Sanctuaire (Abords d'Honkios), Juillet 2008
La Terre Sacrée ... Un lieu énigmatique caché à la face du monde moderne. Ce lieu béni où des surhommes protégés par une constellation défendent leur divinité : la Sainte patronne de la capitale Grecque : Athènes, une ville riche en tourisme et curiosité en tout genre pour ses panoramas de beauté et ces monuments surprenants éveillant les traces de l'antiquité; Et pourtant attenante à la Terre sacrée à quelques kilomètres, séparée par une mer obscure et un paysage indésirable afin de repousser les plus audacieux badauds. Quelques curieux visiteurs parviennent à franchir la barrière magique de la princesse. Et ceux-ci, on ne les revint jamais. C'est ce qui se racontait dans les chroniques d'un journal local adepte de sensationnalisme : "Partez pour l'île aux sombres montages et jamais vous ne reviendrez. Immuable aux yeux du monde, le sort des quelques téméraires partis chercher l'aventure n'ont donné nulle nouvelle. Les rares revenus étaient étrangement plongés dans une étrange amnésie.
Que cache donc cet endroit où l'on contait dans les temps anciens que ''des guerriers en armure étaient garants de la paix sur Terre au nom de la grande Athéna'' ?"
Diogo Vosta, humble berger de la contrée de Coimbra était l'un de ces chanceux visiteurs. Guidé par le cosmo et la volonté du défunt chevalier Wilfried, il n'eut grande peine à atteindre le Domaine Sacré. Âgé de 48 ans, le père biologique du Serpentaire est un être coriace et empathique. Sa ténacité lui permit de surmonter grands nombres d'épreuves dans sa vie remplie de douleurs depuis la disparition de sa femme et ses filles : les célèbres guerrières sauveuses de l'humanité Aurora et Demetria. Les splendeurs Grecques lui offrait un autre niveau de vie, très correct : une confortable propriété aménagée selon les coutumes ibériques de son peuple. Il vivait de riche pitance en protéines et en vitamines provenant des richesses méditerranéennes de la région, et son troupeau de cabris subvenait à ses besoins. Diogo était connu des habitants comme le "berger des chevaliers." Parce que ces derniers venaient dans son secteur. On raconte que le lait de ses bêtes est le meilleur qu'on puisse trouver. L'homme faisait profil bas lorsqu'il allait se ravitailler. Il aime les fleurs, la phytothérapie, le bon vin ... et les dames. Malgré son amour inconditionnel pour Patricia, il demeurait ce séducteur fougueux d'autrefois. Diogo comprend les femmes. Il a toujours été entourée de compagnie féminine depuis son enfance : un père absent laissant cinq sœurs, une matriarche tenant d'une main de fer son foyer entourée de ses tantes et ses cousines. Autant dire que ces dernières n'ont aucun secret pour lui. La seule qui lui résiste et qu'il souhaitait découvrir était hors de sa portée. Aurora demeurait plus inabordable qu'une huître perlière entourée d'oursins.
Diogo émergea de son sommeil alors que le soleil pointait à peine à l'horizon, lui indiquant qu'il devait être très tôt. Il n'avait pas beaucoup dormi, le Portugais avait passé une partie de la nuit à tordre de plaisir sa conquête de la veille encore endormie près de lui. Il soupira en observant la jeune serveuse de l'auberge : elle pourrait être sa fille. Il rongeait son frein depuis si longtemps maintenant. Peu importe, tant qu'elles sont jolies. Il se résigna à se lever et se préparer à une nouvelle journée agréable : il fera très chaud aujourd'hui. Ce dernier se dirigea vers le coin cuisine et mis de l'eau à bouillir. Son attention fut attirée par la vallée juste en face de sa maison : cette armure luisante sous l'astre Grec .. Pas de doute, un chevalier. Encore. Cette fois-ci c'est un des douze élus, perché sur son promontoire qui semblait fixer les lieux avec grand intérêt. Diogo tressaillit brièvement. Il a peu d'occasion de croiser les fiers Saints d'ors mais c'est le même effet à chaque rencontre avec l'un d'eux : ils sont saisissants. Il peine à reconnaître le guerrier doré. Il décide donc de rendre à l'extérieur afin d'identifier l'intrus du jour.
A peine fit-il un pas au dehors que le guerrier lui tourna le dos de cette noblesse naturelle. Diogo secoua la tête et reprit le chemin de son antre. Pourtant, le berger eut soudain un éclair incompréhensible le parcourir et fit volte-face afin d'identifier un détail sur le chevalier d'or : ce dernier détenait une cape blanche et pourpre. Diogo se souvenait que c'était les Saints d'Argent qui en portaient une dont un Saint d'or. Un seul. Et il lui semblait que la silhouette était féminine. Le raisonnement se fit alors dans son esprit tandis que le Saint d'or s'éloignait : cette armure, cette élégance, pas de doute.
"Aurora !" s'écria naturellement le Portugais alors que le Saint d'or avait tourné la tête puis, s'était téléporté à la vitesse de la lumière.
Les larmes jaillirent d'elle-même sur son visage râblé, le regard tourné plein d'espérance vers les cieux. Il n'en revenait pas. Sa patience et sa volonté ont fini par lui être favorable. Voilà que le célèbre chevalier a de l'intérêt pour lui.
"Elle sait enfin." songea avec soulagement l'homme en se laissant écrouler sur le sol poussiéreux, bouleversé.
Une main ferme et solide s'était emparée de sa nuque alors qu'un agréable sentiment de bien-être l'avait saisi. Diogo rouvrit les yeux quelques minutes plus tard, les rayons du soleil l'éblouissaient. Il distinguait mal le chevalier mais il reconnaissait l'armure.
"Saint du Lion ?" s'exclama Diogo alors qu'Aiolia le relevait doucement.
"Comment vous sentez-vous ?" s'interrogea le jeune-homme, "Asseyez-vous." en le menant vers une colonne en ruine couchée à terre.
"C'est étrange, j'ai vu des étoiles."
"En effet vous avez fait un malaise."
"On dirait que vous êtes arrivé à temps." continua le berger.
"On dirait bien, oui." en lui tendant une amphore d'eau fraîche.
Diogo observa le chevalier, impressionnant dans son armure féline : "Que puis-je pour vous chevalier Aiolia ?"
"Aiolia suffira." le reprit le Grec, "Le Grand Pope Shion vous convoque demain. "
Moment de flottement.
"Enfin, je vais rencontrer ma fille ..." murmura t-il en souriant.
Le Lion parut surpris.
"Qu'est-ce qu'il vous fait penser cela ?"
"Parce que je viens de voir Aurora là-haut, en train de m'observer." répondit-il nonchalamment en avalant une autre gorgée d'eau.
Silence.
"Je ne puis vous révéler les détails."
"Ça va .." rassura l'homme d'un geste las, "Le protocole, ne vous tracassez point Aiolia."
Le Portugais grimaça en se redressant, et ajouta : "Je suis papa d'une magnifique femme-chevalier. J'en suis tout ébloui."
Un sentiment d'empathie envahit le cinquième gardien alors qu'ils se dirigèrent ensemble vers le logis du paternel. Cet homme, quelle ténacité. Il avait peu rencontré d'humains aussi déterminé. Diogo n'avait pas de cosmo particulier et pourtant une grande espérance se dégageait de lui malgré les épreuves de la vie.
"Vous venez pour mon excellent lait de chèvres ?" s'exclama son vis-à-vis, "Les apprentis chevaliers m'ont tout acquis. Vous êtes arrivé deux heures trop tard."
Aiolia émit un petit rictus : "N'ayez crainte, j'allais vous proposer d'accompagner Andonios aux écuries du Sanctuaire. Il aurait besoin d'un expert à ses côtés."
"Le lieutenant de l'armée de soldats ?" Aiolia hocha de la tête, "C'est un bon cavalier, il n'a nul besoin de mes services."
"Détrompez-vous. Son palefrenier étant indisposé, nous devons le remplacer provisoirement."
"J'en serai honoré," répondit Diogo, "Mais qui s'occupera de mes bêtes ?"
"De jeunes bergers prometteurs issus du village d'Honkios."
"Vous avez pensé à tout."
"Je vous en prie." répondit Aiolia en reprenant sa marche vers les douze maisons, "C'est un ordre qui vient directement du temple du Serpentaire." La mine bienveillante.
Silence. Il avait envie de s'effondrer à nouveau. Aurora avait-elle réel intérêt pour sa condition ? Qu'avait dit le Grand Pope à son sujet ? Avait-elle été déçue ou curieuse de le connaître ? Diogo sentit grimper en lui de l'impatience mêlée à de l'incertitude.
Pour le moment, il chassa ses appréhensions de son esprit.
Diogo répondit au Grec : « Veuillez remercier le Seigneur Shion, je rendrai au Palais à la première heure dès demain. »
« Bien. »
« Pouvez-vous m'accorder une faveur ? »
Aiolia : « Je vous écoute. »
« J'aimerais beaucoup que le chevalier des Poissons m'accorde un moment. Je suis en train d'aménager une pépinière. » en désignant un verger près de l'écurie d'où d'imposants fruits et légumes savouraient les premiers rayons du soleil. « Je serais honoré s'il pouvait me transmettre un peu de son savoir. Je sais comment créer des fleurs et je voudrais en concevoir une pour ma fille. Qui le mieux placer que le chevalier Aphrodite pour ce faire ? »
Le Lion réfléchit un instant, soutenant le regard foncé du Portugais. Ce regard félin qui lui rappelait tant Aurora lorsqu'elle était déterminée.
« Je lui ferai part de votre requête. » répondit Aiolia, « Aphrodite a remarqué vos aptitudes. »
Diogo hocha la tête en guise de remerciement tandis que le frère d'Aiolos reprenait le sentier menant au Sanctuaire, ses mèches d'éphèbes rebelles voltigeant sous la légère brise matinale.
« Qu'Athéna vous protège chevalier du Lion, votre générosité me touche. » murmura presque pour lui-même le berger, « Me voilà presque devenu un des leurs à présent. »
Deux jours plus tôt
La cadence de ses pas étaient déterminés, formels, personne ne pouvait enrayer son ascension. On sentait l'empressement dans sa posture, marquant le refus catégorique d'être contredite, le respect, la force, l'autorité. Ces pas effrénés produisaient un bruit sec se répercutant au loin au fur et à mesure de son avancée. Son étincelante armure dorée claquait sur le sol de pierre chaud. Et jamais elle ne lui a paru aussi lourde en ce jour. Elle brillait pourtant de mille feux sous le majestueux soleil Grec. Comme à chaque apparition dans ses apparats dorés, la porteuse était belle comme le jour, le modèle des femmes chevaliers à observer. Ces frères d'arme l'avaient reconnue, comme du fond de leur crainte, la résonance de ce cosmo familier, transperçant, parcourant le chemin sacré de son incroyable énergie. Ces pas semblables aux légions de premières lignes résolues à emporter une bataille décisive. Puis, elle s'était soudainement téléportée de la première à la sixième maison sans égard vis à vis de ses occupants.
Mu sentit immédiatement la nervosité dans le cosmo de sa camarade. Ce regard prostré loin devant elle d'où une tempête imminente se préparait. Pas un seul mot ne fut échangé. Il l'a pourtant vu à l'œuvre tant de fois, faisant preuve de sagesse et de philosophie ; temporisant les réactions de sa consœur irritée par un tiers. Sur les champs de bataille ou en entraînement elle se révélait sous son meilleur jour, endossant fièrement le masque de Saint, ne trahissant aucun émoi dont l'ennemi pourrait se servir. Maître Wilfried avait formaté la jeune-fille téméraire chaque jour de ses longues années d'enseignement. Parce que le 18ème chevalier du Serpentaire est impétueux, désinvolte, passionnel. Le grand Zeus pouvait tenter de l'arrêter, à ses dépens. Mu sursauta en son for intérieur. La treizième se dirigeait vers le Palais de son mentor. Cela n'augurait rien de bon.
A la sixième maison, Shaka d'habitude si serein et prompt au dialogue ne s'était pas conformé à la même tactique que son voisin du premier. Titiller le chevalier du Serpentaire par des préceptes bouddhistes, rien de plus gratifiant pour l'homme le plus proche de Dieu. Mais lorsque cette dernière franchit sa maison et passa devant son lieu de culte la mine étrangement calme, il n'en fit rien. Il comprit aussi. Quant à Milo, il rentrait jusqu'à son temple lorsqu'il perçu le cosmo agité d'Aurora. Il eut une raideur et se hâta sans plus tarder vers sa maison. Trop tard. La belle avait passé le neuvième temple laissant une Mia du Sagittaire et un Shura du Capricorne interdits. Eux non plus n'ont pas osé interpeller le Serpentaire. Il ne le fallait pas. Camus et Aphrodite échangeaient brièvement sur le parvis du douzième temple lorsque le cosmo d'Aurora les surpris. Ils se regardèrent sans un mot. Elle était arrivée vivement dans l'escalier menant au Palais du Pope, écrasant au passage les roses rouges protégeant le chemin sacré qui s'étaient manifestées contre la menace Serpentaire. Cette dernière ne fit qu'une bouchée des incroyables plantes du Poisson par un vif geste de la main signifiant son désintérêt profond. Aphrodite sursauta. C'est qu'elle l'avait vraiment mauvaise le Serpent venimeux.
Tout le sentier doré s'était tut, ses gardiens restaient en alerte et retenaient leur souffle, plongés dans les méandres des réflexions, exercice qu'ils n'étaient pas les seuls à éprouver. Peu importe tout ce qu'ils peuvent ou pensent savoir sur chacun, Aurora est convaincue au plus profond d'elle-même que ses frères lui cachent quelque chose. Elle ne sait l'expliquer, elle a juste l'intime conviction qu'un détail important manque et qu'on ne l'avait pas envoyé par hasard faire la guerre aux créatures du Dodécanèse. Elle en a assez de cette drôle d'ambiance lorsqu'elle est dans la même pièce qu'eux. Tout ceci devait cesser.
Les gardiens postés à l'entrée de la salle d'audience se mirent au garde à vous mesurés et prudents en voyant débarquer le chevalier d'or : "Sei-Seigneure Aurora, vous ne pouvez pas entrer .. Je vais avertir sa Sainteté." avait averti fébrilement un des soldats devant la grande porte de la salle du trône.
Le regard noir et puissant qu'il reçut lui fit froid dans le dos. D'un geste télépathique, elle aurait pu plaquer ces deux hommes face contre terre, les obligeant à crier grâce pour ne pas mourir blessés sous le poids inexorable de sa puissance. Elle stoppa net, les considérant avec mépris.
"Je .. vais vous annoncer dans ce cas ..." continua le pauvre bougre qui dut finalement s'écarter en toute hâte alors que la treizième avait repris le pas.
Shion avait la tête dans ses dossiers, complètement absorbé dans son travail. Jusqu'à ce qu'il entende des soldats se faire houspiller dans un coin du Palais, suivi d'un "Arrière !" plus que significatif. Le chevalier du Serpentaire ? Bien. Il allait la recadrer. Ça ne sera pas la première fois.
La porte s'ouvrit avec fracas quand elle pénétra dans le bureau privé. Cette question a brûlé la langue du Serpentaire depuis son départ pour le Royaume d'Ylias. Aurora doit savoir ce qu'on lui dissimule avant qu'elle ne commette quelque chose qu'elle s'interdit de faire depuis trop longtemps maintenant.
''Qu'est-ce que tu me caches comme ça ?''
L'ancien Bélier avait levé les yeux, surpris par le ton sec du chevalier mais resta totalement impassible.
''Je te demande pardon ?''
"Pas avec moi, Seigneur Shion..."
Elle avait les bras croisés au-dessus de sa poitrine en position défensive donc rien de bon ne présageait de bon dans cette interrogation. Sans un mot de plus, Aurora prit appui contre la colonne la plus proche sans quitter des yeux son maître.
"Toi, le Sanctuaire, qu'est-ce que vous me dissimulez ?" continua la jeune-femme après de longs instants de flottement.
Le silence. L'Atlante retira ses lunettes pour fixer la treizième parfaitement hermétique à la tactique "J'ignore de quoi tu parles" auquel Shion tentait tant bien que mal de jouer.
"Ça suffit. Je refuse d'utiliser mes pouvoirs psychiques sur toi."
Cette fois Shion ne put contenir sa mine étonnée. Le ton recelait des notes d'amertume et de reproches. Son regard, déjà sévère, se durcissait encore un peu plus. Ce père de substitution était-il en mesure d'apporter une explication convaincante aux folles interrogations qui causaient une douleur sourde à son chevalier ? Ils se toisèrent encore un instant avant que le second ne se détourne.
"De quoi souhaites-tu me parler, Saint du Serpentaire ?" répondit-t 'il d'une voix égale.
Il releva les yeux vers son chevalier qui le dévisageait en silence. "Je n'aime pas me répéter, Grand Pope. Quel est ce bordel qui agite mes frères chevaliers ?"
Un léger frisson parcourut l'échine du Pope, qu'il réprima aussitôt. Shion se mordit l'intérieur de la joue. C'était bien ça. Il souffla intérieurement, préparant son monologue. En dépit du regard éloquent que Aurora lui jeta, le Jamirien débuta une tirade sur le même ton neutre :
"Il y a des mois de cela, un étranger est parvenu à franchir la barrière cosmique du Sanctuaire. Ce mortel a alerté nos défenses puisqu'il disposait d'une lance emplie de cosmo d'un illustre chevalier et qu'aucune malveillance ne se dégageait de lui." Shion s'interrompit un instant, analysant son interlocutrice qui n'avait pas sourcillé. Le Jamirien ne décela aucune émotion particulière, il poursuivit son récit d'une voix monocorde : "Aurora, je ne vais pas tergiverser. Je serais franc avec toi puisque tel est ta requête : cet homme mystérieux provient de la contrée de Coimbra et te connaît." Shion déglutit : "C'est un parent. Il s'appelle .. Diogo Vosta."
La réponse avait fusé avec une spontanéité qui ressemblait si peu au Gouverneur du Sanctuaire que son interlocutrice marqua une hésitation, avant de répondre d'un ton prudent : "Plaît-il ?"
Sous le regard suspicieux d'Aurora qui le toisait tout à coup, Shion retint son souffle : "C'est un membre de ta famille."
Cette dernière haussa un sourcil interrogateur. Il se demandait si Aurora avait réalisé ses propos et il opina d'une façon plus équivoque : "Le même homme qui a assisté à ta naissance et aimé ta mère. Le berger. Ton père biologique, Aurora. Il ne t'a jamais abandonné, on ne lui a simplement pas laissé le choix."
Aurora a ouvert de grands yeux. Plongeant son regard dans celui de son vis-à-vis, le Bélier détecta cette fois un élan de colère mêlée d'une pointe de scepticisme. Voilà c'était dit. Par Athéna, ce fut les minutes les plus fastidieuses de son existence .. L'aveu du Pope tomba entre eux comme une pomme infestée de vers. Un cortège de silence répondit à l'ancien Bélier. Il se sentait comme délesté d'un poids accablant. Il observa les réactions de son chevalier. Stupeur et fureur l'animaient. Le regard foncé se porta ensuite vers lui. Elle déglutit et croisa le regard de Shion. Elle le trouva impartial. Résolu.
De nouveau, elle était tiré en arrière, obligée de faire face à des épreuves passées auxquelles elle n'avait pas envie de se confronter. Ce n'était pas possible. Son géniteur vivant, au Sanctuaire en plus ? Certes, elle provenait du Portugal, ce sont ses racines maîtresses. Cependant le Sanctuaire est son foyer : elle y avait grandi, sa destinée s'y était inscrite à la mort de cette mère inconnue puis ses grands-parents qui l'avaient recueillie. Lorsque Shion l'avait retrouvé dans cet orphelinat pour lui annoncer qu'elle servira une juste cause, qu'elle était un être exceptionnel, elle en avait suivi le récit à la lettre, sans jamais le remettre en question. Sa vie d'enfant, d'adolescente et à présent de femme appartenait à ce lieu; elle n'envisageait point de retrouver quelconque proche de sa famille. Sa famille ? C'était Demetria. Cet homme n'était rien. Et puis, plus de vingt ans pour la trouver était abjecte. Ses figures paternelles sont son maître Wilfried et le Seigneur Shion dont la patience avec elle n'avait d'égal que sa renommée et sa bonté. Tout ceci est forcément une erreur.
Aurora se redressa. Elle grimaça, tiraillée entre sa fascination et ses indécisions au sujet de ce père naturel. Shion retint son souffle, observant son chevalier sous toute ses coutures. Ils s'entre-regardèrent un instant en silence; Les mots, finalement, s'égrenèrent de sa bouche.
"Mon père naturel ... Quelle nouvelle étrange viens-tu de m'annoncer..." Un air renfrogné se peignit sur le beau visage de la brune tandis qu'elle marmonnait à haute voix : "Hum, je comprends la réaction des gardes à l'avant-poste lorsque j'étais dans le coin." poursuivit-elle avec une pointe d'ironie, "Ils étaient tellement bizarres. Sans parler des Bronzes qui me pondaient des excuses à deux drachmes sur leurs états de service près de ce village."
Shion sursauta. Aurora méritait sans aucun doute son rang de cheffe d'état-major. Le leader incontesté de son armée qui savait tout ce qu'il se passait. Lui qui pensait qu'elle avait délaissé certaines tâches en devenant mère. Il n'en est rien. Elle continuait de tout superviser, même dans l'ombre. A sa grande surprise.
"Diogo Vosta tu dis qu'il se nomme ?" continua Aurora en s'avançant vers le Pope, dans sa voix un frémissement témoignait de la difficulté de prononcer des mots auxquels elle rechignait : "S'il est réellement celui qu'il prétend être, il doit connaître les circonstances exactes de ma venue au monde. Dem' me l'avait conté lorsque nous étions enfant. Grâce à ses pouvoirs elle pouvait revivre des souvenirs. Si son discours concorde avec le sien, je le croirais."
Le souvenir de sa sœur aînée se tendit entre eux tel un fil barbelé, cette sœur qu'elle admirait et qui, si elle avait été en ce monde, aurait poussé la jeune-femme à être moins exigeante avec son entourage et avec elle-même. Car la confiance, toujours, se gagne pour être accepter par le chevalier du Serpentaire. Cette blessure indélébile de son enfance. La peur de l'abandon, l'intolérance à l'incertitude animait la treizième. Ce manque d'amour n'est jamais aussi fort lorsqu'elle exigeait fiabilité. Pas seulement avec ses soldats. Les hommes en général et rares femmes qui comptent pour elle.
"Je t'ai dit par le passé que tu pouvais invoquer l'âme de ton maître afin de connaître tes racines." répondit posément Shion.
Aurora s'approcha et s'assied au rebord du bureau en sapin. Son regard foncé se baissa vers le sol qu'elle fixait comme si elle cherchait un défaut. Elle jeta ensuite un œil sur Shion : dans le regard émeraude que le Pope avait attaché sur elle, la treizième n'avait lu qu'impuissance : son maître aurait donné beaucoup pour lui accorder des réponses dont il ne disposait pas.
"Revoir un mort me ferait trop de peine."
Shion ressentit un élan de nostalgie et de tristesse dans la voix d'Aurora. Ils restèrent silencieux un moment. Et lorsqu'elle releva les yeux vers lui, et que ce dernier détourna les siens, c'était comme si le lourd serpent de sa constellation commença à s'enrouler autour d'elle. Quel étrange paradoxe.
"Je n'aime pas aller au-devant de grandes désillusions. " ajouta la brune.
Elle lui jeta un regard pensif quand, se redressant, Aurora attrapa la main du Bélier et déclara : "Rien ni personne au monde ne pourra prendre la place que tu détiens dans mon cœur."
Devant cette sincérité éloquente à la Serpentaire, Shion se détendit et reprit doucement : "Aurora..." répondit le Monarque, "J'ai accompli ce devoir avec fierté et reconnaissance envers la Déesse. Tu as agi de la même façon pour le chevalier du Sagittaire pour qui tu demeures un modèle indiscutable."
Après un temps d'arrêt, Aurora inclina la tête et attrapa la chaise au-devant y poser une jambe : "J'ai fait de mon mieux pour l'élever comme un maître se doit de le faire. Je n'ai pas suivi les préceptes de mon cher mentor à savoir l'attachement enseignant-disciple - Il était profondément humain derrière cette carapace de fierté. Cependant, je l'ai éduqué comme une sœur et je ressens sa reconnaissance à mon égard."
Shion hocha la tête. Se recomposant une attitude, elle reprit d'une voix plus mesurée : "Cet homme-là .." en parlant du Berger, "C'est mon prédécesseur qui l'a guidé ?"
"Tout à fait. Il serait apparu devant lui pendant une lune de sang." objecta-t-il.
"Je suis curieuse de connaître les raisons de sa venue au Sanctuaire."
"Aurora .." fit alors Shion sur un ton paternel, "Il n'y a aucune ambiguïté, il veut simplement connaître sa fille. Te connaître."
Elle se figea et un nuage embruma son regard félin. Aurora secoua la tête doucement : "J'ignore comment réagir à cette nouvelle. "
Le Jamirien opina, avant qu'une légère tristesse fugitive dans le regard d'Aurora ne fît renaître ses inquiétudes : "Prends le temps qu'il te faut."
La profonde inspiration que voulut prendre la jeune-femme siffla, désagréable, dans sa gorge serrée. "Cette décision de me cacher tout ça provient d'Athéna, n'est-ce pas ?" finit-elle par demander.
"Affirmatif."
Aurora n'était en proie à aucune espèce d'aveuglement. Si la Princesse avait fait taire ses chevaliers, c'était pour une excellente raison. Jamais elle ne contesterait les décisions de sa déité. Les voies des Dieux sont impénétrables ... Pourtant elle avait besoin de rencontrer celle qu'elle sert et protège, celle pour qui son enseignement de chevalier était justifié, cette légendaire armure qu'elle porte depuis des années : la puissance de la Portugaise, nul ne se serait aventuré à la remettre en question. Le septième sens lui était aussi naturel depuis la naissance que de respirer. "Incroyable" était l'adjectif incontournable dont elle avait écopé dès la manifestation de ses capacités. Aurora était plus forte que tout le monde. Aurora deviendrait le Commandant incontesté de la chevalerie d'Athéna et emmènerait les troupes à la victoire, quelque soit l'adversaire lui faisant face, laissant ses sentiments et son passé trouble derrière elle. Mais même auprès de la plus haute instance, Aurora voulait des réponses. En somme toute, être rassurée.
"Je te demande pragmatisme et sollicitude, pas de jugement hâtif, Aurora – il avait levé une main pour taire la protestation de la Portugaise - "Surtout envers un homme accablé par le poids du chagrin des dernières années."
Cette dernière crut entendre la voix de son maître, pâle écho d'un souvenir lointain et dont ne lui était resté que le goût âcre d'un immense manque. Une voix grave, autoritaire, égarée par la perte d'une part de lui-même que ni le temps, ni l'amour n'avait jamais réussi à combler. Le chevalier du Serpentaire du 15ème siècle était ainsi. Un chevalier d'exception, honorable, un véritable exemple de son époque, un meneur d'homme, un roc impénétrable. Il était, dans la ligné de tous les Serpentaires, l'un des plus redoutables. C'était pourtant un homme profondément seul une fois les étendards rangés. Aurora ressentait cet isolement et était fière d'avoir égayé la vie de l'ancien Serpentaire. Elle le sait. C'était le seul qu'elle ne contestait pas. Nul autre n'en fit davantage. Aurora n'avait jamais digéré la perte de son mentor. Aurora changea. Sa vision des hommes changea.
"Je souhaite une audience auprès de la Déesse." s'exprima Aurora soutenant le regard de Shion lorsque celui-ci avait énoncé la sentence.
Courts instants de silence.
"Je ferai part de ta requête demain."
"Bien."
Il releva les yeux au moment où Aurora lui tournait le dos pour se diriger d'un pas moins lourd vers le parvis. Puis, elle pivota vers son Pope en concluant : "J'ai besoin de réfléchir. Mais j'approuve cette requête. Préviens le Berger."
Cette fois-ci, Shion laissa libre cours à son dépit en levant les yeux au ciel dans un soupir : "Par tous les Dieux du Panthéon ..." alors qu'Aurora avait définitivement quitté la pièce.
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Un peu plus loin, Aurora s'immobilisa à l'orée de la masse imposante du palais, éclatante de blancheur sous le soleil brûlant. Les yeux fermés, à l'écoute des cosmos de ses pairs. L'absence de certains résonnait avec autant, voire plus de force que la présence des autres qui demeurèrent dans le silence. Un silence ô combien révélateur. Son cœur se serra lorsqu'elle sentit que Milo était inquiet. Comment pouvait-elle lui en vouloir ? Son amour pour lui ne s'embarrassait pas de conditions qui n'avaient pas lieu d'être : lui aussi l'aimait. Les battements de son cœur s'emballaient dès qu'elle se trouvait à proximité du Scorpion ou avec la chaleur qui se diffusait dans tout son corps lorsque par inadvertance il la touchait ou percevait son souffle sur sa peau, son odeur corporelle qui lui procurait un étrange apaisement.
Au temple du Poisson, elle ne rencontra personne. Son gardien s'était retiré en toute hâte dans sa roseraie lorsqu'il sentit le treizième chevalier amorcer la descente du chemin sacré. Tant mieux, Aurora n'avait nul souhait d'écouter les bravaches douteuses du douzième chevalier. Chez Camus c'était une autre ambiance. Froide, résolument fidèle à son gardien. Lorsqu'elle pénétra en ces lieux, leurs regards se télescopèrent, ombrageux pour l'un, méfiant pour l'autre. Aurora examina le chevalier des glaces : comme à son habitude Camus était parfaitement impénétrable et semblait l'analyser elle aussi. Et elle comprit. Elle comprit ce ressentiment qui animait le maître de Hyoga et Isaak. Cette interrogation, restée confinée dans ces regards que parfois, il égarait sur elle et le Scorpion. C'était donc ça : il savait. Depuis quand ? Son petit doigt lui disait qu'elle n'avait pas sa bénédiction. C'était la raison pour laquelle Camus était distant depuis son retour. Diogo Vosta ? Il s'en moquait comme de sa première sandale. Brutalement extirpée de ses réflexions, la Portugaise fit volte-face et quitta la maison du Verseau qui ne la quittait pas des yeux.
Pourquoi en vouloir à ses frères et Mia ? Ils n'ont fait qu'écouter les ordres. Elle marqua un temps d'arrêt au-devant du neuvième temple tandis que le souvenir de la rencontre de Mia lui revenait en tête. "Elle était si mature pour son âge. Et pourtant je n'ai cessé de me faire du souci pour son équilibre." songea Aurora, "Maintenant qu'elle est un chevalier accompli, a-t-elle trouvé la sérénité lorsque Shura a repris ce rôle ?"
Le couple n'avait pas bougé des appartements privés de la maison du Sagittaire. Mia voulait intervenir mais le Capricorne l'avait fait renoncer. C'est inutile pour l'instant. Ils ont senti le cosmo de la treizième moins agressif. Était-ce de bonne augure ? Que s'est-il passé là-haut ? Aurora avait fermé son esprit et il ne valait mieux pas l'importuner de toute manière. Alors où trouver un bouc-émissaire à qui faire entendre son désarroi ?
Face au détroit du huitième temple, le bourdonnement à ses tempes s'accentua. Elle n'en avait pas pris conscience jusqu'ici et une certaine pression remontait jusqu'à sa gorge. Elle descendait à pas lents vers la demeure lorsqu'elle entendit : "Aurora."
Le cœur de cette dernière battait désormais à tout rompre. Cette voix virile résonnait non loin d'elle. A quelques mètres en face, la silhouette élancée de Milo se dessinait doucement alors qu'elle s'immobilisa. Les traits du Grec se dévoilaient au fur et à mesure de l'approche du Serpentaire. Elle y discerna de l'interrogation. Milo avait beau demeurer un des douze élus même dans cette armure qu'elle a maintes fois contemplé, dans une posture bien droite ainsi qu'il avait l'habitude de se tenir, il ne restait pas moins en cet instant qu'un humain touché par les émotions. Aurora darda un regard flou sur le gardien qu'elle aimait tant.
D'une main légère, Milo effleura les mèches en désordre : aucune réaction. Il aimerait lui parler, temporiser, lui dire à quel point ses inquiétudes étaient naturelles.
"Je comprends ton mutisme, Aurora." finit par prononcer le huitième gardien, voyant que sa bien-aimée n'était pas ouverte au dialogue.
"Je ne t'en veux pas, chevalier du Scorpion. Je t'aime. Je t'ai toujours aimé. Pardonne à mon tour cet orgueil."
Le regard profond qu'eut le Serpentaire en prononçant ces paroles cisailla le cœur de Milo. Ses yeux marrons noisettes achevaient de glisser sur lui et il vit sa bien-aimée se détourner pour aller se perdre dans la pénombre du couloir. Il la regarda s'échapper vers le naos du temple, un bref courant d'air dans le sillage du mouvement de sa cape alors que la bouche du Scorpion se referma, sans avoir proféré le moindre mot.
L'inspiration qu'il prit à cet instant ne déboucha sur rien d'autre qu'un lourd silence.
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Persée ne se reconnaissait plus. A force de l'observer s'entraîner ou la regarder en dehors du terrain d'entraînement, de loin chaque fois qu'il le pouvait, un désir interdit s'est enflammé en lui. Il ne la regarda que quand il en avait l'occasion, puis reprit ce qu'il entreprenait. Mais son esprit était perfide car même seul, l'image d'Iphélia le hantait. Pourtant l'idée même qu'il pouvait la mettre dans son lit, était une absurdité. Après tant de maux de tête, de nuits blanches et de secondes momentanées de rationalité où sa règle de " ne pas entreprendre de relations avec des servantes, apprenties ou chevaliers " faisait du bruit dans son sens commun bouleversé. C'était finalement arrivé. Une fois, puis deux, trois fois ... Ces yeux bleus indiquaient clairement à la jeune-fille que l'Argent avait besoin de calme, de passion. Des choses qu'il n'avait plus pour le moment et qu'il pouvait partager avec elle. Peut-être juste pour ça, Iphélia a laissé leurs lèvres se rencontrer ... juste pour ça, elle l'a laissé descendre jusqu'à ce qu'il puisse embrasser son cou et juste pour ça, elle lui a permis de la déshabiller lentement pour la coucher sur le sol froid qui s'est réchauffé dans ce temple en ruines mais aussi l'écrasant, dans un calme si magnanime, que la blonde se permit de devenir une simple femme qui se sentait à l'aise sous la protection d'un homme d'exception. Plus précisément, cet homme. Argol de Persée. Beaucoup d'apprentis le craignait. Pas Iphélia. A la seconde où elle avait vu le Saoudien son cœur s'était emballé. Quelque chose en lui la bousculait, la rendait enfin elle-même, lui donnait envie d'être la meilleure. Avec lui c'était la sécurité, la force guerrière, la fierté. Et lui, il la voulait. Jeune, plantureuse, innocente, désirée. Elle dégageait de l'assurance et de la naïveté à la fois. Il n'était obsédé que par une chose : le corps d'Iphélia.
Il ignore si Aurora s'est réellement offerte au Scorpion. Comme une proie, la proie d'un adversaire craint et dangereux. Le Scorpion, cet être qu'il jalouse, ce terrible guerrier estimé dans ce cercle fermé "des meilleurs protecteurs d'Athéna". Comme le Bélier, le Lion ou le Gémeau. Lui était dans l'autre catégorie : le bon chevalier loyal, et surtout celui à éviter. Son arme pourrait pétrifier pour peu de chose. Persée, on ne l'approche pas. On obéit un point c'est tout. Et puis chaque nuit Argol songeait avec aigreur à la mère de sa fille dans les bras du charismatique Saint d'or.
Le cosmo de cette jeune-fille lui a donné chaleur et réconfort. Cela lui a donné la tranquillité d'esprit dont il avait désespérément besoin en prétendant que tout allait bien; après de nombreuses nuits à ne pas cesser de penser à sa relation tumultueuse avec le Saint du Serpentaire. Dans ce champ terrible d'angoisse et de désolation; Même la confusion, qui était maintenant sa tête, Argol laissa Iphélia lui apprendre ce que c'était que de succomber à la passion. Libérez cette tension à travers les caresses et les gémissements. Elle a été séduite par les talents de parade nuptiale de cet homme qui brûlait dans les flammes, l'invitant à l'accompagner. En dépit d'être inexpérimentée, elle n'était pas stupide. Iphélia savait que les hommes, et en particulier ceux avec un égo trop surdimensionné comme certains chevaliers qui aimaient étaler leurs prodigieuses compétences entre deux verres. Mais elle avait confiance Persée la respecterait comme il le faisait maintenant.
« Sei-seigneur Argol .. Je ne l'ai fait qu'une fois. » avait t'elle prévenu à la première nuit.
Il caressa son visage pour la rassurer. La touchant sans hâte, attendant d'arrêter si elle le lui demandait. Il prenait son temps avec elle, il était respectueux. Argol descendit galamment sur elle, laissant les lèvres de Iphélia gonflées par ses baisers. Et quand il a atteint son centre, il l'a prise en premier avec sa bouche. Il s'installa confortablement entre ses jambes après avoir ôter son maillot et ouvert suffisamment son pantalon pour libérer le membre dressé puis la rejoindre avec une flamme attrayante qui brillait dans ses yeux. Il lui a demandé d'écarter ses jambes. Alors qu'il la divertissait avec un autre baiser lent où Iphélia ne se sentait pas obligée de faire quoi que ce soit et osa le caresser son dos de ses doigts timides, il frotta magistralement son membre sur sa cavité humide jusqu'à ce qu'elle décide de le guider à l'intérieur.
« Oh, par tous les Dieux .. » songea alors la jeune-fille.
Il lui semblait que cette colonne de virilité pulsante était faite pour entrer en elle et pousser la chair lentement sans qu'elle n'en redise quoique ce soit, malgré l'imposante verge lui faisant honneur. Elle n'était pas très sûre d'elle pour ces choses-là. Elle réalisait à l'instant même, après avoir songé aux moqueries de ces anciennes amies du lycée qui égayait son ancienne vie, et auquel elle repensait avec nostalgie de temps après une rude journée de formation, que finalement elle ne s'en sortait pas trop mal en vue du spécimen mâle enfoncé au plus profond d'elle-même. Oui, elle pouvait plaire à un homme comme Argol, à la force et à l'honneur admirable. Même si, elle le savait très bien, qu'il y a peu de chances que cet intérêt pour sa personne ne se transforme en autre chose que du désir. Parce qu'il est difficile de voler le cœur d'un homme qui partage la vie du chevalier du Serpentaire. Elle eut un hoquet de surprise, réalisant subitement son erreur.
« Tout va bien. » continue de rassurer son amant.
Mais elle a beau essayer d'oublier, le chevalier du Serpentaire prenait racine dans son esprit, imaginant cette dernière la châtier pour manquement à son devoir et pour avoir mis dans sa couche son compagnon de vie.
« On ne vole pas ce qui est au Serpentaire. » avait ironisé une apprentie, comprenant que les regards qu'Iphélia posaient pour le Saint de Persée valait plus que mille mots de passion réunies, « Ce faisant, tu courrais le risque de ronfler parmi ses cobras. »
Elle frissonna. Et préférait oublier ce détail. Parce que son amant l'avait rassurée : jamais la treizième ne s'en pendra à elle.
"Je te protégerai."
Iphélia se sentit pousser des ailes ce jour-là. Finalement, peut-être que cet homme nourrissait de vrais sentiments pour elle.
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Les jours qui suivirent furent cotonneux. Le visage fermé, Aurora s'était pliée sans mot dire aux dernières nouvelles du fameux père biologique. Un silence éloquent inhabituel. Elle avait peu quitté sa maison et lorsqu'elle en sortait, c'était pour s'entraîner loin de toute civilisation et s'occuper de son enfant avec qui elle passait tout son temps. Elle avait confié l'entraînement d'Amaria au chevalier du Lion afin de lui apprendre des techniques de combat de dégâts ciblées sur un groupe d'ennemis.
Sous le portique de son temple, le chevalier d'or du Scorpion était assis à même sur les marches, les yeux baissés, l'air réflexif. Milo prenait son mal en patience. Dans le cosmo de la treizième, il ne décelait rien de particulier. Aurora avait fermé ses barrières mentales. Shion parvenait à communiquer avec elle. En général il contactait le Serpentaire en fin de journée afin de connaître ses états-d' âmes et ne recevait qu'un bref "Je vais bien." en guise de consolation. Ce dernier n'était pas dupe. Lors d'un repas en comité chevaliers d'or et d'argent de hauts-rang, tout le monde se souciait du calme suspicieux de la Treizième. Shaka était pourtant déterminé et s'était proposé «d'apaiser le chevalier du Serpentaire dans sa quête sur la vérité propre de sa genèse." Shion s'était pincé les lèvres discrètement, et les autres n'en pensèrent pas moins : Shaka VS Aurora; "Mauvaise idée" selon Masque de Mort, ne s'étant pas réprimé pour exprimer son point de vue de son sarcasme habituel : "Elle va t'envoyer au Moyen-âge !" Cependant le jeune-homme était prêt à parier son chapelet qu'il aboutirait à sa mission. Shion donna son approbation.
L'Indien aimait bien se rendre dans les somptueux extérieurs d'Aurora qui n'avait rien à envier aux parterres du Poisson. En effet, la réalisation de son typique jardin Japonais répond à un besoin de rapprochement avec l'au-delà qu'affectionne la culture asiatique qu'elle apprit lorsqu'elle était au Japon avec son mentor Mashi - Ils se doivent d'être une représentation du paradis où le mortel n'occuperait qu'une part infiniment modeste. Un monde s'accordant parfaitement aux préceptes Bouddhistes de la Vierge. Le jardin du Serpentaire est ouvert vers le sud et l'horizon marin, une large terrasse attenante à son temple arrière donne sur un important terrain encadré par des points cardinaux. On y trouve des étendues de pelouses et la diversité des plantes comme le lotus sacré et le pin, qui représente la longévité. Le jardin comporte également des chemins en terre battue, recouverts de pierres plates et de dalles ainsi que plusieurs bassins d'eau douce creusés dans de la pierre, près du sol. Ils sont alimentés en eau par une conduite en bambou et éclairés de nuit par des lanternes en bronze lorsque le crépuscule survient doucement sur le Domaine sacré. Enfin, un espace clos propice à la méditation, symbolise un ermitage isolé près du sommet d'une montagne là où Aurora fut formée. De nombreux conifères complètent la surface accueillante d'où de nombreux félins vivent en harmonie. Le chevalier du Serpentaire aime particulièrement les chats, emblème spirituel pour la Portugaise qui avait insisté auprès de Shion alors qu'elle était enfant pour se procurer ces animaux mystiques et "dissiper les mauvais auras de son champs magnétique." L'argument de posséder un animal de compagnie servant de guide et de protecteur des esprits néfastes faisaient sourire le vieux Bélier mais ce dernier avait obtempéré; De nos jours la brune dispose d'une dizaine de chats dans ses quartiers dont les fameux "Bastet" et "Kiya" en hommage aux Dieux de la culture ancienne Égyptienne.
Justement, la jeune-femme était en pleine séance de caresses avec ses chats lorsqu'elle ressentit l'appel du sixième gardien. Elle venait de retrouver avec délice sa maison après avoir laissé son bébé à Eiko. Aurora avait passé la journée à méditer. Le ciel était sans tâche, à peine d'épisodiques traînées laissées par les avions qu'appelaient la capitale, derrière les montagnes. Des cris assourdis d'apprentis qui s'entraînaient en contrebas. Un parfum d'herbes fort, d'agrumes et un calme tel qu'elle croyait presque sentir l'odeur de la mer. Tout ce monde inquiet autour d'elle, ces gens qui voulaient savoir, la félicitaient pour la mission accomplie au Royaume d'Appios, cela la stimulait trop à son goût et elle s'en passerait volontiers. Car ça n'éludait en rien ses questionnements sur la venue du Berger et les conséquences qui en découleront.
"Que veux-tu, Shaka ?" finit-elle par répondre.
"Saint du Serpentaire, je demande humblement ton consentement afin de m'introduire en ta demeure."
Elle réprima un soupir d'agacement.
"Pour me passer au radar ? Repasse dans six mois, la Vierge."
Le blond ne se laissa pas abattre, ayant anticipé le refus catégorique du Serpentaire. Au moins elle lui a répondu. Il poursuivit de sa sérénité naturelle : "Je ne souhaite pas dissimuler la raison de ma venue : ton isolement m'indispose ainsi qu'à nos camarades. Je te promets au nom d'Athéna que ma supplique est tout à fait subjective et que notre entrevue n'outrepassera point les murs de ton éclatant jardin et ne s'attardera positivement sur les doutes qui habitent ton esprit."
Il n'eut aucun retour durant de longues secondes. Leur relation n'était pas dénuée d'aspérités. Shaka était plus enclin à la philosophie et à la logique qu'au sentiment, mais chacun s'appréciait mutuellement. Il avait été d'une aide non négligeable pendant leurs séances de méditation l'année dernière.
Shaka avait tout de même de l'empathie.
"Arrête ton char, le moine-chevalier. A la moindre analyse fumante, je t'expédie dans la Gange."
Shaka lui fit une promesse muette au travers de son incroyable énergie dorée, puis, la treizième l'invita à la rejoindre. Il se téléporta devant la maison symboliquement voilée entre la huitième et la neuvième à l'extrémité ouest d'un sentier de dalles marquées par la bataille du temps. Il emprunta le passage qui menait au jardin. Son corps était paré d'un sari orange sans coutures, tenu serré à la taille par une ceinture d'or, et ses longs cheveux couleur miel virevoltaient élégamment dans son dos. Ses yeux légèrement bridés et habituellement fermés, il se dirigea vers sa consœur qui regrettait déjà d'avoir autorisé le sixième gardien à pénétrer dans son intimité.
A l'approche du jeune-homme, un des félins se frotta à la jambe de l'Indien, et émit des ronronnements réconfortants.
"Ta démarche semble authentique, chevalier de la Vierge." déclara nonchalamment la treizième en dévisageant son frère d'arme.
"Quel fondement te laisse présumer cela, chevalier du Serpentaire ?"
"Mes chats .." répondit-elle, "Ils sentent les vibrations positives et me préviennent des moins bonnes intrusions."
"Je vois que t'environner de ces fauves t'es profitable."
"J'aime m'entourer des bêtes, Shaka. Elles sont moins sournoises que l'humain."
"Soit." consentit la Vierge," en tournant la tête dans sa direction.
Un silence s'étira comme une nappe d'huile, lourd de tous les mots qu'ils n'avaient pas échangés ces derniers jours. Aurora donnait l'impression de se recroqueviller sur elle-même et opposait à Shaka un mutisme inquiétant. Il ne la sentait pas apaisée. Il était de son devoir de la débarrasser de l'amertume qui teintait son monde.
Elle finit par pivoter vers son vis-à-vis, qui se tenait à côté d'elle et fronça les sourcils.
"Arrête de me fixer."
La Vierge ne cilla pas et la regardait, sans jugement : "Pourquoi devrais-je faire semblant de percevoir ? Je discerne ton mal-être."
Et se heurtait déjà à un mur.
"Il flotte dans l'air un étrange parfum de moral indigeste." continua la brune qui venait d'inhaler une cigarette d'opium. Shaka continuait à la fixer de ses yeux fermés. Quand Aurora ingérait ces indésirables drogues c'est que ça ne va vraiment pas.
"Nullement, je veux t'apporter aide et soutien."
Luisa les avait prévenus, « si personne ne va voir le Serpent doré qui se défonce comme un pompier parce qu'elle rumine, je m'en charge moi-même et vous risquerez d'aller me chercher en Enfer !"
L'expression du blond n'avait pas changé en constatant que les dires de Luisa étaient réels. Il s'exprima : "Que puis-je faire pour soulager ce trouble qui régent ton esprit ?"
Elle fit mine de scruter l'horizon, les dentelles de ses manches flottant dans la légère brise qui venait de se lever alors qu'elle reprenait une bouffée de son joint. Elle semblait considérer ses options.
"Tu commences à être lourd."
"Tu ne daignes de replonger dans l'abîme qu'avait été ta petite enfance, raviver d'âpres souvenirs avant que Maître Shion ne te découvre dans l'orphelinat." poursuivit doucement Shaka.
"J'ai eu une enfance heureuse avec mes grands-parents." rétorqua cette dernière.
"A ta venue au monde, ton destin était scellé. En tant que Saint d'or, tu dois honorer ce principe et avancer."
"Je connais parfaitement notre déontologie, je m'y attelle à chaque réveil."
"Se tourner vers le passé n'est pas plaisante conjecture lorsqu'on veut se dévouer au temps actuel."
"Tu parles de mélancolie ?" marmonna Aurora devant la clairvoyance évidente de l'homme, "Je ne regarde pas derrière mon épaule, je sais parfaitement où cela mène." se justifia la Portugaise, "Mes interrogations personnelles sont autres."
Shaka braqua ses yeux clos droit sur le Serpentaire : "Puis-je alors savoir lesquelles et comment t'y aider ?"
Un nouveau silence, fragile et transparent comme le cristal, répercuta ces mots sur le chevalier du Serpentaire. Elle était trop émoussée mentalement pour résister à l'homme le plus proche de Dieu. Sa requête sincère ne souffrait aucune contestation possible et elle soupira, vaincu d'avance. Sous l'effet psychotique, les mots glissèrent de sa bouche sans qu'elle les ait même formulés mentalement :
"Ses pouvoirs ..." fit-elle en plongeant son regard brut dans celui de son interlocuteur, "Canaliser ses facultés télépathiques et ma force avait été la première, la plus essentielle partie de mon apprentissage. Par respect pour les autres, pour ma propre protection. Lorsque je maîtrisais l'art de blinder mon esprit, le Seigneur Shion rappela mon maître pour poursuivre mon entraînement. La fierté me gagnait car j'allais devenir une guerrière au nom de notre Déesse et protéger la Terre du mal absolu. Mais .." Elle s'interrompit, baissa la tête tristement : "Depuis Arès .. Depuis Enéa, tout est exacerbé. J'aurai préféré mourir. Maintenant ce Berger... A toi de me le dire puisque tu sembles si enclin à la vérité, que dois-je faire ?"
Pour la première fois depuis qu'il connaît Aurora, Shaka fut touché par ce discours sincère. Si l'appréhension avait pu avoir une apparence à ce moment-là, elle aurait pris le visage que le chevalier du Serpentaire renvoya à son congénère.
Court silence.
"Allons marcher, chevalier." proposa finalement la Vierge avec neutralité.
Aurora accepta sans se faire prier. Cela lui procurait un bien réparateur de s'ouvrir après des jours de silence. Elle n'aurait jamais pensé que son confident aurait été le sixième gardien. La sérénité qui émanait de Shaka lui faisait l'effet d'un baume apaisant sur son esprit malmené. Au cours de leur promenade, Aurora examinait attentivement le paysage environnant. La lumière allongeait les ombres de quelques oliviers tordus par l'âge et poudrait d'or des restes de colonnes en pierre blanche éparpillés près de sa demeure. Le ciel était d'un bleu éclatant, comme si les couleurs vibraient davantage dans l'air chaud.
"Shaka, je sais que tu as parlé à cet homme."
"Qu'est-ce qu'il te fait penser cela ?"
"Shion envoie le plus sage des chevaliers dans ce genre de situation. Si ce n'est pas toi c'est l'autre glaçon du onzième .." en parlant sèchement de Camus.
"Serait-ce un équivoque mécontentement avec le chevalier du Verseau que je ressens ?"
Aurora soupira : "Tu sens bien." Elle passa une main souple dans ses cheveux, un air toujours aussi contrit sur ses traits.
"Pourquoi ne pas aller régler ce regrettable malentendu avec lui ?"
"Parce qu'il m'énerve .." continua Aurora en écrasant sa cigarette. "Moi qui pensais que Natalià l'aurait décoincé !"
Shaka n'était plus atteint par la spontanéité de son homologue et connaissait, comme la majeure partie de l'Élite dorée, son lien frêle avec le Français. Le feu contre la glace n'était jamais bon. Aurora aimait provoquer Camus malgré le respect qu'elle détient pour lui en tant que chevalier.
"La raison de ton amertume est autre."
"On ne peut rien te cacher." répondit Aurora.
Comprenant qu'elle ne voulait pas s'ouvrir sur le sujet, le blond redirigea la conversation sur le Berger.
"Diogo Vosta est un être affligé par la perte de ses bien-aimées. Il détient cependant une curieuse réceptivité en lui."
"Où veux-tu en venir ?"
"Il ressent les émotions de ses semblables. C'est un homme obstiné. Son intrépidité a souvent préoccupé sa Sainteté."
Aurora en fut étonnée.
"Tu vas souvent le visiter ?"
"Afin d'apaiser ses terreurs nocturnes. Cependant .." Shaka cessa sa marche et pivota vers sa consœur, reporta son attention sur Aurora : "Il semble détenir confiance auprès du chevalier du Scorpion."
Cette dernière se raidit intérieurement.
"Milo ? Qu'est-ce que cela signifie ?"
Ses paupières s'étaient ouvertes sur deux orbes céruléennes d'un calme et d'une brillance sans pareille aucune.
"Tu le sais parfaitement."
La brune fixa Shaka comme si une deuxième tête lui avait poussée. Puis, la raison se fit dans son esprit perturbé. Elle se mordit les lèvres. Shaka reconnut sans peine l'expression à peine marquée comme les signes discrets de sa contrariété.
"Il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir." Les yeux bleus éclatants de la Vierge n'avaient pas bougé.
"Nous changeons de sujet … Tu es venu juger ?"
"Nullement." répondit Shaka, "Le chevalier du Scorpion est adouci depuis votre rapatriement sur la Terre Sacrée."
"Et qu'en as-tu déduit, l'homme le plus proche de Dieu ?"
Shaka eut une hésitation, mais déclara calmement : "Que vous vous êtes intimement exposé vos confidences au travers de la conscience et la chair."
Les traits du visage d'Aurora se détendirent.
"Décidément, Saint de la Vierge, tu m'étonneras toujours."
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Les pas lourds du chevalier du Cancer résonnèrent sourdement sur le dallage du treizième temple, un air goguenard sur son visage. Il comptait bien négocier son passage avec Aurora et tenta de l'appeler par télépathie.
"Masque de Mort, ce n'est pas une bonne idée."
Derrière lui à quelques mètres, complètement essoufflée, Luisa tentait tant bien que mal de rattraper le bougre de la quatrième maison.
"Si la Vierge est là-dedans alors je ne vais pas me gêner non plus !" s'exclama le Sicilien parfaitement confiant, quand du coin de l'œil il avisa les silhouettes de Milo et Shura descendant du neuvième temple : « Je n'aurais pas cru que le Serpentaire allait ouvrir son champ magnétique !"
Un bruit de pas derrière eux les renseignait sur Saga et Aiolia qui les avaient rejoints. Ces derniers ont suivi le Cancer lorsque ce dernier comprit que Shaka était parvenu dans le Temple du Serpentaire sans fracas. Il fit quelques pas vers l'entrée de la maison d'Aurora et d'un geste, invoqua un peu de son énergie. On remarqua en effet qu'aucun mur invisible gardait la demeure lorsqu'il effleura la maigre défense de sa main.
"Elle ne souhaite peut-être pas dialoguer avec nous." s'exprima Aiolia en croisant les bras.
"Attendons son consentement." opina sagement le Gémeau, un bouquet de fleurs sauvages dans les mains;
L'oreille aux aguets du Cancer perçut quelques mots qui éclairèrent la situation, lui soutirant un sourire sarcastique. Ses yeux se posèrent sur les habits propres soigneusement tenues entre les doigts bronzés du Grec Milo tandis que l'Espagnol Shura avait emporté avec lui un panier de fruits de saison conçu par Mia avec quelques produits de leur pays d'origine.
"C'est ce qu'on verra !" répondit Masque de Mort d'un ton méprisant.
A sa plus grande surprise, cette dernière se révéla réceptive. Il n'avait même pas eu besoin de la faire chanter ou d'utiliser la force pour la convaincre. Dans l'esprit du brun retentit la voix directive de la treizième : "Qu'est-ce que tu veux, Cancer à la noix ? Je suis occupée avec Mr Bouddha" qui ne releva pas le sarcasme.
Ce dernier s'esclaffa : "Justement je viens te libérer de ton indésirable accompagnateur !"
"Parce que tu t'estimes de meilleure escorte ? "
Le crabe ricana brièvement et n'écouta pas les recommandations mentales de sa collègue qui le menaça une seconde fois s'il avait le toupet de rentrer dans son temple.
"Gémeau, Capricorne, Lion et Scorpion c'est valable pour vous aussi !" en s'adressant par télépathie aux autres qui sursautèrent.
"Nous venons simplement aux nouvelles, chevalier du Serpentaire." assura alors posément Saga.
"Nous t'apportons de quoi te ravitailler." rajouta le Lion.
"J'ai Eiko pour ça !" râla la treizième. À ce stade, Aurora ressentit le vif désir d'envoyer ses congénères paître chez les Grecs.
"Allez, on passe Serpent doré ! T'as pas le choix, je sens ton énergie fatiguée par cette agitation !"
Aurora garda la mâchoire serrée. Bien au fond de lui et ce qu'il paraît être, Angelo est d'une grande sensibilité.
Quelques instants plus tard, le groupe pénétra dans le vaste jardin d'où la Vierge était assis en lotus sur un rocher plat, Aurora à sa droite. Ils étaient en train de savourer une bière artisanale du pays en toute simplicité.
"Eh bien, on ne se refuse rien !" lâcha Angelo en apercevant les chevaliers étrangers à l'ironie du Cancer, "Ça sent fort le remède défonce ici !"
Ce qui fit glousser Luisa : " Ça ne tourne pas bien là-haut, il était temps qu'on intervienne !"
Milo leva la main en signe de réticence : inutile de titiller le Serpentaire alors que le Lion secoua la tête face à la désinvolture du Cancer et de Luisa.
"Je vous ai demandé quelque chose, vous deux ?" gronda Aurora dont les yeux leur lançaient des éclairs.
"T'as raison, laisse exploser ta frustration ! Je pourrais voir Rhada ''en bas'' !"
Se tournant brusquement vers elle, un juron de contrariété lui échappa et ses poings se serrèrent brièvement. Aurora s'apprêtait à répliquer vertement quand Shura coupa court à la dispute naissante.
"Il suffit."
Aurora dardait un regard mauvais sur son amie : "Oui, Luisa ! La paix, Luisa !"
Un sourire carnassier éclaira le visage hâlé du Cancer qui poursuivit sur le même ton : "Tu veux qu'on se batte ?" continua-t-il, son regard tombant sur le visage furibond de celle-ci, "Si cela peut te rendre plus calme, je suis partant de t'affronter maintenant."
"Ah oui ?" Aurora se leva et se mit devant Masque de Mort qui se régalait d'avoir déjà mis le Serpentaire en état de nervosité avancée, "Ma tête est bien mieux sur mes épaules qu'éventuellement sur les murs de ta maison, imbécile !"
Saga et Aiolia ouvrirent la bouche tandis que Luisa pouffa dans son coin. Plantant un doigt accusateur sur le torse de son homologue, elle informa platement : "J'ai dit de ne pas me chercher, pas qu'on se batte, je ne suis pas d'humeur et je n'ai pas d'énergie."
Elle se détourna du Cancer et se reposa auprès de la Vierge en s'emparant de sa bière, surprenant ses interlocuteurs. Dans son état de doute actuel, elle serait bien capable d'étrangler Angelo.
"Qu'est-ce que tu as mis dans sa bière Shaka pour qu'elle soit aussi résolue ?" questionna Angelo.
Levant les yeux au ciel, Aurora bougonna : "Tu ne sais donc pas te taire ..."
"Chevalier du Cancer, l'art et la manière de converser avec une camarade aux mornes perspectives n'est pas assignée à n'importe quelle créature humaine," répondit humblement Shaka, "Surtout une espèce de ta catégorie ne peut assimiler les confusions spirituelles d'un tumultueux chevalier."
Le ton tranquille et serein du blond calma un peu l'émoi actuel et amusa Angelo. Avant qu'il n'ouvre la bouche pour protester, Aurora se défendit : "T'es mignon Shaka, je ne suis pas en train de me couper les veines !"
"Toujours aussi illuminé, ma parole !" ajouta Angelo en s'installant en face d'Aurora, "Il serait temps de te trouver une femme !"
Shaka toussota légèrement alors qu'un léger rictus apparu sur les lèvres de Luisa. Saga et les autres se rapprochèrent en tendant provisions et offrandes, la sentant plus accessible.
Aurora hocha la tête : "Je vous remercie, ce n'était pas nécessaire."
"Qu'est-ce qu'on peut faire ?" continua Luisa, "Tu as réfléchi ?"
Elle sortit de sa poche un paquet de cigarettes et en proposa à Angelo qui ne se fit pas prier. "Tu sais je lui ai parlé au Berger, c'est dingue comme l'entêtement est de famille." Elle s'était assise à côté de Masque de mort, un air morne sur le visage.
Maladresse et spontanéité ne faisaient pas bon ménage. Luisa le comprit à ces dépens lorsque le Lion lui adressa un regard flegmatique.
"Quoi ?" lui fit-elle alors que le visage d'Aurora était stupéfait : "T'as parlé avec lui ?"
"Bah .." réalisant sa méprise, elle se redressa et répondit plus sérieusement : "J'avais besoin de lait de brebis alors j'suis allé le voir. Je me suis présentée comme une proche sans rentrer dans les détails, on a conversé un moment." Angelo sursauta, avant de la taper sur l'épaule. Mais la jeune-femme ôta sa main et poursuivit : "Il a dit me trouver charmante et que je pouvais revenir quand je voulais." conta-t-elle sous les yeux froncés d'Aurora, "C'est un type bien, pas mal pour son âge. Et j'ai vu la photo de Patricia. T'es son portrait craché."
La fin de sa phrase mourut dans un silence, Aurora la fixa un moment, un soupçon d'amertume rentrée au fond de la gorge.
"Luisa ..." prévint Milo. Tandis que Aiolia ne put retenir un long soupir.
"Tu parles de ma mère ?" rétorqua Aurora. Elle la regarda avec un air aigre, comme si on l'avait forcé à boire du vinaigre.
"Oui, et ça vaut le coup de lui accorder du temps. A toi de voir quoi faire, c'est ton géniteur, pas la nôtre, au moins t'en as un. Et au moins les chevaliers auront plus à gérer son caractère qui stresse le peuple du Sanctuaire depuis des mois."
Un silence glacial s'abattit dans la pièce. L'allégation machinale de Luisa avait déclaré tout haut ce que chacun pensait tout bas. Tous les regards convergèrent vers Aurora, éberluée. Un voile de tristesse se posa sur les yeux de sa meilleure amie, comprenant sa méprise. Cette dernière se passa la main dans les cheveux avec embarras.
"Aurora, je voulais être honnête. Pas te heurter, je l'ai trop ouvert, désolé..."
La maîtresse de Rhadamanthe se perdit dans leurs grands yeux foncés en quête de réponse. A ses côtés, le chevalier de la Vierge restait parfaitement calme. L'Indien ouvrit lentement ses lèvres pour laisser échapper une réponse dans un timbre de voix limpide et presque divin.
"Luisa, il semblerait qu'indiscrétion et audace sont les maîtres mots te caractérisant le plus…"
Cette dernière chassa ses mots d'un geste de la main. Un second silence pesant s'installa alors entre les différents protagonistes. Le Serpentaire battit lentement des cils.
Après un moment, baignée de la lumière du soleil impitoyable elle se redressa de toute sa taille pour se rendre en bordure de son terrain surplombant le large panorama maritime. Son temple, à l'écart des autres maisons sacrées et construit à quelques mètres du bord d'une imposante falaise du Sanctuaire était celui qui disposait d'une vue imprenable sur les envahisseurs provenant de la mer. La Terre d'Athéna, ce berceau de la paix caché aux yeux du monde, cet endroit splendide où vivait ses serviteurs se caractérisait pour les étrangers par une île effrayante, vers laquelle se dirigeait parfois de hardis badauds en navire. Elle se présentait comme une mince plage de galets ceinturée par ces hautes falaises abruptes plongeant droit dans les flots agités. Un unique ponton de bois sombre s'avançait dans l'eau. Il n'y avait pas âme qui vive. Le lieu était désert et nu. Hostile et cruel. De quoi repousser les plus curieux à la recherche des fameux chevaliers d'Athéna.
Elle inspira à pleins poumons l'air chargé de sel venant de la mer et jeta un regard en contrebas. Les fragrances de l'océan Grec volaient dans l'air vibrant avec délices. Elle s'enivra de cette senteur si particulière et s'égara un instant songeuse, en contemplant cette terre qui signifiait tant pour elle, qui avait été le théâtre de tant de choses, qui avait vu ses plus grands instants de bonheur.
Aurora sentit une main tapoter son épaule. Luisa était derrière et se rapprocha en avant au niveau de son oreille : "Sinon tu peux toujours te faire consoler par ce cher Scorpion ..."
Aurora tressaillit. La voix de Luisa avait accentué avec une emphase espiègle le dernier mot.
"Hein ? Je ... "
Elle eut un temps d'arrêt, saisie par elle ne savait quelle impression indéfinissable qui la fit légèrement frissonner. Son amie eut un rictus et son regard se perdit sur le groupe de chevaliers restés à distance.
"Allez, c'est tellement évident, Milo respire le bien-être !"
Son cœur se serra dans sa poitrine. S'il y a bien une chose qu'elle voulait absolument éviter ce sont les spéculations. Le Scorpion n'était pas homme à faire étalage de sa vie personnelle, et elle voulait préserver Argol en pleine crise d'identité. Les mains fines se crispèrent à nouveau. Le regard foncé brilla d'un éclat dur et hostile et le Serpentaire, totalement fermée, s'était détournée et s'abîmait dans la contemplation de son jardin.
"T'es insupportable !" s'offusqua le Serpentaire, le regard fuyant.
Puis elle porta son attention sur ses camarades. Et surtout sur le Scorpion. Sans pouvoir se contrôler, elle eut un hoquet quand elle rencontra le regard attentif et intense des deux yeux azurs ourlés de longs cils noirs de Milo semblant veiller sur elle. La vue sur le Grec rendit instantanément son cœur plus léger.
"Luisa, t'en mêle pas." répondit-elle en détournant son regard de son amant.
A ces mots, Aurora se leva avec décision et, d'un geste souple vers les cieux libéra un peu de cosmo. Les chevaliers présents se tournèrent en direction de leur homologue, ayant sentit l'énergie de la brune se déployer. A peine quelques secondes plus tard l'urne sacrée apparue devant les jeunes gens. L'armure du Serpentaire flotta dans l'air quelques secondes puis se posa délicatement. Aurora ferma les yeux tandis que ses camarades se rapprochèrent, se questionnant sur le dénouement à venir.
De longues secondes défilèrent alors que le Serpentaire dressé devant l'urne restait immobile et semblait être en état de connexion avec les habits sacrés dissimulés dans la boîte. Luisa fut interrompue par Saga d'un simple regard. Mais cette dernière obstinée comprit à ses dépens qu'elle devra prendre sur elle alors que Shura secouait la tête d'un verdict négatif et qu'Aiolia l'avait retenue par le bras afin d'appuyer ses compagnons. Un léger cosmo auréolait la treizième, laissant présager une requête muette à ses amis : s'effacer.
Soudain l'énergie d'Aurora augmenta sensiblement puis fut plus prononcée. Les chevaliers se concertèrent du regard. La confusion persistait en leur esprit dès le moment où l'imprévisibilité de leur sœur d'arme et sa constellation protectrice se révélaient instable sous couvert de pouvoirs gigantesques.
"Armure du Serpentaire, j'ai besoin de clarté et sagesse afin de dissiper mes doutes. Je m'en remets à toi pour que nous puissions surmonter ensemble cette épreuve et communier à nouveau toutes les deux. Entends ma parole, manifestes-toi !"
Luisa fonça les sourcils, interdite.
"Qu'est-ce que .."
Masque de Mort lui mit la main sur la bouche et souffla discrètement : "Silence ! Elle interroge son armure."
"Hein ?"
Luisa se tourna vers lui.
"Lorsqu'un chevalier est dans l'indécision, son armure le ressent et ne protège plus son porteur." continua placidement Saga qui connaît parfaitement les histoires comme celle-ci.
"Mais .."
"Chut." ajouta Angelo.
"La foi de notre cœur et pour une cause désintéressée se reflète dans nos cosmos. Aurora doit rassurer son armure." confia Shura.
"J'ignorais qu'une armure pouvait être aussi intelligente." répliqua l'amie d'Aurora en s'asseyant.
"Ce sont des entités vivantes." déclara Shaka, "Même la constellation du Serpentaire ne se soustrait pas à ces préceptes."
Puis, comme par enchantement une vive lumière magnifique engloba l'urne qui s'ouvrit. Jaillit alors la fière armure du Serpent doré dont la lance vint se placer directement dans la main droite d'Aurora.
"Merci à toi chère partenaire. Appelons maintenant ensemble celui qui nous a réunies."
Elle concentra davantage de cosmo alors que ses frères d'arme restaient interdits devant l'imminence de la situation. Ils n'étaient pas encore certains de la brusque initiative de leur camarade.
"Et là, elle fait quoi ?" chuchota Luisa aux chevaliers.
"Silence !" La voix virile de Shura retentit et fit tressaillit la brune.
Aurora brandit la lance en direction de son armure découverte et s'exprima d'une voix plus appuyée :
"Ô grand philosophe de votre temps, vous qui reposez paisiblement dans le jardin éternel, je vous rappelle ! Nous vous invoquons solennellement de répondre à notre requête, entendez-moi ô Maître Wilfried !"
Le temps se tut. Plus personne en dehors d'Aurora qui avait baissé les bras et guettait un signe, ne bougeait. Les chevaliers ne quittaient pas des yeux l'armure étincelante. Elle recelait tellement de pouvoirs. Quelques instants plus tard, un autre cosmo se mélangea à celui de l'armure. Un cosmo démontrant autorité et toute puissance. Une forme apparue ensuite au-dessus de la protection dorée et se fit de plus en plus distincte. Ça ne faisait aucun doute : l'âme de l'ancien Serpentaire était parmi eux alors qu'Aurora restait interdite en face de l'armure qui luisait doucement. La jeune-femme demeurait sans bouger quelques instants puis un frémissement la parcourut, qui s'intensifia avant de la secouer de part en part tandis qu'une voix inextinguible s'élevait :
"Et bien Aurora, est-ce là toute ta démonstration de dignité en tant que 18ème représentante du Serpentaire ?"
Immédiatement, cette dernière ploya le genou, surprenant Luisa et les chevaliers. Milo constata l'étonnement de la portugaise et murmura doucement : "C'est le grand maître d'Aurora."
En effet, la forme floue devenue humaine se dressait majestueusement devant la Portugaise. Bien qu'il ne soit qu'un spectre on devinait la silhouette imposante qui témoignait de l'ancienne enveloppe charnelle du porteur de l'armure du Serpentaire du 15ème siècle : un homme d'une cinquantaine d'années aux longs cheveux gris attachés en demi-tresse, une carrure haute et puissante avoisinant le mètre quatre-vingt-quinze, un visage inflexible, une balafre marquée sur le côté. Il était vêtu comme ces cavaliers Médiévaux mélangé à des accoutrements du Sanctuaire : un plastron en fer sur le torse d'où on distinguait d'en dessous un habit en lin et portait un pantalon fait de cuir marron. On pouvait le dire : il en imposait. Les autres étaient saisis par la prestance de l'ancien guerrier.
"Oh pu****" avait commencé Luisa en s'autocensurant devant une telle scène.
Son amie n'avait pas bougé, la tête fixant le sol, attendant un signe de son maître.
"Pourquoi ne daignes-tu pas de me regarder, chevalier ? "
A cette phrase, la treizième tiqua et déglutit, le regard rivé sur sa pelouse. Un ange passa.
"Que crains-tu donc ? Est-ce tout ce dont tu as retenu de mes enseignements ? Où est-ce la détresse tapie dans ton cœur qui te rends silencieuse ?"
Le groupe de chevaliers jette un œil à leur consœur hébétée. Jamais ils ne l'avaient vue aussi docile face à un homme. Ces hommes qu'elle aime dominer, rire sous leur barbe et faire courir. Wilfried était bien le seul qui parvenait à la faire taire d'un simple regard. Le seul homme qu'elle n'avait jamais respecté.
Perdu dans ses réflexions au sujet d'un tel changement d'attitude, Milo considéra la treizième de son regard affûté. Il la sentit bouleversée. Son cœur se serra. Aurora demeurait silencieuse. Elle ne savait pas comment réagir. Et cette incertitude l'accable presque tout autant que la frustration interdite qui la ronge.
Elle releva la tête doucement et visionna timidement son mentor. Après un moment, elle se redressa pour lui faire face, poings serrés. Seuls les yeux se parlent, pour l'instant. Les mots véritables s'étranglent dans sa gorge, ceux qui exprimeraient tout ce qu'elle a lui dire après tout ce temps. Les mots imagés, puissants, qui sauraient exprimer son bonheur présent et sa tristesse passée, la solitude qu'elle a vécue, les guerres qui les ont touchés. Ces mots-là sont difficiles à dire.
Après un long instant de silence, la portugaise s'exprima : "Maître Wilfried, votre clairvoyance n'a d'égal que votre fierté. Je suis tout autant confuse que ravie de vous revoir."
"Tu en a mis du temps, jeune-fille." continua Wilfried d'une voix profonde et paternelle, "Le Seigneur Shion t'a pourtant recommandé de faire appel à l'armure en cas de grande incertitude."
"Je ... n'étais pas sûr, maître."
"Bien-sûr que tu le savais. Que t'ai-je dit au sujet des émotions ?"
Silence.
"Que nous aussi, chevaliers sacrés, devons se donner le droit de méditer sur nos sentiments enfouis." commença Aurora, "Surtout en que porteur du Serpentaire, constellation plus que jamais stimulée par les ressentis humains et l'ardeur au combat."
Quelle idiote ! C'était tellement évident lorsque son maître était à ses côtés. Tout lui semblait si lucide. Elle ne pouvait faire difficilement semblant avec lui. Wilfried était un pilier, un roc, celui sur qui elle pouvait compter. Il l'avait mise en garde avant son départ : se détacher de tout cela et être forte mentalement. Depuis qu'elle a hérité de l'armure, elle avait comme perdu une partie d'elle-même.
"Vous n'êtes pas sans savoir que mon père biologique est présent au Sanctuaire grâce à votre persistance." déclara la brune en fronçant les sourcils avec le plus grand scepticisme.
Court silence.
"Voilà qui semble t'affecter plus que je ne l'aurais prédit, mon enfant."
Sans savoir pourquoi, elle sentit les larmes lui monter. Ces mots simples et sincères de son maître valaient tout discours larmoyant. La pression retombait, petit à petit et elle en avait assez entendue pour saisir l'importance de cette situation.
"Pourquoi n'avez-vous rien dit sur les conditions de ma naissance ?"
La voix d'Aurora était plus sûre.
"Tu ne me l'as jamais demandé, Aurora."
"Vous plaisantez ? Je vous harcelais de questions durant mon entraînement en Angleterre. Vous restiez évasif et totalement détaché."
"Le passé n'a plus sa place dans la vie d'un apprenti chevalier."
"Vous avez toujours le même discours, même mort vous n'en démordez pas !"
"Ton insolence n'a point décrue ma fille, je suis ravi que tu as puisé dans cette force de caractère afin de t'élever intensément au-dessus des autres."
"Que dîtes-vous ?"
"Aurora," reprit Wilfried plus posément, "Cette colère et cette passion qui te dépeins, et que j'ai longtemps réfuté parce qu'il est source de déficience sur le champ de bataille, tu as su l'utiliser à bon escient et l'initier dans ton cœur pour vaincre l'ennemi. Je t'en félicite."
Flottement.
"Comment ? Vous avez délibérément été sévère avec moi afin que je trouve les réponses seule ?"
"Tu en avais les capacités, je n'en ai pas douté et le Seigneur Shion également."
"C'est totalement perfide."
"Malgré les ténèbres qui assaillent le fond de ton cœur, tu as su en tirer bénéfice et transmettre positivement ce savoir à tes apprentis."
"Vous parlez de .. "
"Des chevaliers du loup, d'Orion et la future Chouette. Cependant .." Il fit une pause et se rapprocha d'Aurora : "Ce mérite se manifeste avec le chevalier du Sagittaire. Ta meilleure réussite."
Aurora resta muette quelques instants.
"Elle est meilleure que je ne le suis, Maître."
"Est-ce des remords que j'entends dans ta voix, chère élève ?"
"En effet. Je suis perdue, vous me manquez, ma sœur me manque, mes pouvoirs me dépassent. Je ne veux blesser personne."
"La clé de ta sérénité ne dépendra que ton souhait d'aller de l'avant, la résilience. En ressassant ces souvenirs, tu ne peux que te diriger vers la voie du déshonneur."
"Plus facile à dire qu'à faire."
"Aurora .. Tu es l'un des rares Saints du Serpentaire à avoir survécu à un Dieu. Les Anciens avaient prédit ta perte après Arès .." Cette dernière ouvrit de grands yeux, "Tu as cependant trouvé les ressources en toi durant cette bataille sanglante contre celle que tu admirais le plus. Cette force qui t'a poussé à exploiter toute ta puissance que seuls les Serpentaires détiennent, s'élèvant ainsi au même rang que les Dieux; Cette puissance que craignaient l'Olympe et avait autrefois été théâtre de notre bannissement. Tu n'es pas responsable de la possession de Demetria par Arès. C'était son destin. Tu l'as sauvé et rétabli la paix instaurée par Athéna."
Aurora baissa tristement la tête.
"J'ai un nouveau rôle."
"Devenir mère de famille est un pouvoir que tu ne mesures pas encore."
"Que voulez-vous dire ?"
"Le pouvoir de l'amour d'une mère chevalier. Voilà à quoi doit servir ton énergie. Tu seras un fier modèle et une figure féminine pour ta progéniture. Elle sera un redoutable chevalier protégée par l'étoile du Scorpion et vous combattrez ensemble pour la justice au nom d'Athéna."
Silence.
"Ma fille ? Mais ... Vous avez vu notre avenir ?"
"Il sera parsemé d'embûches et d'heureux coups du sort, mais il sera, Aurora."
"Si elle décide de ne pas devenir chevalier, qu'il en soit ainsi."
"Pourquoi crains-tu tant que cela qu'elle suive les traces de ta souffrance ? Dois-je te rappeler que sa position n'est pas la tienne ?"
Aurora leva un œil ostensiblement distrait et indifférent à son maître et répondit : "Parce que sa mère est un peu schizo, maître."
Le groupe de chevaliers haussèrent un sourcil alors que Luisa gloussa.
"Aurora, tu te sous-estimes encore et je vois que tu ne parviens toujours pas à faire confiance en l'avenir et ceux qui t'entoure."
"Que voulez-dire ?"
"Enéa fait partie de la prochaine génération de chevaliers que tu vas mener. D'autres part, elle ne sera pas seule." continua l'homme, "Les chevaliers de Persée et du Scorpion demeureront des repères absolus pour son équilibre et sa formation. Je te l'ai dit, la prochaine génération n'est pas constituée de jeunes égarés comme tu as pu l'être. Les Dieux seront plus cléments."
Milo tressaillit, conscient de la charge qui l'attend et l'importance de sa présence aux côtés d'Aurora.
"J'en déduis de faire confiance à ce Diogo Vosta que vous avez hanté ces derniers mois ?"
"Lorsque je suis venue te chercher, j'ai juré sur mon honneur de chevalier qu'il te retrouverait afin d'expier le péché d'avoir rendu un homme accablé par le chagrin, lui volant sa chair et son sang."
"Vous êtes bien nostalgique, Maître ..."
« Va voir le Berger. Il te sera profitable."
"Vous étiez donc là ces dernières années, à me surveiller ?"
"Mon âme guide et veille sur mon successeur depuis les étoiles."
"Façon de dire que je vous manque aussi .."
Il hocha la tête.
"Je vous ai senti .. Ce jour-là, contre Dem'."
"Je t'ai encouragé à élever ton cosmo et te surpasser."
"Vous auriez pu m'aider contre cette maudite Reine .. " grogna cette dernière, "Vous étiez passé où ? Vous preniez l'apéro avec le Seigneur Zeus ?"
Les chevaliers eurent un rictus tandis que Luisa mis sa main devant la bouche.
"Tu avais pris la décision d'affronter cette femme sachant l'issue du combat et ton état intérieur. Tu ne peux que t'en prendre à toi-même."
Aurora fronça ses sourcils foncés, en une attitude de noble ire flamboyante : "J'avais vaincu un Dieu, je pouvais tout aussi bien tuer cette déesse de pacotille." Tenta vainement d'argumenter le Serpentaire.
Silence.
"Tu portais ton enfant, et il t'a protégé de blessures graves .. La ceinture d'Hippolyte n'était à la portée que de ton élève."
Aurora soupira. Ainsi c'était cela le repenti. Être entourée de gens qui étaient votre contraire. Peut-être qu'elle était morte en réalité, et que cette défaite Amazone était une sorte de supplice inventé par Zeus pour la punir d'avoir vaincu un Dieu.
"Eh bien, on fait tous des erreurs de débutants. Ma première vraie défaite fut difficile à accepter." Consentit Aurora.
"Tu es le plus redoutable des chevaliers."
"Oui, maître."
"Maintenant que tu as toutes les clés en main, repentis toi et vas de l'avant Saint du Serpentaire !"
Aurora hocha la tête et s'inclina une dernière fois face à son imposant mentor tandis que celui-ci disparaissait peu à peu : "Aies la foi ma fille, et sois un fier chevalier au nom de tous."
Le traits et la posture d'Aurora était plus sereins alors que le spectre de son maître quittait définitivement le lieu. Un sourire tendre et sincère plaquée sur son visage typé rassura les chevaliers et surtout le Scorpion. Une larme au coin de l'œil, Aurora observa son armure et se mis en résonance avec elle.
« Merci mon cher Maître. »
Elle ferma les yeux solennellement et dit quelques mots dans sa langue natale. L'instant d'après, les habits dorés se dématérialisaient devant elle et recouvrirent le corps félin de la Portugaise.
Luisa se sentit gagnée par l'admiration. Celle qui entraînait la force et la fidélité des troupes du Sanctuaire depuis plus de dix ans. Celle qui courbait les nuques sur le passage du Serpentaire. Son amie, treizième chevalier respecté était absolument magnifique. La lumière dorée soulignait ses traits et les ciselait, comme ceux d'une statue d'or antique. Une luminescence radieuse semblait la nimber entièrement, comme si elle émanait d'elle. L'esprit de Milo se figea avec admiration sur ce surgissement lumineux surprenant…
".. Qu'est-ce que t'es belle ..." s'exclama Luisa.
Aurora se tourna vers le groupe et ébaucha un petit sourire en coin.
"Je sais."
Luisa s'en amusa et se rapprocha de son amie.
" Il n'avait l'air commode ton maître, mais je l'aime bien !" en se retournant en direction de la treizième maison, "J'en suis retournée."
"Oui." confessa le Serpentaire, en laissant son regard dériver vers le toit de la grande salle principale du son temple. "Il est ainsi." Et d'une main elle ordonna à l'urne de son armure ainsi que son sceptre de regagner leur place.
"Il ne sera pas toujours là, il t'a prévenu." s'enquiert Angelo en croisant les bras sur sa poitrine d'un air satisfait.
"Tout à fait." admit Aurora alors qu'un de ses félins s'était frotté à sa cheville. Elle se baissa doucement et caressa le chat qui sauta dans ses bras : "On a tous des bagages à trimballer."
Elle prit le chemin de sa terrasse. Luisa emboîta le pas d'Aurora suivie des autres chevaliers.
"Au moins un qui te cloue le bec !" ajouta Angelo sur le parvis de son temple arrière.
Aurora haussa les épaules avec détachement : « Ça ne fait pas de mal de temps en temps."
"Nous allons te laisser puisque tu sembles avoir eu des réponses." déclara Saga, "Tu sais où nous trouver."
Aurora hocha la tête.
"Merci Gémeau. Vous tous."
Les différents chevaliers rassurés prirent le chemin de la sortie des baraquements du treizième temple.
"Milo. Un instant." intima Aurora alors que les autres gagnèrent la sortie des appartements privés, "Sauf si vous avez besoin du Scorpion." continua-t-elle à l'attention de ses camarades qui se tournèrent d'un quart.
"Ne le rends pas chèvre, Serpentaire." ironisa Masque de Mort pour toute réponse.
L'interpellée s'apprête à ouvrir la bouche pour répondre au Cancer lorsqu'une main fine et chaude se pose sur son épaule et susurre discrètement : "Profites-en." lui souffla Luisa en rejoignant les autres.
Une fois se considérant suffisamment à l'abri des oreilles et des regards indiscrets, le Scorpion attendit que ses compagnons sortent définitivement du temple, puis se mit alors à fixer Aurora qui observait Luisa s'en aller. Elle se tourna ensuite face à son ami. Le beau Grec classique tout d'équerre et de mesure, ce regard piscine, si limpide sous la frange plus sombre de sa longue cascade de cheveux. Un regard hypnotique face au lequel il était difficile de résister…
"Chevalier du Serpentaire, je t'écoute." fit d'une voix neutre le huitième gardien.
Pour appuyer son propos, le Scorpion effleura la joue de la Portugaise en plongeant ses grands yeux bleus dans les siens. Aurora bâta lentement des paupières, et ses longs cils soulignèrent la beauté de ses iris dans une arabesque parfaite et délicate. Un courant délicieux parcourt aussitôt sa colonne depuis le haut de son dos jusqu'au creux de ses reins.
« Accompagne-moi à l'endroit où vit cet homme. J'ai besoin de toi." reprit le Saint du Serpentaire avec un sourire des plus chaleureux sur ses lèvres parfaites et délicates.
Lèvres que le Scorpion ne peut plus quitter des yeux, surtout maintenant qu'elles s'étirent en un sourire tendre, et que ce sourire sincère n'est réservé qu'à lui seul depuis quelques temps.
"Chevalier du Scorpion ?" réitéra son homologue, "T'es-tu égaré dans une autre dimension ?"
Le Grec fixa d'un regard perplexe les orbes foncées de sa compagne. Sa meilleure amie. Celle qu'il a tellement désiré. Ces yeux qu'il aime tellement regarder et grâce auxquels il se sent heureux. Le chevalier Grec s'approcha davantage. Son souffle contre sa tempe. Malgré le barrage des armures, son corps frissonna contre celui de Milo. Et puis sa force, tout autour d'elle. La joue de la Portugaise glissa contre celle du Grec et son visage disparut dans le creux de son cou, sa voix s'étouffant contre sa peau, contre l'artère qui pulsait juste en dessous :
"Est-ce que qu'un chevalier de notre ordre peut mélanger sens du devoir et bonheur ?"
Le Grec médita à cette interrogation. Il a eu tout le loisir d'y songer ces dernières années, absolument persuadé qu'il n'était pas digne de posséder Aurora et qu'en réalité ce n'était sûrement qu'attirance charnelle. Mais, s'il veut être tout à fait honnête avec lui-même, il a toujours parfaitement su. Depuis le premier jour. Pour lui, Aurora n'est pas que meilleure camarade. C'est celle qui lui apporte de la joie par sa spontanéité et son humanité, celle qui réconforte et emmène l'ensemble de la chevalerie, surtout à lui. Oui, elle est bien plus que cela. Elle est au centre de son univers, la seule qui attire son attention et qui lui donne envie de découvrir le monde. Elle est unique … Son chevalier.
"Tu l'as dit, nous restons des humains." approuva le chevalier du Scorpion en approchant ses lèvres de la bouche si parfaitement dessinée de sa congénère.
Elle visse son regard de panthère dans le sien, comme si elle voulait lire en lui pour déchiffrer ce qu'il a en tête.
"Je vais parler à Persée dans ces conditions."
Milo eut un hoquet de surprise. Le Scorpion considéra sa collègue de son regard céruléen.
"Je suis une femme d'honneur. Je ferai affront à mon rang en me conduisant ainsi. Argol doit entendre la vérité. Pour notre fille. Ta fille aussi, Milo."
Touché par cette confession, Milo ne savait que répondre.
"Aurora ..." murmura le Grec en serrant la chevelure de sa bien-aimée entre ses doigts avant de l'embrasser.
Il caressa par effleurements l'armure cachée dans l'ombre, suivant les rainures des formes dorées sculpturales, les courbes parfaites, tentant de trouver la douceur de son grain de peau sous les habits dorés. Les mains se firent alors plus directes et appuyées, s'aventurant sous la robe de métal et provoquant sur le corps du Serpentaire d'agréables soubresauts. Il contempla quelques instants la bouche qu'il avait tant de fois rêvé d'embrasser. Ce fut avec passion que Milo s'empara d'elle; Un frisson délicieux se répandit dans leur dos et un courant exquis envahit leurs reins. Par la Déesse, pourquoi le moindre contact avait-t-il toujours eu un tel effet sur lui ? Et après un baiser qu'ils veulent tous les deux passionné et fusionnel, Milo détache sa bouche pour déclarer : "Allons-y." proposa t-il en prenant la main du Serpentaire.
La treizième hésita un instant, regarda le Scorpion droit dans les yeux. Dans ces yeux impénétrables qu'elle ne pourrait jamais s'empêcher de trouver magnifiques, et dont elle craignait de le blesser au cœur, comme les autres avant. Pourquoi avait-elle tellement hésité toutes ces années ? Était-ce à cause d'Eaque ? Elle s'était laissé submerger par des sensations inconnues et d'une puissance qu'elle ne devinait pas. Parce que déçue par la passion que lui avait procuré le Juge durant deux ans elle s'était blindée, au point de rejeter ses désirs ambigus pour le Scorpion ?
« Tout ira bien. » assura Milo.
Aurora avait grandi entre les murs du Sanctuaire. Elle s'était battue pour un signe de tête approbateur du grand Pope, l'homme qui l'avait sorti de la précarité, celui qui avait su lire en son esprit, de la fièvre qui la dévorait jusqu'aux os. Le père de substitution. Le Pope était pourtant le représentant d'Athéna, non un papa qu'on cherchait à rendre fier. Et pourtant Shion la « maternait », et elle aimait ça au fond. Parce que son vrai père était un lâche. Elle avait retrouvé sa grande sœur. Au fil du temps, on se pressait pour gravir les gradins du Colisée et grappiller les meilleures places, celles qui offriraient une vue optimale sur leur combat incroyable à venir. Demetria disparue mais Aurora garda la foi. Et puis, elle avait paradé sous les yeux ébahis des apprentis, des chevaliers « mâles vêtue de son étincelante armure. Rendue éperdument fou d'amour nombre de prétendants et même un grand juge de l'Enfer. Elle avait vaincu nombre d'ennemis, un Dieu, puis sa propre sœur dans la douleur et la passion. Les portes de la Mort n'ont pas voulu d'elle. Elle est revenue plus forte encore. Plus vulnérable et mère.
Un seul accroc la tenait éveillée la nuit. Elle la défiait, cette entaille à son ego : cet amour, le déni pour un de ses frères chevalier, son ami depuis cinq ans, celui qui l'a toujours soutenu et aimé dans l'ombre. Cet homme énigmatique. Le chevalier du Scorpion. Milo recueillait les faveurs des gens. Il passait pour un être juste, un chevalier droit et raisonnable... Et au fond cette passion qui le dévorait. Comme elle.
Aurora le gratifia d'un sourire tendre. Le grec a toujours été le plus sécurisant. Et pour rien au monde elle ne voulait changer cela. Milo laissa s'épanouir sur son visage un rictus séduisant. La treizième eut un frissonnement intérieur.
Oui, elle aimait vraiment Milo. Peu importe ce que demain leur réservera. Peu importe ce géniteur…
A SUIVRE
*"Les dés sont jetés"
