, ils étaient connus comme le loup blanc. La silhouette de Sherlock était reconnaissable de loin, avec son manteau long, sa peau pâle et ses boucles brunes.

Ce fut à partir de ce moment-là que John repéra les regards, attrapa à la volée quelques commentaires murmurés. Les gens les voyaient arriver, leur regard balayait la situation, se détournait, puis soudain leurs cerveaux indiquaient une anomalie, et leurs yeux revenaient sur Sherlock, comme aimantés.

Ils poussaient du coude leurs voisins, chuchotaient des « t'as vu ? » et des « tu crois que... ? ».

Du peu que John capta de leur trajet jusqu'au bureau de Lestrade, leurs prévisions s'annonçaient correctes : perplexes, les gens s'attachaient à la seule supposition rationnelle que leur cerveau leur offrait. Que Sherlock avait changé de sexe, s'assumait en tant que femme désormais.

— J'aurais cru qu'il y avait moins de commères désœuvrées à Scotland Yard, déclama Sherlock à voix haute.

Il parlait à John à ses côtés, bien sûr, mais on l'entendit largement, et John s'amusa de voir soudainement trois personnages détourner le regard en rougissant, comme prises sur le fait.

Sherlock pénétra dans le bureau de Lestrade d'un air conquérant, et s'installa gracieusement sans y avoir été invité dans le fauteuil du bureau. Comme tous les bureaux du bâtiment, il était vitré, un vrai aquarium.

— J'ai résolu le mystère Jenny Afaldo, déclara-t-il. Je veux le double meurtre maintenant.

— Tu veux que je ferme les stores ? demanda Lestrade en réponse.

Il aurait pu dissimuler Sherlock des regards alentour. Il s'apprêtait même déjà à le faire.

— Non, l'arrêta le détective. Le double meurtre.

Il exigeait, Greg soupira, et après un regard désabusé à John qui haussa les épaules, il revint à son bureau. De là, Sherlock tournait le dos aux curieux du couloir. John s'installa près de lui, les fesses appuyées contre le bureau, à moitié assis. Tournant le dos à Greg, et donc toisant tous les gens qui passaient dans le couloir, bras croisés, les défiant de s'attarder.

Son attitude protectrice aurait pu excéder Sherlock, mais il n'en fut que soulagé, et il laissa échapper un sourire rassuré.

— Le double meurtre, répéta-t-il. Où est le dossier ?

— Non, lui refusa le DI. D'abord, tu vas le mériter, et pour ça tu vas me raconter précisément pourquoi et comment tu en es arrivé à suspecter Alicia Miller dans le cadre de cette enquête, parce que je n'ai rien compris à ton message vocal de ce matin.

— Premièrement, ce n'est pas une suspecte, c'est une coupable. Deuxièmement, mon message était très clair, répliqua Sherlock de cette voix qui suintait l'arrogance et le mépris.

— Sherlock, arrête de jouer les abrutis, arbitra John. Est-ce que tu as laissé un message à Greg à trois heures du mat quand tu m'as réveillé ?

— Peut-être, répondit le détective, ce qui voulait dire oui mais qu'il ne l'avouerait pas vraiment.

— J'ai fait du café et j'ai tout mon temps, indiqua Lestrade. Je vais pas aller arrêter une gamine pour meurtre sans un minimum d'arguments solides.

Sherlock soupira. John fronça les sourcils et lança un regard noir à quelqu'un qui passait dans le couloir (Sherlock ne voyait pas de qui il s'agissait, mais il pariait sur Sally Donovan). Greg s'étira lentement, parfaitement détendu.

— D'accord... céda-t-il. Soyez attentifs.

Et il entama sa démonstration.


Sans surprise, Sherlock obtint le droit d'enquêter sur le double meurtre, et convainquit Greg sans difficulté de la culpabilité d'Alicia Miller dans l'affaire de la jeune Jenny. John reconnaissait qu'à la lumière de ses explications en plein jour et avec une bonne tasse de café, la culpabilité de la jeune femme ne faisait aucun doute.

Greg eut le malheur de commenter qu'il n'aurait jamais cru, vu combien Alicia avait paru fragile et affectée par la disparition de son amie.

— Évidemment que vous n'y auriez jamais songé, répliqua Sherlock, c'est bien pour ça que vous faites appel à moi, vous êtes un ramassis d'imbéciles incapables.

John, qui s'était fait exactement la même opinion que Greg sur la jeune Alicia et ses yeux bordés de larmes dès qu'on évoquait Jenny, prit une gorgée de café pour ne rien répondre. Greg prit sur lui de ne pas assassiner Sherlock en préférant boire son café, lui aussi. Sherlock, indifférent à l'ambiance, se pavanait. Maintenant qu'ils étaient là depuis un moment, les curieux avaient cessé de passer dans le couloir, mais John appréhendait leur sortie.

— Évite de faire des conneries, conseilla Lestrade en tendant une copie du dossier du double meurtre à Sherlock. John, je peux compter sur toi ?

— Tu peux compter sur moi pour l'accompagner, répondit placidement son ami. Pour l'empêcher de faire des conneries... c'est plus compliqué. Mais je ne le quitterai pas des yeux, promis.

Un léger sourire vint fleurir sur les lèvres de Sherlock, partageant un regard avec John. Greg surprit leur échange, et se détourna brusquement. Il avait la sensation d'avoir aperçu une intimité étrange, qu'il n'aurait pas dû voir, mais les deux autres ne paraissaient pas s'en rendre compte.

Greg était à des lieux d'imaginer que John et Sherlock se rappelaient simplement leurs conversations sur le traumatisme de John à l'idée de perdre son colocataire de nouveau, et qu'il ne le quitterait pas des yeux au sens littéral du terme.

Puis John se redressa et vint se poster juste à côté de Sherlock, toujours assis dans son fauteuil, et se pencha pour lire le dossier par-dessus son épaule. Sherlock le laissa faire. Greg bondit de son siège pour aller reprendre du café à l'autre bout de la pièce. Ces deux-là étaient bizarres. Ou plus exactement, il était bizarre de constater qu'ils étaient de nouveau si proches, dans tous les sens du terme. Le DI avait fait partie des gens qui avaient ramassé John à la petite cuillère après le suicide de Sherlock, et il s'estimait relativement proche du médecin. Il avait vu de près les effets du grand retour en fanfare du détective, et de toute la douleur de John qui s'était brusquement mué en une violente colère. Depuis six mois que Sherlock était revenu d'entre les morts, il marchait sur des œufs, et il persistait une ambiance étrange entre ces deux-là. Quelque chose de léger et ténu, mais bien présent pour quiconque les connaissait bien.

Quelque chose qui avait disparu, les laissant à leur complicité d'antan.

Greg les observa en se resservant du café. Sherlock passait les pages trop vite, ingurgitant les informations plus rapidement que quiconque, John râlait qu'il n'avait pas le temps de lire, Sherlock répondait que de toute manière il n'aurait pas le temps d'y réfléchir que Sherlock aurait déjà résolu les faits. Le DI sourit devant ce spectacle, qui avait à la fois quelque chose d'habituel et de douloureusement nostalgique. Il restait persuadé que si John avait enfin pardonné à Sherlock, plus rien ne pourrait séparer ces deux-là.

— Vous pouvez emporter le dossier, annonça-t-il à voix haute, brisant leur moment. Tenez-moi au courant des choses importantes, ne brisez aucune loi, ne vous présentez pas comme un flic avec une fausse carte, et tenez-moi au courant.

— Tu l'as dit deux fois, cingla Sherlock.

— Comme ça je m'assure que le message est passé, et je suis certain que tu l'as entendu puisque tu l'as relevé, tu ne pourras donc pas prétendre que je ne te l'avais pas dit quand je t'engueulerai sur ce sujet dans trois jours. Des questions ?

John pouffa, Sherlock se vexa et se releva dans un mouvement grandiloquent.

— Viens, John, ordonna-t-il.

— Bonne journée, Greg ! salua John avec bonne humeur tandis que Sherlock partait rapidement. On s'appelle !

Le médecin s'apprêtait à suivre Sherlock quand Sally Donovan se matérialisa dans l'encadrement de la porte de son supérieur.

— Donc maintenant, en plus du reste, il faut dire « La Tarée » ? Ou c'est juste une phase de drag-queen ? ricana-t-elle en laissant John passer pour rejoindre son ami.

John s'arrêta brusquement, les poings serrés, prêt à faire volte-face. Sherlock avait presque atteint le bout du couloir, et il n'avait pas l'ouïe assez fine pour avoir entendu Sally. Elle n'était pas suffisamment folle pour dire ça en face de lui, mais elle ne se privait pas pour le faire à portée d'oreilles de John.

— Sally, si vous ne voulez pas d'un rapport pour transphobie sur votre lieu de travail dans votre évaluation personnelle, ce qui ferait vraiment très mauvais genre pour votre carrière, sans mauvais jeu de mot, je vous conseillerais de vous taire et de retourner travailler sur le champ, ordonna Greg d'un ton dur.

Elle ne répondit rien et ravala ses commentaires, tournant les talons. John n'eut pas le temps de lancer autre chose qu'un regard reconnaissant à Greg, avant de devoir quitter le bureau au courant : Sherlock n'attendait pas, et il appelait John. Il se jeta sur ses talons, et ils quittèrent Scotland Yard comme ils y étaient arrivés : la tête haute.


— John ? J'ai eu une idée.

Le médecin releva les yeux du thé qu'il était en train de préparer. Sherlock venait de se planter devant lui par surprise, et il ne savait pas pourquoi il avait cet air gêné.

Ces deux derniers jours, Sherlock avait réfléchi à sa nouvelle enquête, ils étaient sortis à plusieurs reprises pour fouiner, récolter des indices et interroger des gens. Aux dernières nouvelles, « ça progressait ». John n'avait pas tout à fait tout suivi les pistes décrétées par Sherlock. Il n'avait même pas essayé, en réalité. Il se contentait de se laisser porter par le courant, et d'aller avec Sherlock, et se nourrissait de ces moments. La plupart du temps, il oubliait même que Sherlock avait changé de corps. Il s'en rendait compte quand il voyait Sherlock, mais quand il l'écoutait, il retrouvait ses habitudes, le ton hypnotique que son ami pouvait avoir sur lui, et oubliait tout à fait qu'il avait un corps féminin. Et oubliait aussi les images déplacées que son cerveau générait. C'était bien mieux ainsi.

— Enfin, plus exactement, reprit Sherlock, j'ai une solution.

Il marqua un instant de silence. Debout dans la cuisine, John devant la bouilloire qui sifflait et crachotait sa vapeur pour indiquer que l'eau était chaude, Sherlock se tenant juste à côté de son ami, ils avaient l'air assez ridicules pour une conversation qui n'avait pour l'instant pas le moindre sens, et de conversation que le nom.

— À quoi ? interrogea John en voyant que Sherlock ne reprenait pas. À la faim dans le monde ? Bravo à toi !

Sherlock roula des yeux dans ses orbites, excédé, tandis que John souriait de sa blague. Naturellement, le détective se poussa quand John attrapa deux tasses dans le placard, et continua d'accompagner ses mouvements tandis qu'il faisait infuser le thé.

— Bien sûr que non, John, à l'enquête. Suis un peu.

John se retint de lui dire qu'il ne voyait pas ce qu'il pouvait suivre considérant qu'il n'avait pas dit un mot depuis deux bonnes heures avant cela, et qu'il n'avait absolument pas précisé qu'il s'agissait de l'enquête.

— Eh bien bravo quand même, dis-le à Greg, il sera ravi, et ensuite, franchement, tu pourrais peut-être te mettre à ce problème de faim dans le monde ?

Sherlock recommença à lever les yeux au ciel, mais accepta la tasse que John lui colla entre les mains, et le suivit tandis que le médecin passait au salon pour s'installer dans son fauteuil.

— Veux-tu bien m'écouter, au lieu de persifler ?

— Je ne persifle pas et tu n'as rien dit d'intéressant. Quel est le problème puisque tu as résolu l'enquête ?

— Lestrade est très bêtement attaché au fait d'avoir des preuves pour arrêter les coupables.

John ricana. Vieux débat. Sherlock avait parfois du mal à comprendre que « mais je SAIS qu'il est coupable et j'ai toujours raison » n'était pas une motivation suffisante pour une commission rogatoire ou mandat d'amener.

— Je sais qui est le coupable, mais il n'y a pas de preuve, pas suffisamment pour Lestrade donc. Alors j'ai eu une idée.

John pouvait déjà prédire ce qui allait suivre. Une idée débile, dangereuse, typiquement à l'image du détective. Il ignorait encore qu'il avait totalement tort.

— Quelle idée ? interrogea-t-il en constatant le silence.

D'un air très détaché, Sherlock buvait son thé dans son fauteuil.

— Le coupable est un homme, dont la faiblesse principale est les femmes...

— Rien de bien neuf sous le soleil, hélas, soupira John.

— ... je souhaitais lui tendre un piège.

John fronça les sourcils.

— Avec une femme ?

— C'est ça.

— Du genre tentative de séduction pour l'approcher, et ensuite le prendre sur le fait ?

— C'est ça.

— Ce n'est pas très orthodoxe, Sherlock, mais ce ne serait pas la première fois que Scotland Yard fait ça. Ils apprécient rarement ce genre de plan, mais ça arrive. Je ne vois pas où est le problème. Tu arriveras bien à convaincre Greg, et lui trouvera une policière pour faire le travail.

— Non, contra Sherlock. Justement. Je voudrais m'en charger.

Dire que John était surpris était un euphémisme. Sherlock semblait toujours osciller entre l'acceptation telle qu'il oubliait son nouvel état, et sa révulsion totale. Il n'avait plus fait de crises de panique depuis qu'il s'était plongé à corps perdu dans le boulot, principalement parce que son cerveau était totalement dédié aux enquêtes. Il n'avait pas le temps de réfléchir à sa condition. Il savait comment repousser ses émotions au fond de lui quand il devait assumer son corps, il savait se blinder face aux autres, mais John vivait avec lui. Il voyait sa tension, légère mais bien présente, à chaque fois qu'il sortait de la salle de bains.

Il s'habituait à cette situation à sa manière, mais il ne se reconnaissait pas en tant que femme, de cela John était certain.

Et il était certain que ce plan était la pire idée possible.

— Molly est d'accord pour m'aider, rajouta Sherlock devant le silence de John.

Il buvait son thé à petites gorgées, l'air très dégagé, comme si de rien n'était. Mais le médecin le connaissait suffisamment pour savoir qu'il y avait quelque chose derrière la sérénité qu'il affichait. Sinon, il aurait asséné l'idée sans admettre de répliques. Il n'était pas réellement venu demander son avis ou son consentement à John, mais il était venu lui en parler, nerveux et stressé, et ça voulait tout dire.

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, articula John.

— Pourquoi ?

John ne savait pas comment le formuler, et s'il ne donnait pas une très bonne raison, Sherlock refuserait de l'entendre. Parfois, sa manière de glorifier la rationalité et les faits au-dessus de tout était très agaçante.

— Parce que tu n'es pas une femme, répondit-il finalement.

— J'en ai le corps, répliqua la rhétorique du détective.

— Ça ne suffit pas.

— Molly a offert de m'aider avec le langage verbal et non verbal, les vêtements, le comportement à adopter.

John sentit sa tête lui tourner et avala son thé brûlant, sans se rendre compte qu'il se détruisit un bon nombre de papilles gustatives au passage.

— Tu as appelé Molly pour lui demander comment séduire un homme dans un bar ? demanda-t-il d'une voix blanche.

Sherlock roula des yeux.

— Pas dans ces termes, et ce ne sera pas un bar.

— Tu sais que c'est cruel, d'appeler une femme qui a été amoureuse de toi pendant très longtemps pour lui demander d'un point de vue féminin comment séduire un homme, alors que c'est ce qu'elle a tenté de faire avec toi durant des années sans que tu ne vois rien ni n'y réponde de manière favorable ?

Le ton de John était sans doute plus froid qu'il n'aurait dû. Il était en outre injuste dans ses propos. Il avait suffisamment fréquenté Molly durant l'absence de Sherlock pour savoir que celle-ci était finalement remise des sentiments qu'elle avait pu avoir pour le détective. Il savait aussi que la jeune femme n'avait jamais été capable d'exprimer clairement son intérêt pour Sherlock, mais qu'elle était parfaitement capable de se montrer attirante pour un homme inconnu. C'était le drame de la vie de Molly : dès qu'elle avait des sentiments, elle se comportait comme une idiote et ne savait plus comment agir, alors qu'elle était capable de faire des ravages dans une salle remplie d'inconnus, parce que c'était sans conséquences.

John fit taire la petite voix qui lui soufflait qu'il ne parlait pas vraiment de Molly, en cet instant précis, parce qu'il avait parfaitement conscience que les sentiments de Molly ne le regardaient pas et qu'elle était en mesure de se défendre et penser par elle-même.

— Molly n'a jamais essayé quoi que ce soit avec moi, répliqua le détective. Je ne suis pas cruel.

— Tu n'en as jamais rien vu ! Tu méprisais ses sentiments, la traitais comme une moins que rien, te méprenais sur l'intégralité de ses actions, l'utilisais comme une bonniche !

John avait crié, et Sherlock fronça les sourcils, perplexe devant tant de véhémence.

La voix perfide au fond de John recommença son murmure agaçant.

— Tu as des... sentiments pour Molly ? demanda Sherlock.

— Absolument pas, répondit John, ne pouvant réprimer un soupir de soulagement.

Il préférait mille fois que son ami se trompe en posant cette hypothèse plutôt que chercher autre chose, et faire la même proposition que l'insidieuse petite voix.

— Si tu le dis.

Sherlock ne semblait pas le croire, mais John ne préféra pas relever.

— Tu as parlé à Greg de ton idée débile ? ré-attaqua le médecin.

— Pas encore. Mais je saurai le convaincre. Au demeurant, aucun de tes arguments ne sont valides, et je ne vois pas en quoi tu peux te permettre de juger la pertinence de mon envie. Je vais résoudre un double meurtre et arrêter un criminel, John.

L'argument de la résolution de l'enquête et de l'arrestation du coupable était totalement fallacieux. Sherlock aimait l'enquête en soi, le Jeu, la réflexion, mettre à profit son cerveau. Il se moquait éperdument de mettre un assassin sous les verrous, d'apaiser la souffrance des familles endeuillées, de faire triompher la justice. Mais il savait que John y était sensible, et l'utilisait comme levier pour convaincre son colocataire, et c'était vraiment bas de sa part.

— Va...

John retint le « va te faire foutre » qui lui brûlait les lèvres. Il haïssait que Sherlock tente de le manipuler, qu'il se montre froid avec lui, comme s'il n'était rien, comme s'il n'avait pas pleuré sa mort deux ans durant, comme s'il ne souffrait pas encore de son retour, comme si son décès simulé n'avait pas rouvert les plaies du PTSD de John. Comme s'il n'avait pas tout fait pour lui depuis qu'ils connaissaient cette étrange situation de changement de corps. Comme s'il n'avait pas calmé toutes ses crises de panique depuis. Il haïssait Sherlock tout entier quand il était ainsi.

— Fous-moi la paix et fais ce que tu veux, articula-t-il finalement.

Sa tasse tinta bruyamment quand il la reposa un peu trop violemment sur la table à côté de lui, se relevant brusquement pour quitter la pièce. Sherlock ne prononça pas un mot et ne fit pas un geste pour l'empêcher de partir de l'appartement.


Prochain chapitre le Me 13/09 !

Reviews ? :)