Chapitre 8 : Une seconde de bonheur.
Titre – Une seconde de bonheur
W – Westeros (GOT)
Pangolin : Hadès - écrire une scène drama
Il y avait eu un avant la malédiction.
Même si en un sens, ils avaient toujours été un peu maudits quelque part, maintenant que Tyrion y pensait deux minutes, même avant que sa grande sœur ne les condamne tous à la solitude et à l'oubli, leur monde était maudit avant même qu'ils ne s'en échappent.
Les marcheurs blancs étaient leur malédiction personnelle en un sens, et alors qu'il sentait leur monde s'effondrer fragment par fragment, qu'il voyait la fumée violette du sortilège commencer à tout recouvrir, le nain se dit qu'il était finalement assez ironique qu'ils échappent à une malédiction pour être en fin de compte malgré eux coincés sous une autre.
Cela faisait sept ans qu'ils étaient maudits, sept longues années qu'ils subissaient ce cauchemar, qu'ils devaient faire face aux marcheurs blancs, qu'ils se devaient de se battre contre cet Enfer blanc qui menaçait de les submerger un peu plus à chaque seconde qui passait.
Avant d'être forcés à oublier, ils avaient été forcés de se battre pour ne pas avoir à disparaître.
Et maintenant, malgré tous leurs efforts, tout ce qu'ils avaient tenté de faire n'avait au final servi à rien du tout.
Jamais le lutin n'avait autant ressenti son impuissance face à une situation désespérée, et même la main de Shae dans la sienne ne suffit pas à faire disparaître son inquiétude.
Ils allaient disparaître en un sens, leurs vrais eux allaient disparaître et ils allaient oublier, s'oublier eux même aussi.
Et ce n'était pas juste.
Mais avant, oh avant…
Avant cela, ils avaient malgré tout réussi à être heureux.
Pour certains d'entre eux en tout cas.
§§§§
Il n'était pas heureux.
Cela, tout le monde à Kintzheim avait fini par le comprendre depuis le temps, après tout il n'avait aucune raison de l'être, pas alors que Cersei Lannister s'échinait chaque jour que les Sept faisaient à lui pourrir la vie.
Il aurait pu l'être, dans d'autres circonstances, et peut-être l'avait-il été autrefois, mais cette période de sa vie remontait à tellement loin qu'il n'arrivait même plus à s'en souvenir.
(En fait, il devait s'avouer qu'il ne se rappelait même pas d'avoir jamais réellement été heureux de toute sa vie, et ça, c'était bien triste.)
Il aurait aimé l'être vraiment, mais entre son penchant pour l'alcool, sa propension à ne jamais trouver de travail, ou à s'en faire virer dès qu'il en trouvait un, et le fait qu'il était tombé amoureux de la pire personne possible, non, il n'était vraiment pas heureux.
Sa vie professionnelle était désastreuse, sa vie privée n'était guère mieux, et sa vie sentimentale…
Il valait mieux ne pas en parler, honnêtement.
Et en même temps, était-ce réellement de sa faute si il était tombé amoureux d'une bonne sœur ?
Shae…
De toutes les femmes que comptait cette foutue ville, il avait fallu qu'il tombe amoureux de Shae.
L'univers devait vraiment le détester pour avoir osé lui faire un coup pareil.
Et quant bien même, quant bien même son appartenance au couvent n'aurait pas été un problème, et même si par miracle elle avait été amoureuse de lui, le nain alcoolique et dépressif, il ne pouvait de toute façon pas lui offrir la vie qu'elle méritait.
En somme, il était coincé dans une vie qu'il n'aimait pas et ne pensait de toute évidence pas mériter.
Tyrion Lannister n'était pas heureux dans ce monde, mais dans un autre univers, il l'avait été, pendant un temps.
§§§§
Il était heureux.
Il était heureux, et il en était le premier surpris, être heureux à Port-Réal n'était pas franchement donné à tout le monde, surtout dans ces circonstances, avec les marcheurs blancs qui menaçaient d'un jour prochain venir pour tout démolir.
Mais, malgré les dissensions, les intrigues, les désaccords, les disputes, malgré tout ce qui allait mal dans les Sept Couronnes, il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il était bel et bien heureux.
Il était heureux parce qu'il était amoureux, et peut-être était-ce stupide de sa part de retomber dans le même piège que celui où il avait plongé la tête la première et à pieds joints des années plus tôt, mais…
Il n'avait pas pu s'en empêcher, il était retombé amoureux.
D'une prostituée, encore, mais au moins, cette fois-ci, il savait parfaitement à quoi s'attendre.
Il l'aimait, et sans doute qu'il finirait cette histoire avec le cœur brisé, mais peu importe.
Le sourire brillant et lumineux de Shae était largement suffisant pour faire virevolter son cœur et éloigner les ombres qui peuplaient chaque jour de plus en plus le ciel de son esprit.
Ce serait suffisant.
Il fallait que ça le soit.
(Ça ne l'avait pas été, bien sûr, l'amour n'avait été suffisant pour personne, et la malédiction avait effacé l'amour, comme tout le reste, comme si rien de ce qu'ils avaient jamais vécu n'avait existé.
Comme si rien de tout ça n'avait jamais compté.
Comme si eux tous n'avaient jamais compté.
Et peut-être, finalement, était-ce bel et bien le cas.)
§§§§
Yara Greyjoy regarda avec un certain scepticisme ce qui l'entourait.
Winterfell…
Elle ne pensait pas jamais s'y rendre un jour, pas dans ces circonstances en tout cas.
Mais Père était mort, Mère commençait à peine à recouvrer la santé, et les marcheurs blancs étaient semble-t-il en marche.
Et elle allait enfin revoir son petit frère.
Elle essaya d'étouffer la rage qui l'envahissait alors qu'elle pénétrait là où vivaient ceux qui s'étaient autrefois opposés à la rébellion de Balon Greyjoy et qui avaient tué ses deux frères.
Elle savait très bien que son père était en très grande partie responsable de ce qui était arrivé, mais elle avait malgré tout bien du mal à faire disparaître la rancœur qui brûlait dans ses veines.
Elle n'était pas là pour faire la guerre, mais pour tisser une alliance, pour essayer de sauver ce qui pouvait encore l'être.
Elle n'était pas obligée d'être en colère, et Theon était là, il était vivant, il allait bien, et peut-être que ce serait suffisant.
Alors que son regard tombait durant de courtes secondes sur les enfants Stark, elle aperçut rapidement une longue chevelure, qu'elle identifia comme appartenant de toute évidence à Sansa Stark, sans avoir la moindre idée d'à quel point cette rencontre changerait un jour sa vie.
Là tout de suite, tout ce qu'elle voulait, c'était serrer son petit frère dans ses bras.
§§§§
2017.
Dunkerque.
Elle avait envie de pleurer.
Elle s'était réveillée les poings serrés de rage, pourquoi avait-il fallu qu'elle rêve de sa première rencontre avec Sansa exactement ?
Pourquoi est-ce que l'univers s'acharnait à la faire se souvenir de ce qu'elle avait perdu et dont elle avait été si cruellement séparée ?
Cela faisait déjà deux mois qu'elle avait atterri ici, deux longs mois que la femme qu'elle aimait et tant d'autres avaient perdu la mémoire.
Cela faisait deux mois, et elle n'avait toujours aucun moyen de savoir quoi faire pour régler cette situation.
Elle voulait juste rentrer à la maison, et cette maison c'était Theon et Sansa.
Elle ne put bientôt plus retenir ses larmes.
Oh par le dieu noyé, comme ils lui manquaient…
§§§§
Loras tremblait.
Ce n'était pas une chose à laquelle Renly était vraiment habitué, en fait, le simple fait de voir son amant avoir peur n'était pas une chose qu'il pouvait voir souvent d'ordinaire, et ce simple constat était en lui-même tout bonnement terrifiant.
Loras Tyrell était un chevalier, il savait se battre, mais la plupart de ses combats avaient constitué en des tournois, et surtout…
Surtout, ce à quoi ils faisaient face désormais n'avait absolument rien à voir avec tout ce qu'ils avaient pu combattre ou affronter par le passé et n'importe qui d'autre aurait été terrifié à sa place.
Renly lui aussi avait peur mais il le cachait un peu mieux que lui, sans doute parce que contrairement à la rose, il n'avait pas eu à les affronter directement.
Il avait vu les marcheurs blancs, mais en revanche, il n'avait pas eu à se battre contre eux.
Il n'avait pas senti le souffle glacé de la mort se poser sur lui, il n'avait pas ressenti cette terreur qui avait saisi le Tyrell face aux créatures inhumaines qu'il avait dû tuer (ou plutôt tuer une nouvelle fois), et il n'avait pas non plus ressenti ce froid atroce qui avait glacé chacun de ses os un par un.
Lorsque Loras avait commencé son récit, le cerf avait frissonné à son tour, ne pouvant qu'imaginer tout ce qu'il pouvait y avoir d'atroce et d'abominable dans cette situation.
Il y avait une lueur hantée dans son regard, une lueur qu'il avait également vue dans d'innombrables autres yeux.
Et Renly Baratheon ne se souvenait que trop peu de la Rébellion de Robert pour pouvoir réellement effectuer une comparaison, mais il avait le sentiment qu'à côté de ce qu'ils étaient en train de vivre, cette dernière était en fin de compte presque une promenade de santé.
Il devait l'avouer, jamais il n'avait eu aussi peur de toute son existence.
Alors il serra Loras dans ses bras, contre lui, comme si il s'attendait à ce que la protection de ses simples bras soit parfaitement suffisante pour éloigner de lui les ombres des marcheurs blancs.
Il savait bien que ce n'était pas le cas, mais ce n'était pas ça qui allait l'empêcher de ne serait-ce qu'au moins essayer.
« Tout va bien se passer, murmura-t-il finalement à Loras. »
Et c'était peut-être un mensonge rassurant et rien de plus, mais le chevalier avait réellement et sincèrement envie de croire que ça puisse être vrai.
§§§§
Stannis avait envie de hurler.
Il n'aurait pas su dire exactement depuis combien de temps ils se trouvaient désormais à Kintzheim, dans ce monde qui n'avait absolument rien à voir avec Westeros, mais bizarrement, ça lui semblait à la fois faire plusieurs années, voire une éternité (la faute à la vie fictive qu'il avait dans le crâne et qu'il avait parfois le sentiment d'avoir réellement vécue. C'était à en devenir fou) tout en semblant en même temps ne durer que depuis quelques semaines.
Mais comment savoir, maintenant qu'ils vivaient dans une ville où le temps s'était arrêté et où absolument rien ne changeait jamais ?
Comment est-ce qu'il aurait pu savoir que cela faisait désormais six mois entier que le Sort Noir avait été lancé ?
Et une autre question le hantait également.
Comment est-ce que toute cette histoire allait finir ?
Comment est-ce que la malédiction serait brisée, si du moins elle pouvait l'être ?
(Il se souvenait de qui il était, mais il avait oublié la chanson, comme tous les autres.
Il avait oublié, et il ne se souviendrait probablement plus jamais.)
Ce qui lui faisait le plus mal dans tout ça, c'était Shireen.
Sa fille l'avait oublié, elle avait oublié son existence, elle avait oublié qu'il était son père et non son oncle, et tout en lui hurlait de rage et de tristesse dès qu'il la voyait.
C'était sa fille, et elle l'avait oublié.
La seule chose qui le consolait dans tout ça, c'est qu'elle était heureuse, sans doute plus heureuse et épanouie qu'elle ne l'avait jamais été lorsqu'elle était encore sa fille et celle de Selyse, parce que Selyse n'était plus là pour la rabaisser.
(Cette dernière avait changé avec la malédiction, dans cette version de l'histoire, elle n'était pas une fanatique du maître de la lumière, mais d'un autre côté elle n'avait fait que des fausses couches, et leur mariage n'avait plus rien de solide depuis bien longtemps.
Elle n'était définitivement pas heureuse, et lui non plus.)
Élevée par Renly et Loras, la fillette était heureuse et hormis quelques remarques désobligeantes sur son visage, elle n'était pas seule et avait même des amis.
Avant, lorsqu'il vivait encore à Westeros, il le savait, il n'aurait pas approuvé la relation de son petit frère et du petit-fils de Olenna.
Mais avec les souvenirs de ce monde dans la tête, son point de vue avait changé, et certes, il n'aimait toujours pas Loras (rancune familiale oblige) et Renly restait toujours autant insupportable, mais il restait son frère, et il l'aimait, et le fait qu'il soit heureux était définitivement une bonne chose.
Il ne pouvait pas nier qu'ils étaient de bons parents pour Shireen, tout comme il ne pouvait pas nier la douleur acre qui envahissait sa poitrine dès que l'enfant le désignait comme « tonton Stannis ».
Tout ce qu'il voulait, c'était que quelqu'un les sorte de là un jour.
Parce qu'il n'était pas sûr de savoir comment faire pour y arriver…
A suivre…
