Valeur et vigueur,

Un grand merci à Sarah MAES, Jiwalumy, Roux500, Michtochondrie & Fleur d'Ange pour vos reviews !

Récap des chapitres précédents :

- Narcissa a autorisé Draco et Ginny à continuer leur relation à la condition que Draco feigne de courtiser Astoria Greengrass et que Ginny, désormais sous la tutelle de Narcissa, poursuive son espionnage de la Gouverneure. (chap 49)
- Bill et sa famille ont quitté l'Angleterre pour s'installer définitivement en France. (chap 63)
- L'amitié entre Hermione et Ginny a traversé des moments difficiles, et elles ont chacune choisi de suivre leur propre chemin (chap 43)
- Le F.L.O.P organise une opération visant à affaiblir l'économie du régime en s'attaquant à Gringotts (chap 62)

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Bonne lecture !

LXV. Intersections

« Ginevra ? »

La voix de Draco résonna de manière distante aux oreilles de Ginny, la tirant de sa rêverie. Ses yeux gris la sondaient avec une intensité discrète, comme s'il cherchait à déchiffrer ses pensées.

Et peut-être était-ce exactement ce qu'il faisait. Non, songea-t-elle. Elle aurait probablement détecté sa présence dans son esprit si cela avait été le cas. Ses compétences en Occlumancie avaient grandement progressé depuis ses premières leçons avec Draco. Désormais, elle bloquait son esprit par instinct, sans effort particulier.

Bien qu'elle aurait trouvé inacceptable qu'il tente de s'introduire dans ses pensées sans son accord, une partie d'elle entendait son besoin de réponses. Elle admettait volontiers qu'elle n'avait pas été tout à fait elle-même ces dernières semaines. Depuis ses adieux déchirants à sa famille, chaque jour était devenu une épreuve émotionnelle pour Ginny. Ils lui manquaient cruellement. Elle avait toujours été profondément attachée à ses proches, et leur absence l'affectait au quotidien.

Tous ces moments du quotidien en leur compagnie semblaient désormais appartenir à une autre vie. Les dîners du jeudi dans l'atmosphère chaleureuse de la Chaumière aux Coquillages. Les rires joyeux de Victoire, et l'excitation dont elle faisait preuve pendant leurs leçons improvisées de vol. Les discussions sans fin avec Fleur sur les derniers conseils ésotériques de Sorcière-Hebdo. Les gazouillements et les câlins à Dominique. Tout cela n'était plus qu'un lointain souvenir. Même les disputes avec Bill, où elle se plaignait de son côté surprotecteur, lui provoquaient une certaine nostalgie maintenant qu'elles ne faisaient plus partie de sa vie. Tout était allé si vite. Tellement vite qu'elle n'avait guère eu le temps de digérer les événements. Le vide laissé par leur départ était incommensurable.

Draco, conscient de sa détresse, avait été un pilier pour elle. Malgré ses obligations à l'Augurey Magistral et ses nouvelles responsabilités chez Machinations Malforescentes, il avait fait de son mieux pour la prioriser. Elle n'était même pas certaine qu'ils aient passé autant de temps ensemble depuis le début de leur relation. Pourtant, malgré la présence physique de Ginny durant ces moments, son esprit, lui, demeurait égaré.

La jeune femme s'efforça de reporter toute son attention sur Draco. La manière dont il avait prononcé son prénom en disait long. Dans le timbre de sa voix, elle avait perçu un mélange de frustration et de lassitude, ce qui accentua son sentiment de culpabilité. Elle voyait clairement les efforts que Draco déployait pour égayer son humeur, et pourtant, elle ne pouvait s'en réjouir. Elle restait figée dans cet océan de souvenirs.

Elle se trouvait si ingrate d'agir ainsi. N'avait-elle pas obtenu exactement ce qu'elle désirait ?

Sa famille était désormais en sécurité, à l'abri de l'épée de Damoclès qui menaçait les sorciers de leur rang. Elle-même avait réussi à échapper à son statut de Traîtresse à son sang et avait reçu une Grâce Ministérielle inattendue. Quant à sa relation avec Draco, elle était plus solide qu'elle ne l'avait jamais été auparavant. Il se pliait en quatre pour lui donner le temps et l'attention qu'elle avait tant souhaitée. De l'extérieur, elle avait tout pour être heureuse. Alors pourquoi ne parvenait-elle pas à se réjouir ? Sans doute parce que ces changements étaient survenus au prix de lourds sacrifices.

« Je suis désolée, j'étais distraite… » murmura Ginny, l'air navré.

Draco ne répondit pas, mais elle put lire dans l'expression de son visage une certaine déception. Sa culpabilité enfla à nouveau. Parfois, Ginny craignait de donner l'impression de regretter son choix.

Un serveur passa pour remplir leurs verres, dissipant quelque peu la tension qui s'était installée. Ginny lui adressa un sourire léger en guise de remerciement. Ils étaient au Grand Café de Linder, l'établissement où Narcissa les avait convoqués plusieurs mois auparavant, afin de les confronter sur leur relation.

Le restaurant disposait d'une zone plus intime, éloignée de la salle principale et réservée aux clients privilégiés. Autour d'eux, seule une autre table était occupée. Pouvoir dîner en compagnie de Draco en public, bien que de manière discrète, aurait été inimaginable il y a quelques mois. C'était l'un des bénéfices inattendus de son nouveau statut de sang. Ils pouvaient désormais se permettre une certaine latitude.

Bien qu'ils dussent rester discrets quant à la nature de leur relation, Ginny n'était plus un paria qu'il fallait absolument cacher — un progrès notable pour elle. Cependant, ils ne pouvaient pas abuser de cette nouvelle liberté, sous peine d'attirer les foudres de Narcissa. Draco était toujours censé laisser entendre aux Greengrass qu'il était déterminé à épouser Astoria.

Les clients de l'unique table occupée dans la zone privée quittèrent la pièce, les laissant seuls dans une pièce aux lumières tamisées. Des lustres en cristal illuminaient la salle, leur lumière dorée filtrée par des abat-jours en soie couleur crème, conférant à l'endroit une atmosphère intimiste. Leur table était placée devant d'immenses baies vitrées, offrant une vue panoramique époustouflante sur la ville. Les lumières scintillantes à l'extérieur ressemblaient à une myriade d'étoiles enchâssées dans le velours de la nuit.

« Je suis désolée. Quelle compagnie horrible je fais, ce soir. » admit Ginny.

Elle tendit la main et la posa doucement sur celle de Draco, croisant son regard avec une expression navrée.

« C'est l'anniversaire de Victoire, demain. » lui révéla-t-elle.

La journée s'était déroulée dans une morosité palpable, sa nièce occupant davantage ses pensées qu'à l'ordinaire. Elle s'était demandée ce que Fleur et Bill organiserait pour son huitième anniversaire, le premier qu'elle passerait sans Ginny. Cette pensée avait entrainé un pincement au cœur chez la jeune femme. Elle avait tenté de voir le bon côté des choses. Après tout, c'était le premier anniversaire que Victoire célébrerait avec sa famille maternelle, une famille que la petite fille n'avait jamais vraiment connue. Mis à part les récits de Fleur et quelques photos, ces gens demeuraient presque des étrangers pour Victoire.

Fleur avait une sœur cadette, Gabrielle, avec laquelle elle était extrêmement proche. C'était sans doute pour cette raison qu'elle avait rapidement pris Ginny en affection à sa rencontre avec Bill. Fleur l'avait toujours traitée comme une sœur plus jeune, offrant une oreille attentive et un soutien inconditionnel durant son adolescence. Elle avait affiché un tempérament plus tempéré face à la rigidité de Bill.

Victoire aurait une autre tante pour lui donner autant d'amour. Le cœur de Ginny se serra en comprenant que quelqu'un d'autre partagerait ce lien spécial avec Victoire. Quant à Dominique, qui fêterait bientôt son premier anniversaire, elle ne se souviendrait pas de Ginny. Elle était bien trop jeune. L'idée de ne pas voir ses nièces grandir et de devenir bientôt un lointain souvenir pour elles, l'avait profondément bouleversée. Ginny avait passé une bonne partie de sa matinée à pleurer, se réfugiant même dans les toilettes des locaux de Sorcière-Hebdo pour laisser libre cours à son chagrin.

Elle avait attendu avec impatience son dîner en tête-à-tête avec Draco, espérant que cela lui changerait les idées. Cependant, cela n'avait pas réussi à la tirer de sa mélancolie.

Draco hocha simplement la tête à son explication, l'air compréhensif, ce qui la soulagea. Il n'avait jamais été aussi attentionné qu'il l'était ces derniers temps, et Ginny ne parvenait même pas à en profiter pleinement. Trop absorbée par ses propres émotions et préoccupations, elle n'avait même pas cherché à comprendre ce que Draco pouvait ressentir de son côté.

Éprouvait-il lui aussi une certaine culpabilité qu'il cherchait à compenser en se montrant si présent et attentionné ? Après le long silence qu'elle lui avait imposé afin de prendre sa décision, Ginny n'avait pas manqué de remarquer le soulagement qui avait traversé son visage lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle resterait en Angleterre. C'était la première fois qu'elle avait vu Draco craindre quoi que ce soit. Il avait réellement paru ébranlé à l'idée qu'elle puisse partir.

Pendant un instant fugace, durant ses longues réflexions, Ginny avait envisagé la possibilité d'un départ. Et pourtant, après avoir examiné la situation sous tous les angles, à maintes reprises, son choix était resté le même : elle voulait rester aux côtés de Draco. Sa vie avait pris un tournant radical depuis qu'il était entré dans sa vie. Elle n'était plus la même femme depuis. Il y avait la Ginny d'avant et celle d'après. Il avait bouleversé son monde, et elle ne le regrettait pas.

Quand ils quittèrent le restaurant pour rejoindre la diligence de Draco, Ginny se tourna vers lui et demanda :

« On peut faire un tour ? Juste un moment, avant que tu ne me ramènes ? »

Draco donna des instructions au Mangemort qui les escortait, assis à l'avant de la diligence. Ils montèrent ensuite à bord et la diligence amorça un départ lent. En sortant du restaurant, elle avait décidé qu'elle ne voulait pas que leur soirée se termine sur une note aussi maussade. Elle cherchait un moyen de se racheter pour son comportement distant durant le repas.

Draco serait en déplacement toute la semaine suivante pour un séminaire avec l'équipe de direction de Machinations Malforescentes. L'objectif était de travailler sur un projet lié aux Gobelins et à Gringotts dans une de leurs filiales, près d'Édimbourg. Narcissa avait demandé à son fils de diriger le séminaire, probablement pour lui permettre d'intégrer les méthodes de l'entreprise et de renforcer son rôle parmi les autres employés clés.

La perspective de ne pas voir Draco pendant toute cette période la rendait anxieuse. Elle s'était habituée à sa présence réconfortante et redoutait son absence. Une fois seule, Ginny savait qu'elle risquait de sombrer davantage dans la mélancolie. Néanmoins, pour cette dernière soirée ensemble, elle voulait s'assurer qu'ils ne se quitteraient pas sur une note désagréable.

Ginny s'installa à côté de Draco sur la banquette matelassée et entrelaça ses doigts avec les siens, posant sa tête sur son épaule. Draco passa un bras autour de sa taille. Tandis que la diligence avançait lentement, elle regarda les lumières de la ville à travers la vitre, appréciant un moment de silence paisible.

« J'aimerais pouvoir m'endormir et me réveiller à la fin de la semaine prochaine. » murmura-t-elle.

Ce petit excès de dramatisme amusa Draco.

« Ma proposition tient toujours. » lui rappela-t-il.

Il avait proposé qu'elle l'accompagne. Elle pourrait explorer la ville pendant qu'il serait occupé avec ses collègues, et ils pourraient au moins passer leurs soirées ensemble. Bien que tentée, Ginny avait décliné l'offre à contrecœur. Elle craignait que Narcissa l'apprenne.

Ces derniers temps, ils avaient pu savourer un semblant de liberté, car Narcissa était affairée avec ses responsabilités de Gouverneure et ne surveillait pas leurs faits et gestes aussi étroitement qu'à l'accoutumée. De plus, le changement de statut de Ginny semblait avoir apaisé quelque peu les réticences de Narcissa.

Ginny savait que Narcissa s'impatientait concernant les mystérieux messages cryptés dans l'agenda de Cressida Warrington. Submergée par ses préoccupations personnelles, la jeune femme avait relégué ses obligations professionnelles au second plan et n'avait fait que peu de progrès dans sa mission.

« J'adorerais venir avec toi, mais nous savons tous les deux que ce n'est pas une bonne idée. » répondit-elle d'un air entendu. « Et puis, je ne peux pas me permettre de négliger mon travail. »

Avant le départ imminent de sa famille, elle avait pris plusieurs jours de congé pour chérir leurs derniers moments ensemble. Demander plus de temps libre à ce stade, surtout à la dernière minute, serait inenvisageable. Elle était attendue au cabinet de la Gouverneure Warrington, et Pansy comptait également sur elle. La saison mondaine touchait à sa fin, et l'agenda de Pansy était plus chargé que jamais.

Ginny se tourna légèrement et posa son menton sur l'épaule de Draco. Il inclina la tête vers elle, ses yeux se plongeant dans les siens. Merlin, songea-t-elle, son cœur manquant un battement face à l'intensité de ses yeux gris. Quelque chose se passait en elle quand il la regardait de cette manière. Même après tous ces mois ensemble, elle éprouvait toujours les mêmes frissons avec la même intensité.

Ginny se demandait souvent comment il réussissait à la rendre encore plus éprise de lui à chaque jour qui passait. Elle était si profondément amoureuse que c'en était presque terrifiant. Elle avait parfois l'impression que sa présence ne lui suffisait pas. Ce n'était pas seulement son physique, son regard, ou sa voix. C'était quelque chose de plus intime, quelque chose qui la saisissait au plus profond d'elle-même. Elle aimait sa prestance, son intelligence, les expressions subtiles de son visage et les nuances de sa voix. Elle l'aimait dans toute sa complexité, dans toutes ses facettes. Le sentiment était intense, lui donnant cette étrange certitude qu'elle n'avait sa place qu'auprès de lui.

Qui aurait pu imaginer qu'elle tomberait éperdument amoureuse de cet homme qu'elle avait méprisé lors de leur première rencontre ? Qu'elle serait prête à tout sacrifier pour cet amour ? Désormais, l'idée de vivre sans lui semblait tout simplement inconcevable.

Le fait de la voir sourire sembla élever l'humeur de Draco. Avant ces dernières semaines, Ginny n'avait jamais réalisé à quel point leurs humeurs étaient interconnectées, à quel point elles avaient atteint ce niveau d'intimité où les émotions de l'un influençaient celles de l'autre. Sans perdre son sourire, elle se pencha en avant et déposa un baiser rapide mais tendre sur ses lèvres. Alors qu'elle s'apprêtait à s'éloigner, Draco la retint, sa main glissa délicatement sur sa nuque pour rapprocher son visage du sien.

« N'ai-je pas droit à un vrai au revoir ? » demanda-t-il, un sourcil parfaitement arqué se soulevant en quête d'une réponse. « Quelque chose pour m'aider à patienter pendant toutes ces longues journées sans toi. »

Tout en prononçant ces mots, il effleura son visage de ses lèvres, leurs nez se frôlant ainsi que leurs lèvres, sans jamais réellement se toucher.

« Dans ce cas, je devrais rendre ce moment un peu plus spécial, pour être sûre que tu tiennes le coup pendant toute une semaine sans moi, » murmura-t-elle avec un ton faussement sérieux.

Il hocha la tête, comme pour approuver ses paroles. Ginny se redressa, grimpa sur la banquette, et s'installa à califourchon sur lui. Draco afficha un regard appréciateur, manifestement ravi de la voir prendre les devants. Elle le dominait maintenant de quelques centimètres et plongea son regard dans le sien, encadrant son visage avec ses mains. Puis, elle rapprocha lentement ses lèvres des siennes, parsemant son visage de baisers à peine perceptibles — sur son front, son nez, ses joues, et finalement au coin de ses lèvres — dans un geste aussi taquin que passionné.

Draco semblait amusé par son audace, à en juger par son sourire en coin. Puis, pris d'une impatience soudaine, il attrapa sa haute queue de cheval et retira l'élastique, libérant sa longue chevelure qui cascada sur ses épaules et encadra son visage. Il enfouit son visage dans ses cheveux, inspirant profondément leur parfum. Presque instinctivement, il resserra son étreinte autour de la taille de Ginny.

Il repoussa ensuite ses cheveux derrière ses épaules pour dégager son visage et enfouit le sien dans sa nuque, une zone particulièrement sensible qu'il connaissait bien. Ginny ferma les yeux, un long soupir s'échappant de ses lèvres lorsqu'il mordilla délicatement sa peau. Le son qui s'échappa de sa propre gorge la ramena brusquement à la réalité, et elle ouvrit les yeux.

« Attends une seconde. » lança-t-elle en lui faisant face. « Je croyais que c'était à moi de te donner de quoi patienter. »

Il esquissa un sourire entendu sans répondre. Ginny réduisit la minuscule distance qui séparait leurs visages et pressa ses lèvres contre les siennes. Ce baiser était plein de ferveur, à l'opposé des effleurements éphémères qu'elle avait déposés sur son visage jusqu'à présent. Elle enlaça sa nuque avec ses bras, approfondissant le baiser. Leurs langues se rencontrèrent dans un ballet sensuel. Son corps se plaqua étroitement contre le sien, ne laissant plus aucune place entre eux. Tout en continuant à l'embrasser, elle ondula lentement son bassin contre lui, ressentant très vite l'effet que cela avait sur Draco.

Se rendant compte de l'endroit dangereux où ils se dirigeaient, Ginny s'écarta. Ses joues étaient rougies par l'émoi et son souffle était court. Sans rompre le contact visuel, elle effaça lentement les traces de rouge à lèvres qu'elle avait laissées sur ses lèvres. Lorsque Draco esquissa un nouveau geste pour l'embrasser, elle posa son index sur sa bouche en secouant la tête.

« Je pensais que tu étais censé m'aider à patienter, pas à augmenter ma frustration, » se plaignit-il.

Ginny sourit malicieusement et chuchota à son oreille :

« Je veux juste m'assurer que tu seras très, très impatient de me revoir. Cela pourrait même te faire écourter ton voyage. »

« Ginevra... » grogna-t-il, sa voix rauque trahissant toute sa frustration.

« Draco. » rétorqua-t-elle, un brin moqueuse.

« Tu vas me rendre fou. » dit-il, presque comme un avertissement.

« J'espère bien. » répondit-elle, un sourire satisfait illuminant son visage. « Pense à moi. »

Elle se leva de ses genoux, l'air amusé. En vérité, interrompre leur échange était tout aussi frustrant pour elle que pour lui. Elle se sentait électrisée, comme si chaque cellule de son corps était en ébullition. Elle reprit sa place sur la banquette opposée, ajustant sa tenue échevelée et refaisant sa queue de cheval, cette fois de manière moins soignée.

Quelques instants plus tard, la diligence s'arrêta. Les rideaux, qui s'étaient tirés d'eux-mêmes, s'ouvrirent brusquement, révélant le paysage au-delà des vitres. Ils étaient arrivés devant son immeuble. Ginny se tourna vers Draco, qui la regardait toujours, coi, comme s'il ne pouvait croire qu'elle allait vraiment le laisser dans cet état. Elle réprima un sourire espiègle. La porte de la diligence s'ouvrit.

« Passe une bonne semaine, mon amour. Et une bonne nuit, » ajouta-t-elle, taquine, bien consciente que le sommeil serait difficile à trouver pour lui cette nuit.

Avec un dernier regard flamboyant, elle sortit de la diligence et se dirigea vers son immeuble. Une fois de retour dans son appartement, Ginny se rendit directement dans la salle de bain. Elle ouvrit le robinet et aspergea son visage d'eau froide. L'eau glacée sur sa nuque la fit frissonner, rappelant à sa mémoire tactile le souvenir des lèvres de Draco à cet endroit précis. Une chose était certaine : il la rendait aussi folle qu'elle le rendait fou.

Le lendemain, dès son réveil, ses pensées furent pour sa nièce. Elle passa les premières heures de la journée en pilote automatique, à peine consciente de ses actions. Elle savait que la journée serait éprouvante. Les anniversaires au sein de la famille Weasley étaient toujours des affaires sérieuses. Même avant l'incendie qui avait ravagé leur maison, Ginny se souvenait de l'énergie que sa mère, Molly, investissait dans la célébration de chaque anniversaire familial, malgré des moyens financiers limités. Puis Fleur avait pris le relais, trouvant chaque occasion bonne pour une célébration.

Sans surprise, la journée fut un flou mélancolique pour Ginny, qui n'avait pu échapper à sa morosité persistante. Elle se plongea dans son travail, trouvant dans ses tâches professionnelles un semblant de distraction. Elle aurait sans doute dû voir ses amis pour se remonter le moral ; ils auraient été un soutien important en ces temps difficiles. Cependant, Ginny n'avait pas encore trouvé le courage de leur parler du départ de sa famille. Elle avait simplement dit aux Diggory qu'une permission spéciale avait été accordée pour que sa famille puisse rendre visite aux parents de Fleur en France. Quand Amos lui avait demandé quand ils reviendraient, elle avait répondu qu'elle ne savait pas. Pour éviter toute gêne, il valait mieux feindre l'ignorance. Épuisée et sans le cœur à mentir, elle jugea préférable d'éviter les gens pour le moment.

À la fin d'une journée de travail qu'elle avait volontairement prolongée, Ginny prit la direction du Quartier des Embrumes. Elle se rendit à son ancien appartement, où elle avait commencé à passer plus de temps depuis le départ de ses proches. Elle y avait entreposé quelques affaires personnelles qu'ils avaient laissées derrière eux. Le reste de leurs biens avait été abandonné à la Chaumière aux Coquillages, qui demeurerait vide jusqu'à nouvel ordre. Draco avait généreusement accepté de payer le loyer pendant quelques mois pour dissiper toute suspicion.

Montant les marches étroites vers le dernier étage, Ginny atteignit l'appartement qu'elle avait partagé avec Hermione pendant près de deux ans. Ses pensées se tournèrent vers son ancienne colocataire. Après des mois sans nouvelles, il était évident qu'Hermione avait tourné la page. Elle pensa également à Théodore, qu'elle n'avait pas vu depuis une éternité. Elle avait eu de ses nouvelles de manière indirecte, par l'intermédiaire de Pansy. Cette dernière avait tenté de lui rendre visite, mais avait été congédiée sans vergogne par le Gouverneur Nott. Théodore était une âme sensible, et Ginny supposait qu'il devait être dévasté par l'absence d'Hermione. Elle s'en voulait de ne pas l'avoir soutenu plus activement, trop accaparée par ses propres soucis.

Sa relation avec Hermione s'était détériorée bien avant le départ de cette dernière. Hermione lui avait clairement fait comprendre qu'elle ne ferait aucun effort pour maintenir leur amitié, ce qui avait profondément blessé Ginny. Elle se souvenait de leur dernière dispute lors du GAGE, où Hermione et Théodore s'étaient affichés publiquement pour la première fois, officialisant ainsi leur relation.

« Ce que je veux te faire comprendre, c'est que tu fais maintenant partie d'une famille sacrée, Hermione. Tout sera différent pour toi. » avait rappelé Ginny, ce jour-là.

L'échange avait été électrique et houleux de part et d'autre. Hermione avait été particulièrement acerbe dans ses commentaires envers Ginny, la critiquant sans ménagement pour sa liaison avec Draco et ses fréquentations au sein des Sang-Pur. Ginny, en retour, s'était offusquée de l'hypocrisie de son ancienne amie.

« Peut-être que tout ce temps passé avec Malfoy et Parkinson et les gens du Ministère t'ont fait oublier d'où tu viens, Ginny. À ton avis, comment je me sens, en voyant mon amie fréquenter des gens qui me fustigent ? Je t'ai observée, aujourd'hui. Je vois bien que tu aimes être parmi eux. Que tu t'amuses. Comment peux-tu faire une chose pareille ? » avait demandé Hermione en secouant la tête, écœurée.

« Et que suis-je supposée faire, Hermione ? Dis-le-moi, puisque tu sembles tout savoir ! Passer mon temps à ruminer sur mes circonstances ? Empêcher toutes mes chances de trouver un semblant de bonheur ? » avait rétorqué Ginny, les yeux plissés, la voix chevrotante à cause de la frustration. « Tu crois vraiment que toutes les personnes qui sont dans cet endroit te détestent, Hermione ? Eh bien laisse-moi t'apprendre que c'est loin d'être le cas. Certains d'entre eux se battent même pour que les gens comme nous obtiennent un semblant de droits. »

Hermione avait cependant maintenu sa position, inflexible comme elle l'était souvent. Pourtant, Ginny avait perçu que cette hostilité viscérale cachait quelque chose d'autre. Le manque de nuance dans les propos d'Hermione, notamment sur Draco et les personnes que Ginny fréquentait au ministère, l'avait perturbée. Hermione était une femme intelligente ; Ginny ne comprenait pas pourquoi elle adoptait une attitude si rigide et tranchée.

« Hermione, je ne veux plus me disputer avec toi. Je veux juste t'aider. Que les choses redeviennent comme avant, entre nous. Mais je ne peux pas le faire si tu refuses de me parler et d'être franche avec moi. » avait chuchoté Ginny, ses yeux brillants, ses larmes menaçant de couler. « Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimerais me dire ? »

Les yeux d'Hermione avaient brillé d'une émotion contenue, et Ginny avait discerné une hésitation fugitive dans son regard.

« Non. Je n'ai rien à te dire. » avait finalement soufflé Hermione à voix basse, en détournant le regard.

« Très bien. Dans ce cas, je crois que nous n'avons plus rien à nous dire. » avait froidement déclaré Ginny. « Bonne chance, Hermione. J'espère que tu auras la vie que tu souhaites. »

Ce furent les derniers mots qu'elles échangèrent. Si Ginny avait su qu'Hermione choisirait de disparaître de cette manière, elle aurait tout tenté pour apaiser les tensions. Mettre fin à une amitié de plusieurs années sur un échange aussi conflictuel était douloureux.

Le temps avait fait son œuvre, et Ginny avait pris du recul sur cette rupture amicale. Elle ne pouvait nier que l'absence d'Hermione laissait un vide. À mesure que les mois s'écoulaient, sa rancœur s'était estompée, remplacée par un regret lancinant. Dans cette période troublée de sa vie, elle aurait aimé avoir son amie à ses côtés.

En pénétrant dans son ancien appartement étroit, un soupir long et chargé d'émotion s'échappa de ses lèvres. L'endroit éveillait en elle une nostalgie poignante, lui rappelant une époque révolue de sa vie. Elle regagna sa chambre d'autrefois et ses yeux se posèrent sur les photos de ses proches accrochées au mur. Une en particulier, de Victoire lors d'un anniversaire passé, capta son attention. Elle voyait sa nièce souriante, agitant la main vers la caméra, entourée par ses parents. Les larmes aux yeux, Ginny effleura la photographie du bout des doigts.

« Joyeux anniversaire, ma chérie. » murmura-t-elle.

Revenir dans cet appartement était sa manière de combler le vide. Elle s'immergeait dans les souvenirs épars qu'ils avaient tous laissés derrière eux, savourant même l'odeur des vieux vêtements qu'elle avait gardés. C'était une façon, si éphémère soit-elle, de se sentir proche d'eux malgré la distance qui les séparait. Ginny prit dans ses bras Monsieur Poilu, la peluche que lui avait laissée Victoire, et ferma les yeux, les larmes dévalant de ses joues.

« Vous me manquez tellement. » murmura-t-elle en serrant la peluche contre elle.

Elle sentit son miroir à double sens vibrer doucement dans son sac à main. Le cœur un peu lourd, elle le récupéra. C'était Draco. Ginny hésita, puis choisit de ne pas répondre. Il n'était parti que le matin même et elle ne voulait pas l'inquiéter davantage en apparaissant en larmes, l'air manifestement bouleversé. Elle se promit de le contacter plus tard, une fois ses émotions maîtrisées.

Draco n'était pas au courant de ses visites fréquentes à l'appartement. À chaque fois, elle prenait soin de désactiver les protections magiques qu'il avait installées pour ne pas déclencher d'alertes. Ces mesures de sécurité avaient été mises en place après l'attaque mystérieuse qu'elle avait subie le jour de l'union sacrée entre Théodore et Hermione. Elles permettaient de signaler toute intrusion indésirable.

Respirant profondément, Ginny se laissa tomber sur le lit. Elle fixa le plafond en bois, ses doigts caressant distraitement la peluche de Victoire. Peu à peu, une lourdeur envahit ses paupières, et elle se laissa emporter par le sommeil.

/

« Rappelle-toi le plan, Hermione. On entre, on prend ce dont nous avons besoin et on s'en va. Ça devrait être une opération simple et rapide. On n'a pas de raison de s'attarder. C'est trop risqué. » affirma Harry en s'emparant de son balai.

« Entendu. » répondit Hermione avec appréhension.

Harry posa un regard attentif sur elle, à travers ses lunettes rondes.

« Tu es nerveuse ? D'y retourner ? » demanda-t-il.

Après le temps passé loin de Londres et de la vie qu'elle avait autrefois connue, Hermione se préparait à retourner au cœur même du régime pour sa première mission extérieure avec le F.L.O.P. Leur objectif était de récupérer la clé des archives privées des Macmillan. Dans sa collection privée, Aelius disposait de plans sur la conception de Gringotts que Hermione avait déjà consultés lorsqu'elle fréquentait ces lieux, pour assister Théodore pendant ses recherches, l'année précédente.

Pour minimiser les risques et éviter d'attirer l'attention, elle serait uniquement accompagnée d'Harry. Ils se glisseraient dans les ombres grâce à sa cape d'invisibilité. Harry lui avait assuré que cette cape était particulièrement efficace pour se déplacer incognito au sein du régime. Contrairement à d'autres sorts ou artefacts, la cape possédait un pouvoir unique qui les rendait indétectables, même face aux nombreux maléfices anti-intrusion qui protégeaient la ville.

« Un peu. » avoua-t-elle, une pointe de vulnérabilité dans la voix. « Mais nous n'avons pas vraiment le choix si nous voulons avancer dans le plan. »

Elle avait prononcé ces mots avec une détermination farouche, son désir de vengeance surpassant largement son anxiété. Après la formation récente de l'alliance entre l'Ordre du Phénix et les autres factions de la résistance, les premières manœuvres stratégiques commençaient à prendre forme. Une de ces manœuvres visait à déstabiliser l'économie du pays, dans l'espoir de susciter un vent de révolte, notamment parmi les Sang-Impurs. L'idée était de profiter des tensions existantes entre le Coven Sacré et les Gobelins pour semer le chaos.

Le plan nécessitait une opération particulièrement audacieuse : un cambriolage à Gringotts, la plus grande et, accessoirement, la plus sécurisée des banques magiques. L'objectif était de faire croire aux Gobelins que le gouvernement tentait de rompre l'accord séculaire entre les deux espèces pour reprendre le contrôle total de l'établissement financier. Avant de pouvoir mettre à exécution ce plan d'une telle envergure, une préparation minutieuse s'imposait. Des membres clés provenant de diverses factions s'étaient réunis pour former une équipe spéciale, chacun apportant une expertise précieuse à l'élaboration de la stratégie.

« Et ça devrait être la partie la plus simple du plan. » ajouta Hermione, autant pour se rassurer elle-même que pour apaiser Harry.

Il hocha la tête.

« Tu as passé du temps avec Sarwa, n'est-ce pas ? » demanda-t-il.

Après avoir suivi les conseils d'Harry, Hermione s'était engagée dans un voyage intérieur, guidée par Sarwa Quartey. Elle en était ressortie chamboulée. L'expérience avait été profondément transformatrice et lui avait fait comprendre qu'elle devait faire preuve de clémence envers elle-même. Elle avait le droit d'être vulnérable, de compter sur les autres et d'exprimer toutes ses émotions, aussi difficiles soient-elles. La question d'Harry la surprit. Avait-il perçu un changement en elle ? Hermione hocha finalement la tête.

« J'ai remarqué que tu sembles plus… tranquille. » lui avoua Harry, confirmant la question d'Hermione.

« Cette expérience m'a permis de comprendre certaines choses. C'était un mal nécessaire. » avoua la jeune femme.

« Je suis content de l'entendre. » dit Harry, avec un sourire sincère.

Hermione acquiesça en silence, méditant sur le chemin qu'elle avait encore à parcourir. Elle avait prévu de continuer ces séances d'introspection avec Sarwa, jusqu'à ce qu'elle se sente pleinement en harmonie avec elle-même.

Mais désormais, il était temps de passer à l'action.

« Soyez prudents » avertit Sirius tandis qu'ils s'apprêtaient à partir. « Les rues de Londres sont particulièrement surveillées en ce moment, surtout avec l'approche du Jour de la Victoire. »

Harry hocha la tête, signifiant qu'il avait compris l'avertissement. Il se tourna vers Hermione.

« Allons-y. Nous devrions être de retour avant l'aube. » dit-il en jetant un coup d'œil à sa montre.

Il était près de minuit. Harry enfourcha son balai et Hermione grimpa derrière lui, enserrant sa taille de ses bras. Le décollage fut instantané et le trajet dura près de deux heures. Hermione se sentait tendue à cause de la vitesse vertigineuse à laquelle Harry volait. Elle était soulagée d'être derrière lui ; l'idée de devoir manœuvrer un balai à cette vitesse l'aurait terrifiée.

Enfin, elle ressentit un soulagement immense lorsque Harry commença à amorcer leur descente. Ils atterrirent près d'un grand bâtiment isolé, niché en pleine campagne. Des lumières douces filtraient à travers les nombreuses fenêtres, suggérant une activité à l'intérieur.

« Nous allons utiliser la cheminée de ce bâtiment pour nous rendre à Londres. » indiqua-t-il à l'intention d'Hermione. « Mais il va falloir entrer sans être vus par les gardes. »

Voyager sur de longues distances était compliqué dans le régime qui limitait les moyens de transport. Un sortilège anti-transplanage avait été lancé sur tout le territoire et l'accès aux portoloins était sévèrement restreint. Le Réseau National des Cheminées demeurait le moyen de transport le plus couramment utilisé, bien qu'entaché par de nombreuses limitations. Un membre de l'Ordre était même chargé de recueillir des informations en temps réels sur les moyens de transport afin de faciliter les déplacements des membres, cruciaux pour les opérations quotidiennes. Harry avait montré à Hermione une carte complexe, indiquant la localisation stratégique de cheminées reliées à des destinations spécifiques dans tout le pays. Pour atteindre Londres, ils devraient effectuer plusieurs escales.

L'entrée du bâtiment était barrée par une grille imposante. Un seul garde se tenait à l'intérieur. Harry lança un sort à quelques mètres de la grille, provoquant un bruit qui perturba le silence nocturne. Intrigué, le garde leva la tête, un air de suspicion peint sur son visage. Il ouvrit la grille avec un geste de sa baguette et sortit pour enquêter. Cachés sous une cape d'invisibilité, Harry et Hermione saisirent cette opportunité pour s'infiltrer. Ils passèrent si près de l'homme qu'Hermione put même distinguer l'odeur piquante de son eau de cologne.

« C'est quoi, cet endroit ? » demanda Hermione à voix basse.

Ils avaient pénétré dans un large hall où des cartons étaient soigneusement empilés sur des palettes, alignés contre les murs.

« C'est une usine de fabrication de plumes à écrire. » répondit Harry, distraitement, son esprit déjà concentré sur la prochaine étape.

La production devait probablement se poursuivre jour et nuit, ce qui leur permettait d'entrer à cette heure tardive sans éveiller les soupçons. Une fois de plus, ils profitèrent d'une porte momentanément ouverte pour se glisser dans la pièce adjacente. Hermione vit alors un vaste hall où d'énormes machines tournaient en grondant, émettant des bruits sourds qui rappelaient ceux d'une volaille en détresse. Des plumes traversaient diverses étapes de transformation sur ces colosses mécaniques : nettoyage, coupe précise, mesures, avant de finalement atterrir dans des emballages. Les machines fonctionnaient d'elles-mêmes, ensorcelées pour exécuter répétitivement leurs tâches spécifiques. À l'intérieur de l'usine, ils ne virent qu'un seul homme, un sorcier corpulent avachi dans une chaise et ronflant à tue-tête. Harry examina la carte des cheminées avec attention.

« La cheminée ne doit pas être loin, elle semble être au bout de ce couloir. » indiqua-t-il à voix basse.

Ils dépassèrent discrètement l'homme, s'appliquant à marcher en silence. Un sortilège anti-silence avait été appliqué aux, empêchant toute utilisation de la magie pour étouffer le son de leurs mouvements. Sans doute s'agissait-il d'une mesure de sécurité pour prévenir des intrusions. Ils devaient donc redoubler de discrétion. Ils arrivèrent dans ce qui semblait être le bureau du directeur de l'usine, où ils trouvèrent une cheminée délabrée, cachée sous de larges toiles d'araignée et une épaisse couche de poussière. Harry retira sa cape d'invisibilité.

« Il va falloir être extrêmement prudents. Nous allons réapparaître dans une cheminée publique. » dit-il, en grimaçant. « On risque de tomber sur quelqu'un. »

« Mais je croyais que nous pouvions utiliser des cheminées semi-publiques, plus discrètes ? » fit remarquer Hermione, confuse.

« Oui, mais certains itinéraires ne sont disponibles qu'à des heures précises. Normalement, nous aurions pu passer par Kensington, mais cette cheminée est fermée la nuit. On ne pourra pas entrer dans le bâtiment, et attendre jusqu'à l'aube serait trop risqué. On va devoir passer par le Chemin de Traverse. »

Chaque déplacement était strictement régulé par le Réseau National des Cheminées, avec des règles définies par le Département des Transports du ministère. Les cheminées publiques étaient généralement les plus fréquentées et reliaient les voyageurs à des endroits hautement fréquentés comme le Chemin de Traverse, l'hôpital Ste-Mangouste ou encore le ministère de la Magie.

Certaines étaient semi-publiques, permettant d'accéder à des sites plus restreints comme des boutiques ou des entreprises, tandis que les cheminées privées n'autorisaient les voyages que vers d'autres résidences privées, à condition d'avoir été connectées en amont.

« Je passerai en premier. » indiqua Harry en pointant sa baguette en direction d'Hermione.

Il lança un sort de désillusion sur elle.

« Je serai face à la cheminée lorsque tu arriveras. Entre directement sous la cape pour qu'on ne te voie pas. Le sort de désillusion nous offrira quelques secondes précieuses si nécessaire. » expliqua-t-il.

Hermione hocha la tête, sentant sa nervosité monter légèrement en elle. Harry remit sa cape d'invisibilité, disparaissant instantanément. Hermione vit des braises crépiter dans l'âtre tandis qu'il entrait. Un bras à moitié invisible saisit alors une pincée de poudre de cheminette avant de disparaître.

« Chemin de Traverse ! » entendit-elle, la voix d'Harry étouffée par les flammes.

Les flammes vertes brillèrent plus intensément pendant un court instant. À son tour, elle entra dans l'âtre. Grâce au sort de désillusion, son corps semblait presque transparent, adoptant la texture de la pierre environnante. Elle n'était pas complètement invisible, mais elle était difficile à distinguer. Ce qui, elle l'espérait, lui donnerait suffisamment de temps pour rejoindre Harry sous la cape.

« Chemin de Traverse ! » s'exclama-t-elle d'une voix claire avant de laisser tomber la poudre de cheminette à ses pieds.

La sensation désagréable de tournoiement la saisit, lui retournant presque l'estomac. Elle atterrit dans un nouvel âtre, plus grand et plus imposant que celui d'où elle venait. À peine eut-elle le temps de reprendre ses esprits qu'une main la saisit par le bras et la tira en avant sans cérémonie. Elle poussa un soupir de soulagement en réalisant que c'était Harry, qui l'avait aussitôt abritée sous sa cape d'invisibilité. À quelques pas de la cheminée, elle vit deux hommes en uniforme en pleine conversation. Il s'agissait d'employés de la station de cheminées, postés là pour réguler les déplacements et facturer les usagers. Hermione réalisa à quel point ils avaient eu de la chance de passer inaperçus.

« Ton timing était impeccable. » complimenta-t-elle Harry à voix basse, alors qu'ils s'éloignaient discrètement.

Un mélange d'excitation et de nervosité envahit Hermione en contemplant le Chemin de Traverse. Cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas foulé ses pavés. La nuit était tombée sur l'allée marchande, la vidant de sa foule habituelle. Seuls quelques noctambules demeuraient, comme des commerçants qui préparaient leur boutique pour le lendemain ou des groupes de fêtards. Hermione sentit son estomac se tordre à la vue de deux Mangemorts en patrouille.

« Maintenant, je te suis. » murmura Harry alors qu'ils se rapprochaient du Quartier des Embrumes.

Hermione prit les devants, choisissant des chemins détournés qu'elle connaissait bien pour éviter Mangemorts et autres individus indésirables qui infestaient ce quartier mal famé. Finalement, ils arrivèrent devant l'immeuble qu'Hermione avait jadis habité. Une vague d'émotions la submergea à la vue du bâtiment familier. Ils restèrent cachés sous la cape, attendant une opportunité pour pénétrer dans l'immeuble sans les clés.

« C'est étrange d'être de retour. » avoua Hermione, ses yeux parcourant les environs.

En surface, rien n'avait changé. Mais à ses yeux, tout semblait différent. Sans doute était-ce elle qui avait évolué.

« Quelqu'un arrive. Prépare-toi. » murmura-t-elle soudainement, discernant une silhouette qui s'approchait.

Il s'agissait d'une vieille dame qu'Hermione connaissait bien.

« Elle vit dans l'immeuble. Sois prêt à suivre dès qu'elle ouvrira la porte. » dit Hermione.

Harry acquiesça silencieusement. Hermione observa la vieille dame avancer lentement, un sac à la main. Elle se demanda ce qui pouvait bien pousser son ancienne voisine, une femme vivant seule, à sortir à une heure aussi tardive. Mais elle n'avait pas le luxe de se plaindre de cette opportunité. Lorsque la vieille dame ouvrit la porte et entra dans l'immeuble, Harry glissa rapidement son pied pour empêcher la porte de se refermer derrière elle. Ils attendirent qu'elle disparaisse dans l'escalier avant de pénétrer à l'intérieur. Le bruit des pas de la femme s'estompèrent, suivi du claquement d'une porte.

« Allons-y. » dit Hermione.

Harry ôta la cape. Monter les escaliers étroits sous l'encombrant tissu aurait été compliqué. Arrivés au second étage, Hermione s'arrêta net devant la porte de l'appartement de la vieille dame. Le nom affiché sur la porte la figea sur place. Elle s'était rendue chez Mrs Moretti à plusieurs reprises, aidant la femme à accomplir diverses tâches administratives comme son recensement annuel au ministère, étant donné que celle-ci parlait peu l'anglais. Mais un autre souvenir vint frapper son esprit. Harry la regarda, interrogatif, se demandant sûrement pourquoi elle s'était arrêtée.

« Tu as dit que c'était au troisième étage, non ? » interrogea-t-il en montrant les escaliers restants.

« Attends une seconde. Je crois que… » commença la jeune femme.

Un éclair de compréhension traversa son regard.

« Le type qui accompagnait Sturgis Podmore… Le plus jeune d'entre eux. » commença-t-elle à l'attention d'Harry. « Tu te souviens de son nom ? »

Il fronça les sourcils, semblant réfléchir.

« Luca Moretti. » répondit-il.

Les yeux d'Hermione se fixèrent sur le nom sur la porte. Harry suivit son regard et son expression changea, comme s'il venait de comprendre.

« Moretti. » lut-il.

C'était pourquoi le visage de cet homme lui avait semblé si familier lorsqu'elle l'avait aperçu à la Révolte du Yorkshire, aux côtés de Sturgis Podmore. Elle avait déjà vu son visage ailleurs — sur les murs de l'appartement de la vieille dame. Diverses photos de famille montraient Mrs Moretti aux côtés de son défunt mari et de son fils — un certain Luca. Originaires d'Italie, une autre nation purifiée, les Moretti avaient émigré pour trouver des conditions de vie et de travail plus favorables. Cependant, leur vie avait basculé lorsque leur fils avait été accusé de collusion avec un groupe de dissidents. En fuite et recherché par les autorités, Hermione avait toujours cru que quelqu'un avait faussement dénoncé Luca, comme c'était souvent le cas. La délation, parfois basée sur de simples suspicions, était monnaie courante. Cette fois-ci, cependant, il n'était pas question d'un faux rapport. Luca Moretti était bel et bien impliqué dans la résistance contre le régime. Il avait disparu quelques années auparavant, accusé de trahison. C'est pour cela que les Moretti étaient considérés comme des Traîtres à leur sang.

« C'est le fils de cette dame. » informa Hermione.

Harry laissa échapper un juron admiratif.

« Le monde est petit. » commenta-t-il, l'air soufflé. « Mais on devrait continuer, Hermione. »

Elle acquiesça et ils montèrent vers le troisième et dernier étage du bâtiment. Hermione n'avait pas remis les pieds ici depuis le jour de son union sacrée avec Théodore. Cette nuit-là, un inconnu avait pénétré dans l'appartement et avait attaqué Ginny. Heureusement, Draco Malfoy était intervenu, et l'agresseur avait pris la fuite.

Après l'incident, Ginny avait déménagé pour des raisons de sécurité, tandis qu'Hermione s'était installée au Manoir Nott. Quelques jours plus tard, Ginny et Draco étaient venus chez les Nott pour les informer de l'incident. Draco avait partagé une théorie alarmante : selon lui, l'assaillant en avait en réalité après Hermione, et non Ginny. Elle se demandait si Draco avait obtenu des informations supplémentaires depuis lors. C'était également lors de cette visite inattendue qu'elle avait découvert la vérité sur la liaison secrète entre Ginny et Draco, marquant le début du conflit entre elles.

« Si tu attends de moi que je ne dise rien, et que je t'applaudisse, tu vas être déçue, Ginny. » avait déclaré Hermione avec froideur. « Je ne peux pas te soutenir dans des choix aussi mauvais. Et désolée de ne pas accepter que tu reviennes comme une fleur après m'avoir menti pendant tout ce temps. C'est donc ça que tu faisais ? Nous mentir continuellement pendant des mois ? À moi, à tes amis, à ta famille ? Que dira Bill, à ton avis ? J'imagine qu'il n'est pas au courant. »

Hermione avait secoué la tête, dépitée.

« Tout ce temps passé au ministère, à travailler avec ces gens, c'était pour ça ? Et ce jour où tu avais disparu, après l'attentat ? Ce jour où moi et tes proches avons passé des heures à nous faire du sang d'encre pour toi ? J'imagine que tu étais occupée à faire je-ne-sais-quoi avec Malfoy ? » avait demandé Hermione, la voix remplie de hargne. « Tu es égoïste et immature, Ginny. Et je ne vais pas continuer à faire semblant de ne pas le voir pour épargner tes sentiments. »

« Je ne sais pas ce qu'il t'arrive ou pourquoi tu es si méchante, Hermione, mais ça ne te ressemble pas. » avait soufflé Ginny d'un air blessé, choquée de l'hostilité soudaine d'Hermione à son égard.

À cet instant, Hermione avait été envahie par un torrent d'émotions contradictoires — la peur, la colère, la déception. Ginny lui avait menti pendant des mois, alors qu'elle avait été parfaitement transparente sur sa propre relation avec Théodore. Le fait que Ginny ait pu fréquenter Draco Malfoy, héritier d'une famille sacrée aux idéaux extrémistes, la révoltait. Ginny ignorait peut-être le vrai statut de sang d'Hermione, mais elle savait que les Malfoy méprisaient tous les sorciers de rang inférieur.

« Crois-moi, Ginny. Il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas sur moi. » avait assuré Hermione d'un ton empli de dureté.

« Pour une raison que j'ignore, tu es visiblement en train de passer tes frustrations personnelles sur moi, et je n'ai pas à accepter ça. » avait chuchoté Ginny, heurtée.

« Dans ce cas, tu devrais partir, Ginny. Malfoy est sûrement en train de s'impatienter. » avait lancé Hermione avec dédain.

Avec le temps et le recul, Hermione regrettait profondément l'attitude dont elle avait fait preuve ce jour-là. Déverser ainsi son venin sur Ginny avait été déplacé. En tant qu'amie, elle aurait dû lui montrer davantage de considération et lui donner le bénéfice du doute en écoutant ses justifications.

Son récent voyage intérieur lui avait montré à quel point elle regrettait son amitié avec Ginny.

« Peux-tu nous faire entrer ? » demanda Harry tandis qu'ils arrivaient devant la porte l'appartement, sortant Hermione de ses pensées.

La jeune femme acquiesça, se dirigeant vers un pot de fleurs à côté de la porte. Elle fut soulagée de trouver la clé de secours toujours dissimulée dans la terre. Elle saisit la clé rapidement, évitant de justesse les épines acérées de la plante qui semblaient vouloir la mordre. Ils pénétrèrent dans l'appartement. L'intérieur du living-room était différent. Des meubles avaient été déplacés et des cartons étaient empilés près du comptoir de la cuisine.

« C'est donc ici que tu vivais. » remarqua Harry, explorant les lieux du regard.

Hermione hocha la tête. L'appartement avait autrefois été son sanctuaire, un lieu où elle se sentait en sécurité, à l'abri des horreurs qui régnaient à l'extérieur. Son cœur se serra quand elle aperçut un jouet de Pattenrond sur le sol. Elle se demanda où il se trouvait à présent, et si Théodore l'avait confié à quelqu'un d'autre, pensant qu'elle l'avait abandonné.

« Hermione ? »

Elle se figea. Ce n'était pas la voix de Harry qui avait prononcé son nom. Elle se retourna vivement et ses yeux se posèrent sur un visage familier.

Ginny.

La jeune femme l'observait avec un mélange de confusion et d'incrédulité, comme si elle doutait de ce qu'elle voyait.

« Hermione... C'est bien toi ? » répéta Ginny, frappée de stupeur.

Hermione resta figée, en proie au désarroi.

« Hermione. »

Cette fois, Harry avait parlé. Elle se tourna vers lui et vit ses yeux alarmés, sa main crispée sur sa baguette, prête à lancer un sort si nécessaire.

« Tu m'avais dit que cet endroit serait vide. » lui reprocha-t-il entre ses dents.

Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Pour Harry, Ginny était une inconnue et une menace potentielle.

« Détends-toi. C'est mon ancienne colocataire. » informa Hermione, essayant de dissiper la tension.

L'information sembla apaiser Harry, bien qu'il gardât la main fermement posée sur sa baguette. Ses yeux verts se posèrent de nouveau sur Ginny, cette fois avec une lueur de curiosité. Hermione fit de même, se tournant vers son ancienne colocataire qui semblait toujours en état de choc.

Puis, sans crier gare, Ginny se rua dans sa direction et se jeta dans ses bras. Hermione se figea un instant, désorientée, avant de céder à l'émotion et de rendre l'étreinte. Ginny s'écarta.

« Où étais-tu passé tout ce temps ? Comment as-tu pu disparaître ainsi ? » demanda Ginny d'une voix tremblante.

« C'est une longue histoire. » répondit Hermione avec hésitation. « Et je n'ai pas le temps d'en parler maintenant, Ginny. »

L'expression de Ginny se durcit, le froncement de ses sourcils indiquant clairement son mécontentement. Elle n'appréciait pas la réponse cryptique d'Hermione.

« Pardon ? Ça fait des mois que tu as complètement disparu. Sans aucune explication à part cette fichue lettre que tu as laissée à Théodore. Comment as-tu pu le quitter d'une manière si cruelle, Hermione ? Comment as-tu pu traiter une personne que tu prétendais aimer ainsi ? » s'écria Ginny avec contrariété.

Hermione fut désarçonnée par la fureur soudaine de Ginny. Cette dernière pensait qu'Hermione était partie intentionnellement.

« Tu n'as aucune idée de ce que j'ai traversé. » murmura-t-elle, la gorge serrée.

« Et Théodore ? Tu penses à ce qu'il a traversé ? » répliqua Ginny, l'accusation lourde dans sa voix. « Tu n'as même pas eu la décence de le lui dire en face. Tu as été si égoïste. »

Ginny sortit un miroir à double sens de sa poche.

« Je vais lui dire que tu es revenue. Il mérite une explication. »

Réagissant au quart de tour, Hermione arracha le miroir des mains de Ginny.

« NON ! Ne fais pas ça. » s'écria-t-elle, paniquée. « Il ne doit pas savoir. »

Ginny ouvrit de grands yeux, visiblement choquée par le geste d'Hermione. Elle resta immobile, l'expression de son visage passant rapidement de la surprise à la contrariété. Puis, avec un mouvement soudain, Ginny leva la main et asséna une gifle retentissante sur la joue d'Hermione, les yeux emplis de colère. Hermione recula, médusée, portant une main à sa joue encore brûlante. Ginny la regarda alors, ses yeux passant de la colère à une forme d'horreur consciente.

« Hermione… » commença Ginny, la voix tremblante. « Je... Je suis désolée, j'ignore ce qui m'a pris. »

Mais Hermione ne l'écoutait plus. Le geste violent de Ginny venait de réveiller des souvenirs atroces dans son esprit - souvenirs d'une période sombre passée à la merci de ses bourreaux à l'Ambrosia. Un élan de rage incontrôlée la submergea, brouillant son jugement. C'était ce même sentiment qu'elle avait éprouvé lors de ses retrouvailles avec Van Detta, lors de l'embuscade à l'Ambrosia.

Brandissant sa baguette, Hermione la pointa vers Ginny. Elle avait perdu toute conscience de ses actions, laissant libre cours à un instinct de violence qui, pensait-elle, avait été canalisé lors de son voyage intérieur. La réalité, c'était qu'il couvait toujours en elle, n'attendant qu'un déclencheur pour ressurgir. Hermione ne se souvint même pas des paroles qui s'échappèrent de ses lèvres. Tout ce qu'elle vit fut le jet de lumière jaillissant de sa baguette et projetant Ginny contre le mur le plus proche, s'accompagnant d'un bruit sourd à l'impact avant qu'elle ne s'effondre au sol.

« Hermione ! » s'exclama Harry, sa voix remplie d'horreur.

Hermione l'entendit à peine. Son regard déchainé était rivé sur Ginny qui gisait au sol, tentant de se redresser péniblement. Harry se rua vers Hermione, essayant de l'entourer de ses bras pour la contenir.

« Ne me touche pas ! » s'écria Hermione, tentant de se dégager de son étreinte.

Sa baguette était toujours pointée sur Ginny, prête à frapper de nouveau.

« TU N'AS AUCUNE IDÉE DE CE QUI M'EST ARRIVÉ ! » hurla Hermione, sa voix désespérée et hystérique, résonnant dans tout l'appartement.

Avant qu'elle ne puisse lancer un autre sort en direction de Ginny, sa baguette fut subitement arrachée de sa main. Se retournant brusquement, elle croisa le regard d'Harry, qui venait de la désarmer. L'expression interpellée sur son visage la fit revenir à la réalité. Hermione se tourna vers Ginny, les yeux emplis de culpabilité et de remords.

Ginny s'était redressée et la fixait en silence, son regard imprégné d'un choc indicible, comme si elle ne reconnaissait pas la personne devant elle. Harry se précipita vers elle, tendant une main pour l'aider à se lever. Mais une fois debout, Ginny s'écarta brusquement de lui, une lueur méfiante dans le regard. Harry recula aussitôt.

Les yeux d'Hermione s'emplirent de larmes en voyant Ginny. Elle était terrifiée par ce qu'elle venait de faire. Elle avait perdu le contrôle d'elle-même d'une manière qui l'épouvantait. Quelque chose s'était déclenché en elle, une réponse instinctive à une menace perçue. Son esprit était retourné vers ces moments de vulnérabilité qu'elle avait enduré entre les mains de tous ses tortionnaires. Et quelque chose dans son cerveau lui avait alors hurlé de se défendre devant le moindre abus. Pourtant, en voyant la force démesurée avec laquelle elle s'en était prise à Ginny, elle fut remplie de regrets.

« Je… Je… Je suis désolée. » murmura Hermione, saisie de sanglots soudains.

Elle s'effondra à genoux, tourmentée par la culpabilité et le dégoût qu'elle ressentait envers elle-même. Un silence mortuaire envahit la pièce, rompu seulement par les sanglots intarissables d'Hermione.

« Qu'est-ce qui t'est arrivé, Hermione ? » demanda finalement Ginny, la voix remplie d'inquiétude.

Son expression avait changé, passant de la crainte à une préoccupation palpable. C'était comme si elle avait immédiatement compris que quelque chose n'allait pas. Puis, à la grande stupéfaction d'Hermione, Ginny s'approcha d'elle et s'agenouilla à ses côtés pour l'enlacer. Les sanglots d'Hermione redoublèrent face à ce geste réconfortant. Appuyant sa tête sur l'épaule de Ginny, elle ressentit comme si un barrage intérieur venait de céder, libérant un torrent de larmes refoulées depuis trop longtemps. Ginny la serra plus fort contre elle.

« Je suis là, Hermione. Ça va aller. Je ne t'en veux pas. » chuchota-t-elle, ses yeux aussi embués de larmes.

Elles restèrent dans cette étreinte pendant de longues minutes et seuls les éclats étouffés de leurs sanglots interrompirent le silence de l'appartement. Harry se tenait en retrait, visiblement incertain sur la meilleure façon de réagir face à l'intimité du moment.

Finalement, Hermione se détacha de Ginny, visiblement gênée et accablée de culpabilité. Elle leva les yeux, où brillait une lueur de honte, vers Ginny, qui la regardait avec une inquiétude évidente.

« Hermione…Tu n'as pas disparu volontairement ? » demanda Ginny, la voix tremblante et hésitante, comme si elle redoutait la réponse.

Hermione secoua simplement la tête, confirmant les craintes de Ginny. Cette dernière porta une main à sa bouche, horrifiée, ses yeux se remplissant de nouveau de larmes.

« Je suis tellement désolée pour ce que j'ai dit... Je pensais que… » bredouilla-t-elle, mortifiée.

« Tu ne pouvais pas savoir. » murmura Hermione d'une voix brisée en effaçant ses larmes à l'aide de sa manche.

« Non, Hermione. J'aurais dû être plus attentive. Poser plus de questions. » reprit Ginny, son visage marqué par le remords. « Cette lettre… Je croyais vraiment que tu l'avais écrite. J'aurais dû être plus… »

« Arrête, Ginny. » l'interrompit fermement Hermione en se redressant « Ce n'est pas le moment. Tu n'aurais pas pu le savoir. Et c'est bien moi qui aie écrit cette lettre, même si c'était sous la contrainte. »

« Que t'est-il arrivé, Hermione ? » répéta Ginny en se relevant à son tour.

« J'ai été enlevée. » répondit Hermione d'une voix plate. « Je… Je ne peux pas parler de tout ça maintenant, Ginny. Il faut que je parte. »

Son regard croisa brièvement celui de Harry, qui était resté silencieux.

« Quoi ? Partir ? Non, tu ne peux pas partir de cette manière alors que tu viens de revenir. » commença à protester Ginny. « Qui est-il ? Est-ce qu'il te force à faire quoi que ce soit ? »

Elle désigna Harry d'un mouvement de tête.

« Un peu rude de suspecter le type qui vient de te sauver d'une agression, tu ne crois pas ? » rétorqua Harry, ironique.

Ginny sembla momentanément désarçonnée par sa remarque, mais reporta rapidement son attention sur Hermione.

« Je ne peux pas rester, Ginny. C'est trop dangereux. » insista Hermione, préoccupée. « Personne ne peut me voir. »

Un élan de nervosité la traversa. Si les Lestrange et leurs sbires apprenaient qu'elle était actuellement dans les rues du régime, elle serait en danger ainsi que ses proches.

« Laisse-moi t'aider, alors. » insista Ginny, sa voix empreinte d'un mélange de détermination et de supplication. « Dis-moi ce que je peux faire, comment je peux t'aider. Parle-moi, Hermione. »

Ginny semblait désespérée, et Hermione savait à quel point il était difficile pour elle de rester dans l'ignorance. Cependant, elle ne pouvait rien révéler pour le moment.

« Une petite tasse de thé ne serait pas de refus. » lança Harry, tentant de détendre l'atmosphère tendue.

Ginny se tourna vers lui, les sourcils froncés, manifestement irritée par son interruption.

« Écoute, monsieur l'inconnu, je ne sais pas qui tu es, et je ne tiens pas à le savoir. Pourrais-tu rester en dehors de ça ? » rétorqua-t-elle.

« Ouch. » répondit Harry, affichant une fausse expression blessée. « Un accueil chaleureux, vraiment. »

« Qui est ce type, Hermione ? » demanda Ginny, excédée, faisant comme si Harry n'était pas là.

« C'est… Un ami. Il est avec moi. C'est tout ce que je peux te dire pour le moment, Ginny. » dit Hermione, la suppliant silencieusement de comprendre.

« Tu peux m'appeler Harry. » intervint celui-ci, un sourire narquois aux lèvres.

Ginny leva les yeux au plafond, ne faisant aucun effort pour cacher son agacement.

« Je ne devrais pas être là. Je suis venue récupérer quelques affaires, et ensuite, nous partirons. » affirma Hermione.

Devant l'expression abasourdie de Ginny, elle se fraya un chemin vers son ancienne chambre. Rien n'avait changé ; chaque objet était exactement là où elle l'avait laissé. Hermione ouvrit rapidement le premier tiroir de son bureau branlant et fouilla. Elle repéra la clé dorée parmi les divers objets qui encombraient le tiroir et poussa un soupir de soulagement. Elle mit rapidement la clé dans sa poche et revint dans le séjour, où Harry et Ginny s'observaient en silence, lui avec amusement, elle avec une irritation manifeste. L'entrée d'Hermione rompit cette tension palpable.

« Tu as trouvé ? » demanda Harry à son attention.

Elle hocha la tête, et une étincelle d'excitation traversa ses yeux verts.

« Que cherchais-tu ? » s'enquit Ginny, ses yeux cherchant des réponses dans ceux d'Hermione.

« Ginny, je ne peux rien te dire pour le moment. Nous devons vraiment y aller maintenant, mais je te promets que tout s'éclaircira... un jour. » assura Hermione.

« Non. Tu ne peux pas partir comme ça, Hermione. Tu ne peux pas disparaître à nouveau sans me donner d'explications. » protesta Ginny, indignée.

Hermione s'approcha d'elle et prit sa main dans la sienne.

« Ginny, je te supplie, comprends-moi. Si notre amitié a jamais signifié quelque chose pour toi, fais-moi confiance. Ne pose pas de questions pour l'instant. Et surtout, ne dis à personne que tu nous as vus. C'est tout ce que je te demande. » déclara Hermione avec intensité.

Ginny hésita, semblant peser les mots de son amie, avant de finalement hocher la tête. Hermione la remercia silencieusement du regard.

« Je te promets que je t'expliquerai tout dès que possible. » lui assura Hermione.

« Et quand te reverrai-je ? Comment ? » interrogea Ginny, anxieuse.

« Je trouverai un moyen de te contacter. Mais n'oublie pas : silence absolu, pour ta sécurité et la mienne, » enjoignit Hermione.

Ginny capitula visiblement résignée.

« Merci, Ginny. Pourquoi es-tu ici, au fait ? Je pensais que tu vivais ailleurs maintenant. » s'enquit Hermione, changeant subitement de sujet.

« Je ne vis plus ici. Je suis venue parce que... »

Ginny marqua une pause, choisissant ses mots avec soin.

« C'est aussi une longue histoire. Beaucoup de choses se sont passées pendant ton absence. J'ai obtenu la Grâce Ministérielle. » annonça-t-elle d'une voix plate.

Hermione écarquilla les yeux, soufflée. La manière détachée avec laquelle Ginny annonça cette nouvelle ne manqua pas de la surprendre. Elle se serait attendue qu'elle montre davantage de joie devant cette annonce.

« Je n'ai pas envie de perturber davantage ces retrouvailles émouvantes, mais nous devons vraiment partir, Hermione. » prévint Harry.

Hermione hocha la tête et se tourna vers Ginny.

« Tu m'expliqueras tout, la prochaine fois. Comment... Comment va-t-il ? » demanda-t-elle avec hésitation.

Ginny sembla immédiatement comprendre qu'elle parlait de Théodore.

« Je ne sais pas vraiment. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu. Mais d'après les dernières nouvelles que Pansy m'a données, il est retourné vivre au manoir familial. » informa Ginny, l'air sincèrement désolé.

Hermione hocha la tête. Elle brûlait d'envie d'en savoir plus, mais les circonstances ne le permettaient pas.

« Je reviendrai le voir, c'est promis. Mais pas maintenant, pas dans ces conditions. Ce serait trop risqué pour nous tous, » conclut Hermione, le regard grave.

L'expression sérieuse d'Hermione semblait avoir fait son effet sur Ginny, qui hocha la tête en signe d'entente.

« Nous devons vraiment y aller Hermione. » insista Harry.

Hermione acquiesça, ses yeux balayant la pièce à la recherche de quelque chose.

« Je dois faire une dernière chose. » dit-elle.

Elle s'approcha de Harry et récupéra sa baguette, qu'il lui avait retirée plus tôt. Puis, elle fouilla rapidement dans les tiroirs de la cuisine pour en sortir un morceau de parchemin et une plume. Elle posa le bout de sa baguette contre sa joue et murmura un sort. C'était le sort de traduction que Théodore lui avait enseigné aux Archives des Macmillan. À l'époque, elle n'avait pas pu le réaliser à cause des limitations de sa baguette, et Théodore lui avait prêté la sienne. La baguette dont elle disposait désormais n'avait plus de restrictions. Elle espérait simplement avoir correctement exécuté le sort. Elle se mit à écrire sur le parchemin vierge. Au lieu de mots en anglais, c'était dans un autre langage que le mot s'inscrivit. Elle roula le parchemin et se tourna vers Ginny.

« Merci, Ginny. Pour ta confiance. Et... je suis heureuse de te revoir. » ajouta-t-elle, la voix teintée d'émotion.

Ginny semblait touchée et s'approcha pour étreindre Hermione longuement.

« Fais attention à toi, Hermione. » supplia la jeune femme. « Et contacte-moi dès que tu le pourras. »

Hermione hocha la tête.

« Promis. » assura-t-elle.

Elle se tourna vers Harry, lui faisant comprendre qu'elle était prête à partir.

« Ginny, ce fut un plaisir. À une prochaine fois, j'espère. » dit Harry, s'adressant à Ginny alors qu'ils se dirigeaient vers la porte.

Ginny hocha la tête en réponse, toujours distante mais moins hostile que quelques instants auparavant. Hermione lui lança un dernier regard avant de quitter l'appartement, Harry sur ses talons. Ils descendirent précipitamment les escaliers. Arrivée au second étage, Hermione glissa le morceau de parchemin qu'elle venait de rédiger sous une porte.

Harry lui lança un regard interrogatif, mais elle ne répondit pas et s'empressa de continuer leur descente. Ils se drapèrent à nouveau dans la cape d'invisibilité et disparurent dans l'obscurité de la nuit.

« Qu'as-tu laissé là-bas ? » demanda Harry, animé par la curiosité.

« Un message pour lui dire que son fils est en vie et se porte bien. » répondit Hermione.

Elle connaissait mieux que quiconque l'angoisse de ne pas savoir si ses proches étaient sains et saufs. Théodore avait heureusement trouvé un moyen de contacter sa propre famille moldue, les rassurant après des années d'incertitude. Ils avaient été laissés dans l'ignorance, convaincus qu'elle avait péri pendant l'attaque sur l'île de Man, même si son corps n'avait jamais été retrouvé. À présent, Mrs Moretti aurait également des nouvelles de son fils, et serait libérée de cet état d'ignorance sûrement insupportable. Tandis qu'ils marchaient à travers les rues désertes, Harry poussa un soupir théâtral.

« Tu aurais pu me prévenir. » dit-il d'un ton faussement désapprobateur.

« Te prévenir ? De quoi ? » demanda Hermione avec confusion.

« Que tu avais une amie comme elle. » expliqua Harry d'un ton entendu.

« Comme elle ? » demanda Hermione, ne comprenant pas où il voulait en venir.

« Aussi jolie. » répondit Harry sur le ton de l'évidence. « Et elle a l'air d'avoir un sacré caractère. Tout à fait mon genre de fille. »

Il avait ajouté cela d'un air un peu rêveur. Hermione lui jeta un regard interloqué, désarçonnée par cette admission malgré le contexte tendu. Un rire nerveux sortit de sa gorge.

Bien sûr, Ginny n'aurait jamais dû être là, les découvrir de cette manière. Néanmoins, Hermione était soulagée que les choses se soient passées ainsi. Elle avait été heureuse de revoir un visage familier. Et, malgré les circonstances difficiles de leur dernière séparation, l'attitude de Ginny avait montré qu'elle gardait une certaine affection pour elle. Hermione se sentait coupable de l'avoir attaquée aussi brutalement. Elle se demanda ce qui se serait passé si Harry n'avait pas été là pour la contenir dans son élan de rage incontrôlée.

« J'espère qu'on la reverra. » dit Harry, enthousiaste.

Hermione afficha un sourire mi-ironique, mi-amusé.

« Si tu savais qui elle fréquente, tu n'oserais même pas la regarder. » avertit Hermione.

« Ça ne me dérange pas. Je ne suis pas contre un bon défi. » commenta Harry, un brin malicieux.

Hermione se contenta de hausser les épaules. Alors qu'ils poursuivaient leur chemin, ses pensées retournèrent vers la révélation surprenante de Ginny. Elle avait bénéficié d'une Grâce Ministérielle, un privilège tellement rare qu'il relevait presque du mythe.

Il était évident que sa proximité avec Malfoy lui avait valu ce cadeau inestimable, recherché par tous les Sang-Impurs du régime. Et même si Hermione avait ses réserves concernant Draco Malfoy, elle devait admettre que s'il avait réussi à obtenir cela pour Ginny, cela signifiait qu'il devait réellement tenir à elle.


J'espère que vous avez apprécié ce chapitre, où nos personnages sont confrontés à des enjeux très personnels.

Retrouver Hermione et Ginny dans la même pièce après plus de vingt chapitres a quelque chose d'étrange, même pour moi. Tant de choses se sont passées dans leurs vies respectives, depuis. Leur confrontation a été tendue au début ; elles avaient toutes les deux des raisons de se méfier l'une de l'autre. Finalement, elles ont choisi la voie de la compréhension et du soutien mutuel.

Avec cette rencontre entre Ginny, Hermione et Harry, nous assistons également à des intrigues qui commencent à converger davantage. Avez-vous des idées sur ce que la suite de l'histoire nous réserve ? Je suis curieuse de le savoir.

C'est amusant, car je traduis actuellement les premiers chapitres de cette histoire dans une autre langue, et le changement de dynamique entre Ginny et Draco est vraiment flagrant. Leur relation a eu des débuts VRAIMENT houleux. Ce n'était pas gagné d'avoir de la romance entre eux. Quel chemin ils ont parcouru depuis ! La magie du slow burn.

À bientôt pour la suite,

Fearless