Disclaimer : Tout est inventé, j'ai juste écrit ça pour montrer que nos dieux de la scène sont aussi des êtres humains. Que ce soit de mauvaises blagues, des moqueries ou des peurs, tout peut arriver à tout le monde et ça ne doit jamais être une source de moquerie.


Cela faisait à peine trente minutes que leur soirée cinéma avait débuté et Paul regrettait déjà de les avoir tous invités chez lui pour trois jours qui allaient lui sembler très longs. Ses amis étaient arrivés dans la matinée afin de profiter de quelques jours de détente, et ils finiraient la semaine chez Till. Ce dernier s'était proposé étant donné la grandeur de son domaine, car leur besoin de décompresser n'avait d'autre but que de s'accorder sur leur dernier morceau. C'est donc ce qui avait été décidé : deux domiciles avec un environnement leur apportant une inspiration différente... mais une ambiance aussi.

Le film choisi à l'unanimité avait à peine commencé que Lorenz et Riedel s'étaient mis à émettre telle ou telle hypothèse sur chaque personnage. D'abord agacé, Schneider les avait rejoints avec mauvaise humeur dès lors que Till, qui connaissait le film par cœur, avait contre leur gré raconté la fin tragique pour se venger de leurs bavardages. Bien qu'il suivait sans problème le film, Till se permettait dès qu'il en avait l'occasion de baver sur les formes féminines qui apparaissaient. Tout le temps en fait ! Devant supporter tout cela, Richard se forçait à rester concentré pour ne pas entendre les rires et murmures proches. Quant à Paul, il fulminait tout en sachant que les disputer comme des enfants ne changerait rien. Flake, Oliver et Schneider ne tenaient pas en place et se permettaient de tout commenter sans aucun respect pour ceux qui écoutaient franchement. Se rendant compte de quelles "parties" intéressaient réellement ses amis, le guitariste brun soupira profondément.

- Quelle idée d'avoir mis un film avec autant de scènes de cul alors qu'on a quatre obsédés parmi nous ? C'est carrément un porno, on les voit tous à poil dans les moindres détails.

Face à la critique de Kruspe, Paul acquiesça avec regret et regarda ceux qui, comme par hasard, avaient entendu cette fois.

- C'est toi qui nous obsède, mon mignon ! dit Flake avant de se lécher la lèvre.

- Tu es sérieux là ? demanda Richard.

Comme réponse, Flake réitéra son geste de façon plus provocante encore. Après avoir ri, Doom mit son grain de sel :

- Tu vas dire que cette brune torride ne te la fait pas grimper ? Tu te serais touché comme un porc si tu avais été seul, je te connais.

Refusant d'étendre cette discussion perdue d'avance à un contre plusieurs, Richard espéra la couper rapidement.

- Je ne m'excite pas devant n'importe quelle femme qui passe à la télé. Maintenant, fermez vos gueules.

- Oh attention, monsieur veut se concentrer ! le taquina Oliver.

Se penchant vers ses amis, Schneider s'entendit avec eux d'un regard puis fit exprès de parler encore plus fort.

- En même temps, regardez quelle scène il mate. Voilà pourquoi il veut qu'on se taise, il veut tout voir et tout entendre pour mieux se masturber mentalement. Surveillez sa queue, elle va bientôt grimper. Ah oui mais non, ça ne se verra peut-être pas.

Alors qu'ils rirent, le brun supposa que cette provocation était la réponse à son ordre précédant mais sans pour autant corriger son vocabulaire, il s'énerva et les regarda méchamment.

- Bon, j'encule qui ?

Les rires doublèrent à tel point que Flake en eut une quinte de toux incontrôlable. Par vengeance, Kruspe ricana en souhaitant à son ami claviériste de bien s'étouffer. Malheureusement, aucun ne daigna calmer les choses ensuite et pour ne rien arranger, Doom s'approcha de lui afin de l'observer curieusement, tel un scientifique avec son cobaye. Fronçant les sourcils, Richard entendit Paul geindre à côté de lui et murmurer pour lui-même que cette histoire allait mal se terminer.

- Après mûre réflexion... désolé ma belle mais tu n'es pas du tout mon type ! dit Schneider avant de lui tourner le dos.

Cette fois, Paul ne put retenir un rire alors que Richard "aida" le batteur à se rasseoir en le poussant violemment. Malgré son atterrissage dangereux, Schneider tomba sur Oliver mais ils continuèrent de rigoler. Blasé de cette mauvaise ambiance, Till vit son ami serrer le poing en regardant la télé et s'en mêla de peur que cela ne dégénère.

- Arrêtez un peu, bande de gosses. Je crois que c'est la dernière fois que Paul nous invite tous en même temps.

- Tu peux le dire ! ronchonna le concerné en se pinçant l'arrête du nez.

Lindemann tapota de façon fraternelle sur le genoux de son ami en espérant le faire penser à autre chose.

- Allez, laisse tomber mon vieux.

- Oui, reste concentré sur ta belle brune à la télé ! recommença Flake.

- Je n'en suis pas sûr. Vu ce qu'elle s'est mangée dans le train en hurlant de plaisir tout à l'heure, elle n'aime que les grosses. Désolé Reesh !

Le sujet dérivant de façon pathétique, Richard abandonna et se leva.

- Je vous emmerde, je vais me coucher.

Attristé par les conséquences de l'idiotie contagieuse de ses amis, Lindemann rattrapa le guitariste avant qu'il ne quitte la pièce et proposa en même temps à Paul de mettre fin à la soirée. Voyant Oliver et Schneider commencer à se calmer quasiment tout de suite, Paul hésita mais finit par refuser afin de leur laisser une chance. De son côté, Till fit de même avec Richard et envisagea de le convaincre. Face à l'étincelle de rage dans les yeux de son ami, il l'encouragea avec prudence en gardant ses distances.

- S'il te plaît, reste, ils vont se calmer.

- Oui Richard, reste ! copia Flake en adoptant une fausse moue boudeuse.

Oliver tenta de l'avertir de ne pas recommencer d'un léger coup de coude mais c'était trop tard. Richard fixa froidement Lorenz après que Till l'eut empêché de se jeter sur lui, et il lui fit un doigt d'honneur laissant transparaître toute sa colère.

- Allez tous vous faire foutre ! cracha t-il.

Étant donné l'expression sur son visage, Till jugea suicidaire de s'interposer une nouvelle fois entre Richard et la sortie. Il le regarda donc s'éloigner et après quelques secondes passées à imaginer l'humeur du guitariste le lendemain, il rejoignit les autres sans leur adresser le moindre regard. Néanmoins, Landers pesta contre le changement d'humeur collective.

- Vous êtes fiers de vous ?

- Je te rappelle que tu as un peu rigolé aussi.

Estimant ne pas avoir besoin d'un tel rappel de la part de Schneider, Paul l'ignora et même si cela prit du temps, tous finirent par ne plus penser à autre chose que la télévision une fois que Paul eut enlevé le film. Une heure passa sans un incident de plus et en dehors de quelques commentaires hasardeux, l'ambiance était redevenue chaleureuse.

- Je vous laisse deux minutes ! prévint Landers.

Se levant afin de se rendre aux toilettes, Paul jugea sans risque de les laisser entre eux. Alors que Christian, Till, Oliver et Christoph plaisantaient maintenant à propos d'une émission qu'ils qualifiaient d'ordinaire de "sans intérêt", Paul allait passer devant la cuisine pour rejoindre la pièce souhaitée mais constata d'assez loin que la lumière était allumée. Tous savaient à quel point Landers fulminait sur-le-champ en cas de lumière inutilement allumée, raison pour laquelle il s'attendit à y trouver Richard. Et ce fut le cas, mais ce qu'il vit le laissa pantois. Paul s'arrêta net à l'entrée et ouvrit la bouche sans pouvoir la refermer en voyant Richard littéralement assis en tailleur sur sa table de cuisine, regardant droit devant lui. Il portait un short de sport bleu et un débardeur blanc, les vêtements qu'il avait prévus pour passer la nuit chez Paul. Mais alors que ce dernier faisait tout pour garder ses meubles impeccables lorsqu'il invitait des gens, il ne s'attendait pas du tout à cela en retour.

- Euh... Richard, tu peux me dire ce que tu fous sur ma table ?

Son ami le regarda de côté mais ne lui répondit rien, ce qui énerva immédiatement Paul.

- Je te parle. Tu es au courant que tu es assis de tout ton poids sur ma table de cuisine ? Richard, bordel ! OH !

Alors qu'il n'avait jamais subi une telle hausse de ton de sa part, Kruspe fronça nerveusement les sourcils mais ne réagit toujours pas, obligeant l'autre guitariste à rompre la distance les séparant avant de venir frapper la table de son poing. De toute façon, si elle tombait, ce ne serait pas de sa faute à lui.

- Putain Richard, mais réponds ! Tu n'as pas le poids d'un bébé alors aussi beau soit-il, vire ton cul de ma table. Mec, allez !

Alors qu'il voulut lui attraper le bras, son ami le dégagea si violemment qu'il en sursauta.

- Non !

- Richard, je te jure... encore heureux que tu n'aies pas tes pompes. Je t'ai dit de descendre. Tu joues à quoi, tu te fous de moi ?

Mais alors qu'il le poussa brusquement vers le bord de la table, il fut surpris de voir son ami paniquer et se débattre pour mieux revenir au centre. Stupéfait alors que le plus jeune sembla tout à coup terrorisé, Paul ne s'arrêta pas pour autant et veilla juste à éviter les coups que Richard essaya de lui donner. "Il a fait un cauchemar et il a peur de se recoucher ou quoi ?" pensa t-il. Finalement, il sentit deux bras puissants l'attraper par derrière pour l'éloigner de leur ami. Avec rage, Landers insista évidemment en devenant tout aussi brutal que Richard dans son agitation.

- Non, Paul ! s'opposa la voix grave.

C'était Lindemann et à en juger par sa volonté de stopper Paul, il était décidé à régler cette dispute par la douceur. Il l'éloigna jusqu'à l'entrée de la cuisine et afin d'être sûr de pouvoir le priver de tout élan vers la table, il se mit entre lui et Richard sans lui lâcher les bras.

- Mais c'est ma table de cuisine... c'est dégueulasse, putain ! grogna Landers.

- D'abord, tu te calmes.

- Oui mais reg...

- Je sais, laisse-moi m'en occuper ! coupa l'aîné.

Le croyant compréhensif, Till commit l'erreur de le relâcher mais Landers fonça de nouveau sur son ami. Cette fois, le chanteur laissa tonner sa voix.

- HÉ ! Je t'ai dit d'arrêter ou il va finir par t'en coller une en gigotant.

Bien qu'il resta immobile cette fois, Landers pesta de colère en fusillant Richard du regard.

- Bah putain, je demande à voir.

- Mais calme-toi... tu as ma parole que vais régler le problème alors ne bouge pas de là.

Paul soupira et n'hésita pas à lui montrer son scepticisme, refusant de croire qu'il puisse faire mieux que lui en employant la manière douce. Lui demandant une nouvelle fois de rester en arrière, Till s'approcha de celui qui avait attiré ses genoux sous son menton et s'était recroquevillé au milieu de sa table. Grognant dans sa barbe en imaginant sa table crouler sous le poids de Richard, Paul fut perdu lorsqu'il vit Till l'étreindre avec une douceur paternelle en murmurant à son oreille. N'entendant pas un mot de sa part ni de la réponse de Richard, il pesta bien que Till parvint à calmer les tremblements soudains de leur ami.

- Ça va durer encore longtemps ? Parce que ma patience a foutu le camp.

Till se tourna vers lui.

- Tu as une boîte ou quelque chose de refermable ?

Il avait demandé ça d'une façon si naturelle que Paul grilla son dernier fusible.

- Hein ? Tu te fous de moi ? Ne change pas de sujet, tu es censé me donner un coup de main pour qu'il dégage de ma table et au lieu de ça, tu entres dans son jeu.

- Justement ! s'énerva Lindemann.

Paul écarquilla les yeux en le voyant perdre patience à son tour, estimant cela déplacé puisqu'il était chez lui. Pestant sans retenue, il obéit néanmoins et chercha la première boîte de conservation alimentaire qu'il trouva pour la lui donner, non sans jeter un regard noir à Richard. Rejetant la première qu'il ne trouva pas assez profonde, Till écouta Paul soupirer de désespoir le temps de lui en trouver une autre. "En voilà des manières, je rêve" pensa t-il. Till détourna son attention en lui demandant avec plus de gentillesse de ne pas trop en vouloir à l'autre guitariste. Trouvant l'idéal, Landers le lui jeta de loin puis retourna à l'entrée pour observer avec curiosité en croisant les bras. Il vit Richard trembler de plus en plus à mesure que Till se penchait à l'extrémité de la cuisine, passant la boîte prudemment le long de la gazinière. "Mais qu'est-ce qu'il fabrique ?" pensa Paul. Surprise ! L'aîné emprisonna une araignée de très grande taille que Paul n'aurait jamais remarquée à cause de la couleur sombre de son plan de travail.

Impressionné par la taille de l'animal, Paul se demanda :

- Oh la bestiole... Comment elle est rentrée celle-là ?

Till mania la boîte avec précaution le temps de repasser près de la table, afin de la faire passer par la fenêtre. Voyant son ami paniquer à son passage pour se déplacer à l'autre bout de la table, Lindemann le rassura.

- Calme-toi, elle est bien enfermée. Regarde, je la remets dehors.

Encore stupéfait par cette découverte, Paul regarda Richard épier chaque pas de leur aîné avec attention jusqu'à être sûr que l'araignée ne soit hors de vue. Ceci fait, Till referma la fenêtre et regarda son ami en attendant un signe chez lui montrant qu'il avait bien assimilé le départ de la visiteuse nocturne. Kruspe hochant la tête, Till lui prit la main et le fit revenir de son côté de la table. Repensant à la colère de Landers concernant sa présence sur sa table de cuisine, il l'encouragea à redescendre doucement mais Kruspe hésita en jetant des regards prudents partout autour de lui, du sol au plafond.

S'approchant de lui pour y mettre du sien, Paul lui posa une main un peu trop ferme sur le genoux mais Richard sursauta.

- Hé, c'est moi. Écoute, j'ignorais que tu avais peur des araignées.

Sous la paranoïa, son ami regarda le sol sans répondre mais Lindemann l'étreignit par derrière en le consolant.

- Ce n'est pas que de la peur, Paul. Mon petit frère a toujours eu la phobie des bestioles grimpantes. Tu veux bien descendre maintenant ?

La question lui étant posée avec douceur, le guitariste accepta enfin mais une fois debout à ses côtés, il déposa un éternel baiser sur sa joue en le serrant contre lui pour le remercier avec un soulagement difficilement perceptible dans sa voix. Voyant ensuite Richard s'éclipser de la cuisine après avoir encore scruté l'étendue du carrelage, Lindemann précisa à Paul qu'il allait sûrement mettre un bas qui lui recouvrirait la totalité des jambes, par pure précaution. Après avoir entendu une porte se fermer au loin, probablement celle de sa chambre, Paul s'assit et regarda l'aîné.

- Comment j'ai fait pour ne jamais remarquer une chose pareille ? En plus des araignées, il y en a partout.

- C'est depuis notre jeunesse, quand on s'est mis à dormir dans des endroits insalubres. Il est venu vers moi une nuit pour m'en parler parce qu'il avait senti quelque chose frôler sa main sur le matelas. Je me souviens qu'il a réveillé Doom en sursaut en voulant m'atteindre, je l'ai entendu lui râler dessus avant de se rendormir. Moi-même, j'avais du mal à dormir. Richard restait contre moi, il ne disait rien... ça m'inquiétait. Alors je l'ai laissé venir contre moi et il m'en a parlé. J'ai toujours géré sa phobie depuis, parce qu'il dit que c'est cette nuit-là que c'est venu. Il s'est mis à en avoir peur à cause de ça, et moi j'en ai pris l'habitude. Par contre, ne le dis jamais aux autres.

Son ami guitariste hocha la tête avec compréhension.

- Tu as ma parole. Ah mais c'est pour ça qu'il dormait tout le temps avec toi alors ? réalisa Paul.

Après avoir acquiescé en se rappelant cette époque, Till ajouta :

- C'est aussi pour ça qu'il évite de rester dans le noir tout seul.

Faisant les gros yeux, Paul demanda :

- Parce qu'il a peur du noir en plus ?

Irrité, Till n'ajouta rien bien qu'il n'avait pas du tout apprécié le ton ambigu de cette question. Pour lui, c'était comme si Paul sous-entendait qu'un homme ne devait ressentir aucune peur et cette chose l'avait toujours révolté. Lui-même avait des phobies comme n'importe qui.

- Ça dépend, c'est contextuel comme là avec l'araignée. Il a juste peur qu'il y en ait une qui grimpe sur lui sans qu'il ne la voit, ou même d'en frôler une sans le savoir.

- Ça explique pourquoi il m'a allumé toutes les lumières au passage ! dit Paul en désignant les pièces accotées.

Jetant un œil, l'aîné inclina la tête.

- En général, il éteint la précédente s'il y a un interrupteur de chaque côté de la pièce, mais là non.

Hésitant, Paul haussa les épaules mais évita son regard.

- Ne le prends pas mal mais à l'époque, je croyais que vous baisiez pendant que nous on dormait.

Sur le point de répondre, Till entendit la porte de la chambre se refermer un peu trop fort et se tourna. Dès que Richard les eut rejoints, vêtu d'un jogging épais et d'un t-shirt à manches longues, Till l'éloigna un peu et murmura de nouveau à son oreille en veillant à ce que lui seul n'entende, ce que Paul ne comprit guère puisqu'il savait désormais quel était le problème. Voyant Lindemann retourner au salon après de longues messes basses, il se retrouva tête-à-tête avec celui qu'il avait brusqué à cause d'une phobie tout à fait banale. Sans être plus à l'aise que son ami, Paul nota à quel point Richard semblait démuni depuis que son protecteur était reparti. Il ne le regardait pas, il fixait la pièce autour de lui sans faire un seul geste. De crainte de débiter des excuses qui ne seraient pas à la hauteur de son idiotie, Landers les remplaça par de l'humour. Souriant immodérément, il gesticula de façon nerveuse avant de montrer de la tête le recoin où s'était réfugiée l'araignée.

- Au point de grimper sur une table, franchement...

Cette fois, Kruspe lui adressa un regard étrange. Dans ses yeux était apparue une certaine lueur, une étincelle de folie telle qu'une envie malsaine semblait le saisir. Semblant passer à côté, Paul s'approcha en riant doucement pour lui tapoter l'épaule.

- Reesh, elle est partie alors relax !

Combattant un mélange instable d'émotions contradictoires, Richard détourna enfin ce nouveau visage. Au moment où ils entendirent Till pester sur Flake, Landers encouragea son ami à oublier "le petit incident" comme il dit, puis il fit enfin ce pourquoi il était debout. Laissant Richard dans la cuisine, il reprit le chemin des cabinets en sentant son envie pressante revenir au grand galop. "Mais quelle grande gueule" pensa t-il de son ami chanteur en riant. En effet, il était à peine arrivé à la porte qu'il l'avait entendu juger son manque de goût en matière de cinéma.

- JE T'EMMERDE TILL ! hurla Paul avant d'entrer dans les toilettes.

Devant la télé, Christian avait réussi à s'endormir par miracle, tellement la voix de Till serait passée par-dessus un ouragan. Oliver se sentait prêt à le rejoindre d'ici peu car il bâillait de plus en plus, et Christoph regardait Till s'agiter dans tous les sens en pliant ses doigts.

- Till, tu as des vers au cul ou quoi ? Assieds-toi, tu me stresses.

- Mon vers, je vais te le faire bouffer. Tu vas voir.

Devant sa menace à peine sérieuse, Schneider insista vis-à-vis du fait qu'il ne cessait de remuer en soupirant. Il n'en savait rien bien sûr, Till était nerveux car il n'attendait que leurs deux autres amis, dont un en particulier. La phobie de Richard se manifestait toujours différemment selon les circonstances, et ses conséquences n'étaient jamais moindres. Lui le savait, et il devait désormais veiller à ce que Paul tienne sa parole.

Après s'être lavé les mains, Paul renifla comme à son habitude le parfum de lavande qui s'en dégageait. C'était une manie lorsque la senteur lui plaisait, il la savourait et avait souvent le réflexe de soupirer d'aise. Retournant ensuite dans la cuisine, il se demanda où était parti Richard, lui qui était littéralement "figé" il y a quelques minutes encore. "Il est parti se coucher ?" pensa Paul avant d'entendre un bruit sur sa terrasse. L'extérieur étant sombre lorsqu'il fixa la fenêtre, il pensa au hérisson qu'il nourrissait chaque soir et qui faisait un bruit considérable en mangeant. Souriant en imaginant son petit museau, il ouvrit le frigidaire et sortit un grand pack de bières qu'il apporta jusqu'au salon afin que tout le contenu en soit vidé. Arrivant près du salon, il annonça à voix haute la marque de la bière afin de réveiller ses amis.

- J'ai cru que tu ne le dirais jamais ! grommela Flake en émergeant.

Riant de se sentir bousculé pour si peu, Landers le laissa se servir en premier en lui faisant remarquer à quel point son énergie revenait vite dans ces cas-là. Regardant les autres se servir, Paul attendit que Lindemann n'en fasse autant avant de se servir lui-même, mais il vit que ce dernier fixait l'entrée avec inquiétude.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Une araignée ?

Sans citer Richard, il avait pensé que cela serait vu comme une blague mais Till le prit très mal intérieurement.

- Où est Reesh ? demanda t-il.

Le guitariste haussa les épaules.

- J'ai filé aux chiottes quand tu es parti alors s'il n'est pas là, c'est qu'il a voulu aller se coucher.

- Impossible ! trancha Till de façon sèche.

- Relax !

Oliver s'étonna de sentir cette agressivité dans sa voix et lorsqu'il lui en demanda l'origine, Paul décida de ne pas revenir sur l'incident avec l'autre guitariste étant donné qu'ils en étaient tous responsables, en dehors de Till.

- C'est bon, je vais le chercher.

Alors qu'il se leva, il vit le chanteur l'imiter.

- Je viens aussi.

Paul était surpris de voir Lindemann s'inquiéter ainsi au point de vouloir l'accompagner, mais il savait que sa responsabilité était en partie engagée à cause de la dispute dans la cuisine car après tout, Till avait pu sauver la situation. Pourtant, Paul lui posa une main sur l'épaule et adopta un ton confiant. Il lui conseilla de prendre une bière tranquillement pendant que lui ramènerait leur ami dans le salon. De plus, il ne voulait pas que les autres se doutent de quoi que ce soit et sut communiquer cette pensée à l'aîné d'une légère œillade vers les autres. Souriant, le chanteur se rassit et prit donc sa bière en le remerciant, dirigeant ensuite l'attention des autres sur l'écran. Quant à Landers, il partit vérifier que Kruspe était bien dans sa chambre en train de dormir avec ou sans éclairage, afin de pouvoir rassurer son ami ensuite.

Alors que Paul alluma la lumière de la chambre, le fin sourire sur ses lèvres disparut aussitôt alors qu'il avait cru que son ami y serait. Richard n'était pas là et le lit n'était pas défait, mais pire encore, son sac de voyage n'était plus là également. Inquiet, Paul vérifia tout de même l'armoire au cas où il l'aurait seulement rangé, mais rien.

- Oh merde, Rick ! murmura t-il avec un haut-le-cœur.

Nerveusement, il repensa au bruit entendu sur sa terrasse en retournant dans la cuisine. Peut-être s'était-il agi de son ami ! Espérant le trouver en train de fumer, Paul entama d'une démarche rapide le court chemin jusqu'à sa porte d'entrée. "Putain, cette soirée l'a foutu en rogne à ce point ?" pensa t-il avant de constater que la porte d'entrée était déverrouillée et d'allumer la lumière extérieure.

- Richard ? l'appela t-il.

Face au silence lui répondant, il prononça une seconde fois son prénom mais sans espoir. Il entreprit ensuite la vérification décisive : la présence des véhicules dans l'allée. Celui de Richard manquant à l'appel, il n'eut d'autre choix que de retourner informer celui qui risquerait d'arriver lui-même si Paul restait trop longtemps sans donner de nouvelles.

Les yeux dans le vague, Paul entra mollement dans le salon. Alors que ses amis riaient devant l'écran, il s'approcha du canapé et regarda celui dont la réaction à venir ne le rassurait pas. Comme début de preuve lorsque ce dernier tourna la tête vers lui, il perdit le sourire et reposa sa bière.

- Till ! Je crois qu'il est rentré chez lui.

Blasé, le chanteur s'enfonça la tête dans les mains en maudissant cette soirée.

- Qui ça, Richard ? demanda Doom en relevant la tête vers Paul.

- Quoi Richard ? demanda Lorenz en se tournant aussi.

- Il est reparti ! informa Paul.

- Ah non !

Oliver venait de réagir et semblait catégorique, alors que les autres en avaient perdu la voix.

- Ben va voir dehors, sa voiture n'est pas là ! justifia Paul.

Pourtant, Ollie se releva avec un haussement de sourcils.

- Elle n'est pas là parce qu'on est venus ensemble, j'ai du aller le chercher parce que la sienne a un problème.

De plus en plus inquiet, Till se leva et quitta le salon à grandes enjambées alors que Paul se mit à réfléchir à toute vitesse.

- Alors soit il a appelé un taxi, soit il a juste filé dans la nuit ?

- Si c'est le cas, inquiète-toi plus pour le pauvre chauffeur qui prendra Richard. Ceux du coin sont si bavards que Richard le tuera vu son humeur, alors on surveillera les faits divers demain.

La remarque ainsi que le ricanement de Schneider furent très mal accueillis. Révolté par son indifférence, Ollie soupira alors que le stress s'emparait de lui.

- Ce n'est pas parce que c'est un adulte qu'il ne peut rien lui arriver.

- Justement, on est tous censés dormir ici. Pourquoi il a filé en pleine nuit sans prévenir ? demanda Doom.

- Parce qu'on l'a trop fait chier.

Flake se sentait coupable et n'eut pas peur de passer en revue leurs provocations de la soirée, alors que Doom était énervé et considérait Richard comme étant le seul responsable.

- Il aurait quand même pu prévenir, c'est con de sa part.

- Tu aurais fait quoi à sa place ? On l'a emmerdé pendant tout le début du film, et toi tu n'as pas arrêté de le vanner.

Flake ayant fait taire le batteur, Paul réfléchit à sa manière.

- Arrêtez tous, il était habillé pour aller se coucher après. Je l'ai vu dans la cuisine.

Lindemann prit le volant en pleine nuit pour chercher son meilleur ami et la soirée se termina ainsi : dans l'anxiété et l'appréhension. Leur volonté de décompresser pendant une semaine venait d'ailleurs de se voir supprimée d'un jour. Malgré le fait que les membres du groupe furent soulagés lorsque Paul reçut un message du chanteur annonçant avoir retrouvé Richard, tous se demandèrent si la semaine allait toujours finir chez Till. Et si oui, dans quelle atmosphère ?

Reposant son portable entre les sièges, Lindemann analysa le silence de son meilleur ami dont le regard était tourné vers la fenêtre. Adoucissant l'ambiance avec un peu de musique, Till lui passa ensuite une main sur la nuque mais sans surprise, Richard resta focalisé sur la rue calme et éclairée par les lampadaires. Il savait bien qu'il était trop tard pour faire marche arrière - pour sa fierté en tout cas -, mais Kruspe regrettait d'avoir fui ainsi. Mais quelque chose de profond le tiraillait et Till le savait, car son meilleur ami venait de faire un bond fulgurant dans le passé ce soir, et désormais il en souffrait. Ce n'était pas pour rien que Till l'avait retrouvé dans un arrêt de bus, allongé avec les yeux en larmes. Bien qu'il avait dissimulé ce fait aux autres, Lindemann avait décidé d'emmener son ami chez lui et comptait bien l'aider à se reprendre.

Alors qu'il se garait dans sa cour, Till regarda son portail électronique se refermer dans son rétroviseur, puis il se tourna vers Richard et vit que ce dernier le regardait aussi. Il pouvait voir dans ses yeux rougis par les pleurs que cette descente aux enfers dans les méandres de son passé n'était qu'un début et que si Richard restait seul, il ferait une grave rechute. Mais alcool ou drogue, peu lui importa car Till comptait tout éloigner de son meilleur ami pour lui faire garder la tête haute.

Baissant les yeux, Kruspe lui prit timidement la main et la serra doucement contre sa poitrine avant de murmurer d'une voix aiguë :

- Merci !

Till répondit :

- Tout pour toi, petit frère.

Souriant, il lui souleva le menton de sa main libre afin de lui donner un baiser amical sur les lèvres, chose qu'ils ne faisaient que rarement et lorsque l'un d'eux était au plus mal.

- On va t'installer et demain, on ira récupérer quelques vêtements chez toi.

Son ami acquiesçant, ils purent sortir du véhicule et marcher côte à côte mais voyant son meilleur ami regarder tout autour d'eux, Till passa un bras protecteur par-dessus ses épaules pour lui faire garder confiance. Car il comptait bien inviter leurs amis en milieu de semaine et pour cela, il allait s'occuper au mieux du moral de Richard afin que le mauvais déroulement de cette soirée n'engendre aucune rancune envers eux.

à suivre...