Chapitre 2 : Tout est normal (je crois).

- Défi des Mille-Prompts : 86. Duo – Cersei / Jaime.

Cersei savoura son verre de vin en souriant, regardant la ville qui s'étalait sous ses pieds, ayant une vue imprenable depuis l'une des fenêtres de son château.

Le Sort Noir avait vraiment fait des merveilles, en réparant la ruine qu'était autrefois le château de Kintzheim - et qui désormais n'avait clairement rien à envier à la splendeur du Donjon Rouge, ou même à celle de Castral Rock, ou Winterfell, ou n'importe quelle autre riche demeure des Sept Couronnes – et en créant une ville tout autour, et qui n'apparaissait sur aucune carte par ailleurs.

Cersei Lannister n'était plus la reine de Westeros, elle ne « dirigeait » plus les Sept Couronnes, mais uniquement une ville, et en un sens, ce n'était pas plus mal, parce qu'elle était réellement aux commandes cette fois.

Elle avait vraiment le pouvoir, pas comme avant, quand elle n'était qu'une reine de façade, mariée à un ivrogne qui n'y entendait rien à la politique, qu'elle détestait et qu'elle avait tué avec plaisir.

Elle était libre, heureuse, et... amoureuse.

Habillée d'une simple chemise de nuit (il n'était encore que neuf heures du matin après tout... ce qui n'expliquait pas la présence de ce verre de vin qu'elle avait dans la main. Si ce n'est le fait qu'elle voulait fêter sa récente victoire, qui remontait à seulement quelques heures.), elle termina son verre, le cœur gonflé de joie.

Elle finit par se retourner, observant son lit, dans lequel dormait paisiblement Jaime, ignorant complètement que son monde venait à peine de basculer...

Ah, Jaime...

Son frère, enfin enfin pas vraiment, plus réellement, pas dans ce monde en tout cas.

Il était son amant, l'amour de sa vie, il était sa fin heureuse, il était...

Cersei posa son regard sur la bague qui venait de prendre place à son doigt (elle avait jeté celle de son mariage avec Robert juste après la mort de ce dernier. Elle n'appartenait à personne d'autre que Jaime, tout comme lui lui appartenait...), et elle faillit pleurer de joie.

Enfin, elle avait réussi à faire en sorte qu'ils ne puissent plus jamais être séparés.

Il était son époux désormais, et elle n'aurait jamais pu être aussi heureuse qu'en cet instant.

Dans ce nouveau monde, personne ne savait qu'ils étaient frère et sœur, personne ne pouvait juger leur amour comme étant immoral (pour elle, il ne l'avait jamais été), en fait, le seul moyen de le savoir aurait été de faire un test ADN, mais puisque que personne ne savait qu'ils étaient liés, personne n'avait de raison d'en faire un...

Même si elle n'était pas maudite, elle avait malgré tout en mémoire les souvenirs de sa fausse vie à Kintzheim, et maintenant, elle revivait le jour de son mariage avec Jaime, environ un an ou deux avant la naissance de Joffrey, et son visage s'illumina d'un sourire.

Ce jour-là éclipsait totalement le jour de son mariage avec Robert, qui avait tourné au désastre complet si rapidement.

Mais ce mariage là ne serait pas un échec, oh ça non, elle se le jurait.

Et, ironiquement, même si ce mariage était entièrement construit sur un mensonge, sur de la manipulation, il lui semblait malgré tout tellement plus réel que le précédent...

Oui, même si cela ne faisait que trois-quatre heures qu'elle était arrivée à Kintzheim, accompagnée de tout les autres habitants des Sept Couronnes – enfin, ceux encore vivants – Cersei pouvait déjà se considérer comme étant heureuse.

Déjà, Robert était mort.

Premier bon point.

Ensuite, les marcheurs blancs étaient loin.

Elle était donc en sécurité.

Et enfin, elle était marié à Jaime, son seul et unique et véritable amour.

Finalement, elle avait enfin tout ce qu'elle avait toujours voulu...

Tout ce qu'elle pensait mériter.

Posant son verre désormais terminé sur sa table de nuit, elle retourna se coucher aux côtés de son époux (par les sept, jamais elle ne se lasserait de ce mot...) et s'allongea contre lui, souriant en le sentant se rapprocher chez d'elle et l'enlacer.

Elle se remit à sourire, avant de se ré-endormir.

Et puis, après tout, elle avait encore un peu de temps.

Le conseil municipal ne commençait que dans quelques heures.

Oh que oui, sa vie était parfaite.

§§§§

Sa vie était devenue un enfer.

D'abord, il y avait eu l'arrivée des marcheurs blancs, la guerre, pendant sept ans, sept putain d'années, bien plus longue que la rébellion de Robert, la guerre des Rois à Neuf Sous, ou la rébellion des Greyjoy.

Et maintenant, cette... malédiction.

Oh, bien sûr, au milieu de tout ça, Jaime avait essayé d'être heureux, malgré tout, il avait essayé de réconforter ses enfants du mieux qu'il le pouvait quand ces derniers avaient peur, de se battre vaillamment, du mieux qu'il le pouvait, et il estimait avoir réussi.

Et, au milieu de tout ce bordel, il l'avait rencontrée.

Elle, Brienne de Torth...

Dire qu'il l'avait aimée au premier regard aurait été un véritable mensonge, mais peu à peu, ils étaient passés chacun vis-à-vis de l'autre de l'indifférence, à l'agacement, puis la compréhension de l'autre, puis le respect, puis l'admiration, et enfin, Jaime osait le dire...

L'amour...

Oui, il l'aimait, l'aimait vraiment, plus qu'il n'avait jamais aimé Cersei.

Et c'était pour cela qu'en ce jour, il avait aussi peur.

Des rumeurs venaient du Donjon Rouge, et...

Elles n'étaient pas bonnes, pas bonnes du tout.

Et même si c'était de la folie, Jaime sentait qu'il se devait d'aller voir, d'être sûr... que c'était vrai.

Que Cersei avait vraiment perdu la raison, comme certains commençaient à le raconter.

Alors quoi, il allait devoir subir une nouvelle reine folle ? Un nouveau souverain fou qui allait essayer de tout détruire ?

Robert était mort, et si il ne le regrettait pas, Jaime avait peur de ce qui allait arriver ensuite.

Puis, l'autre rumeur s'était répandue, celle des souvenirs qu'ils allaient perdre, sans compter la chanson à entendre et à mémoriser, mais le chevalier était si désemparé qu'il avait probablement dû louper la moitié des paroles...

Il avait pris la décision d'entrer dans le Donjon Rouge, l'épée à la main, et dieux, il avait l'impression d'être de retour en arrière, vingt-quatre ans plus tôt, quand il avait tué le roi fou.

Serait-il obligé de tuer sa propre sœur ?

La boule au ventre, il s'était préparé à aller la confronter, sous le regard inquiet de Brienne.

« Tu n'es pas obligé de faire ça, lui fit-elle tendrement.

- Il faut que je le fasse, la contredit-il, il faut que j'y aille, que je suis sûr que c'est bien arrivé, et s'il faut que je l'arrête, hé bien... je le ferai...

Elle se rapprocha de lui, et prit son visage entre ses mains, avant de l'embrasser, et son baiser avait un tel goût de désespoir que Jaime faillit en pleurer.

- Sois prudent, d'accord ? »

Il se força à sourire.

« Toujours... fit-il avant de partir, les poings crispés.

- Je t'aime, lui lança-t-elle alors.

C'était un je t'aime qui signifiait tellement de choses...

Ne me laisse pas s'il te plaît.

Reviens-moi...

Ne m'oublie pas.

Et le Régicide se le jurait, il remplirait cette promesse implicite qu'il passait avec son aimée.

- Moi aussi je t'aime... »

Je te reviendrai, je te le jure.

Et je ne t'oublierai pas.

S'il te plaît, ne m'oublie pas non plus, toi aussi, reviens-moi !

Et il le savait d'ors et déjà...

Elle lui reviendrait.

Elle lui reviendrait toujours.

Rien ni personne, pas même Cersei ne pourrait l'en empêcher !

Il regarda son alliance (ils s'étaient mariés trois ans plus tôt) pour se donner du courage, pensant à ce qu'il se devait de protéger, de sauvegarder, et partit, alors que Brienne restait en arrière pour protéger ce qu'il restait encore du royaume...

Quand il entra dans le Donjon Rouge, apercevant le cadavre encore chaud de Robert Baratheon, il regarda alors Cersei.

Et il lut immédiatement toute la vérité dans ses yeux.

§§§§

« Ainsi donc... tu nous as bien tous condamnés, lança-t-il immédiatement sans ménagement. Tu nous sauves d'un enfer, pour nous précipiter dans un autre...

- Tu n'as pas à t'en faire Jaime, lui assura-t-elle, tout se passera bien.

Oh par les dieux, jamais il n'avait vu ses yeux brûler d'une telle lueur de folie.

Le regard du Régicide se teinta alors d'une lueur de désespoir.

- Dis-moi que tu n'as pas fait ça ! Ajouta-t-il en désespoir de cause. Je t'en supplie Cersei, dis-moi que tu ne l'as pas fait, que tu n'as pas pris la décision de tout détruire juste pour avoir le pouvoir ! Je t'en pris !

Ne m'oblige pas à te tuer, s'il te plaît...

- Jaime, tu ne comprends pas ! Nous pourrons enfin être ensemble dans ce nouveau monde, personne ne saura que nous sommes frère et sœur, nous exceptés, et nous aurons le pouvoir ! Nous serons une famille ! »

Oh que oui, elle en était persuadée, dans ce monde sans magie et sans marcheurs blancs, sans plus aucune barrière pour les séparer, ils pourraient enfin être de nouveau ensemble !

Et là bas, il pourrait enfin être avec elle, au grand jour, il n'aurait plus à se contenter de cette femme chevalier et il serait enfin heureux, avec elle..

Elle le savait, il l'aimait toujours, ce n'était que parce qu'ils risquaient de tout perdre si jamais leur relation était découverte et révélée au grand jour qu'il n'était plus avec elle.

Le chevalier, quant à lui, commençait vraiment à avoir peur.

« Cersei, il est encore temps que tu arrêtes tout ça... Arrêtes cette folie ! Tu n'as pas le droit de faire passer ton propre bonheur avant de celui de tout le monde, tu ne peux pas sacrifier la mémoire de tout le monde pour un désir égoïste... »

Le regard de Cersei se teinta de noirceur.

« Ainsi donc... tu n'es pas de mon côté ?

- Comment le pourrais-je ? S' exclama-t-il. Tu es complètement folle, voilà la vérité ! Tu... à quel moment est-ce que tu as pensé au fait d'effacer la mémoire de tout le monde, toi et tes alliés exceptés, et penser que ce serait une bonne idée ?

- Pas la mémoire de tout le monde... Pas la tienne, Jaime.

- Qu'est-ce que ça change au juste ?

- Tout... Nous serons heureux ensemble, qu'importe qu'ils oublient tout, qu'ils oublient qui ils sont, qu'ils soient séparés de ceux qu'ils aiment, tant que nous sommes ensemble ! Toi et moi, c'est la seule chose qui compte...

- Et tu penses que je pourrai vivre avec ça ? Hurla-t-il. Me rappeler de tout, me souvenir que tu as arraché la mémoire à des milliers de gens, que tu en as séparés je ne sais combien, et réussir à être heureux ? Que je ne me sentirai pas coupable ? Que je pourrai me lever chaque matin sans avoir en tête tout ces pauvres malheureux qui auront été condamnés par ma faute, parce que je n'aurai rien fait pour les sauver ? Tu m'en crois vraiment capable ?

- Jaime...

- Je. Ne. Suis. Pas. Comme. Toi ! Je ne suis pas un monstre, ça, ce n'est pas moi, tu m'entends ? Je n'ai pas tué le roi fou pour qu'un autre tyran prenne sa place, et si tu crois que je vais te laisser faire juste parce que tu es ma sœur, hé bien, tu te trompes ! »

Mais, avant qu'il ne puisse dégainer son épée et ainsi commettre un nouveau régicide, la Montagne s'intercala entre lui et la reine, et le désarma en quelques secondes.

Jaime fusilla sa sœur du regard, ignorant Littlefinger et les Bolton, qui observaient la scène sans mot dire, tandis que Qyburn était aux côtés de Cersei, qui souriait désormais avec tristesse.

« Oh, mon amour... Que nous est-il donc arrivé ?

- J'ai changé ! Lui cracha-t-il au visage. Et toi aussi, j'en ai bien peur... »

La Montagne et sa force sans pareille le neutralisèrent avant qu'il ait pu faire le moindre mouvement, et le soldat déclara alors avec sa voix rauque et caverneuse :

« Ma reine ?

- Ne me l'abîmez pas, voulez-vous ? J'ai encore besoin de lui...

- Tu n'as qu'à me tuer si ça te chante, déclara alors son jumeau, complètement désabusé. Je ne pense pas que je te serai très utile si je refuse de t'écouter ou de t'obéir...

Le sourire de la reine se fit alors machiavélique.

- Oh, crois-moi, je n'en ferai rien... J'ai beaucoup trop besoin de toi pour accepter de faire une chose pareille... ou pour te laisser partir. Ser Gregor ? Empêchez le de bouger... Qyburn ? Nous allons passer au plan B.

- Bien votre majesté. »

Immédiatement, le soldat agrippa les bras de Jaime et le ceintura, tandis que Cersei, elle, se dirigeait vers le mestre, qui lui présenta un chaudron dans lequel il y avait une étrange mixture violette bouillonnante qui n'augurait rien de bon.

En voyant cela, les yeux de Jaime s'écarquillèrent alors d'horreur, même s'il ne comprenait pas vraiment ce qu'il était en train de se passer, et il commença à se débattre, en vain.

Il vit alors sa jumelle plonger la main droite dans la potion – ce qui la fit grimacer de douleur – et la retirer, étincelante, et il sentit son sang se glacer dans ses veines.

« Cersei... Qu'est-ce, qu'est-ce que tu es en train de faire ? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu vas me faire ? »

La reine ne répondit rien, et par les sept, ça rendait tout ça encore plus terrifiant...

De plus en plus désespéré, le chevalier continua à bouger, frénétiquement, toujours bloqué par la Montagne, paniquant de plus en plus et ne comprenant toujours pas ce que sa sœur allait lui faire, et...

Ses pensées n'étaient plus que chaos désormais.

Oh Brienne je suis tellement désolé, j'aurais dû rester avec toi, pardon, pardon, pardonne-moi, je t'aime, mais il fallait que je le fasse, il fallait que je l'arrête, et maintenant j'ai tellement peur, pardon, pardon, pardon, jamais je n'aurais dû partir, je suis désolé, et je t'aime, je t'aime tellement, mais...

Je ne te reviendrai pas.

Pas cette fois.

Sauve-moi s'il te plaît.

Mais elle ne le pouvait pas, n'est-ce pas ?

Elle était loin de lui, et lui il était là, seul.

Il était complètement à la merci de Cersei, alors que celle-ci allait...

Ce n'est que quand il vit sa main s'approcher lentement de sa poitrine qu'il commença doucement à comprendre.

Cela ne l'aida en rien à se calmer, bien au contraire, ce qui le poussa à tenter encore une fois de se dégager, et il gémit de douleur en sentant la poigne de Gregor Clegane se raffermir sur ses bras.

Vaincu, il cessa de se débattre, et Cersei sourit.

Elle avait gagné.

Et tout ce qu'il voyait dans ses yeux maintenant, c'était la folie.

« Je ne sais pas ce que tu comptes faire... Mais je t'en supplie Cersei, quel que soit cette chose... ne la fais pas...Je t'en supplie.

- Ne t'inquiète pas Jaime, lui assura-t-elle, tout se passera bien. Je fais ça pour toi, pour nous. »

Comment espérait-elle donc le rassurer avec ces mots ?

Ne voyait-elle donc pas qu'elle le terrifiait encore plus ?

La dernière fois qu'il avait eu aussi peur, c'était sous le règne du roi fou, quand il entendait Rhaella Targaryen hurler de douleur, et qu'il n'avait aucune idée de quoi faire, ou quand il avait vu le père et le fils Stark brûler, et que personne n'avait rien fait, lui y compris.

Et aujourd'hui, l'histoire se répétait, alors qu'il voyait Cersei, nouvelle reine folle, nouvelle menace à abattre.

Sauf que cette fois-ci, il avait perdu.

Et cette fois-ci, c'était lui qui allait souffrir.

Lentement, il vit, sans pouvoir rien faire pour contrer cela, la main de Cersei se poser sur son torse.

Puis, celle-ci enfonça brutalement sa main dans sa poitrine, juste avant d'en extirper le cœur de son jumeau.

Et Jaime Lannister se mit à hurler.

§§§§

Jamais il n'avait eu aussi mal...

D'ailleurs, il ne pensait pas que qui que ce soit d'autre au monde avait déjà ressenti pareille douleur.

Son corps était en flamme, la main de sa sœur jumelle fermement enfoncée dans sa poitrine, et tout ce qu'il pouvait se demander à cet instant précis, c'était : « pourquoi, pourquoi, pourquoi, POURQUOI ? »

Oh pourquoi Cersei, toi qui prétend m'aimer, toi que j'aimais autrefois, pourquoi me fais-tu subir une chose pareille, pourquoi me fais-tu souffrir à ce point-là ?

Il continua de hurler, persuadé que ses cris pouvaient désormais être perceptibles même aux oreilles de ceux qui se trouvaient hors du Donjon Rouge, et...

Par pitié, qu'on vienne me sauver, que quelqu'un vienne me secourir, s'il vous plaît, quelqu'un, n'importe qui, je vous en supplie, aidez-moi...

Brienne, sauve-moi !

Lorsque la main de la reine s'extirpa de sa poitrine, il crut tout d'abord que ce serait fini, mais en réalité, ce n'était que le début de l'enfer, et un cri d'agonie s'échappa alors de sa gorge.

En un sens, c'était bien pire.

Oh, bien sûr, les doigts de sa sœur honnie ne fouillaient et trifouillaient maintenant plus sa cage thoracique, certes, mais elle, elle...

Elle lui avait arraché le cœur !

Et il en sentait la perte, et dieux, ça faisait tellement mal !

Qui... qui faisait ce genre de chose exactement, et comment...

Et surtout, pourquoi ?

Il sentit à peine les bras de Gregor Clegane le relâcher sur l'ordre de Cersei, et il s'écroula à terre, à genoux, telle une poupée de chiffon, marionnette dont on avait coupé les fils et qui ne pouvait plus tenir debout sans ces derniers...

Il releva lentement, et sentit une envie de vomir l'envahir alors qu'il voyait dans les doigts de Cersei son cœur encore battant, irradiant de lumière, et rouge vif, bien que conservant malgré tout quelques zones sombres qui, bien que petites, n'avaient pas entièrement disparu...

Jaime porta sa main à sa poitrine, haletant, un cri d'horreur, de désespoir et de douleur toujours là, prêt à sortir, à la moindre occasion.

Pas de blessure, il n'y avait rien, pas de sang, son corps était intact, et si l'on exceptait la douleur de l'acte brutal de Cersei dont il subissait encore le contre-coup, lui-même ne ressentait plus rien.

C'était bien ça le problème...

Il n'y avait plus rien du tout.

Tentant d'écouter les battements de son cœur (enfin, là où son cœur aurait dû encore se trouver), il n'entendit rien non plus.

Rien, si ce n'est le silence.

Rien, plus que du vide.

Il se releva, les jambes encore tremblantes, et le souffle erratique.

« QU'EST-CE QUE TU M'AS FAIT ? Hurla-t-il alors de toutes ses forces, les larmes aux yeux. »

La phrase tournait en boucle dans sa tête.

Sa propre sœur, sa jumelle, lui avait arraché le cœur.

Et il tenait encore debout, il était encore vivant, et ça n'avait pas le moindre sens.

Sa sœur avait fait de lui un monstre, un mort-vivant, autre chose, qui ne valait pas mieux que les marcheurs blancs...

Sa sœur enferma alors son cœur battant dans une boîte, frappée du sceau de leur maison.

« J'ai fait ce qu'il y a de mieux pour nous mon amour... Si seulement tu pouvais comprendre...

- Comprendre quoi ? Tu... tu m'as arraché le cœur Cersei !

Il commença alors à comprendre.

- Tu veux faire de moi ta créature, c'est ça ? Ta chose, ton jouet, cracha-t-il, infiniment dégoûté, tremblant de tout son corps. Tu veux me contrôler, que je t'appartienne corps et âme...

Qu'allait-elle donc faire de lui dans ce nouveau monde ?

Et une autre peur s'empara de lui...

Qu'allait-elle faire de Brienne ?

- Tu n'as pas fait ça pour nous... Tu l'as fait pour toi, parce qu'il n'a toujours été question que de toi !

- Jaime mon amour, s'il te plaît, ne rend pas les choses plus difficiles... »

Elle se rapprocha de lui, et essuya ses larmes, souriant toujours, et il sut alors qu'il était trop tard.

Il sut que son enfer venait tout juste de commencer.

« Je n'arrêterai jamais de me battre contre toi... Lança-t-il, fier, comme à son habitude. Toujours je lutterai, je...

- Tu auras oublié... Comment pourrais-tu te battre pour ce qui n'a jamais existé ?

- Ce ne sera jamais réel... Ce ne sera jamais le vrai moi ! Tu n'étreindras qu'un fantôme, rien de plus. »

Elle lui caressa les cheveux, et alors qu'il pensait à lui transpercer le cœur, il réalisa soudainement que son épée était maintenant aux mains de Gregor Clegane...

Il continua à pleurer, demandant intérieurement pardon à tout les habitants des Sept Couronnes qu'il n'avait pas pu sauver de la folie de Cersei.

« Pour moi, ce sera suffisamment réel, ne t'inquiète pas... Et pour toi aussi, tu peux en être sûr... »

Vraiment ?

Est-ce que ce sortilège était suffisamment puissant pour lui faire oublier son amour pour Brienne ?

Il espérait que non.

Il espérait de toutes ses forces que, dans une partie du cœur qu'il n'avait plus, ses sentiments pour la femme chevalier venue de Torth subsisteraient encore.

Et qu'un jour, l'oubli s'effacerait, et qu'il la retrouverait...

Il la retrouverait, se jura-t-il, où qu'ils soient, peu importe où la malédiction allait les envoyer...

Il la retrouverait toujours...

Cersei l'embrassa alors, et il sentit une violente nausée l'envahit, avant qu'il ne la repousse de toutes ses forces, le plus loin possible de lui.

Il était encore libre pendant quelques secondes, autant qu'il en profite pour rester loin de celle qui allait bientôt ruiner sa vie.

Pas pour longtemps malheureusement.

Elle se contenta de sourire.

« Ne t'en fait pas mon amour, d'ici quelques secondes, tout sera fini... Et tu ne te souviendras même plus de pourquoi tu es en colère contre moi... Et tout ira pour le mieux. »

Il vit alors une fumée violette commencer à les entourer.

« Nous nous retrouverons dans un monde merveilleux, et nous pourrons enfin y avoir notre fin heureuse. »

La tienne, pas la mienne, pensa-t-il rageusement.

« Jaime ? Entendit-il alors hurler, derrière la porte du Donjon Rouge, et pendant quelques courtes secondes, il se surprit à espérer. »

Brienne était là, elle était venue pour lui.

Est-ce qu'elle ?

Mais non, bien sûr que non...

Trop tard.

Il était trop tard, il avait toujours été trop tard.

Je t'aime Brienne, eut-il le temps de penser avant que la malédiction et l'oubli ne finissent par l'emporter loin de Westeros...

« Tu te trompes Cersei, eut-il le temps d'ajouter. Ça, ce n'est pas de l'amour... »

§§§§

Jaime Lannister se réveilla le sourire aux lèvres.

C'était une bonne journée qui s'annonçait, de toute évidence, il en était certain.

Il se tourna vers sa femme qui venait à peine de se réveiller, et il lui sourit encore plus.

Il ignora très facilement l'étrange sensation qui l'envahit, ce nœud au cœur qu'il ne s'expliquait pas, se concentrant sur son visage magnifique, et encore ensommeillé.

« Bonjour mon amour... murmura-t-il... Bien dormi ? »

Elle hocha la tête, avant de l'embrasser, baiser auquel il répondit avec empressement et passion.

Et, collée contre lui, Cersei Lannister se mit à sourire.

A suivre...