Bon anniversaire Setsu !
J'avoue, j'ai longtemps hésité, comme tu le sais je suis en manque d'inspiration ces temps-ci. Et puis j'ai repensé à un de nos délires et je me suis dis que c'était l'occasion parfaite. J'espère que cette petite histoire vous plaira, mais à toi tout particulièrement.

Bonne lecture !


Kagami Mercury

Sur le pas de sa porte, Kagami salue une dernière fois ses amis et s'appuie au battant dans un soupir en la refermant. Puis il se retourne sur son appartement et sent le courage l'abandonner en découvrant le bazar qui règne.

Kagami ne sait pas exactement quand ni comment il a fini par devenir ami avec cette bande de tarés mais toujours est-il qu'il ne refuse jamais une de leurs invitations. Parce qu'il ne refuse tout simplement jamais un basket. Encore moins s'il a l'opportunité d'affronter des gars de la trempe de la génération des miracles. Ce n'est pas rare qu'après les matchs qu'ils organisent à l'occasion, ils passent du temps ensemble pour prolonger la rencontre. Et cette fois, ils ont presque tous finit chez lui. Une soirée improvisée, de celle qui voit le nombre d'invités gonfler en cours de route et qui laisse une quantité de ménage proportionnelle le lendemain… Seulement, même si rien n'a été prémédité, en bon hôte qu'il s'efforce d'être, il a refusé que ceux qui sont restés dormir là cette nuit l'aident à ranger, les mettant presque dehors. Ils en ont bien fait assez en ramenant de quoi boire et manger, le délestant de la plus grosse corvée, bien qu'il aime l'exécuter : la cuisine. Même si c'est toujours un casse-tête de faire à manger pour autant de bouches, d'autant que Murasakibara compte facilement pour quatre à lui tout seul, voir cinq après un après-midi de basket.

Mais ce matin, c'est toutes les autres besognes sauf celle-ci qui lui restent sur les bras. De la porte où il est toujours collé, il peut voir la montagne de vaisselle dépasser de son évier, évaluer le nombre de sacs poubelle dont il va avoir besoin, sans oublier toutes les tâches qu'il effectue habituellement le dimanche comme sa lessive et la poussière entre autres joyeusetés.

Kagami se frotte le visage en grognant, et visualise derrière ses paupières son appartement en ordre et à la propreté irréprochable à laquelle il est attaché. Il ne sera de toute façon pas capable de se détendre avant de le retrouver dans cet état, alors autant s'y mettre tout de suite, se dit il résigné.

Déterminé à en finir au plus vite il attrape son casque sur le chemin de la cuisine et choisit une playlist soigneusement élaborée pour se donner de l'entrain sur son téléphone. D'habitude, il n'hésite pas à faire vibrer les enceintes mais aujourd'hui il a quelques scrupules. Parce qu'en plus des voisins rabat-joie, il reste un invité sous son toit et qu'il préfère éviter de le réveiller… En effet, s'il a appris à faire avec le sale caractère de Aomine, il a découvert qu'il pouvait être encore pire en cas de quotas de sommeil non respecté. Et vu l'heure à laquelle ils se sont couchés cette nuit… il ne devrait pas le voir émerger avant… Il ne sait même pas exactement combien d'heures d'affilées le brun est capable de dormir. S'il y a bien un domaine où il ne peut pas rivaliser avec lui, c'est celui-ci. Il n'est pas au mieux de sa forme après cette courte nuit, mais contrairement à la panthère, quelques heures lui suffisent pour recharger ses batteries.

C'est donc avec la musique dans l'intimité de son casque que Kagami s'attèle au plus urgent : la vaisselle. Il se retrousse les manches et effectue les gestes avec automatisme en se perdant dans les différentes chansons, prenant garde à ne pas faire trop de bruit. Bientôt il trouve son rythme et hoche la tête sur celui des guitares qui reboostent son moral aussi sûrement qu'une partie de basket. Son casque le quitte rarement. La musique l'a toujours aidé à se canaliser, et elle a une grande influence sur son humeur. Depuis des années, il peaufine ses listes de chansons préférées. Il a une playlist pour chaque occasion, chaque état d'âme, chaque ambiance. Celle qu'il a affectueusement nommé « moove your ass » remplis d'ailleurs parfaitement son office et lui donne l'énergie dont il a besoin pour la tâche ingrate qu'est le ménage dominical post soirée.

L'égouttoir de son petit évier est rapidement débordé, il décide alors de tout essuyer et de tout ranger. Les mains sur les hanches Kagami observe sa cuisine d'un air satisfait. La zone est dégagée, il peut passer à la suivante l'esprit déjà plus léger. Il attrape un sac poubelle et calle le reste du rouleau dans la poche arrière de son pantalon. Sur un pas de danse incontrôlable, il rejoint son salon et poursuit son ménage en murmurant les paroles entrainantes qu'il connait par cœur.
L'appartement délesté des ordures, il y voit déjà plus clair. Les poubelles sorties, il attrape son plumeau dans le placard et part à la chasse aux poussières sans plus se rendre compte de ses mouvements. Perdu dans sa musique, Kagami se dandine en cadence, ondulant d'une étagère à l'autre. L'étape qui ne lui prend d'ordinaire pas si longtemps se voit interrompue par un playback auquel il ne peut résister. Son arme anti saletés se transforme en micro imaginaire et en sourdine, il s'époumonne dedans, entonnant Don't stop me now du mythique groupe Queen. Il s'improvise show man, complètement transporté par la musique. Il agite son plumeau en tous sens, _heureusement, c'est un de ceux qui retient la poussière_ lui donnant tantôt le rôle d'une baguette de batterie, tantôt celui de la guitare sur laquelle il s'acharne avant de lui rendre sa première fonction pour caresser une étagère.


Lorsque que Aomine ouvre les yeux en fin de matinée, il lui faut quelques instants pour comprendre où il est. La chambre ressemble étonnement à la sienne, décorée des mêmes posters. À quelques visages prêts, il reconnait les athlètes qu'il admire. Pour y être déjà venu, il finit par identifier la chambre de Kagami. En se redressant dans le lit, il fouille sa mémoire pour comprendre. Il se rappelle alors l'après-midi basket entre potes, la soirée chez son rival et la chambre d'ami qu'il emprunte d'habitude quand il reste squatter, déjà occupée, ainsi que le canapé, quand il a cherché à s'allonger quelque part. Prit d'un doute, il cherche autour de lui et découvre un futon déplié à côté du lit. Soulagé, il se passe une main dans les cheveux en baillant. Déjà qu'il accepte de traîner avec lui, il ne faudrait pas non plus que Bakagami se croit permis de dormir dans le même lit. Déjà la même chambre, ça lui semble trop. Heureusement pour le tigre qu'il ne ronfle pas…

Aomine tend l'oreille et s'étonne de trouver l'appartement plongé dans le silence. Il se demande si les autres sont déjà partis ou s'ils sont tous sortis pour manger quelque part sans lui. Pour en avoir le cœur net, il sort des draps au parfum devenu familier et enfile son pantalon échoué au sol. Il traverse le couloir en trainant des pieds et en s'étirant le dos, les yeux agressés par la lumière vive qui filtre depuis la baie vitrée du salon. Lorsqu'il débouche sur celui-ci encore ensommeillé, Aomine se fige.

S'il était mieux réveillé, il serait sûrement en train de se rouler par terre, mort de rire. Mais là, il est simplement sous le choc. Au milieu de son salon, se croyant sûrement seul au monde, il tombe sur Kagami en pleine transe. Une tout à fait différente de celle qu'ils expérimentent sur le parquet. Casque sur les oreilles et déhanché qui n'a rien à envié au sien, Kagami se trémousse au rythme d'une musique qu'il ne peut pas entendre. Le spectacle qui lui est offert est aussi insolite et déroutant que ridicule. Si la vision de son rival jouant du air guitare avec un balais debout sur son canapé le prend complètement au dépourvu, un immense sourire vient lui dévorer le visage. Aomine en reste sans voix, alors qu'il aurait mille choses à dire sur cette performance inattendue. Incrédule, il s'adosse au chambranle de la porte séparant l'espace de jour à celui des chambres et croise les bras sur sa poitrine, la paume de sa main couvrant sa bouche, et secoue la tête. Une part de lui a très envie de révéler sa présence et de laisser éclater son hilarité. Pourtant il reste immobile, incapable de décrocher son regard du tigre qui danse toujours, hypnotisé par l'énergie qu'il dégage. Une sorte d'aura qui transpire l'assurance et l'audace, guidant ses mouvements dont l'approximation en devient presque belle tant ils débordent de vie et de spontanéité. Malgré toutes les moqueries qu'il pourrait faire, même si s'est surprenant et un peu étrange de découvrir Kagami dans ce moment d'intimité, il se dit que ça lui va bien.

Curieux de savoir ce qui est capable de le mettre dans un tel état, il tend l'oreille. Dans les murmures étouffés et saccadés de Kagami il croit reconnaître une chanson que ce dernier lui a fait découvrir il y a quelques mois, entre autres classiques que l'américain considère comme « incontournables ». En découvrant qu'il ne connaissait pas la moitié, si ce n'est plus, des musiques qu'il diffuse pendant leurs affrontements sur sa petite enceinte portable, Kagami s'est indigné, décrétant qu'il était inconcevable d'avoir si peu de culture musicale, même pour un idiot comme lui. Depuis il se voit régulièrement offrir des compiles confectionnées par son rival, et si au début il s'en était offusqué, arguant qu'il n'avait rien à apprendre de lui, aujourd'hui il attend presque sa prochaine liste de groupes à écouter avec enthousiasme et curiosité. Il n'est donc pas peu fier de reconnaitre le titre I want to break free. Et quand il se souvient du clip vidéo associé à cette chanson, où le chanteur, déguisé en femme passe l'aspirateur, s'en est trop pour lui. Il éclate de rire. Pour sa défense, il faut dire aussi qu'à une perruque près, Kagami lui offre un spectacle pas si loin de l'original.

Son fou rire redouble d'intensité lorsqu'il voit Kagami faire un bond en se tournant vers lui, les yeux écarquillés de terreur. Le tigre ôte son casque d'un geste rageur, les joues gonflées et rougies. Entre l'effort et l'embarras, il a sa petite idée quant à la cause de ce phénomène. Le tigre marmonne un truc dans sa barbe, sourcils froncés et détourne le regard. Aomine a du mal à se calmer et il essuie une larme au coin de son œil en se tenant les côtes. Plus que de le voir remuer son popotin, c'est sa mine déconfite qui l'amuse.

« Quand t'auras fini de te foutre de ma gueule… »

Jamais. » Ricane-t-il goguenard.

Et sur ce, le showman du dimanche s'approche et lui tend sa guitare, euh, son balai, le défiant d'un regard noir tandis que la chanson résonne cette fois dans toute la pièce. Aomine mets une seconde à comprendre ce qu'il attend de lui, pas certain de savoir quoi faire du balai et laisse un soupir lui échapper en saisissant le manche de l'objet. D'un geste du menton, Kagami lui indique la zone qui reste à balayer et même si son ami a encore les joues rosies de la honte de s'être fait prendre, il ne se laisse pas démonter pour autant. S'il ne se déhanche plus comme un fou, du coin de l'œil Aomine remarque que Taïga ne peut pas s'empêcher de hocher la tête et de marmonner les paroles en passant la serpillère derrière lui. Aomine sourit encore, sans s'en rendre compte. Même s'il a du mal à l'admettre, il admire cette force de caractère chez son rival, qui se traduit le plus souvent par de l'entêtement et un aplomb sans faille. Quelque part, le fait qu'il assume pleinement et ne cherche ni à se cacher ni à se justifier de sa folie passagère lui ôte l'envie de le taquiner et force son respect. Et puis, d'une certaine façon, c'est comme si Kagami l'invitait dans son intimité en se laissant aller de la sorte et ça lui fait bien trop plaisir pour qu'il prenne le risque de le braquer. Même s'ils passent la majorité du temps qu'ils passent ensemble à se prendre le chou, il aime sa compagnie et sa façon de le défier sans cesse. Personne ne lui tient tête comme lui. Alors pour une fois, il ne cherche pas à le titiller, craignant de se voir mettre à la porte.


À sa grande surprise, Aomine ne le chambre pas plus que ça, et plus étonnant encore, il consent à l'aider pour finir le ménage sans broncher. Absorbé par sa tâche et la voix de Freddy, il en avait oublié la présence de son rival. Rare sont ceux qui l'ont surpris en train de s'adonner à ce plaisir coupable. Et aujourd'hui, Aomine vient de rejoindre le club très fermé composé de Alex, Tatsuya et Kuroko. Après que le fantôme ait découvert sa petite manie, il s'était pourtant juré de ne plus s'y faire prendre. Et non seulement il s'est encore fais avoir, mais en plus par la pire personne possible. Il redoute déjà les conséquences, et sa seule consolation, c'est que la panthère ne semble pas avoir eu le temps de saisir des preuves. Contrairement à son ombre, qui le fait chanter pour un oui ou pour un non, sans mauvais jeu de mot…

Son ménage terminé, Kagami admire son appartement, rasséréné. En voyant Aomine s'installer sur son canapé devant la console, il devine que ce dernier n'est pas pressé de rentrer. Il se demande vaguement si c'est la raison pour laquelle il ne lui a pas foutu plein la tronche après l'avoir pris en flagrant délit de karaoké silencieux et se dit que c'est fort possible. La panthère est plus docile, voir presque gentille, quant il s'agit de rester squatter chez lui. Alors il le laisse faire, reconnaissant pour sa participation et file s'occuper de son linge, dernière corvée sur sa liste.

Aomine ne lui en a jamais parlé. Même si c'est vrai qu'ils se sont rapprochés depuis qu'ils ont pris l'habitude de s'affronter en one on one, ils évoquent rarement leurs vies personnelles en dehors du lycée et du basket. Tout ce qu'il sait de sa situation, il l'a appris de Kuroko. Il a trouvé plus facile de demander au fantôme plutôt qu'au concerné. En sa présence, Aomine a encore ce truc qui lui donne l'air sauvage. Même s'il arrive mieux à le cerné, il a souvent l'impression qu'il pourrait lui échapper au moindre faux pas. Qu'il y a une barrière invisible qui les sépare. Celle qui distingue les potes des vrais amis. Celle qu'on fait tomber uniquement lorsqu'on on accepte de se montrer vulnérable face à l'autre. Et il connait assez bien l'animal maintenant pour le comprendre. Alors il y a des sujets qu'il n'aborde pas, sachant d'instinct qu'il vaut mieux laisser la panthère s'en ouvrir à son rythme.

Il sait donc de leur ami commun qu'Aomine n'a pas une vie de famille des plus facile et que parfois, il évite de rentrer trop tôt chez lui. Trouvant refuge dans le basket la plupart du temps. Alors à défaut de pouvoir lui offrir une oreille attentive, puisque son rival n'est pas le genre à se confier, il peut au moins lui offrir un asile de temps à autre. Que ce soit sur le terrain, où ici, chez lui. Et puis même s'il n'est pas franchement simple à vivre, bordélique, râleur et l'As de la mauvaise fois, il doit bien admettre que la présence du brun ne le dérange pas. Il lui permet sans le savoir de tromper sa solitude qui, même s'il l'a apprivoisé n'en reste pas moins pesante certains jours. C'est donc avec un certain plaisir qu'il s'adonne ensuite à la préparation d'un repas pour deux, sans avoir besoin de poser la question, une de ses playlists tournant toujours pour emplir le silence confortable qui les enveloppe.

Pendant qu'il remue ses préparations et que Aomine s'évertue à battre son record sur son jeu, une chanson lui fait redresser la tête. Il n'y faisait plus vraiment attention, mais celle-ci en particulier le sort de son état méditatif. Elle n'est pas à lui. Et en croisant le regard bleu abysse qui le cherche, il sent ses joues s'enflammer de nouveau. C'est une que son rival lui a fait découvrir, quand il lui a donné une compile en échange de celle qu'il lui a préparé le mois dernier. Elle est très différente de ce qu'il écoute d'ordinaire, mais elle lui a beaucoup plu. Si bien qu'il l'a intégré à ses précieuses playlists. Et au sourire satisfait qui s'imprime sur le visage de son ami, il devine que ça lui fait plaisir de l'entendre. De sa cuisine, Kagami lui adresse un sourire timide en retour et secoue la tête en roulant des yeux. Manquerait plus que cet Aho de malheur pense qu'il commence à vraiment l'apprécier…