Chapitre 1 : Ça n'a rien d'une fin heureuse.

- Défi du Mille-Prompts : 618. Chanson – Jenny of Oldstones (Florence and the Machine).

France, 2017.

Château de Kintzheim.

Ville de Kintzheim.

Pour Cersei Lannister, il y avait quelque chose de très réconfortant dans le fait que le Sort Noir l'ait transportée dans un château plus ou moins semblable à ceux que l'on pouvait trouver à Westeros.

Elle s'y sentait à la maison, alors même qu'elle se trouvait maintenant dans un monde qui n'était pas le sien.

En rétrospective, maintenant qu'elle y repensait plus en détail, ça avait été ridiculement facile de mettre tout ça en place.

C'est vrai, une fois qu'il avait été annoncé que le Sort Noir serait lancé, Cersei avait immédiatement essayé de tirer son épingle du jeu.

Après tout, dans ce nouveau monde qu'aucun d'eux ne connaissait, le jeu des trônes allait continuer, recommencer, de toute évidence, maintenant que le danger des marcheurs blancs allait enfin être évité, à défaut d'être anéanti, et les petites querelles personnelles des uns et des autres allaient bientôt reprendre leur place, comme autrefois.

Comme au bon vieux temps...

Et, ce n'était pas exactement cela qui la gênait, c'était plutôt le fait de savoir qu'elle risquait d'être reléguée au second plan, encore...

Elle était la reine, certes, mais c'était Robert qui était le roi, et elle n'avait pratiquement jamais voix au chapitre (enfin, jamais en vrai).

Et puis il y avait Jaime, aussi...

Jaime, qu'elle sentait qu'elle perdait de plus en plus, son frère, son jumeau, cette autre partie d'elle-même, Jaime, qui avait perdu sa main et qui après cela s'était rapproché de cette femme chevalier, cette... Brienne de Torth, et avec qui, elle en était sure, il avait une liaison à l'époque où ils étaient encore tous à Westeros.

(Mais comment aurait-elle pu s'en plaindre ?

Il était censé n'être que son frère jumeau, pas son amant, par les sept enfers !)

Elle ne pouvait rien y changer de toute façon, et Jaime s'était de plus en plus éloigné d'elle, sans qu'elle puisse rien y faire.

Alors elle n'avait rien dit, et elle avait attendu.

Quoi donc, elle n'en savait rien.

Et puis, Lady Mélisandre avait parlé du Sort Noir, et tout doucement, Cersei s'était mise à espérer.

Peu à peu, alors que tout se mettait en place, elle, Littlefinger et les Bolton (le père et son fils bâtard), accompagnés de Qyburn et la Montagne (qui gardait la porte et empêchait les petits oiseaux de Varys – enfin, ceux qu'il restait – de ne serait-ce que vouloir les espionner) avaient pris l'habitude de se réunir régulièrement afin de comploter pour prendre le pouvoir.

Simple, mais efficace.

Ils avaient envoyé Qyburn en tant qu'espion auprès de Mélisandre, ce qui avait été un jeu d'enfant, puisque le mestre, avec ses expériences, disons... insolites – enfin plutôt interdites – était tout à fait à même de travailler avec la femme rouge sur le sortilège.

Mais pas avec de bonnes intentions, de tout évidence.

Et Qyburn avait finit par apprendre tout ce qu'il avait à savoir, jusqu'à ce que Mélisandre se fasse déjouer par ceux qu'elle croyait ses alliés.

Puis, ainsi, était venu le jour où tout avait basculé.

Le jour où elle avait tué Robert.

Elle savait très bien qu'elle s'en souviendrait toute sa vie.

§§§§

Elle s'était penchée sur lui, allongé qu'il était sur le sol, à deux pas de ce fameux trône de fer pour lequel tout le monde s'écharpait, agonisant et une dague plantée dans le cœur, les yeux écarquillés et l'expression du visage figée par la surprise.

Cersei lui avait alors sourit, à ce gros lard qu'elle haïssait depuis tellement d'années, qu'elle avait voulut voir crever depuis tellement de temps.

« Toi... Avait-il alors hoqueté, respirant avec difficulté, le regard haineux et empli de rage.

La reine avait sourit, avant de porter son verre d'eau (il n'y avait plus une seule goutte de vin nulle part depuis longtemps) à ses lèvres.

- Oui, s'était-elle contentée de répondre. Moi.

- J'aurais dû m'en douter, fit alors le roi mourant. J'aurais toujours dû savoir que ce serait toi et personne d'autre qui causerait ma mort. Je ne peux même pas dire que je suis surpris.

- Le roi est mort, dit-elle avec cynisme, longue vie à la reine !

- Tu ne l'emporteras pas au paradis, siffla-t-il. Eddard n'est pas un idiot, il saura que c'est toi, et il t'arrêtera... Ils t'arrêteront tous, et ils t'emprisonneront pour Régicide.

- Certes oui... Excepté que, une fois que la malédiction sera lancée, avec un « petit truc en plus », que ce cher Qyburn a bien pris la peine de rajouter, ils auront tous oublié qui ils y sont. Ils auront également oublié ce que j'ai fait, et même quitues...

Un air indigné prit alors place sur le visage de son époux.

- Espère de garce... Tu...

- Je ne t'ai jamais aimé. Je ne crois pas non plus qu'il s'agisse d'une surprise pour toi, après tout, tu ne m'as jamais aimée non plus. Tu es un incapable, un ivrogne, un mauvais roi et un mauvais père, en plus d'être un mauvais mari. Je te déteste... En réalité, ça va même plus loin pour dire vrai, tu m'es complètement indifférent désormais.

- As-tu fini ? J'aimerais pouvoir mourir en paix ! Éructa Robert.

- Oh non, je n'ai pas fini ! Clama Cersei. Son sourire se fit amusé. Tu n'es pas le père de mes enfants, Joffrey, Myrcella et Tommen ne sont pas de toi, et j'en remercie les Sept chaque jour qui passe... Et tu veux savoir de qui ils sont ? De Jaime, mon frère, mon amant, mon véritable amour, le seul homme que j'ai jamais aimé !

- Tu. As. Gagné, reconnut Robert, la respiration sifflante. Mais par pour longtemps.

- C'est ce que nous verrons... Profite bien de ton séjour dans les Sept Enfers...

- J'attendrai que tu m'y rejoigne, dit-il avant de finalement rendre son dernier souffle. »

Elle se contenta d'éclater de rire, ignorante qu'ailleurs, d'autres personnes tentaient de toutes leurs forces d'empêcher le désastre à venir.

§§§§

Lady Catelyn Stark était terriblement nerveuse.

Quelque chose flottait dans l'air, quelque chose de sombre, de mauvais, et qui n'avait rien à voir avec les marcheurs blancs.

Ce n'était pas étonnant en un sens.

Catelyn n'avait que peu de connaissances en magie, mais elle en avait suffisamment pour savoir que le Sort Noir était un sortilège aussi puissant que dangereux, et maléfique également.

Et qui demandait un prix exorbitant à payer.

D'après celle qui allait lancer le sortilège, Mélisandre, ou la femme rouge, comme on l'appelait également, la prêtresse arrivée avec Stannis Baratheon, le Maître de la Lumière demandait des sacrifices, des morts, du sang et des flammes pour que la malédiction soit effective et les transporte véritablement dans cet autre monde.

Un monde sans magie.

Un endroit sûr, où les marcheurs blancs ne pourraient jamais les suivre.

Des gens allaient mourir, des gens allaient brûler pour qu'eux tous puissent potentiellement survivre ailleurs, dans un monde meilleur.

Du moins, ils l'espéraient.

Ceux qui allaient brûler étaient à Essos, là où d'autres prêtres et prêtresses du dieu R'hllor se trouvaient également, ces derniers étant prêts à exécuter les ordres de Mélisandre.

Et là, seulement là, le sortilège pourrait se lancer.

Des maîtres de la baie des serfs allaient brûler et périr, et être punis pour leurs crimes, et avec un peu de chance, les esclaves qui avaient été autrefois sous leur joug auraient une bien meilleure vie dans ce nouveau monde.

C'était Mélisandre elle-même, en tant qu'ancienne esclave, qui avait proposé cela.

Pour le plus grand bien.

Puisqu'il y aurait de toute façon un prix à payer, qu'il faudrait tuer des centaines de personnes pour en sauver d'autres milliers, ne valait-il pas mieux s'attaquer aux monstres qui peuplaient encore leur monde ?

Ce n'était que justice, après tout.

Le froid éternel pour tous ou les flammes pour certains.

Il avait fallu choisir, et ils avaient choisi la deuxième option.

Un mal pour un bien, d'après les propres mots de la femme rouge.

Cela faisait déjà plusieurs jours que Mélisandre, armée de ses connaissances, de ses pouvoirs et de ses potions, et accompagnée de Qyburn, était enfermée dans le laboratoire du Donjon Rouge.

Cinq jours, plus précisément.

Cela faisait exactement cinq longues journées qu'elle faisait tout son possible pour lancer le sortilège, non sans difficulté.

Elle était forte et puissante, et c'était une sorcière plusieurs fois centenaire, mais malgré cela, même elle avait besoin de temps pour y arriver.

Et depuis cinq jours, les habitants de Westeros qui n'étaient pas encore morts ou transformés en marcheurs blancs retenaient leur souffle.

Catelyn elle-même était terriblement inquiète.

Ce n'était pas qu'elle n'appréciait pas la sorcière, ou qu'elle ne lui faisait pas confiance, celle-ci ne faisait que ce qu'il lui semblait juste pour pouvoir sauver tout ce qui pouvait encore l'être.

Seulement, elle n'appréciait pas beaucoup la teneur du sortilège qui allait être lancé, bien qu'elle comprenait parfaitement qu'ils n'avaient pas d'autre choix.

Et si Catelyn avait eu à choisir entre sauver les maîtres d'Essos, ou ses enfants, elle n'aurait pas hésité une seule seconde.

Il n'empêche qu'elle avait un mauvais pressentiment, et, au lieu d'être dans ses appartements avec son époux, elle arpentait le Donjon Rouge sans aucun réel but.

Ned, quant à lui, était dans leur chambre, pour réconforter leurs enfants terrifiés, qui, comme tout les autres, n'avaient aucune idée de ce qui allait se passer (ce serait un tout nouveau monde, un tout nouvel univers, et comment s'y intégrer, et si le sort ne marchait pas ?), qui n'étaient certes plus des enfants, qui avaient combattu les marcheurs blancs eux aussi, mais qui, comme n'importe qui, avaient peur de l'inconnu.

Ainsi, quelques heures plus tard, quand elle vit surgir Mélisandre devant elle, en sueur, sa robe flamboyante désormais couverte de poussière, les mains tremblantes, le souffle court et apparaissant comme visiblement affaiblie, Catelyn Stark sut dans son cœur que quelque chose de terrible venait de se produire.

Le visage de la jeune femme était fermé, son regard était éteint, et elle paraissait sans forces, comme sur le point de s'écrouler.

Au point que Catelyn, en la voyant tituber et chanceler, fut obliger d'accourir à son secours pour la soutenir et l'empêcher de choir.

« Mélisandre ! Cria-t-elle à la sorcière complètement désorientée. Que se passe-t-il ? Est-ce que le sortilège a fonctionné ? »

Blême et inerte, elle finit par hocher faiblement la tête, jusqu'à ce que Catelyn ait la présence d'esprit de la faire s'asseoir dans un fauteuil.

Dans les yeux de la prêtresse, il y avait autre chose que de la simple fatigue, elle semblait...

Amère et terrifiée.

Un sentiment d'urgence se saisit alors de Catelyn, et elle commença à secouer la sorcière pour la faire recouvrir ses esprits.

« Quoi d'autre... Lady Mélisandre, s'exclama-t-elle avec un ton désespéré, que s'est-il passé d'autre ?

Mélisandre la regarda, et cligna des yeux quelques secondes, toujours tremblante de tout son corps, avant qu'elle ne finisse par lâcher :

- Qyburn m'a trahie...

Catelyn se figea, alors qu'une sombre peur commençait à lui tenailler le ventre.

- Que voulez-vous dire ? Lui demanda-t-elle la main sur son épaule, pour l'empêcher de perdre connaissance.

- Il savait comment... je lui ai expliqué, je lui ai tout expliqué. Et il s'en est servi contre moi.

- Je ne comprends pas... A-t-il stoppé le processus du Sort Noir ?

Le sourire de Mélisandre, qui recouvrait lentement ses forces, était atrocement triste.

- Non, malheureusement... Si ce n'était que cela, ce ne serait rien. Il a fait bien pire.

- Qu'est-ce qui peut être pire ?

- Tout peut toujours être pire Lady Catelyn. »

Elle se releva enfin, et fit quelques pas, avant de grimacer.

Elle pouvait à peine marcher, alors utiliser ses pouvoirs de nouveau...

Il ne fallait même pas y penser.

Pas maintenant en tout cas.

Mélisandre croisa les bras, désormais plus assurée, sachant qu'elle ne tomberait pas.

« Qyburn travaille avec Cersei Lannister, Littlefinger et avec les Bolton, avoua-t-elle. Il est à leurs ordres désormais.

Catelyn sentit son sang se glacer dans ses veines.

- Pourquoi ? Et... qu'est-ce que ça change exactement ?

- Absolument tout. Qyburn a utilisé les connaissances que je lui ai enseignées sur le Sort Noir, et s'en est servi pour corrompre le sortilège. Et changer certains de ses effets. En ajouter d'autres qui n'auraient pas dû être là à la base. »

Les yeux de Lady Stark s'écarquillèrent d'horreur.

« Non ! Ce n'est pas possible, vous... Vous nous avez promis que tout se passerait bien, que le sortilège était sûr, qu'il n'y aurait pas de problèmes à ce sujet.

- J'ai bien peur que cela ne vienne de changer, ma dame...

- Y-a-t-il quelque chose que vous puissiez faire ?

- Non Lady Catelyn, répondit Mélisandre avec un air de résignation sur le visage. Qyburn a bien calculé son coup, il savait qu'une fois le sortilège lancé, je serai épuisée, incapable de me servir de nouveau de ma magie avant au moins vingt-quatre heures. Je ne peux plus rien faire contre cela, je suis navrée.

- Et nous ? Pouvons-nous... y changer quelque chose ?

- Vous n'avez ni la magie ni les connaissances pour le faire. Ni le temps. Il est trop tard pour ça. Nous avons déjà perdu.

Catelyn laissa un rire attristé lui échapper.

- Dites-moi Mélisandre, quand donc avez-vous perdu tout espoir ?

- Lorsque la Montagne m'a expulsée du laboratoire, et que j'ai lu sur le visage de Qyburn qu'il nous avait tous condamnés sans aucun remords. »

Pâle, Catelyn commença à de nouveau déambuler sans but précis, tournant en rond, les poings serrés.

Puis, elle finit par s'arrêter brusquement, en plein milieu de la pièce.

« Que se passera-t-il dans ce cas ? Si le Sort Noir est lancé de cette manière ?

- Des choses terribles. Nous allons perdre la mémoire. Nous allons oublier qui nous sommes, notre vie à Westeros... Nous allons absolument tout oublier. Nous allons perdre tout ceux que nous aimons, en être séparés, oublier même leur existence pour les plus malchanceux. En dehors de ceux ayant modifié le sortilège, bien sûr. »

Cette fois-ci, ce fut Catelyn elle-même qui sentit ses jambes la lâcher, et elle s'écroula sur le fauteuil qui avait accueillit la femme rouge quelques minutes plus tôt.

« Nous serons bloqués là-bas pour toujours, piégés dans une boucle temporelle. Le temps sera notre prison. Le Sort Noir est une malédiction après tout, ce n'est pas pour rien...

- Peux-on tenter quelque chose pour la défaire. Pour la briser et nous libérer ? Pour nous souvenir ?

- Pour la détruire, je ne sais pas...

- Comment pouvez-vous ne pas savoir ? S'impatienta soudainement Catelyn. Il s'agit de votre sortilège après tout !

- Ce n'est pas moi qui l'ait créé ! Répliqua la sorcière. C'est un vieux sortilège, plus vieux que moi, plus vieux que les dragons, peut-être plus vieux que Westeros même ! Certaines choses le concernant me sont inconnues. J'ignore comment le briser.

- Et si nous nous souvenons ? Nous aurons peut-être une chance de défaire le sort ?

Une lueur s'alluma alors dans le regard de la prêtresse.

- Peut-être... oui, peut-être que nous avons une chance. Tout dépendra du monde dans lequel nous allons atterrir. Il nous faudra quelque chose, pour réveiller notre mémoire, qui provoquera un déclic en nous... Peut-être nous reste-t-il encore un moyen, en effet. Connaissez-vous la chanson Jenny of Oldstones, Lady Catelyn ?

- Oui... Je ne vois pas en quoi cela pourrait nous aider. »

Les yeux de Mélisandre brillèrent alors d'une nouvelle flamme, emplis de détermination.

Elle était redevenue elle-même, enfin, et Catelyn s'en trouva étrangement soulagée.

« Allez voir vos enfants et votre époux, moi je vais essayer de faire passer le message dans la capitale...

- Quel message ?

- Vous allez devoir chanter. Tout ceux qui auront entendu ou auront chanté la chanson Jenny of Oldstones pourront commencer à se souvenir dans cet autre monde, si jamais ils l'entendent en entier. Je n'ai rien d'autre pour vous donner de l'espoir, malheureusement. Nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes, et essayer, si possible, de survivre. Et de nous sauver nous-mêmes.

- Combien de temps avons-nous ? Avant que le sort ne nous emporte dans ce nouveau monde ?

Mélisandre réfléchit alors pendant quelques secondes.

- Une heure ? Peut-être deux si nous avons de la chance... Je pense que Cersei et les autres ont déjà dû filer ailleurs, ou qu'ils se sont barricadés dans le Donjon Rouge. Nous ne pouvons rien faire contre eux.

Pour appuyer ses paroles, les deux femmes entendirent un soldat hurler, complètement paniqué :

- Le roi Robert est mort ! Le roi a été assassiné ! »

Un coup de Cersei, bien évidemment.

Les deux femmes se regardèrent, et Catelyn ferma les yeux, désemparée.

Ainsi donc, ils avaient réellement perdu.

Elle se releva.

« Très bien... Je vais voir ce que je peux faire.

- Moi de même... En espérant que le Maître de la Lumière nous permettra de nous souvenir et de ne pas nous perdre en chemin...

Se rapprochant d'elle, Catelyn lui saisit le bras avec une violence à laquelle l'autre femme ne s'attendait pas, tout en la fusillant du regard.

- Le Maître de la Lumière ne vous a pas prévenue quant à la trahison de Qyburn, de Cersei Lannister, de Littlefinger et des Bolton, siffla-t-elle, lui reprochant le désastre à venir.

Mélisandre eut la décence d'apparaître au moins un peu coupable.

- Je sais. Je ne l'ai pas vu dans les flammes. Je suis désolée Lady Catelyn. Je n'ai jamais voulu que cela se termine comme ça.

- Ce n'est pas fini, rugit alors la louve, les yeux brûlants de colère. Tant que je respire encore, ce ne sera pas terminé. Peu importe ce que Cersei, Littlefinger et les Bolton comptent faire, ils ne l'emporteront pas au paradis... Je ferai tout pour les détruire, et retrouver ma famille.

Mélisandre lui sourit avec mélancolie.

- Comment le pourrez-vous, si vous ne vous souvenez même pas de qui ils sont pour vous ? Comment le ferez-vous, si vous ignorez tout ce que vous avez perdu ? »

Catelyn ne put la contredire.

« Allez retrouver votre famille, ma dame... Profitez de ce qu'il vous reste tant que vous le pouvez encore. Moi, je vais allez voir les survivants, et essayer de réparer mes erreurs et de limiter les dégâts à venir... Du moins si cela m'est encore possible. »

§§§§

En voyant l'état dans lequel était sa femme, Ned l'entraîna dans une étreinte réconfortante.

La mort de Robert venait à peine d'être ébruitée, et la trahison de Cersei était connue de tous.

Le monde tel qu'ils le connaissaient allait prendre fin d'ici peu de temps, et ils n'avaient aucune idée de ce qui allait prendre sa place.

Sans attendre une seconde de plus, Catelyn embrassa son époux avec toute la passion et le désespoir du monde.

Dieux... elle avait tellement peur de le perdre.

Et c'était ce qui allait arriver dans peu de temps.

Dans d'autres circonstances, il aurait sûrement sourit ou rit, et plaisanté, en lui disant : « je t'ai manqué à ce point-là ? »

Mais il n'était plus temps de rire désormais.

« Qu'y a-t-il Cat ? »

Elle lui expliqua la situation en quelques mots, et il blêmit à son tour.

Il se retourna vers leurs enfants.

Ils avaient tous tellement changé en sept ans...

Son cœur se serra.

Il ne pourrait pas supporter de les perdre, il le savait.

« Cat... Nous devons leur dire... Ils ont droit à la vérité, murmura-t-il.

- Ned... Ce sont encore des enfants...

Et à quoi bon ?

Ils nous auront oubliés dans quelques heures.

Ne pouvons-nous pas leur laisser leur innocence, pendant au moins quelques temps ?

- Plus maintenant... »

Alors, Catelyn regarda son époux se diriger vers leurs enfants, et leur expliquer, à eux ainsi qu'à Jon et Théon, ce qui allait arriver.

Rickon fut le premier à fondre en larmes.

Et Catelyn sentit son cœur se briser.

Elle regarda Jon Snow.

En sept ans, beaucoup de choses avaient changé, et si elle n'avait jamais réussi à l'aimer comme un fils, elle avait cessé de le haïr.

Cette haine lui paraissait si futile désormais.

Elle se pencha sur Rickon, et serra son petit garçon de douze ans dans ses bras, avant de lui murmurer des paroles rassurantes qui, elle le savait, n'avaient aucun poids et aucune réalité.

Elle aurait voulu pleurer, mais elle n'en avait pas le droit.

Ses enfants avaient besoin d'elle, plus que jamais.

Elle vit Robb qui s'accrochait à Théon comme si il avait peur qu'on ne le lui arrache, comme pour l'empêcher de partir loin, comme si il croyait sincèrement que cela suffirait à ce qu'ils ne soient pas séparés l'un de l'autre.

Elle vit Sansa et Arya collées l'une à l'autre, tremblantes d'effroi, la regardant avec les yeux emplies d'espoir, comme persuadées que leur mère pourrait les sauver, et elle ne sut quoi répondre à cette attente.

Elle vit Jon et Bran autour de Rickon, tentant de le réconforter, lui promettant qu'ils se retrouveraient un jour, malgré la malédiction.

Qu'ils se retrouveraient toujours...

Elle avait envie d'y croire, sincèrement.

« Il va falloir que vous m'écoutiez très attentivement les enfants... Que vous mémorisiez chacune des paroles de la chanson que vous allez entendre. C'est très important. Cela nous permettra de tous nous retrouver dans cet autre monde, si les Sept le veulent... »

Et, tout doucement, Lady Catelyn Stark se mit à chanter.

« High in the halls of the kings who are gone

Jenny would dance with her ghosts

The ones she had lost and the ones she had found

And the ones who had loved her the most

The ones who'd been gone for so very long

She couldn't remember their names

They spun her around on the damp old stones

Spun away all her sorrow and pain

And she never wanted to leave

Never wanted to leave

Never wanted to leave

Never wanted to leave

They danced through the day and into the night

Through the snow that swept through the hall

From winter to summer then winter again

Til the walls did crumble and fall

And she never wanted to leave

Never wanted to leave

Never wanted to leave

Never wanted to leave

And she never wanted to leave

Never wanted to leave

Never wanted to leave

Never wanted to leave

High in the halls of the kings who are gone

Jenny would dance with her ghosts

The ones she had lost and the ones she had found

And the ones who had loved her the most. »

Elle non plus, elle ne voulait pas partir...

Elle aussi, elle allait bientôt tout perdre.

Elle aussi, elle allait tout oublier.

Elle aurait voulu hurler.

À la place, elle continua de chanter, accompagnée par son mari et ses enfants.

Non loin de là, Mélisandre elle aussi chantait, et utilisait ses dernières forces, les dernières bribes de magie qui lui restaient pour intégrer la chanson à la malédiction, pour que tout leurs efforts pour sauver les habitants de Westeros n'aient pas été faits en vain.

Elle alla même jusqu'à puiser dans la magie qui se trouvait dans son collier.

Qu'importait son apparence, puisqu'ils allaient tout perdre de toute façon ?

Une fois le sort terminé, elle s'écroula au sol, avant de réaliser que son collier, désormais inutile, était en train de la brûler.

Elle l'arracha, et, en voyant son ancienne apparence lui revenir, elle se mit à hurler.

Pas à cause de son âge, ou sa laideur.

Mais parce que cela signifiait qu'elle n'avait plus une goutte de magie en elle.

Elle ne pouvait plus rien faire désormais.

§§§§

Levant les yeux vers le ciel, Catelyn Stark, enserrant ses enfants et son mari, sa famille, dans ses bras, sentit sa voix se briser pendant quelques secondes.

Voilà déjà presque une heure qu'elle chantait la chanson de Jenny, jusqu'à ce que sa voix se casse, se brise, et s'enroue, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus émettre un seul son.

Et, alors qu'elle voyait le nuage de fumée violette foncer sur eux, elle se tut brusquement, ferma les yeux, baissa la tête en direction de ses enfants, rouvrit les yeux, leur adressa un dernier sourire faussement réconfortant, et se mit à prier.

A suivre...