Stationnant devant chez Paul, Till vérifia que Richard dormait toujours avant de descendre discrètement pour aller sonner à la porte. Il ne voulait pas le réveiller et surtout, il savait que revoir la maison dans laquelle les autres l'avaient poussé à bout la veille risquerait de lui faire perdre une partie de sa bonne humeur. C'était encore frais en lui et de plus, ils n'étaient censés être que tous les deux. "J'espère que tu me pardonneras" pensa Till en le regardant. Mais les deux guitaristes ayant beaucoup d'affection l'un pour l'autre, peut-être que la présence de Paul redonnerait le sourire à Richard ! Les deux se comportaient comme des enfants lorsque rien ni personne ne se mettait entre eux. De plus, Richard appréciait toujours la compagnie des femmes et contrairement aux mauvaises réflexions de certains, il savait parfaitement rester distant et amical avec elles.

Lorsque la porte s'ouvrit sur Landers, il était en compagnie de la femme évoquée au téléphone. Blonde au visage fin, elle avait une mine prompte à la plaisanterie et une tenue annonciatrice d'une personnalité extravertie. Malgré son envie de rire, Till resta neutre et salua poliment celle qui se présenta sous le prénom de Daisy. Puis il entra et lorsqu'il la vit retourner s'occuper des sacs, il jeta un regard coquin à Paul.

- J'ignorais que tu avais une fille cachée !

Connaissant le pourquoi de cette remarque, Paul se retourna et la regarda comme un animal affamé.

- Tu l'as ramassée à la sortie d'un lycée ? Parce que si ses parents débarquent chez moi, je ne te connais pas et te dénonce.

- Arrête un peu, elle a trente ans.

Effaré, Till pencha la tête en arrière.

- Et à moins qu'elle ne s'attache, c'est l'histoire d'une nuit.

- Tu verras bien, mais tu devrais en profiter si c'est le cas. Tu es quand même un second Richard, elle pourrait être ta fille. Ceci dit, j'avoue qu'elle est mignonne.

- Ah ben tu vois !

Continuant de la regarder, le chanteur murmura avec espoir :

- Tu me la prêteras ?

Paul lui envoya un regard pas du tout coopératif et lui tira la langue, sachant très bien que son ami plaisantait de toute façon.

- Même pas en rêve !

Il était si rare que Paul ne s'adonne aux coups d'un soir que les fois où cela se produisait, ses amis se permettaient tout et n'importe quoi pour l'embêter, Lindemann surtout. Le guitariste alla donner un coup de main à sa copine par galanterie et ils se rendirent à la voiture. Remarquant la présence de Richard sur le siège passager, Paul fut surpris et regarda Till.

- Rick est là aussi ! Tu t'ennuyais déjà de nous depuis hier ?

Till haussa les épaules avec un petit rire.

- Ne te jette pas autant de fleurs. Ou alors ajoute quelques épines pour toi.

Dubitatif, Paul posa la question qu'il ne fallait pas :

- Il a dormi chez toi au moins ?

Till avait complètement oublié l'hébergement de son ami depuis la veille et le nia en prétextant qu'il avait été le chercher en fin de matinée. Malheureusement, Paul se montra perspicace sur l'heure à laquelle il avait du aller le chercher tout en soulignant que leur ami était en train de dormir. Le chanteur répondit juste qu'il ne passait pas son temps à fixer sa montre, mais que Richard avait passé une mauvaise nuit qu'il rattrapait le temps d'arriver. Paul sembla satisfait de la réponse mais après un court instant, il hésita avant de demander d'un air coupable si l'un des incidents d'il y a deux jours était en cause, voire les deux. Ne sachant que répondre, Till lui jeta un regard qui ne put être qu'affirmatif malgré son silence légèrement froid. Lorsque Landers sembla sur le point de s'excuser, l'aîné lui évita de raviver la flamme et posa son doigt devant sa bouche.

- On va éviter de le réveiller si tu veux bien. Et quand il le sera, on n'abordera pas le sujet.

Comme espéré, Paul accepta en retrouvant le sourire. C'était ce que souhaitait Till, un retour à une ambiance fraternelle avec ses amis.

- C'est bon, vous avez tout ? demanda t-il.

- Non, il ne me manque plus que mon sac de maquillage.

Alors que Till leva les yeux au ciel, Paul le regarda en riant et répondit :

- Attends, je vais le chercher.

Après avoir jeté un regard lubrique à Daisy, Paul les laissa ainsi tout caser correctement dans le coffre... ou plutôt essayer. Till rigola et ne put s'empêcher de citer le cliché des femmes encombrant les voitures avec leurs bagages.

- On dirait que vous partez un an à l'étranger. Tu as emménagé chez Paul au moins ?

- Quand même pas ! On s'est juste embrassés deux fois depuis ce matin, et je préfère éviter toute attache. On se l'est dit déjà. C'est juste que je n'aime pas voyager léger, j'aime avoir tout sur moi en cas d'extrême urgence.

Lindemann ne rajouta rien. Après tout, il n'y avait pas plus entêtée qu'une femme lorsqu'il s'agissait de ses produits de beauté et de toute façon, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui après avoir insisté pour que Paul ne vienne. Il ne souhaitait que remonter le moral de Richard car avec Paul, ils étaient les seuls à ne pas l'avoir énervé lors de leur soirée ratée. De plus, les fissures provoquées par ce petit "conflit" dans la cuisine auraient pu être colmatées, et peut-être même que Richard aurait parlé à Paul de sa phobie. Mais n'ayant pas prévu la présence de Daisy, Till n'avait pas osé se raviser lorsque Paul lui avait dit être accompagné. Il espéra désormais que Richard n'allait pas mal le prendre. En effet, Till connaissait très bien son petit frère comme il le lui avait dit, mais il savait une chose sur lui en particulier.

S'installant au volant, il vérifia que Kruspe dormait toujours et mit le moteur. Alors qu'il vit Paul s'approcher de la voiture, il allait lui rappeler de minimiser le bruit mais soupira en le voyant se jeter sur les lèvres de la jeune femme pour l'embrasser de façon vraiment sauvage. Mais une chose lui déplaisant davantage fut le culot de Daisy qui n'hésita pas à lui mettre une main entre les jambes, directement dans le pantalon alors qu'elle se croyait discrète. Till détestait cela. D'une part, parce qu'ils étaient en pleine rue. De l'autre, parce que même s'il n'y avait personne d'autre, lui était présent et il n'avait pas à supporter un tel spectacle. C'était inacceptable. "Si encore tu avais bu... magnez-vous un peu" pensa t-il. Lorsqu'ils se décidèrent enfin à monter en voiture, Paul claqua involontairement la porte mais sursauta, regardant Richard avec regret. Par chance, ce dernier était comme assommé par un rêve.

Ils roulaient depuis à peine vingt minutes lorsque la jeune femme commença à se plaindre d'une douleur à la tête. Cherchant une pharmacie, Lindemann se gara et au vu de tous les petits commerces alentours, il vérifia si son ami dormait toujours au cas où il aurait voulu aller s'acheter quelque chose. Richard ne faisait plus de bruit comme s'il allait se réveiller, mais Till ne chercha pas à le déranger pour autant. Cependant, il regretta amèrement sa politesse et sa patience en entendant la compagne de Paul lui parler par la fenêtre. Au lieu de s'occuper de ce qu'elle avait à faire en allant à la pharmacie, elle embrassait goulûment le guitariste par la fenêtre comme s'ils étaient seuls une fois de plus. Encore moins pudique, ce dernier plongea une main dans son décolleté.

- HUM !

Le chanteur s'était manifesté à voix haute tant l'énervement prenait le dessus, mais il ne se rendit pas compte que Richard venait de bouger. Après s'être séparés, Daisy se rendit vers la pharmacie alors que Paul la déshabillait du regard par la fenêtre. Mais alors que sa colère venait de réveiller le plus jeune, Till resta focalisé sur celui qui allait finir sur le bord de la route s'il continuait.

- Dis donc, tu ne veux pas que je te laisse ma banquette arrière pour la sauter tant que tu y es ?

- C'est proposé si gentiment !

Face à cet humour qu'il jugea trop ambigu, Till se retourna sur son siège pour avertir son ami du regard. Simulant une peur exagérée, Paul fit les gros yeux et plaça ses mains devant lui comme si Till était sur le point de l'attaquer. Après un rire partagé, Paul se comporta correctement et s'excusa.

- Till, tu es au courant que je plaisante ? demanda t-il.

- Oui, je le sais. Mais ta minette en fait trop, alors n'en fais pas autant parce qu'on est en ville ici. En plus, ma voiture n'a rien d'un baisodrome.

Alors que Tilll commença à le tuer du regard, Richard coupa leur échange pour montrer qu'il était réveillé. Après s'être étiré, il tenta difficilement de garder les yeux ouverts à cause de la clarté de l'extérieur et se retourna.

- Paul, qu'est-ce que tu fais là ? Mmm... On est où, Till ?

- Salut toi !

Paul se pencha pour lui déposer un baiser sur la tête et Till lui donna chaque détail, précisant par là avoir mis Paul au courant qu'il l'avait "récupéré dans la matinée". Tout cela dans le but que Richard ne commette pas d'erreur. Au plus grand bonheur de Lindemann, Richard sembla heureux que leur ami soit des leurs pour ce soir... jusqu'à ce que la porte ne se rouvre sur Daisy. Perdu en voyant une inconnue s'incruster dans la voiture de son meilleur ami, Richard se posa des questions sur sa présence et son identité. Il remarqua juste que malgré le signe de la main qu'elle lui fit, elle s'avéra réfractaire aux présentations. Mais lorsqu'il la vit prendre la main de Paul, il détourna rapidement le regard vers le trottoir en fronçant légèrement les sourcils. Des présentations, il n'en souhaitait pas pour le moment de toute manière. Navré, Till se sentit coupable alors qu'il aurait voulu lui éviter cette présence en plus. "Niveau gonzesse, il a eu sa dose aujourd'hui alors j'espère qu'il saura passer outre" pensa t-il. Il savait que Richard n'aurait voulu passer du temps qu'avec lui, voire avec lui et Paul pour le moment, car il n'aimait pas les invités de dernière minute. Mais le guitariste appréciant toujours la présence d'une femme, le chanteur espéra qu'il ferait l'impasse cette fois-ci. Tout de même lorsqu'ils arrivèrent chez lui, il le prit à part pour lui en parler après avoir regardé Paul et Daisy s'éloigner avec les bagages.

- Attends ! Elle s'appelle Daisy, je pense que c'est un coup d'un soir pour Paul. Elle n'était pas au programme, tu as ma parole, et elle partira sûrement demain. J'ai eu l'idée d'inviter Paul à notre sortie du bar, c'est lui que j'ai appelé. Il a été honnête avec moi au téléphone, il m'a dit être accompagné. J'ai senti qu'il ne voulait pas m'imposer une inconnue, mais je ne sais pas... je lui ai proposé de l'amener. Je n'ai pas osé changer d'avis de peur de paraître malpoli.

- Je te comprends ! dit Richard.

- J'ai voulu inviter Paul pour te faire plaisir au départ. Il arrive toujours à remonter le moral des gens.

Voyant que Richard semblait rougir et fronçait légèrement les sourcils en baissant les yeux, Lindemann continua.

- Je me suis souvenu trop tard que tu voulais rester tranquille. Alors ça m'a fait zapper notre moment entre potes, mais tu as ma parole que je vais rattraper ça. Comme Paul ne t'a pas emmerdé l'autre soir, j'ai cru que tu serais content de le voir...

- Je... je le suis, c'est vrai. Je le serai toujours. Après tout, c'est Paul. Mais c'est vrai que je m'attendais à ce qu'on soit au calme tous les deux.

Bien que Richard sembla lui dissimuler une chose bien établie pour lui, Till lui passa une main sur la nuque et sourit.

- Ne t'en fais pas, cette gonzesse fait un peu gamine et délurée mais notre pote sait se tenir.

Il déposa un baiser sur son front et s'éloigna pour aller ouvrir la porte alors que Richard se posait des questions sur tout. Il ne fut sorti de ses pensées qu'en entendant l'humour de Paul à Till depuis la porte d'entrée :

- Alors c'est à cette heure-ci que tu arrives ? On t'attends depuis deux heures.

- Ferme-la, sinon je te mets une tente sur la pelouse et tu dors tout seul dehors.

- Tu me ferais ça à moi ?

- On commence tout de suite ?

Riant légèrement en les regardant se chamailler, Richard décida de ne pas en vouloir aux deux invités pour leurs présences impromptues. Surtout une !

ooOOoo

Ils se retrouvèrent donc sur la terrasse arrière de Till, savourant le début d'un pack de bières fraîches en profitant du calme. Malgré la présence de Daisy, Paul se comporta en gentleman et agit avec elle comme il le fit avec ses amis. Pourtant, Richard semblait avoir perdu un peu de gaieté et même si Till avait mis cela sur le compte de son épuisante partie de jambes en l'air avec Patience, il se rappela qu'il avait au départ prévu de passer le temps restant avec lui avant la venue des autres. Il avait donc fichu en l'air ce projet et peut-être que son ami lui en voulait, malgré sa parole.

Quand il fallut débarrasser les bouteilles, faire la vaisselle ou toute autre banale tâche, le guitariste s'arrangea pour en être mais se servait de tout ça pour s'isoler. Il ne voulait pas d'ambiance comprenant une once de festivité. Till craignit de voir son ami déprimer, alors il alla chercher quelque chose de plus fort que la bière dans sa cave. Il savait qu'un peu d'alcool modéré détendrait son ami, mais il ne pourrait veiller sur la consommation de tout le monde à la fois. Cet excellent rhum qu'il apporta, Richard en savoura un verre avant de disparaître à nouveau en lançant un regard douteux et indiscret à Daisy. Bien que celle-ci n'en remarqua rien, ce ne fut pas le cas de Landers.

- Qu'est-ce qu'il a ? demanda Daisy.

Till le suivit après avoir haussé les épaules. Il passa plusieurs minutes à le chercher infructueusement avant de jeter l'éponge. Il connaissait sa maison mieux que quiconque, pourtant Richard l'y avait "semé". En ressortant, il remarqua que Paul et Daisy était sur le point de se sauter sur les lèvres. Par chance, ils se calmèrent après l'avoir vu. Ils n'avaient pas encore assez bu pour tenter la malhonnêteté. Lorsque Richard revint de lui-même, il fourra son portable dans sa poche et se rassit, l'air de rien. L'aîné pensa qu'il s'était juste mis à l'écart pour téléphoner. Mais bien que le guitariste n'avait aucune envie d'être dehors, il n'allait pas laisser son meilleur ami tenir la chandelle. Par chance, l'alcool aida à sentir le temps défiler plus vite et le soir arriva.

Sans appétit, Richard resta dans sa bulle et ne participa qu'à moitié aux conversations de ses amis. Cependant, lorsque Daisy se leva après avoir chuchoté aux oreilles de Paul, ce fut exactement en même temps que Richard... ce qui fit tiquer Landers. Lorsqu'elle reparut dix minutes plus tard, ce ne fut pas sans jeter un dernier regard dans la maison. Lorsqu'elle regarda Paul, elle avait un sourire aux lèvres dont il s'interrogea sur la cause. Lorsqu'il la questionna avec une pointe de jalousie devant un Till rieur, elle ne fit que soulever le fait que même si Richard était rentré en même temps, elle ne l'avait plus vu une fois à l'intérieur. Comme s'il avait disparu ! Till en savait quelque chose, mais Paul trouva cela suspect puisqu'elle avait répondu sans le regarder dans les yeux. "Vous avez parlé et peut-être même plus, ça se voit" pensa Paul.

Lorsque le dîner improvisé se termina et que Daisy proposa son aide à Till pour débarrasser la table, ce dernier l'en remercia avec joie. De son côté, Landers en profita pour s'allumer une cigarette en faisant le tour de la maison. Il essayait d'arrêter depuis longtemps mais là, quelque chose l'agaçait sans trop savoir quoi. Alors qu'il repensa à sa fameuse petite jalousie, il en réalisa la stupidité. Il n'avait rien vu et n'avait donc pas à spéculer. Au moins, il savait avoir assez bu car même s'il avait pensé du mal de Richard, il avait au moins pu se reprendre ensuite. Riant de lui-même, il passa derrière la maison et vit Richard à plusieurs mètres de l'extrémité. Ce dernier semblait regarder par une des fenêtres et ses jambes s'agitaient, comme sous l'impatience. Instinctivement, Paul revint en arrière et remit une nouvelle fois en doute la sagesse de son ami.

- Hep hep !

Le plus jeune sursauta.

- Qu'est-ce que tu fous ? Tu te touches ?

Très mal reçue lorsque Richard fut certain d'avoir bien entendu, sa question se heurta au silence. Pour mieux lui faire comprendre qu'il connaissait ses intentions, Landers fit quelques pas dans sa direction.

- Si c'est un coup de pute que tu essaies de me faire, je ne crois pas que ce soit réglo.

Kruspe haussa les sourcils mais ses jambes s'agitèrent encore plus.

- De quoi tu parles ?

- Tout à l'heure dans la maison, et là par la fenêtre... J'imagine que t'as le regard qui se balade sur elle, alors je préfère te prévenir avant que tes mains en fassent autant.

- Je ne répondrai même pas à ça, tu vois ! C'est nouveau, ce côté coléreux quand tu bois.

- Si tu crois que je ne te sens pas lui tourner autour comme un fauve depuis notre arrivée ! Tu projettes de la baiser ?

De plus en plus irrité alors qu'il savait n'avoir en aucun cas donné cette impression, Richard détourna la conversation. Il ne savait pas pourquoi Paul s'accrochait à sa pensée mais il savait que lui ne l'attaquerait pas aussi facilement.

- Et si tu allais te faire foutre ?

- Mais j'y compte bien ! Par contre, j'aimerai bien ne pas passer après toi alors trouve-toi s'en une ailleurs. Toi et ta manie de les vouloir toutes...

- Attention !

Perdant patience, Richard se demanda d'où lui venait cette possessivité pour une inconnue, et surtout cette agressivité envers lui. Paul n'était jamais comme ça. Avait-il simplement trop bu ? Malheureusement, le plus jeune ne fut pas d'humeur à répondre avec compréhension et se sentit obligé de contre-attaquer.

- Tu crois que ta gonzesse m'excite ? Franchement...

- Je n'en sais rien mais quand t'es en manque, tu ne fais pas le difficile. Tu n'as jamais été regardant sur les détails, et vu que ça fait assez longtemps que tu n'en as pas eu... Alors je tiens à te rappeler que je n'ai jamais approché les tiennes, moi.

Paul ne comptait pas lâcher le morceau apparemment. "Et il insiste, putain ! Tu veux jouer à ça ?" pensa Richard.

- Ça n'aurait pas été gagné pour toi de toute façon.

Richard regretta immédiatement ses mots, mais son aîné avait réussi à l'énerver et c'était irréversible.

- Qu'est-ce que t'as dit ?

Paul fit quelques pas de plus, beaucoup plus lourds sous le coup de la colère. Il crut voir une lueur cruelle dans les yeux humides de Richard, et lui cracha dessus mentalement. Alors que le plus jeune guitariste baissait les yeux, Paul serra le poing en réduisant totalement la distance entre eux.

- Va te faire foutre, je t'emmerde.

- Tu veux m'emmerder, je vais t'emmerder aussi. Petit con !

- Bâtard...

À peine Paul eut-il terminé de l'invectiver qu'il le frappa à l'estomac. Bien que surpris, Kruspe n'eut aucune réticence à rendre le coup mais le lui envoya en pleine figure. Malgré la violence, Paul se redressa, têtu et insistant puis vint l'agripper pour essayer de le mettre à terre. Richard le bloqua assez facilement et le plaqua au mur en continuant de lutter pour le garder immobile.

- T'es qu'une ordure. Si ma gueule ne te revenait pas, tu n'avais qu'à me le dire au lieu de faire semblant de me supporter, et de te comporter comme un frère depuis tout ce temps. Je te parle, connard, tu pourrais au moins me regarder dans les yeux. Tu te fous de ma gueule depuis combien de temps ?

CLAC

La main de Richard était partie toute seule.

- Raconte pas de conneries, c'est toi qui t'es foutu de ma gueule.

- Mais de quoi tu parles ?

Secoué par ce nouveau coup au visage, Paul ne prit pas le temps de se masser la joue et profita d'un instant d'inattention chez son ami pour essayer de l'étrangler. Alors que la violence de leurs coups s'était accrue sous la colère, Richard le fit passer devant lui sans problème et le plaqua au sol avec une force inouïe. Il reçut un coup dans la mâchoire, avant que des cris ne se mettent à résonner sans les atteindre. La rage dans le regard, Landers insista :

- Alors quoi ?

- Je te parle de ce moment où tu as rigolé parce que j'avais grimpé sur ta table.

Paul cessa soudain de ce débattre et grimaça sans comprendre, mais pour son ami, il n'était plus question de retour en arrière.

- Quoi ?

- LES MECS ! MAIS ARRÊTEZ, VOUS ÊTES FOUS ?

Accompagné de Daisy, Till avait accouru et tenta de les séparer autant que possible. Mais bien que Kruspe l'attaqua tout autant pour l'avoir empêché de se venger, il ne se laissa pas faire et ne chercha pas à comprendre. De son côté, Daisy garda Paul éloigné et pour la première fois depuis son arrivée, elle ne riait plus du tout. Ce fut à cet instant que Paul réalisa la portée de ce qu'il avait considéré comme étant une simple expression d'étonnement. Richard avait tout simplement vu cela comme une moquerie et venait de chercher à le lui faire payer par des coups. Malheureusement, il était trop tard pour revenir en arrière et la blessure infligée par les mots cruels de Kruspe lui avait ôté toute envie de s'excuser. D'autant qu'il trouvait ça exagéré de foncer sans savoir.

- Fallait pas le prendre comme ça, merde !

- Tu savais très bien ce que tu faisais ! cracha Richard.

- Mais qu'est-ce qui vous a pris à tous les deux ? Je n'aurai jamais cru voir ça un jour, pas de vous.

Ils continuèrent de se toiser en l'ignorant et Richard bouscula Paul du bout des doigts, ne pouvant l'atteindre plus.

- Va te faire mettre.

Bien que Till l'eut retenu, Paul en fit de même.

- Toi, va te faire mettre.

- Vos gueules maintenant !

Voyant qu'aucun de ses amis ne semblait prêt à l'écouter ni à se calmer, Lindemann n'eut d'autre envie que de les garder dans des pièces séparées. Ainsi, il clarifierait les choses lui-même. Richard décida de toute manière de retourner là où il se sentirait le mieux. Alors que Daisy essayait de calmer Paul à sa manière, ce dernier gronda tout en se massant le bras :

- Ce connard a attendu longtemps avant de me jeter ses quatre vérités.

- Paul, il n'en pensait même pas un mot alors peu importe ce qu'il t'a dit.

- "Peu importe" ? On voit bien que tu viens d'arriver ! Dans ce cas, il aurait fermé sa gueule. Tout le monde n'a pas la belle bouille de monsieur Kruspe ! ragea Landers.

- Maintenant, tu te calmes. Je ne veux plus rien entendre de Richard ou de toi, mis à part des excuses quand vous serez calmés. Que s'est-il passé entre vous pour qu'il te prenne en grippe comme ça ? Paul, mais putain il t'adore... qu'est-ce qu'il vous arrive ?

Paul se posa sur la pelouse le temps de se calmer et réfléchir, puis Till et Daisy l'imitèrent. À la différence de Till, elle resta neutre et ne s'immisça pas entre Paul et Richard car elle ne connaissait pas l'origine de leur bagarre. Elle se contenta de poser une main sur le bras de Paul pour lui témoigner son soutien. Sans trop comprendre ce qu'il venait de leur arriver à lui et à son ami, Landers hocha la tête et parla au seul pouvant le conseiller.

- Il pense que je me suis foutu de lui l'autre soir, pour le coup de l'araignée. Apparemment, j'aurai rigolé et Reesh a cru que je me foutais de sa gueule. Mais je ne m'en souviens pas moi...

Horrifié, Till murmura avec tristesse :

- Alors tu t'es moqué de lui ? Mais t...

- Till, il a mal cru alors ne commence pas à te faire des films toi aussi. Mais ce n'est pas vrai, j'ai l'impression de passer pour un démon.

Après s'être emporté contre son aîné, Paul en réalisa l'absurdité. Il venait déjà de se battre avec un de ses meilleurs amis, il ne voulait pas en plus se disputer en attaquant verbalement Till. Tenant à ne pas gâcher sa soirée avec Daisy, il lui demanda d'aller gentiment l'attendre dans la chambre le temps qu'il ne la rejoigne. Après qu'elle n'eut disparu, il regarda le chanteur et lui exposa son point de vue avec malaise.

- Je ne me suis pas moqué de lui, mais lui il l'a cru. Sauf qu'il ne m'a rien dit ce soir-là, mais aujourd'hui il se venge en sous-entendant à quel point j'ai toujours eu une sale gueule à en faire fuir les gonzesses. Tout ça parce qu'il n'en a pas ce soir, ce mal baisé ! J'en suis sûr.

De plus en plus perdu par les directions opposées dans lesquelles allaient les arguments de ses amis, Lindemann secoua la tête et fit les cent pas.

- C'est toi qui a tout simplement pigé de travers, alors ne te permets pas de parler de lui comme ça. Il n'a pas réellement utilisé ces mots contre toi, j'imagine que c'est ta colère qui parle ? Oui, voilà ! Écoute, Reesh n'est pas accompagné ce soir parce qu'il est célibataire depuis quelques temps. Quand tu le vois accompagné, c'est juste par des amies de longues dates. Toujours est-il que même s'il est seul, il est amoureux en ce moment.

- Mais... mais justement alors ! Pourquoi il ne l'a pas faite venir ?

Un sourire rapidement disparu éclaira le dur visage de Till.

- Parce qu'il a trop peur de lui avouer ses sentiments, et je le comprends vu le spécimen.

- Elle est difficile d'approche ? demanda Paul.

- Ça, à toi de me le dire. Mais avec ce qui est arrivé...

- Qu'est-ce que tu essaies de me dire ?

Décidé, le chanteur regarda autour d'eux en fourrant ses mains dans ses poches.

- Que c'est de toi que Richard est amoureux, Paul.

Peu étonné en voyant le guitariste lever les yeux au ciel, Till sut néanmoins que la route de la conviction allait être très longue. Le pire étant que ses arguments étaient aussi choquants que forts.

- Je ne suis pas d'humeur pour les blagues, Till. Richard n'est pas plus homo que moi, ça tient encore moins debout que la tour de Pise.

- Je te suis là-dessus, il n'est pas homo... parce qu'il aime un seul homme.

Landers refusa de le croire, et le lui montra en soupirant et faisant "non" de la tête. Pourtant, Till ne se laissa pas démonter.

- Ça te surprend tant que ça ? Il en a toujours pincé pour toi. Il t'a vexé pour se venger parce qu'il croit que tu t'es moqué de sa phobie. Quand il dormait avec moi étant jeune, plus d'une fois je l'ai entendu prononcer ton nom parce qu'il rêvait de toi. Des fois, il s'excitait contre moi et commençait à se branler dans son sommeil, il ne s'en...

- Wow Till, stop !

Outré et rouge comme une brique, Paul l'avait brusquement arrêté en levant les bras.

- Tu t'es enfilé un rail là.

- Je suis en meilleur forme que toi, et je n'ai pas que ça à faire de plaisanter sur les sentiments de mon meilleur ami. Il t'aime et faisait quelques cochonneries, et alors ? Je n'ai jamais osé lui en parler parce que j'avais peur qu'il en ait honte, mais je suis pratiquement sûr que c'est à cause de ça qu'il n'a jamais pu rester avec une femme longtemps. Il pense trop à toi et je suis sûr qu'il est fou de toi.

- Franchement Till, tu rends compte de ce que tu dis là ? On parle de Richard, il n'y a pas plus hétéro et la seule raison pour laquelle les femmes s'en séparent toutes, c'est parce qu'il n'a jamais été capable de se montrer fidèle. Quant à ta fameuse nuit où il s'est branlé contre toi, il a sûrement du faire un rêve un peu torride mais même si j'y étais, ça ne veut rien dire.

- Il prononçait ton prénom en gémissant mais il aurait pensé à une autre personne ? Tu ne veux pas affronter les choses, c'est tout ! réalisa Lindemann.

- Non, c'est surtout que tu te fais des idées à la con à cause d'un rêve bidon que tu t'es imaginé de sa part.

- C'est arrivé plusieurs fois, je te l'ai dit. Ça ne peut pas être un hasard de rêver de toi à plusieurs occasions en se promenant inconsciemment une main entre les guibolles.

Rougissant de plus belle, Paul ne sut comment argumenter afin de contrer ces faits relatant un souvenir troublant dont il n'avait pas connaissance. Mais Till lui cita ce fameux jour où Richard leur était apparu sous un nouveau jour. Cette fois-là, seul le chanteur avait vu clair comme le jour dans la conduite de son ami. Et cela, Paul ne voulut toujours pas le comprendre en cet instant.

à suivre...