Écrit par HateWeasel
323. Être mauvais.
Les jours suivants ne furent pas particulièrement intéressants, c'était le cas de le dire. Tout le monde reprenait sa routine, tandis que « Revy » essayait de s'en créer une. Le reste de la maison se faisait petit à petit à sa présence, mais ce n'était pas chose aisée. Alors que le temps passait, ils se rendirent compte d'à quel point il était différent d'Alois.
Le garçon n'aimait pas les vêtements tape-à-l'œil, il n'était pas non plus bruyant, mais il était cynique, et quelque peu pessimiste. Quoique ces traits de caractère soient communs avec ceux du chef de la demeure Phantomhive, le bleuté ne l'était que lorsque nécessaire. « Revy » était ainsi avec presque tout, même pour les choses les plus banales. Regarder la télévision avec lui était agaçant car il remettait en question chaque aspect de la « logique télé », et il était très difficile pour ce qui était de la nourriture. Revy jugeait également beaucoup, qu'il s'agisse des accoutrements des autres, ou d'un style de vie particulier, s'il n'était pas d'accord avec, alors c'était « mal ».
A part pour tout cela, c'était un bon petit gars. Il était calme, et, la plupart du temps, plutôt respectueux. Même s'il n'approuvait pas la relation du duo de démons, il faisait attention à garder ses réflexions pour lui-même afin d'être poli avec ses hôtes. Revy était serviable, et faisait ce qu'on lui disait. Il était aussi serviable avec Luka lorsque ce dernier ne comprenait pas quelque chose dans ses cours, bien qu'il ne soit pas lui-même éduqué, mais assez, semblerait-il, pour lire et l'aider. Le plus jeune des « Macken » ne l'appréciait pas trop pour l'instant, trouvant le blond « tolérable », comme il le disait lui-même.
Les ajustements étaient graduels, mais ils se faisaient naturellement. Tout le monde reprenait son train-train quotidien en retournant à l'école, et en finissant la paperasse que le bleuté avait négligé pendant si longtemps. Malheureusement, le garçon avait tout laissé de côté dans sa panique causée par le problème de santé de son petit Roméo blond, et il n'avait pas touché à sa scolarité, à ses dossiers, et il n'avait pas suivi l'affaire de meurtre pour laquelle on l'avait appelée. Les jours suivant l'incident du « revenant » y furent donc accordés.
Ciel répondit enfin au message vocal laissé par Bailey « Junior » tandis qu'Alois l'aidait à remplir ses papiers. Heureusement pour lui, les informations qu'il avait donnée à Scotland Yard sur le sujet avaient été amplement suffisantes pour les aider à faire une arrestation. Mais pour s'en assurer, le bleuté passait en revue le rapport personnellement afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de failles dans cette affaire.
En parallèle, Alois était assis sur le canapé dans le grand bureau, remplissant des papiers. Le garçon imitait plutôt bien l'écriture du Phantomhive maintenant. Il s'arrêtait, parfois, et échangeait avec le bleuté à propos de passages qui demandaient la participation directe de l'autre garçon avant de se rasseoir et de reprendre son travail, s'assurant de ne déranger Ciel qu'entre ses appels professionnels. Il n'avait pas peur de faire des pauses afin de faire des grimaces à l'autre garçon pour s'amuser, cependant, dès que ce dernier était au téléphone, c'est-à-dire au moment où il ne pouvait ni répondre ni rire.
Il fallut plusieurs heures, mais finalement, cette partie du travail fut terminée. Puis, il fut temps pour le bleuté de rejoindre Alois sur le canapé pour remplir à son tour la paperasse. Il y avait une pile bien fournie qui devait être renvoyée aussi vite que possible, le tout organisé en huit piles différentes. Une pour Phantom, une pour H.E.L.L.S.I.N.G et la Table Ronde, une pour les dépenses diverses ; le reste était pour des travaux accomplis, séparés dans leurs propres piles.
- Merci de m'aider avec tout ça, dit enfin Ciel, se sentant quelque peu coupable de demander au blond de l'aide. Je sais que ce n'est pas l'activité la plus « intéressante », mais ce doit être fait.
- T'inquiète, répondit le Macken. Je t'en dois une, de toute façon, comme tu héberges ma pseudo famille. Ce n'est vraiment rien pour moi.
- Ne t'en fais pas, répondit le bleuté. Revy n'est que temporaire, et Luka fait de la compagnie à Sebastian. Cela ne pose aucun problème.
- Mais regarde toutes ces dépenses… dit le blond, horrifié par le montant des factures et des finances face à lui.
Son bien-aimé se contenta de ricaner.
- C'est de l'argent de poche, ça, répondit Ciel. Rien d'inquiétant. D'ailleurs, ce n'est pas comme si cet argent servait à autre chose, si ? demanda-t-il et le blond acquiesça.
La conversation s'arrêta un moment, puis, le blond reprit la parole.
- Eh, Ciel ?
- Oui ? demanda le bleuté, levant un sourcil en regardant le blond.
- S'il n'y a qu'une certaine somme d'argent circulant dans l'économie à un moment donné, et qu'on garde cet argent sans le dépenser, alors qu'est-ce qui arrive aux autres ? demanda Alois, sa question surprenant sincèrement le Phantomhive.
- H-Hein ? dit l'autre garçon, incapable de trouver une réponse.
- Je suis sérieux ! Qu'est-ce qui se passe ? Cet argent n'est pas censé circuler, quelque chose comme ça ? continua le blond. S'il reste juste tout en haut, alors qu'est-ce qui arrive tout en bas ? On ne peut pas imprimer plus d'argent, sinon l'inflation fera baisser la valeur, ce qui empirera les choses…
- Euuuh… eh bien… ? commença le bleuté, tentant de chercher une réponse.
Il claqua des doigts lorsqu'il trouva enfin.
- C'est ce que l'on appelle « l'économie du ruissellement », dit-il, observant le blond incliner la tête dans l'attente d'une explication. Ce qui arrive, c'est que l'on investit cet argent, et qu'il finit par arriver entre les mains des classes populaires.
- Comment est-ce que ça marche ?
- Ça marche, c'est tout… répondit Ciel, commençant à être embarrassé face à l'expression cynique du blond.
- Ciel… dit le démon blond.
- O-Oui ?
- Cette « économie du ruissellement », on dirait que ça veut juste dire que tu pisses sur les pauvres, asséna Alois, prenant le bleuté de court.
Il était tout à fait normal pour Alois d'être sceptique. Il avait grandi en étant un orphelin à la rue et sans le sou, Ciel comprenait cela. Il comprenait pourquoi Alois n'aimait pas ce concept, mais en même temps, le bleuté avait grandi dans une famille riche, avec leurs propres valeurs et morale. Croyez-le ou non, Ciel n'était pas un saint. Il avait toujours été avare quand on parlait de profits, comme n'importe quel autre homme d'affaires. Maintenant, cependant, il devait éviter d'agacer son partenaire, mais il n'y avait aucune échappatoire logique. Alois n'était pas idiot, et il ne se ferait pas avoir par une excuse banale du système. Allons bon, les Américains se remettaient à peine d'une dépression causée par ce même système, le monde entier en était conscient. Tout le monde le savait, mais pourtant, le système était toujours en place.
- E-Eh bien… commença le bleuté, à la recherche d'une excuse.
Finalement, cependant, il baissa la tête face à sa défaite.
- … Je suppose que c'est vrai…
- Et on continue à faire comme ça, pourquoi ? demanda le blond, regardant l'autre garçon droit dans l'œil.
- Parce que… les politiciens sont riches, aussi, et tout aussi cupides ? répondit le bleuté avec hésitation, recevant un coup joueur au bras.
- Mais quoi ?! C'est clairement une idée de merde pour tout le monde ! Si les pauvres n'ont pas d'argent, alors qui va acheter tes produits ?! cria le blond, assenant à l'autre garçon une pluie de coups de poings inoffensifs comme pour essayer de se faire comprendre.
C'était inutile. Ciel comprenait. Une fois que le blond eut terminé, il se contenta de rester assis, choqué par la révélation.
D'un point de vue historique, chaque fois que ce système était mis en place, il menait à une récession, ou contribuait à la chute d'anciens empires comme celui de Rome. « Ceux qui n'arrivent pas à apprendre de l'histoire sont condamnés à la répéter », et au vu de la situation du bleuté, il serait lui aussi touché puisqu'il vivrait assez longtemps pour y assister. Il prit un moment pour se frotter le front et y réfléchir, mais cela sembla seulement donner de nouveaux arguments au blond, et pas de la bonne manière.
- Est-ce que tu es stupide ?! demanda Alois. Comment est-ce que tu n'as pas vu ça, putain ?!
- Ce n'est pas comme si je pouvais y faire quoi que ce soit ! protesta le bleuté.
- Oh je t'en prie ! Tu as de l'argent ! Donne à une charité ! Passe un pot de vin à des membres du parlement ! Ça ne te sert à rien, de toute façon, c'est juste en train de prendre la poussière dans un compte en Suisse ! Tu es censé être intelligeeeent !
- Je suis intelligent ! Je n'y ai juste pas pensé de cette manière !
- Tu es horrible ! l'accusa le blond.
- Je suis un démon ! lança Ciel.
- Moi aussi, haleine de bite !
- En quoi suis-je une « haleine de bite » ?!
- On sait très bien qui suce le plus par ici, Ciel, dit le blond, juste avant de produire un petit bruit de surprise lorsque le bleuté le poussa sur le dos, son corps prenant une étrange position où ses jambes étaient encore sur le côté du canapé.
- Tout à fait. C'est ce que font ceux qui sont tout en haut, répondit le bleuté, regardant le blond avec un sourire arrogant, amusé par la moue de ce dernier.
- Oh, non. Ne crois pas que tu vas t'en sortir comme ça, Phantomhive, l'avertit l'autre garçon. Tu es doué, mais pas aussi doué.
- Très bien, dit Ciel, enroulant une mèche blonde appartenant au garçon en-dessous de lui autour de son doigt. Je vais jouer le jeu. Choisis quelques charités à qui tu veux que je fasse un don, et je le ferai. Cela me donnera une bonne réputation auprès de l'opinion public, de toute manière.
Il sourit, et le blond en fit de même, cette fois.
- Tu es un sombre fils de pute, tu le sais ça ? répondit Alois, soupirant face au ricanement qui naquit dans la gorge du bleuté.
- Oui, mais tu m'aimes quand même.
- Tu as juste de la chance que ce soit plutôt sexy, parfois, répliqua le blond. Cette fois, par contre, pas trop.
- Oh, comment ça ? demanda Ciel en levant un sourcil.
- On vient de parler des horribles failles dans le système économique mondial qui affectent la vie de millions de personnes, et maintenant tu me dragues ? répondit Alois.
Il y eut une pause, alors que le bleuté cherchait une réponse, mais son sourire resta.
- Oui, dit-il simplement. C'est exactement ça.
- Tu es mauvais, accusa le blond.
- Allons, allons, je t'aime aussi, muffin, répondit Ciel. Mais, si mon cher petit ami le demande, je ne le toucherai pas même d'un doigt, ajouta-t-il en se rasseyant et en regardant à nouveau les piles de papier.
Le bleuté ne s'embêta même pas à dissimuler son petit sourire alors qu'il compta les secondes jusqu'à ce qu'Alois réponde comme il s'y attendait :
- Fais ça vite, dit le blond en tirant sur la chemise du bleuté, les joues légèrement roses. On doit encore finir ta paperasse…
- Oh, j'aimerais beaucoup, votre majesté, répondit Ciel, se retournant vers la menace blonde pour l'embrasser, … mais je crois que je vais prendre mon temps.
- Ciel ! geint le blond pour protester alors qu'il fut à nouveau poussé sur le dos.
- Je m'excuserai bien, mais comme tu le sais, je suis « mauvais »...
