Chapitre 9 : L'hiver arrive.
Titre – L'hiver arrive
Sagittaire : Yara Greyjoy (GOT)
Y : Yara Greyjoy
Il faisait froid.
Oh par les Sept quel choc, Oberyn en était proprement ébahi (c'est faux), après tout il s'agissait du Nord, qu'il y fasse froid était… plus que compréhensible et même attendu.
En tout cas, ça les changeait, eux, les gens du Sud qui pour la plupart ne connaissaient que Dorne ou Port-Réal, eux qui n'étaient presque jamais montés au Nord de leur vie, et il ne parlait pas de Winterfell, non.
Il parlait de ce qu'il y avait encore plus haut, ce qu'il y avait au-delà du Mur, ce que certains appelaient le vrai Nord.
Et oui, Oberyn Martell devait le reconnaître, lui, la Vipère rouge, qui avait tant voyagé, il n'avait jamais eu aussi froid de toute sa vie, et apparemment il n'était pas le seul.
Mais ce froid glacial ne serait bientôt rien en comparaison à ce qui allait bientôt leur geler le cœur et l'âme pour toujours lorsqu'ils les découvriraient enfin.
Les Marcheurs blancs.
Ce fut en les voyant pour de vrai qu'ils comprirent alors pour la première fois tout ce qu'ils risquaient de perdre dans le futur.
§§§§
Il aurait sans doute dû être heureux.
Il l'était, peut-être, ou du moins il en avait le sentiment, il était Oberyn Martell après tout, il avait une famille, il était père, il était amoureux et aimé d'une femme magnifique, ils étaient ensemble, et tout allait bien, mais…
Mais sans savoir pourquoi, parfois, lorsqu'il regardait Ellaria, il avait le sentiment que quelque chose manquait.
Ou plutôt quelqu'un.
Mais comment aurait-il pu le savoir après tout ?
Il avait oublié, comme tout le monde.
§§§§
Jeyne Poole connaissait par cœur les traces qui se trouvaient sur le visage de Sansa désormais.
Un bleu en passe de virer au violet ornait désormais sa joue gauche, et la brune sentit sa main se crisper autour de son verre.
La rousse pouvait bien prétendre qu'elle s'était cognée quelque part, la jeune femme de vingt ans savait qu'il n'en était rien.
Et cette situation, tout ce qui l'entourait, la rendait tout bonnement malade.
Les deux étudiantes s'étaient retrouvées comme tous les jours après leurs cours de la matinée pour déjeuner ensemble, et elle n'avait pas pu faire abstraction de ce qui se trouvait juste sous ses yeux.
« C'est la faute de Joffrey, n'est-ce pas ? Lança-t-elle immédiatement à son amie.
Sansa sursauta et son regard se fit fuyant, apportant en lui-même une réponse à sa question sans qu'elle eut besoin d'ouvrir la bouche, et Jeyne dut à grand-peine retenir un soupir de découragement.
- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, nia-t-elle en continuant de manger, et essayant de faire comme si de rien n'était.
Avec une violence et une brusquerie qu'elle ne parvint pas à contrôler, sentant la colère gronder en elle, elle reposa son verre sur la table et en entendant le bruit sourd, Sansa sursauta, et Jeyne regretta aussitôt son geste.
Joffrey était probablement déjà suffisamment violent avec elle comme ça, elle n'avait pas à en rajouter.
- Désolée. C'est juste que… Sansa, tu mens terriblement mal, tu le sais ça ?
La rousse finit par la regarder et poser ses yeux bleus sur elle.
- C'était un accident, plaida-t-elle, ne semblant même pas croire à ce qu'elle disait, il a dit qu'il ne recommencerait pas.
Et alors, Jeyne sentit son estomac se nouer, alors que son appétit s'envolait pour de bon.
Le fait qu'elle admette que ça s'était produit rendait les choses presque pires en fin de compte.
Joffrey l'avait frappé, et pourtant, elle le défendait, et Jeyne regrettait parfois de ne pas avoir de petit-ami mais présentement, elle n'avait jamais été aussi heureuse d'être célibataire.
Le petit-ami de Sansa, non, pire encore, son fiancé, semblait au début bien sous tout rapport, et puis la brune avait peu à peu appris, comme son amie, à voir sous son masque, et elle avait fini par se rendre compte de ce qu'il était vraiment.
Un monstre.
- Oui, c'est ce qu'il a dit la dernière fois, siffla-t-elle.
- Il s'est excusé, ajouta-t-elle.
- Oh tu veux dire comme Ramsay s'excuse auprès de Theon ?
Et Jeyne se demanda combien d'autres relations abusives il y avait à Kintzheim, combien de personnes souffraient en silence, sans rien dire, sans que personne ne le voit, et la nausée l'envahit.
Elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose contre ça, mais elle ne le pouvait pas, et ça la tuait.
- Tu n'es pas obligée de faire ça tu sais.
- Quoi donc ?
- De souffrir comme ça, en silence, de te taire, de faire comme si il n'y avait rien, de cacher ce qu'il te fait… Tu peux…
- Je peux quoi ?
- Le quitter.
- Je ne peux pas Jeyne, et tu le sais, tu sais très bien pourquoi.
Jeyne se retint de lever les yeux au ciel.
Sansa avait besoin de soutien, pas que quelqu'un la juge.
Parce que, si Sansa était réellement tombée amoureuse de Joffrey Lannister autrefois, lorsqu'ils n'étaient encore que des adolescents, par la suite, leurs fiançailles avaient été décidées par leurs parents respectifs, afin d'unir les familles Lannister et Baelish.
Après avoir été un temps jalouse de son amie et de sa famille si prestigieuse, oh, maintenant, Jeyne s'estimait bien plus chanceuse qu'elle en fin de compte, au vu de ce qu'on lui forçait à subir et à endurer.
Son père surtout, il devait savoir, il était Petyr Baelish, il savait toujours tout, il devait savoir que sa fille était malheureuse.
(Peut-être le savait-il, ou peut-être ne voyait-il rien, peut-être ne voyait-il que Catelyn et ce bonheur factice qu'il était parvenu à arracher au destin par la ruse.)
Catelyn Baelish, en revanche, semblait n'être au courant de rien, d'un autre côté, Sansa était devenue douée avec le temps pour dissimuler les sévices que Joffrey pouvait lui infliger, et en dehors de Jeyne, les gens ne savaient pas ce qu'elle vivait.
Ou alors ils faisaient semblant de ne pas savoir, de ne rien voir, et Jeyne ne savait sincèrement pas quelle option elle préférait.
- Des fiançailles, ça se rompt tu sais… Tu n'as pas à être sa prisonnière, et franchement un mariage arrangé… On est plus au Moyen-Age Sansa, on est au vingt-et-unième siècle !
(Oh, si elle avait su à quel point cette phrase pouvait sonner comme ironique en rétrospective, et en comparaison à ce monde dans lequel ils vivaient tous autrefois.)
- C'est ce que je dois faire Jeyne, c'est… c'est mon devoir.
Son amie la regarda avec incrédulité.
- Ton devoir c'est de te faire maltraiter par un mec qui ne t'aime pas, que tu n'aimes pas, et qui te terrifie ?
- Je suis une Baelish, mais ma mère était une Tully, et j'en suis également une, je… Famille, devoir, honneur. Ces mots ont un sens pour moi.
- La famille passe en premier, répliqua Jeyne avec un aplomb certain, bien décidée à ne pas abandonner. Tes parents, tes frères et ta sœur devraient bien le savoir, non ?
Alors que Sansa la regardait à nouveau droit dans les yeux, Jeyne sentit sa gorge se nouer alors qu'elle comprenait où était véritablement le cœur du problème.
Il n'y avait absolument plus aucune flamme dans les yeux de la rousse, aucune combativité, rien du tout, comme si elle avait déjà laissé tomber, comme si elle avait déjà accepté son sort, sans se battre.
Et elle ne se battrait plus, Jeyne en avait la terrible certitude.
(Avant, elle l'aurait fait, parce que dans ce monde froid et rude qu'était Westeros, la petite Sansa Stark avait grandi et avait appris à se battre, elle était devenue une femme forte et combative, et la malédiction lui avait enlevé tout cela.
Le sortilège lui avait fait oublier qui elle était vraiment, en plus de la condamner à une vie de souffrances, et ça, c'était bien triste.)
- Jeyne… Je ne veux plus qu'on en parle, c'est clair ?
- Mais je…
- Tout va bien se passer, tout va s'arranger. Je vais bien ne t'en fais pas. »
Menteuse, voulut lui hurler Jeyne, elle voulait le lui crier au visage, mais puisqu'elle ne le pouvait pas, elle se contenta de hocher la tête, sentant ses yeux et sa gorge la brûler.
« Comme tu voudras, murmura-t-elle. »
Alors que Sansa se levait et partait, elle soupira et serra les poings.
Elle réalisa alors qu'elles n'avaient même pas osé prononcer les deux mots à voix haute.
Violence conjugale.
Pourtant, c'était bien ce que c'était et, prenant une profonde inspiration, elle réalisa soudainement qu'elle avait pris sa décision.
Il fallait qu'elle parle à Eddard Stark.
§§§§
Elle avait tiré à côté, encore.
Pour ne pas laisser échapper un cri mêlé de rage et de frustration (c'est ce qu'Arya aurait fait, mais elle n'était pas sa sœur, alors elle ne le ferait pas), elle se mordit violemment la lèvre.
Elle ne balança pas non plus l'arc loin d'elle, bien qu'elle en mourait d'envie.
Sansa devait se rendre à l'évidence, une évidence qu'elle connaissait depuis déjà bien longtemps, elle n'était pas une guerrière, elle n'était pas une combattante, elle n'était pas sa sœur, ni ses frères ou son demi-frère.
Parfois, elle n'était même pas sure d'être une louve.
Avec les marcheurs blancs qui approchaient et la guerre qui venait avec, tous ceux qui pouvaient le faire devaient apprendre à se battre, ou au moins essayer, et elle échouait lamentablement.
Elle n'était déjà pas bonne avec une épée, mais avec un arc, c'était exactement la même chose.
Elle avait essayé pourtant, elle avait vraiment essayé, mais…
Elle n'était qu'une catastrophe, et cela faisait déjà des jours qu'elle s'entraînait, seule et pourtant elle n'y arrivait toujours pas.
« On dirait bien que le tir à l'arc n'est pas vraiment votre spécialité, lança une voix qu'elle reconnut aussitôt.
Celle de Yara Greyjoy, la sœur de Theon.
Elle se figea et se raidit immédiatement.
Elle connaissait la réputation des fer-nés, leur habilité au combat, à la hache mais aussi au tir à l'arc, et sa fierté en prit un coup.
Elle n'avait pas spécialement envie qu'on se moque d'elle.
Elle se tourna vers elle.
- En effet, lui rétorqua-t-elle, piquée à vif, je suis plus douée pour les travaux de couture. J'imagine que cela vous amuse ?
La seiche haussa les épaules.
- Honnêtement, non, nous aurons besoin de tous les combattants possibles pour lutter contre les marcheurs blancs et votre aide ne sera pas de trop.
- Je pense que vous devriez plutôt vous tourner vers ma sœur dans ce cas-là.
- Non, votre sœur Arya n'a pas besoin de moi… Vous en revanche, si.
La louve la regarda avec incrédulité.
- Vous… vous voudriez m'apprendre à tirer à l'arc ?
- Pourquoi pas ?
- Mais… je n'arrive absolument à rien ! Que ce soit seule ou avec un professeur.
Un sourire apparut sur le visage de Yara.
- Qui sait peut-être que je pourrais vous surprendre… ou bien c'est vous qui me surprendrez.
Sansa y pensa pendant quelques secondes avant de faire son choix et de prendre sa décision.
- C'est d'accord, dit-elle en souriant en retour à la jeune femme. »
Elle ne savait pas encore à quel point ce choix allait influence sa vie dans l'avenir.
§§§§
Malgré la douleur que pouvait lui provoquer ce souvenir, Yara se mit à sourire avec un air rêveur.
Elle n'arrivait pas à croire que cette scène se soit produite…
Oh par le Dieu noyé…
Cela faisait déjà un an qu'elle était perdue dans ce monde qu'elle connaissait si peu et qu'elle commençait à peine à maîtriser, et cette scène s'était déroulée peu de temps après son arrivée à Winterfell, deux ans après ce fameux jour où Ned Stark avait choisi de croire un déserteur de la garde de nuit plutôt que de l'exécuter.
Six ans…
Cela faisait déjà six ans maintenant qu'elle avait donné sa première leçon de tir à l'arc à Sansa Stark.
Et pourtant, elle s'en souvenait comme si c'était arrivé la veille.
La jeune fille de quinze ans avait mis beaucoup de temps à faire des progrès, mais en chemin, elle avait réussi à s'améliorer, petit à petit, et elles étaient devenues amies alors et puis plus.
Yara se souvenait avec nostalgie de ce premier baiser qu'elles avaient partagé plusieurs mois plus tard, lorsque Sansa avait réussi à atteindre sa cible.
Elle qui ne s'attendait pas à tomber amoureuse d'une louve, elle avait senti son cœur battre pour l'une d'entre elles, et le cœur de cette dernière lui avait répondu, et elles avaient été heureuses, si heureuses…
Son sourire s'effaça alors.
Et maintenant, Sansa ne se souvenait plus d'elle, elle était les dieux seuls savaient où, et la fer-née ne pouvait rien faire d'autre à part attendre et essayer de la retrouver.
Alors qu'elle entendait une voix discuter au téléphone (une invention remarquable, vraiment), elle se tendit soudainement en entendant un nom.
Lancel Lannister.
Ce nom lui disait quelque chose, c'était…
Oui, c'était le cousin de la reine Cersei Lannister, de Tyrion Lannister et de Jaime Lannister, elle se souvenait l'avoir aperçu à quelques reprises, mais comment…
Comment cette femme pouvait-elle connaître ce nom au juste ?
Ça aurait pu n'être qu'une simple coïncidence, juste un homonyme, mais…
D'autres noms avaient suivi, des noms qu'elle connaissait bien, Cersei Lannister, Sansa Stark, Brienne de Torth, et tant d'autres, et…
Est-ce que cette femme était une espionne de Cersei ?
Non, se raisonna-t-elle quelques secondes plus tard, une espionne n'aurait pas été aussi peu discrète, seulement, seulement…
Elle connaissait leurs noms.
Comment ?
Comment cela pouvait-il bien être possible ?
Il y avait quelque chose qu'elle n'arrivait pas à saisir, et le seul moyen de le faire, c'était de lui parler.
Elle se retourna, et Yara Greyjoy, renommée Esgred Miller, fit alors face à Marina Leszczynska.
Ce fut probablement le moment où tout bascula réellement pour elle.
A suivre…
