Voici la suite ! Je tiens le rythme hihihi je suis trop heureuse et trop fière de moi (ouaip, il m'en faut peu) et je suis quasiment guérie de mon rhume : que demander de plus ? LE PROCHAIN CHAPITRE hihihi.

Merci Titou Douh pour tes commentaires, mon coeur fond comme celui d'Aristote pour Ambuela à leur lecture (coeur). Tu vas encore pouvoir sourire débilement avec ce chapitre je crois hihihi.

Bonne lecture !

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Chapitre 4, Morceaux de rires – Juin coquin

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La semaine passa si lentement et si vite à la fois. Les lettres d'Ambuela s'étaient enchaînées. Les réponses d'Aristote, toujours plus osées, aussi.

Mademoiselle Ambuela était sortie de Poudlard il y avait peu de temps, elle le lui avait dit : et il s'était senti encore plus vieux, et encore moins autorisé à ressentir cette envie de lui parler et de la revoir. Jamais elle ne voudrait entretenir une relation plus qu'amicale avec lui.

Et pourtant, c'était bel et bien un rendez-vous qu'elle avait accepté. Un rendez-vous. Il lui semblait bien avoir écrit rendez-vous. Elle avait répondu en parlant de rendez-vous en tout cas. Et un rendez-vous était toujours amoureux, non ? On ne donnait pas rendez-vous à ses amis, si ?

Oh si, on donnait rendez-vous à ses amis.

Mais il ne voulait pas être son ami !

Enfin si, il voulait une relation complice et amicale avec Mademoiselle Ambuela.

Mais également une relation amoureuse.

Il se l'était avoué si simplement, presque naturellement. Elle lui plaisait. Une rencontre et une dizaine de lettres : et voilà qu'il était tombé amoureux. Il avait véritablement un cœur d'artichaut.

Oh tant pis. Il était le premier à savoir qu'on ne mourrait pas d'une peine de cœur. Et puis, au pire, même si elle ne répondait pas à ses avances, il passerait de bons moments avec elle. Qu'il prenne déjà ce que lui offrait la vie avant d'en vouloir plus !

Sitôt six heures moins le quart affichés à sa montre (qu'il avait tenue en main pendant cinq bonnes minutes), il avait fermé ses dossiers et avait transplané à Pré-au-Lard depuis Londres. Il sortit les mains de ses poches et fit distraitement craquer ses doigts en regardant la voie ferrée de Pré-au-Lard toujours déserte. Viendrait-elle par le train ? Par transplanage ? Par le réseau de Cheminette ? Il n'avait pas regardé les horaires des trains, mais il ne doutait pas que…

Un sifflement le fit lever la tête. Il crut reconnaître le son inimitable d'un balai fendant l'air avant de voir effectivement un balai sur lequel était juchée… Mademoiselle Ambuela. Il la regarda bouche bée se poser avec une assurance et une adresse renversante au milieu de la Grand Rue du village, redresser son balai puis relever légèrement son chapeau pour passer distraitement son poignet sur son front et sur le début de ses cheveux bruns tout en lui souriant largement.

« Damoiseau Aristote, le salua-t-elle en venant à lui en tanguant légèrement, sans doute à cause de son voyage en balai depuis Fortarôme.

— Mademoiselle Ambuela », ne trouva-t-il qu'à répondre en faisant un pas vers elle.

Elle était toute aussi souriante que dans son souvenir, et sa voix était tout aussi entraînante également. Ses deux yeux bruns brillaient un peu plus et ses joues étaient plus rouges. Elle portait cette fois-ci une robe vichy blanche et vert pomme, bien plus légère que celle du mois dernier, mais qui lui laissait cette apparence formidable de bonheur et de simplicité. Lorsqu'elle lui tendit un tournesol, il sentit ses organes vitaux dégringoler à l'intérieur de lui.

« Pour moi ? s'entendit-il bredouiller en regardant l'énorme fleur avec stupeur.

— Évidemment que c'est pour vous, c'est votre fleur préférée ! répondit-elle en riant gentiment. Je suis allée la cueillir dans les champs de notre voisin moldu à Fortarôme. Elle vous plaît ? »

Il la regarda elle. Oh oui, elle lui plaisait. S'il pensait s'être monté la tête et avoir laissé son stupide cœur d'artichaut s'emporter, il comprit qu'il avait totalement tort. Elle lui plaisait, c'était indéniable. Il tombait amoureux. Ça n'avait rien à voir avec les autres fois où il s'était imaginé des idylles incroyables. Il n'était pas seulement… rassuré ou consolé, ou même frustré de désir. Il était simplement… touché qu'elle se soit souvenue de sa réponse. Heureux d'être face à elle devant la gare de Pré-au-Lard. Simplement heureux. Seulement heureux. Et c'était tout.

Il leva à son tour la rose bleue qu'il lui avait amenée, à défaut d'avoir trouvé une rose mauve.

« Pour moi ? bredouilla Mademoiselle Ambuela pendant qu'il prenait le tournesol de sa main et logeait à la place la rose bleue.

— Je n'ai toujours pas trouvé de rose mauve, s'excusa-t-il. Mais en associant la rose rouge de la dernière fois et la rose bleue d'aujourd'hui, on obtiendrait une rose mauve, non ? »

Il regarda ses joues prendre cette fameuse teinte mauve et ses yeux bruns se poser sur la rose. Elle vint approcher son nez de la fleur et la respirer lentement. Sous les yeux d'Aristote, sa poitrine se souleva progressivement lorsqu'elle inspira et son sourire s'agrandit lorsqu'elle expira.

« Je vous remercie, dit-elle simplement et il remarqua une fossette sur sa joue droite.

— Je vous remercie aussi », répondit-il rapidement.

Il la regarda un moment sans savoir quoi dire. Ils échangeaient des lettres depuis un mois et jamais il n'avait eu de sujet de conversation à chercher. Et voilà qu'à présent, rien ne lui venait à l'esprit à part la constatation qu'elle devait être vraiment plus jeune que lui. Et bien trop resplendissante pour s'intéresser amoureusement à quelqu'un d'aussi triste et terne que lui. Elle était belle, elle pétillait. Elle avait les dents joliment de travers, un petit nez pointu, des pommettes hautes et les joues un peu rondes. Elle devait mesurer une vingtaine de centimètres de moins que lui, et ses formes se fondaient dans le tissu de sa robe avec une grâce attirante.

« Vous… voulez-vous marcher ou vous asseoir ? » finit par dire Aristote pour répondre à son sourire moqueur.

Est-ce qu'elle avait surpris son regard sur elle ? Un regard tout à fait inapproprié et appréciateur, sans aucun doute. Merlin, il sentait le battement de son cœur à ses oreilles et ses joues chauffer. Qu'avait-il fait ?

« Je veux bien faire un tour avant d'aller boire un verre aux Trois-Balais », lui répondit-elle légèrement.

Il lui sourit avec soulagement en cherchant une quelconque gêne sur les traits souriants de son visage, dans ses gestes ou dans sa voix avant de sentir, tétanisé, ses doigts se glisser dans le creux de son coude, et réchauffer instantanément ce minuscule morceau de peau. Il tourna aussitôt la tête vers le bout de la rue, avala prudemment sa salive et tourna sept fois sa langue dans sa bouche pour s'empêcher de dire quelque chose d'incorrect ou incongru. Elle avait pris son bras. Elle… Elle le touchait, juste là, très discrètement, et très formellement, mais elle avait franchi ce pas du contact tactile.

Merlin, qu'il était niais.

« J'ai encore le dos et les jambes tout engourdis de mon trajet en balai, ajouta-t-elle légèrement lorsqu'ils se mirent à marcher. J'aime tant voler en balai. J'aime aussi beaucoup jouer au Quidditch, mais j'aime le faire pour m'amuser, non pour la compétition. Je l'ai compris après trois mois d'essai chez les Harpies, révéla-t-elle et il se sentit bêtement important à parader au bras d'une athlète. Mais ce n'était pas pour moi. J'aime beaucoup trop m'amuser lorsque je joue, et seulement m'amuser : leurs entrainements étaient bien trop épuisants, rapporta-t-elle en riant.

— J'aurais aimé vous voir jouer avec elles, ne trouva-t-il qu'à révéler avec admiration.

— Oh non vous n'auriez pas aimé, le contredit-elle en secouant élégamment la tête. Je me faisais reprendre continuellement par l'entraîneuse et la capitaine. J'ai préféré partir – et elles ne m'ont pas retenue à cause de mon insubordination – puis me consacrer à la peinture.

— À la peinture ? s'étonna Aristote en tournant la tête vers elle et elle lui sourit.

— Oui, à la peinture. Je m'occupe des vignes avec mes parents le matin, et l'après-midi, je travaille ma peinture, lui révéla-t-elle et il entendit une véritable fierté dans sa voix. Je me suis rendue en France en mars, et ça a été décisif. Peut-être pourrai-je visiter l'Italie l'an prochain, l'Allemagne ensuite et la côte adriatique des Balkans un jour aussi. »

Les Balkans. Elle voulait venir dans les Balkans. Là où il serait dès le mois de septembre. Là où elle pourrait venir le voir. Là où…

Se calmer. Ils se connaissaient depuis un mois. Seulement un mois.

« Me montrerez-vous un jour l'une de vos toiles ? demanda-t-il à la place avec enthousiasme.

— Bien sûr, se réjouit-elle à son tour. Dès la prochaine fois que nous nous verrons », ajouta-t-elle et à nouveau il vit sur sa pommette se creuser une fossette.

La prochaine fois qu'ils se verraient. Donc ils se reverraient. Oh lala.

« En parlant des vignes de votre famille, ce sanglier a-t-il fait tant de tracas ? » demanda-t-il.

Il l'entendit soupirer de la même manière qu'elle avait dit un mois plus tôt qu'elle connaissait trop bien les chagrins d'amour.

« Disons qu'il nous a donné à faire », nuança-t-elle.

Elle lui expliqua plus longuement ce qu'elle avait dû remettre en ordre une fois qu'ils avaient arrêté la bête, combien ils avaient dû revoir toute l'installation des sortilèges de protection autour des vignes mais aussi autour de la forêt de Fortarôme, qui donnait d'ailleurs son nom au village et au château des Fortescue.

« Vous ne connaissez pas la légende ? s'étonna-t-elle. Ah ces Anglais, se moqua-t-elle gentiment. Allons aux Trois-Balais, et je vous raconterai ce que j'en sais, proposa-t-elle.

— J'espère qu'il n'y aura pas trop de monde, répondit-il alors qu'ils se dirigeaient vers l'auberge.

— Mais non, nous sommes en début de semaine et il n'est que… quelle heure est-il d'ailleurs ? demanda-t-elle en se retournant alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte de l'établissement.

— Il est déjà sept heures et demie, bredouilla-t-il en regardant le cadran de sa montre à gousset.

— Nom de nom, s'exclama-t-elle avec stupeur en poussant la porte. Heureusement que j'ai prévenu mes parents que je ne dînerai pas chez nous. »

Merlin, lui, il avait oublié de les prévenir.

« Oh non, j'ai complètement oublié de prévenir les miens », se lamenta-t-il.

Attendez un instant. Elle avait prévu de ne pas dîner chez ses parents. Elle… Elle avait déjà prévu de dîner avec lui ?

« Vos parents ? Vous habitez toujours avec vos parents ? À votre âge ? s'étonna-t-elle en riant si gentiment qu'il se sentit seulement stupide d'avoir oublié de les prévenir et non de vivre encore chez eux.

— Ne bougez pas, je vais rapidement au bureau de poste », la pria-t-il en se traitant d'idiot plusieurs fois.

S'il leur refaisait le coup de la semaine dernière, il n'était pas sûr de s'en sortir indemne cette fois-ci face à sa mère.

« Attendez, qu'est-ce que je vous commande ? » demanda-t-elle en le retenant par le bras.

Ses yeux chocolat si amusés le firent encore bredouiller.

« Faites-moi découvrir un alcool que vous aimez, proposa-t-il.

— Et à dîner ? insista-t-elle en souriant un peu plus.

— La même chose que vous », répondit-il en pensant seulement au fait qu'il allait dîner avec elle.

Il se retrouva la seconde d'après dans la Grand Rue, tellement anxieux, heureux et impatient qu'il trébucha trois fois avant d'atteindre le bureau de poste.

« On ferme, monsieur, lui annonça le postier avec embarras.

— Ce sera très rapide, promit-il en s'emparant déjà d'une plume.

— Monsieur…

— Voilà, dit-il en tendant le carré de parchemin plié en quatre.

— Vous avez oublié l'adresse, lui rappela le vendeur en levant les yeux au ciel. C'est pour quel village ?

— Flaglet-le-Haut, répondit-il en inscrivant l'adresse de ses parents sur le parchemin.

— Courrier urgent ou courrier lent ? demanda le vendeur.

— Urgent, s'il vous plaît, répondit Aristote.

— Bertie, viens », appela-t-il et une grosse chouette vient de derrière lui se poser sur le comptoir.

Misère, il avait laissé Mademoiselle Ambuela pour envoyer un hibou à ses parents. Qu'est-ce qu'il était stupide. Et empoté. Il avait rendez-vous avec une personne belle, gentille et lumineuse comme elle, et il la faisait attendre pour envoyer une lettre à ses parents ?

« Ça fera sept Noises alors.

— Tout de suite. »

Il faillit en faire tomber sa bourse tant il sentait la fébrilité le gagner. Il allait dîner avec elle et il ne s'en était même pas douté en lui demandant un rendez-vous. Serait-elle toujours là lorsqu'il reviendrait ou bien se serait-elle vexée et serait-elle partie ?

« Je vous remercie, bredouilla-t-il en quittant la boutique.

— Bonne soirée », répondit le vendeur en venant cette fois-ci fermer le bureau de poste derrière lui.

Il remonta la Grand Rue en courant presque. Pourvu qu'elle ne soit pas partie, pourvu que…

Elle était là, à une table dans un coin de la salle, relativement déserte. Tant mieux, ils pourraient s'entendre simplement, sans devoir hausser la voix. Elle avait un verre d'un alcool qu'il ne connaissait pas en main et qu'elle leva lorsqu'elle comprit qu'il l'avait vue. Son sourire n'avait pas baissé depuis tout à l'heure.

« Je suis vraiment désolé, je me sens stupide et…

— Mais il ne faut pas, c'est touchant de vous voir inquiet d'inquiéter à votre tour vos parents, dit-elle doucement en poussant l'autre verre, rempli d'un liquide de la même couleur, vers lui. Êtes-vous fils unique ?

— Non, j'ai une petite sœur, lui apprit-il. Elle s'est mariée il y a quelques années et ne vit plus chez mes parents depuis.

— Oh, les oiseaux ne quittent le nid que lorsqu'ils se marient, comprit-elle en hochant la tête avec compassion. J'ai songé à demander à mes parents pour habiter hors de chez eux, mais je n'aime pas cuisiner ni faire le ménage, reconnut-elle en faisant la moue. Et puis ils sont très conciliants, donc je ne suis pas pressée pour l'instant.

— Conciliants ? Pour notre rendez-vous notamment ? demanda-t-il du bout des lèvres.

— Oui, dit-elle en riant. Mais je ne leur ai pas dit que j'avais rendez-vous avec vous. Je ne veux pas qu'ils me posent de questions. Je leur ai dit que je passais la soirée chez mon amie Zoely.

— Je… Je leur ai aussi dit que je dînais avec mon ami Pollux, avoua-t-il avec embarras.

— Nous voilà comme des adolescents à nous cacher de nos parents, commenta-t-elle en riant encore. Trinquons à nos manigances pour ce premier rendez-vous », proposa-t-elle en poussant encore un peu le verre vers lui.

En temps normal il se serait méfié d'un verre qui n'avait pas été versé devant lui. Mais là, il était bien, et en confiance avec Mademoiselle Ambuela. Alors il prit le verre pour le humer et regarder attentivement la couleur.

« Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il avec étonnement.

— Du Porto-Pur-Nuit, on ne peut que dormir comme un charme ensuite, commenta-t-elle en riant encore. À la vôtre, Damoiseau Aristote !

— À la vôtre, Mademoiselle Ambuela. »

Il goûta la boisson et s'étonna de lui trouver une pointe de sucré bienvenue. Sa vue s'assombrie légèrement même s'il eut beau cligner des yeux.

« C'est normal que je…

— Oui, la nuit tombe avec le Porto-Pur-Nuit, plaisanta-t-elle. J'avais peur que vous connaissiez, mais les Anglais ne connaissent que le Whiskey-Pur-Feu, donc… voilà, j'ai essayé. J'aime beaucoup le Porto-Pur-Nuit en apéritif du soir, et le Porto-Pur-Jour en apéritif du midi.

— Vous vous y connaissez bien, bredouilla-t-il avec surprise.

— Mon père a fait mon éducation en ce qui concerne l'alcool, révéla-t-elle avec amusement. Il en fera de même avec mes frères. Il dit que c'est essentiel pour une personne de qualité, dit-elle en levant les yeux au ciel. Je crois qu'il se donne une excuse pour boire ce qu'il veut en me faisant goûter.

— Vous avez des frères ? » demanda-t-il avec surprise.

Il avait été persuadé sans raison qu'elle était fille unique.

« Oui, trois petits frères qui ne sont pas encore à Poudlard, approuva-t-elle. Aucun pour venir vous ennuyer », ajouta-t-elle plus bas avant de mordre ses lèvres avec hésitation.

Il déglutit difficilement et se souvint qu'il était aux Trois-Balais, avec Mademoiselle Ambuela Fortescue, qui était définitivement trop belle, trop vive et surtout trop jeune pour lui mais dont il tombait déjà amoureux également.

Il était fichu.

« À quoi pensez-vous ? » souffla-t-elle en se penchant vers lui.

Pas la vérité, pas la vérité sinon il serait vraiment fichu.

« Que… que je suis irrespectueux de vous avoir demandé un rendez-vous, répondit-il au dernier moment.

— Irrespectueux ? s'étonna-t-elle. Me dire que vous alliez envoyer une lettre à vos parents alors que vous comptiez me laisser aurait été irrespectueux, répondit-elle en riant plus bas. Mais vous ne pensez pas à cela.

— Non », en convint-il avec inquiétude.

Elle était si à l'aise, si… elle-même. Elle lui répondait, faisait la moue, rougissait, riait ouvertement. Elle brillait de bonheur et de liberté alors qu'elle tenait le verre de Porto-Pur-Nuit entre ses doigts courts et potelés de viticultrice, qu'elle le montait au niveau de ses yeux avec appréciation, et qu'elle le regardait ensuite sans aucune retenue. Il se sentit si maladroit et idiot face à elle, si vieux aussi en ne relevant aucune ride autour de ses yeux que les mots sortirent d'eux-mêmes.

« Je me sens irrespectueux de vous avoir demandé un rendez-vous alors que je suis trop vieux par rapport à vous », avoua-t-il en déglutissant difficilement.

Il avait failli dire trop vieux pour vous. Il avait évité la catastrophe sans retour.

« Flatteur », lança-t-elle avant de rire largement.

Il la regarda reposer son verre de Porto-Pur-Nuit sans comprendre.

« Quel âge me donnez-vous, Damoiseau Aristote ? »

Le ton mutin avec lequel elle lui avait posé cette question le rendit toute chose. Il tomba un peu plus amoureux.

« Dix-huit, proposa-t-il du bout des lèvres.

— Oh, vous mentez, Aristote, vous savez pertinemment que j'en ai au moins dix-neuf ans puisque je n'étais pas à Poudlard en mars comme je suis allée en France, le rabroua-t-elle moqueusement.

— Vous auriez pu quitter Poudlard après vos BUSES, pointa-t-il.

— Certes… Mais je n'aurais alors pas été prise à l'essai dans une équipe de Quidditch, rappela-t-elle.

— Dix-neuf ans ? proposa-t-il en se sentant de plus en plus se liquéfier.

— C'est exact, approuva-t-elle avec un sourire qui fit à nouveau sortir sa fossette.

— Dix-neuf ans… Oh Merlin, j'ai quatorze ans de plus que vous, se désespéra-t-il. C'est irrespectueux, c'est…

— Aristote, voyons, tant que vous n'êtes ni marié, ni fiancé, ni même amoureux d'une autre personne, il n'y a rien d'irrespectueux », relativisa-t-elle.

Il la regarda à peine lever les yeux au ciel avant de revenir le regarder. Il vit à peine ses pommettes aussi rouges que deux fraises bien mûres.

« Mais je pourrais être votre père, se désespéra-t-il du bout des lèvres.

— Vous étiez si précoce ? » s'étonna-t-elle ouvertement en écarquillant les yeux.

Là, il sentit la peau de son visage littéralement cuire sur place. Cette première fois rocambolesque, c'était bien quelque chose qu'il ne s'était pas attendu à évoquer ce soir.

« Non », couina-t-il avec tellement de malaise qu'il donna un coup fébrile et brusque dans sa serviette de table qui tomba au sol.

Il se pencha aussitôt pour la ramasser, se cogna la tête dans la table, entendit les verres tinter et vit Mademoiselle Ambuela poser ses mains dessus pour les retenir avec adresse. Merlin, c'était possible d'être si prude et gêné que cela ? À son âge en plus ? Et si maladroit ?

« Je suis désolée, je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise, dit-elle avec embarras. Je… J'ai l'habitude du franc-parler de mon cousin et de Zoely, et j'oublie parfois qu'il existe aussi des personnes plus réservées.

— Mais non, tout… tout va bien, la rassura-t-il pour la voir à nouveau sourire. Nous sommes en rendez-vous galant après tout, il est logique que ce sujet vienne sur notre table… la table je veux dire. Et puis c'est ma faute, mes propos étaient stupides. Je ne pourrais pas être votre père, les Parkinson sont bien trop coincés pour une personne telle que vous. »

Misère, que ne disait-il pas encore ?

« Coincé ? s'étonna-t-elle avant de sourire. Mais vous n'êtes pas coincé, Aristote. Si vous étiez coincé, vous ne m'auriez jamais envoyé de lettre le premier, ni n'auriez entretenu de correspondance avec moi pendant un mois, ni même invité ici, et vous n'auriez pas toléré ma remarque déplacée, répondit-elle en riant légèrement. Vous êtes pudique, c'est tout. »

Oui. Peut-être.

« Je trouve cela fort attirant d'ailleurs », ajouta-t-elle avant de le regarder par-dessus le verre de Porto-Pur-Nuit qu'elle finissait.

Elle le trouvait attirant. Merlin.

Il était si niais à se réjouir de chacun de ses mots.

« Et voilà les deux porridges ! » annonça le serveur.

Aristote recula ses bras de la table et regarda ce qu'Ambuela avait commandé pour eux. L'assiette avait l'air appétissant.

« Merci Rufus, répondit gentiment Ambuela au serveur. J'espère que vous aimez le porridge.

— Tout le monde aime le porridge, répondit-il en se détendant. Vous connaissez le patron ?

— Un peu, répondit-t-elle en souriant à nouveau. Zoely habite à Pré-au-Lard et nous venons souvent aux Trois-Balais.

— Zoely est votre meilleure amie, c'est cela ?

— Oui, nous étions dans la même année et la même Maison à Poudlard. Nous sommes un peu inséparables », en convint-elle.

Elle lui parla de son amie, Zoely Zabini, qui semblait connaître tout autant les alcools qu'elle. Si Ambuela faisait du vin avec sa famille, Zoely faisait de l'hydromel avec les ruches des Zabini. Elles semblaient s'être bien trouvées… Un peu comme Pollux et lui à l'époque.

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« Un dernier verre ? » finit par lui proposer Ambuela alors qu'ils avaient fini le dessert depuis déjà une demi-heure.

Ils avaient parlé de leurs vies, de leurs amitiés, de leurs souvenirs de Poudlard et de leurs enfances pendant des heures. Ils s'étaient fait peur, un peu ils s'étaient fait rire, beaucoup. Ils avaient badiné parfois aussi, mais Aristote avait prudemment détourné la conversation à chaque fois, ne sachant pas vraiment comment réagir. C'était rapide, quatre semaines d'échange épistolaire. C'était rapide, deux rencontres. C'était rapide un dîner enchanteur avec une personne comme Mademoiselle Ambuela. C'était si lent aussi tout ce temps passé sans sa main qui le touchait là, dans le creux de son coude. Elle laissait sa main sur la table, bien en évidence, pour qu'il s'en empare, mais il n'osait pas.

Il ne pensait pas à Melania parce qu'elle lui manquait. Pas du tout. Il pensait à son ancienne amante parce qu'il comparait toute la douceur, le bonheur et le plaisir que Mademoiselle Ambuela lui apportait ce soir et depuis un mois, avec les brefs rencontres, toutes luxurieuses et silencieuses que lui avait prises Melania pendant quatre ans. Il découvrait une autre façon d'aimer une personne. Il découvrait le bonheur d'aimer et d'être aimé.

Et il ne savait pas s'il était prêt à rendre tout ce bonheur à Ambuela aussi rapidement. Pas alors qu'il avait tant souffert ces derniers mois et même ces dernières années. Pas alors qu'il était si hésitant dans ses gestes et ses mots alors qu'elle semblait déjà vouloir voler plus vite que son balai.

Il avait envie de plus, mais il avait peur d'aller trop vite et de perdre cette plénitude simple et heureuse dans la relation qu'ils commençaient. Il avait envie de garder ce badinage qu'il découvrait et qu'il n'avait jamais pu savourer avec Melania car il s'était toujours teinté tantôt de manipulation lorsqu'il avait eu lieu en présence même de Pollux et de l'époux de Melania, tantôt d'empressement car ils n'avaient que peu de temps pour profiter l'un de l'autre.

Il avait envie de plus, mais il ne voulait pas se priver du fait qu'il avait son temps et qu'il était heureux de simplement badiner avec elle.

« Aristote ? insista-t-elle et il vit ses lèvres trembler.

— Bien sûr que je prendrai volontiers un dernier verre avec vous, répondit-il aussitôt.

— Que voulez-vous boire ? se rassura-t-elle aussitôt.

— Faites-moi découvrir un alcool que vous aimez », répéta-t-il.

Il ne voulait pas perdre ce badinage avec elle, mais il ne voulait pas la perdre non plus. Il ne voulait pas qu'elle perde patience ou bien qu'elle pense qu'il hésitait ou qu'elle ne l'intéressait pas.

Il perdait ses moyens. Elle lui faisait perdre ses moyens.

Il voulait plus et autant. Il voulait des choses en plus mais pas en moins.

Il leva craintivement sa main pour la mettre sur la sienne lorsqu'elle eut commandé deux Kirsch.

Le regard mi-soulagé, mi-émerveillé qu'elle lui retourna le fit se détendre un petit peu. Elle avait peut-être juste besoin d'un signe lui indiquant qu'il était tout aussi heureux qu'elle pour attendre un peu.

« Vous passez une bonne soirée ? demanda-t-elle à voix basse.

— La meilleure depuis des années, avoua-t-il en regardant la mèche, sortie de son chignon compliqué, qui pendait sur le côté de son visage.

— À ce point ? » s'étonna-t-elle en souriant.

Il hocha la tête et se demanda s'il oserait en profiter pour glisser sa main près de son visage dans le but de remettre la mèche derrière son oreille. Peut-être attendrait-il le verre de Kirsch pour oser.

« Même avec votre ami Pollux ? insista-t-elle.

— Il y avait souvent mon ancienne maîtresse lorsque je passais la soirée chez les Black ces derniers temps, reconnut-il trop rapidement.

— Oh, dit-elle en souriant légèrement moins.

— Je n'y suis pas retourné depuis un mois et demi, dit-il aussitôt. J'ai vu Pollux le midi au Ministère, c'est tout.

— Il n'a pas passé une seule soirée avec vous depuis que vous avez pris la décision de laisser votre ancienne amie ? s'étonna-t-elle.

— Non, je n'étais pas si mal ce jour-là, reconnut-il en grimaçant. Je pense que je me doutais un peu plus chaque jour de la manière dont les choses se finiraient. Le jour où je suis définitivement parti, c'était le jour où je finissais le deuil de cette relation finalement. »

Comme elle ne répondait pas pour le regarder en fronçant les sourcils, il chercha quoi dire de plus pour s'expliquer mais elle l'arrêta d'un sourire et d'une pression de sa main sur la sienne.

« Je comprends très bien ce que vous voulez dire, Aristote. Je pense que j'ai ressenti la même chose quand j'ai eu mon premier chagrin d'amour. Bon, comme mon cœur était libre mais peu décidé à se donner trop rapidement à nouveau, j'ai beaucoup papillonné ensuite au gré de mes envies, reconnut-elle en rougissant délicieusement. Mais je comprends ce que vous voulez dire. Quand on a compris qu'il n'y avait plus rien à faire ou à garder, le plus gros est fait.

— C'est cela, le plus important est passé… même s'il reste des choses à reconstruire, ajouta-t-il plus bas en resserrant légèrement sa main autour de la sienne.

— Vous croyez ? demanda-t-elle en se rapprochant du centre de la table.

— Je crois que lorsque beaucoup de choses ont été malmenées, elles… elles ont besoin de temps ensuite, dit-il avec hésitation.

— Oh », souffla Mademoiselle Ambuela en se reculant.

Il la vit froncer les sourcils et très bien comprendre ce qu'il lui demandait.

« Elle vous a fait tant de mal que cela ? »

Elle leva leurs mains pour les poser contre sa joue comme si elle voulait le mener à elle ou… ou même le rassurer. Aristote se liquéfia sous le contact doux et chaud avant de simplement profiter. Aucun d'eux ne bougea et ne prononça le moindre mot lorsque Rufus vint poser deux petits verres de kirsch devant eux.

« C'est long quatre ans, reconnut-il du bout des lèvres.

— J'imagine, approuva-t-elle avec compassion.

— Elle… Si je vous dis cela vous saurez de qui il s'agit, s'interrompit-il avec crispation.

— Est-ce un problème ? s'étonna-t-elle avec suspicion.

— Je ne veux pas qu'elle s'en prenne à vous. Ni son mari s'il apprenait quelque chose. Je… Disons qu'elle est liée par des mariages à Pollux et donc…

— Qu'elle vous a fait mentir à votre meilleur ami, comprit Ambuela après un hoquet de stupeur. Mais elle est affreuse !

— Son mari est… Merlin, si je dis quoi que ce soit vous saurez de qui il s'agit, s'agaça-t-il contre lui-même. Disons que son mari est bizarre et que j'ai cru comprendre qu'elle avait eu des problèmes à une époque et… je pense qu'elle est dépressive ou quelque chose comme ça. Et…

— Elle vous a fait du chantage pour que vous restiez auprès d'elle aussi longtemps ? s'inquiéta Mademoiselle Ambuela.

— Non, réfuta-t-il patiemment. Je crois que j'étais très bien aveuglé tout seul sur l'idée qu'elle quitterait son mari un jour ou l'autre, mais finalement je suis certain que même si elle l'avait quitté, nous ne serions pas restés ensemble. Ou bien j'aurais été malheureux. Je… Je ne mentais pas quand je disais que je passais la meilleure soirée depuis longtemps, Ambuela », reprit-il plus bas en tirant leurs mains à lui.

Il embrassa la petite main gantée de dentelles d'Ambuela sur ses phalanges, puis sur le bout de ses doigts, en se sentant littéralement fondre. Il lui jeta un coup d'œil, soulagé de voir qu'elle avait simplement rougi et qu'elle souriait timidement. Il retourna sa main et osa déposer un baiser sans la lâcher du regard dans le creux de son poignet avant de se reprendre en la voyant mordiller sa lèvre inférieure. Il ne pouvait pas la tenter ainsi et lui refuser plus ensuite. Il… Il reposa sagement leurs mains jointes sur la table.

« J'aimerais danser avec vous, demanda-t-elle en souriant à nouveau.

— Danser ? s'inquiéta-t-il.

— Simplement danser. Juste après avoir bu le… »

Elle prit le verre de kirsch… et le but cul sec sous le regard éberlué d'Aristote.

« … le Kirsch ! ah, rien de tel pour bien digérer, commenta-t-elle en pouffant. Allez-y !

— Mais je… je veux savourer non…

— Vous devriez boire tout d'un coup, c'est plus sûr avec le Kirsch de Rufus. »

Il but le verre d'un coup.

Et crut mourir d'étouffement.

Pendant que Mademoiselle Ambuela riait ouvertement de lui.

« Rufus, dis, tu nous mettrais un vinyle pour qu'on puisse danser, l'entendit-il demander pendant qu'il toussait et se servait un verre d'eau.

— Je vais bientôt fermer, Fortescue.

— Allez, juste une chanson, et puis nous partirons !

— Tu te rends compte que je suis ouvert simplement pour toi et ton casse-croute ?

— Oh, on ira ailleurs la prochaine fois si tu n'es pas content ! »

Son casse-croute ? Comment ça, son casse-croute ?

La prochaine fois. Ahhh.

Il était si niais.

Elle essayait de le tuer avec son kirsch, il se faisait appeler casse-croute, et il en redemandait.

« Oh Aristote, n'en faites pas trop, se moqua-t-elle encore. Et venez danser !

— Vous êtes merveilleuse mais alors ce kirsch, je vous préviens : plus jamais ! C'est pire que la vodka !

— Je suis merveilleuse et le kirsch de Rufus est magique : je vois déjà des étoiles autour de nous », pouffa-t-elle en se glissant dans ses bras.

Il se sentit bouillir de partout lorsqu'il posa une main dans la sienne et l'autre sur sa taille ronde. Il se sentit heureux lorsqu'il valsa pas à pas avec Mademoiselle Ambuela.

Lorsqu'il valsa simplement.

En prenant son temps.

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Alors alors, c'est-y pas vrai qu'ils sont meugnons ? hihi à la semaine prochaine !