Hello les amis!
Alors voilà, la vérité… C'est que depuis le temps, j'ai commencé à me désintéresser au jeu… Mais pas aux personnages. En fait, je n'arrive tout simplement pas à me les enlever de la tête, et c'est propablement pourquoi le jeu a eu tant d'impact sur moi…
Donc, voici un nouveau projet de fic… Et la publier me rend nerveuse à fond la caisse lol
Je suis complètement hors de ma zone de comfort avec cette histoire, mais je voulais tenter quelque chose de nouveau. C'est très différent de mes habitudes. Je ne me sens pas exactement comme un poisson dans l'eau, disons... Plutôt comme un poisson qui tente de courir avec des skis dans une fôret de conifères XD lol
** Avertissement : cette histoire traite de xénophobie, d'homophobie, de violence et de sujets sensibles. En plus d'avoir quelques vulgarités. Si vous avez l'âme d'un enfant, elle n'est peut-être pas pour vous.
** 2e avertissement : Prompto est très OOC. Complètement différent de sa personnalité habituelle. Un peu plus "badass" si je peux dire, mais toujours aussi vulnérable. Encore une fois, je tente de me mettre au défi!
Et 3e avertissement, je me permets tout plein de libertés, parce que… pourquoi pas ;)
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CHAPITRE 1 - LA RENCONTRE
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C'était le déluge.
Prompto Argentum marchait d'un pas rapide, à la limite de la course, les cheveux dorés cachés sous une capuche noire, si trempée qu'elle ne le protégeait plus réellement. Ses mains étaient enfoncées dans ses poches et ses épaules étaient voûtées, mais rien n'arrêtait le froid de s'infiltrer jusqu'au plus profond de ses os. Ses chaussures étaient si imbibées qu'elles produisaient un bruit de succion désagréable à chaque pas, gelant ses orteils sous l'eau glaciale.
Il pensa à son lit qui l'attendait, à ses vêtements secs rangés dans son tiroir, à la douche brûlante qu'il allait certainement s'offrir dès son arrivée à la maison.
Putain que la nuit avait été difficile.
Il détestait son boulot à chaque minute qu'il devait y passer, mais ces dernières heures avaient été plus pénibles que d'habitude.
Il travaillait dans une petite épicerie de quartier adjacente à une station service qui offrait quelques produits de base à des clients plus ou moins respectables. Hormis l'essence, quatre-vingt-dix-neuf pourcents de leurs ventes étaient composées de cigarettes et d'alcool.
Et les personnes qui avaient besoin de cigarettes ou d'alcool au plein milieu de la nuit étaient rarement des citoyens modèles.
C'était ainsi qu'il avait passé l'entièreté de son quart de travail à séparer des connards complètement ivres qui voulaient se battre, à ramasser les quarante-deux rouleaux de papier de toilettes que des ados un peu cons avaient trouvé hilarant de lancer au-dessus des rayons, et à expulser une femme – dont Prompto ne désirait absolument pas savoir quelle drogue elle avait consommé – qui avait tenté de voler le présentoir de tablettes de chocolat.
Pas une tablette de chocolat. Le putain de présentoir.
Mais c'était la vie de Prompto, qui avait appris depuis longtemps que d'habiter dans le quartier le plus malfamé d'Insomnia venait avec de drôles de personnages et des situations absolument ridicules. C'était donc son quotidien, pas qu'il l'appréciait énormément.
Et puis, il avait besoin d'argent et la prime de nuit était avantageuse.
Ses pensées furent interrompues lorsqu'il entendit, au-delà du rugissement de la pluie, un petit couinement. Il ralentit.
Le son était faible et bref, mais il ne put s'empêcher de lever la tête pour tenter de voir d'où il provenait. Les réverbères tamisés à la lumière orangée ne lui permirent pas de voir grand-chose, particulièrement au travers des cordes qui tombaient, et il faillit continuer son chemin. Mais le son se produisit de nouveau et cette fois-ci, Prompto fut sûr et certain de savoir de quoi il s'agissait : le cri d'un animal en détresse.
Il s'arrêta pour de bon, tournant les talons et recula de quelques pas vers une ruelle comme il y en avait des centaines dans le quartier. Le couinement se répéta une nouvelle fois et le jeune homme avança d'un pas hésitant, l'oreille tendue, vers un amas d'ordures entassées sur le sol.
L'odeur de poubelles humides était insupportable et ce fut avec une certaine réticence que, les mains dans les poches, il poussa légèrement un carton trempé du bout du pied, puis une planche de palette arrachée. Il ne vit rien et songea à rebrousser chemin – traîner dans ce type de ruelles à cette heure de la nuit n'était jamais une bonne idée – lorsqu'un petit mouvement attira son œil.
Il se pencha pour tirer un sac de poubelle nauséabond du bout des doigts lorsqu'il vit une petite tache blanche apparaître brièvement. Il déplaça le sac, du liquide brunâtre coulant du plastique, et il grimaça sous l'odeur. Puis, la petite tache leva la tête et Prompto inspira de surprise.
Il s'agissait d'un chien. Ou plutôt d'un chiot, à vue de ses pattes visiblement trop larges pour le reste de son corps. Ses gigantesques oreilles pointues étaient écrasées sur sa tête et ses yeux bleus perçants, visibles même dans l'obscurité, semblaient terrorisés.
– Hey…, murmura Prompto d'une voix qu'il espéra être réconfortante. Qu'est-ce que tu fais là, petite bestiole?
Il se pencha vers l'animal et tendit la main doucement devant lui. Puis, il entendit calmement que la bête ne s'approche d'un pas tremblant, pour enfin le renifler timidement.
Sa réaction fut instantanée : ses oreilles se dressèrent comiquement et sa queue se mit à battre à pleine vitesse, son derrière soudainement secoué dans tous les sens. Prompto ne put s'empêcher de rire devant son adorable excitation.
Il n'eut pas le cœur de laisser cette adorable petite bête seule dans un déluge comme celui-ci, particulièrement parmi des poubelles nauséabondes, et il se pencha vers elle.
– Allez, viens.
Il glissa avec précaution sa main sous le chiot pour le soulever, mais l'animal produisit aussitôt un petit cri de douleur.
– Oh merde.
Il appuya le chien contre son torse, sentant les tremblements de celui-ci sous ses mains, et son cœur se serra à l'idée que l'animal était blessé. Il avait l'air un peu maigrichon sous sa fourrure épaisse, n'avait pas de collier et sa fourrure blanche était tachée de saleté comme s'il avait traîné dans les parages depuis un bon moment.
Un chien perdu, très certainement.
Le jeune homme se mordit les lèvres. Il n'avait pas les moyens de soigner un animal blessé – putain, il n'avait même pas les moyens de prendre soin de lui-même –, mais le regard suppliant du petit chiot, blotti contre lui, le nez collé contre son bras pour se réchauffer la truffe, finit par avoir raison de lui.
Il jura.
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Prompto soupira. Il était tellement con. Tellement, tellement con. Un vrai crétin.
Trempé jusqu'aux os, il était assis dans la salle d'attente d'un vétérinaire qu'il n'avait absolument pas les moyens de payer, un chiot qu'il ne connaissait même pas dans ses bras, comme un abruti incapable de prendre des décisions responsables.
Il ne s'en remettrait jamais financièrement, ça, c'était certain.
Il se demanda s'il avait réellement besoin de ses deux reins. Si c'était le genre de truc qu'il pouvait vendre sur Marketplace. Dans la section des pièces usagées, peut-être.
Il soupira de nouveau.
En temps normal, il aurait été fasciné par l'endroit, passionné par le monde animal comme il l'était, mais pour l'instant tout ce qu'il ressentait était de la panique. L'endroit avait l'air trop chic, trop propre, et trop riche pour son confort. Les sièges étaient rembourrés, les murs immaculés, les fenêtres gigantesques et reluisantes.
De l'autre côté de celles-ci, le soleil commençait à se lever derrière le plafond nuageux, éclaircissant le ciel blanc et lui rappelant qu'il n'avait toujours pas dormi. Il se frotta un œil de fatigue.
– La vétérinaire est prête à vous rencontrer, fit soudainement la voix de la réceptionniste.
Prompto murmura un merci, puis se leva lentement en tentant de bouger le plus doucement possible; le chiot chiala quand même de douleur.
– Chut, ça va aller, le rassura-t-il.
La docteure fut professionnelle, malgré l'heure très matinale. Elle écouta d'une voix attentive l'histoire de Prompto, ausculta le chien de mains délicates, mais habiles, et déclara :
– Hum… Sa patte avant a une drôle de position, c'est probablement fracturé… Il faudrait faire une radio.
Les épaules de Prompto tombèrent.
– Et ça coûte combien, au juste?
La femme lui fit un regard désolé.
– Pour la radiographie seulement, quinze mille gils… Puis, dépendant du type de fracture, on peut soit lui faire un plâtre, ce qui coûte environ dix mille gils de plus, ou sinon on opte pour l'amputation, ce qui se situe autour de sept mille gils.
Il ne put s'empêcher de jurer. Saloperie, adieu le rein. Et peut-être même un ou deux poumons. Qui a les moyens de respirer de nos jours, de toute façon.
Il se frotta le visage de ses mains, son cerveau fonctionnant à un million de tours par minute.
Pourquoi il se cassait la tête, putain. Il ne connaissait même pas ce foutu chien. Il n'avait pas à assumer ces frais, ce n'était pas sa responsabilité. Il devrait plutôt l'amener à un refuge et les laisser se débrouiller avec leurs problèmes.
Mais un chien avec une fracture serait automatiquement euthanasié et il le savait. Les frais pour soigner un seul animal blessé étaient trop élevés pour un organisme qui devait tenter d'en sauver des milliers par an.
Prompto soupira. Se mordit les lèvres.
Puis, le chiot s'approcha de lui d'une démarche boiteuse, posa son menton sur son bras et leva des yeux suppliants vers lui.
Et puis, merde.
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Lorsque Prompto arriva enfin à la maison ce matin-là, après s'être assuré que le camion devant celle-ci était bien absent, il était complètement lessivé. Le temps qu'il avait passé à l'hôpital vétérinaire s'était tant étiré que ses vêtements avaient eu le temps de sécher en grande partie, restant désagréablement raides contre sa peau.
– Allez, viens, fit-il d'une voix épuisée au chiot sous son bras.
Il le posa au sol et celui-ci sautilla d'enthousiasme de gestes quelque peu maladroits, son énorme plâtre à la patte avant qui lui donnant un air légèrement stupide. Le jeune homme ne put s'empêcher de rigoler.
– Je vois que tes anti-douleurs font déjà effet...
Il déposa ses clés sur la table et soupira. La cuisine autour de lui était toujours aussi chaotique, des piles et des piles d'objets de tout genre occupant le comptoir et la table : de la vaisselle, des pots d'épices, des boîtes qui n'avaient jamais été rangées, des livres d'école… Prompto n'avait jamais le temps de faire du rangement et, de toute façon, les armoires étaient trop petites pour contenir tout ce bordel.
Il était épuisé et ne rêvait que d'aller se coucher, mais il devait tout d'abord s'occuper de son nouveau colocataire.
Il attrapa donc deux bols dépareillés, dont l'un qu'il remplit avec de la nourriture pour chiots qu'il venait de se procurer chez le vétérinaire et l'autre avec de l'eau. Il les posa tous les deux au sol, souriant lorsque l'animal s'y précipita immédiatement.
– Je reviens, ok?
Le chiot l'ignora, trop occuper à se goinfrer dans la nourriture, et Prompto se dépêcha de grimper l'étroit escalier menant à sa chambre pour enfin retirer ses vêtements insupportables. Il se glissa dans un pantalon de survêtement chaud et sec qui lui fit rouler les yeux de satisfaction.
Amen.
Il croisa son reflet dans le miroir qui surplombait sa commode. Ses cheveux blonds étaient complètement fous, à moitiés humides et collés sur son front. Les taches de rousseurs qui parsemaient ses joues et son nez ressortaient moins que d'habitude, le froid ayant légèrement rougi sa peau. Il était cerné par le manque de sommeil, mais ça, c'était sans surprise.
Ses côtes avaient repris leur couleur normale, enfin, après avoir passé quelques semaines dans des nuances de violet, de bleu puis de brun et de jaune. Il était légèrement maigre, mais possédait une bonne musculature, ses entraînements au parc et la course à pied lui procurant une petite rangée d'abdominaux dont il était fier, le surpoids avec lequel il s'était débattu lors de son enfance étant entièrement fondu.
Satisfait par son habillement, il redescendit à la cuisine pour retrouver le chiot toujours en pleine dégustation et il décida de l'accompagner. Il attrapa un bol à son tour, s'assit sur un coin de table dénudé d'objets, et y versa des céréales. Il mangea sans lait, son stock étant déjà épuisé depuis deux jours.
Devant lui, déposée sur le bois usé par le temps, la facture de sa visite chez le vétérinaire le dévisagea.
Il sentit sa poitrine se serrer horriblement.
Deux mille gils pour la consultation. Quinze mille pour la radio. Dix de plus pour le plâtre. Puis, un autre mille gils pour les médicaments. Sans compter la bouffe.
Comment allait-il faire pour trouver tout ce pognon? Il travaillait déjà trop, les heures à l'épicerie grugeant sur son sommeil et sur son temps d'étude.
Il fit mentalement le tour de ce qu'il possédait et qui avait la moindre valeur. Il avait déjà vendu son ordinateur portable il y avait un bon moment, se contentant de louer ceux de la bibliothèque de l'école. Son téléphone? Non, impossible, il en avait besoin pour fonctionner. De toute façon, il ne valait pas grand-chose.
En fait, il ne possédait rien qui puisse lui procurer le moindre sou.
Il soupira pour la millième fois, abandonna sa cuillère dans son bol désormais vide, et se leva d'un geste las.
– J'espère que tu es le chien le plus extraordinaire de l'univers, putain.
Le chiot ne le regarda pas, trop occupé à lécher le fond de son bol jusqu'à la dernière miette. Prompto l'observa pendant une minute, la fatigue se faisant sentir dans tous les muscles de son corps et le rendant complètement amorphe.
– Allez… C'est l'heure du dodo.
Il attrapa le chiot délicatement, prenant soin d'éviter de toucher sa patte, puis il grimpa l'étroit escalier à nouveau. Dans sa chambre, il entassa les vêtements qui traînaient au sol pour en faire un petit coussin improvisé et il déposa l'animal en son centre.
Puis, il se laissa tomber dans son lit.
Et lorsqu'il se réveilla plusieurs heures plus tard, une adorable petite boule de poil blanche était collée dans son cou, ronflant paisiblement.
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"chiot de race husky avec fourrure blanche trouvé dans le quartier nord. partagez svp je cherche le propriétaire."
Prompto laissa tomber son téléphone sur la table. Autour de lui, le bruit dans la cantine était chaotique comme à son habitude, les étudiants discutant bruyamment en attendant la fin de la pause repas pour retourner à leurs cours. La combinaison du bruit et de son estomac vide commençait à lui infliger un mal de tête, et le casse-tête avec son nouveau compagnon à quatre pattes n'aidait pas sa situation.
Voilà plus d'une semaine qu'il avait publié sur tous les médias sociaux qu'il connaissait. Il avait fouillé toutes les pages de Chiens perdus, Quartier Nord, Insomnia Town, Animaux perdus ou trouvés, Refuge animal... Rien du tout.
Et depuis une semaine, bien qu'il appréciait énormément la présence de Ryan Reynolds dans sa vie, il devait avouer que d'avoir une bouche de plus à nourrir le drainait financièrement. Cette bête mangeait étonnamment beaucoup pour un animal aussi petit. Sans parler de ses frais médicaux.
– Je peux pas croire que t'as appelé ton chien Ryan Reynolds, fit soudainement Cindy, comme si elle lisait dans ses pensées.
Elle était assise devant lui, concentrée à faire des nœuds dans des ficelles pour créer des bracelets brésiliens, sa nouvelle passion depuis quelques semaines. En vérité, elle était absolument nulle à chier, ses bracelets toujours déformés avec des fils qui pendaient de partout, mais, fidèle à elle-même, elle s'en foutait.
– C'est un dieu. Tu l'as vu dans The Notebook? répondit Prompto.
– Ta chienne est une femelle, lui rappela la jeune femme sans lever les yeux.
– Ouais, désolé si j'ai pas eu le temps de regarder si elle avait un pénis quand la vétérinaire m'a annoncé qu'il fallait absolument écrire un nom dans son dossier. Et puis on s'en fout, c'est pas ma chienne. Elle va retrouver son propriétaire et son nom d'origine en même temps.
Cindy produit un hum, puis jura.
– Ah merde, j'ai fait un nœud de trop.
– Ah non, ne me dis pas que ton fabuleux bracelet est foutu. Quelle surprise.
Elle lui lança un regard qui lui disait clairement d'aller se faire foutre, et Prompto éclata de rire. Cindy était sa meilleure amie depuis très longtemps et il l'adorait même s'il ne lui disait jamais. Certaines personnes croyaient à tort qu'il s'agissait d'une fille superficielle, simplement parce qu'elle teignait ses cheveux en blond et portait un décolleté ridiculement profond – crée par la combinaison de ses seins gigantesques et son uniforme scolaire trop petit – mais, en fait, Prompto savait qu'elle était brillante, hilarante par moments et dotée d'un caractère qui n'en laissait pas démordre.
Tous les mecs de l'école étaient jaloux de sa relation avec Cindy. Mais la vérité était qu'il ne s'intéressait absolument pas à ses seins. Aux seins de qui que ce soit, à être bien honnête.
– Parce que t'as dit ça, t'auras pas de bracelet.
– Merci seigneur.
Son téléphone vibra sur la table et il l'attrapa pour regarder la notification
Anonyme :
"Bonjour. Je vous écris concernant votre message à propos du chiot que vous avez retrouvé. Je crois qu'elle m'appartient."
Enfin une possible bonne nouvelle.
Prompto :
"salut, tu peux me la décrire pour que je sache que c'est bien la tienne?"
Anonyme :
"Bien sûr. C'est une femelle. Elle a quatre mois et possède une fourrure blanche avec des taches grises autour des yeux. Ceux-ci sont bleus. Elle porte une cicatrice sous le coude gauche."
Il se redressa d'un coup. La description correspondait parfaitement; il avait remarqué la cicatrice le matin même qu'il avait trouvé l'animal.
– Génial, s'exclama Prompto, je crois que j'ai enfin trouvé le proprio de Ryan Reynolds!
– Cool, comme ça elle va retrouver un nom un peu moins stupide!
– Ta gueule.
Prompto :
"c'est bien elle. tu peux venir la chercher? ou je peux te l'amener quelque part?"
"je termine l'école à 16h, je suis dispo après."
Il eut une bonne minute de silence, puis:
Anonyme :
"Serait-il possible de l'emmener au Parc des Trois Lacs? Il y a une fontaine en plein centre, nous pourrions nous y rejoindre."
Il fit une recherche et découvrit que le parc en question était dans le quartier Centre. Assez loin de chez lui en fait, dans une partie de la ville très bien nantie. Il devait emprunter deux autobus pour s'y rendre, ce qui lui prendrait un temps fou et boufferait sa seule soirée de congé de la semaine.
Mais il n'avait pas envie d'inviter le type de son côté de la ville, à attendre dans un endroit merdique et louche qui sentait mauvais. Si le mec était propriétaire d'un husky, c'est qu'il avait du pognon et le quartier Nord n'était probablement pas recommandé pour lui.
Il accepta donc d'un texto rapide, en lui spécifiant l'heure où il arriverait. Et puis, il profiterait de la route dans l'autobus pour réviser ses notes, tout simplement.
– Voilà, déclara Prompto en reposant son téléphone sur la table. J'ai rendez-vous ce soir avec le proprio.
– Awww, fit Cindy. Tu vas t'ennuyer de ton bébé?
– C'est mon compte en banque ne s'en ennuiera pas, ça c'est certain.
La jeune femme lui fit un sourire navré.
– Tu devrais peut-être demander au type de rembourser les frais du vétérinaire?
– Non. Tu sais que je déteste quémander.
– Mais c'est différent, c'est son chien. C'est à lui de payer pour ses soins.
Prompto sourira.
– Je vais y réfléchir.
C'était un mensonge parce que sa décision était déjà prise et Cindy devait bien s'en douter, mais elle n'ajouta rien. Elle avait compris depuis longtemps que Prompto préférait être fauché que de demander la pitié à qui que ce soit.
Et puis, la cloche sonna et mit officiellement fin à leur discussion. Tous les élèves se levèrent d'un coup dans une cohue monumentale et Cindy se dépêcha de ranger son matériel. Prompto se leva, glissa son téléphone dans sa poche et attrapa son sac à dos qu'il passa sur une épaule.
– Allez, dit-il, j'y vais, j'ai cours de physique... Je te raconterai ce soir comment la rencontre avec le proprio de Ryan Reynolds s'est déroulée!
– En passant, c'est Gosling.
– Huh?
– Le mec dans The Notebook? C'est Ryan Gosling.
Prompto la dévisagea comme si elle venait de dire la pire des atrocités. Elle roula les yeux.
– J'arrive pas à croire que tu sais pas différencier les deux. T'es vraiment le pire homo qui soit.
Ça, il ne pouvait pas le nier.
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Son cours de physique était interminable.
Le professeur Barborossé était un vieux physicien qui avait obtenu son poste uniquement parce qu'il connaissait la direction, et non parce qu'il avait la moindre aptitude en pédagogie. Prompto ne l'appréciait pas beaucoup. Blasé, le vieil homme se contentait de lire ses notes d'une voix monotone et continue, debout comme un piquet et le nez penché dans son texte. Il donnait l'impression qu'enseigner était une corvée qu'il se contentait de compléter pour obtenir son chèque et rien de plus. Ce qui était certainement le cas.
Il était impossible d'apprendre quoi que ce soit avec ce type, mais ses examens étaient sans pitié. Prompto l'avait appris à ses dépens lors de son dernier contrôle, où il avait obtenu la note la plus basse de toute sa vie.
En recevant son résultat, il avait paniqué. Il ne pouvait pas se permettre que sa moyenne ne descende du moindre point et cet examen lui avait donné un sale coup; le soir même, il avait passé une bonne partie de son quart de travail à rechercher des vidéos sur YouTube entre deux clients, espérant trouver des enseignants de remplacement pour compenser les lacunes de ce prof minable.
Et donc il comprenait un peu mieux la matière, mais la technique n'avait rien de miraculeux. Déjà, dans son cahier, ses notes devenaient de moins en moins compréhensibles, signe qu'il devrait recommencer ses recherches de nouveau.
Alors qu'il écrivit pour la troisième fois un mot dont il ne comprenait toujours pas le sens, il abandonna. Il laissa tomber son crayon et soupira, levant les yeux vers le professeur qui continuait son monologue assommant.
La plupart des élèves devant lui semblaient avoir perdu aussi leur intérêt aussi rapidement que lui. Mais la palme revenait à Noctis Lucis Caelum, assis deux rangées devant lui, qui n'avait même pas pris la peine de sortir son cahier ou son ordi de son sac à dos.
Prompto ne put s'empêcher d'échapper une expiration frustrée. Lucis Caelum, comme son nom l'indiquait, était le Prince du Lucis. Et le pire fainéant qu'il n'avait jamais vu. Ils avaient le même âge et donc avaient souvent partagé des classes ensemble durant les deux dernières années, mais ils ne s'étaient jamais parlés. En fait, son altesse ne parlait jamais à personne et s'il le faisait, il utilisait ce ton insupportable et désintéressé que seul un prince pouvait avoir.
Il était actuellement en train de dormir, comme d'habitude. Il ne tentait même pas d'être subtil : il avait croisé les bras sur son bureau pour s'y appuyer confortablement la tête sans la moindre gêne, laissant ses cheveux d'ébène lui cacher les yeux. Prompto pouvait presque l'entendre ronfler, comme s'il était présentement dans le confort de son lit.
Et c'était exactement ce qui le faisait chier. Ce type faisait tout ce qu'il voulait. Personne, ni professeur ni élève, ne disait quoi que ce soit, parce qu'il était ce qu'il était et avait tous les droits. Jamais Prompto ne l'avait vu ouvrir un livre ou prendre des notes. Putain, même qu'il ne l'avait jamais vu se déplacer par lui-même, un chauffeur privé l'amenant et venant le chercher tous les jours dans une voiture luxueuse, directement devant la porte de l'école.
Il ne connaissait certainement pas le calvaire de devoir étudier comme un fou pour obtenir des notes assez respectables et rêver d'accéder à une université. De travailler les soirs et les fins de semaine pour payer ses factures.
Prompto avait foutrement envie de dormir lui aussi, mais il ne pouvait pas se le permettre.
Et le fan club du Prince – son putain de fan club – était ce qui était le plus difficile à supporter. C'était un groupe de filles, et parfois de garçons, qui passaient leurs journées à fantasmer sur le mec, à lui poser des questions complètement connes et à tenter d'obtenir son attention à tout prix. Et comme si ce n'était pas assez, la plupart d'entre elles avaient une capacité extraordinaire à atteindre des notes aigües qui grugeaient la patience de Prompto de façon phénoménale.
C'était donc une combinaison de facteurs propices pour attirer son aversion.
Il soupira et reprit son crayon. Ces réflexions venaient de lui rappeler qu'il devait absolument réussir le prochain contrôle, sinon il serait coincé pour toujours dans sa minable petite vie. Il reporta ainsi son attention sur le professeur ennuyant et tenta de reprendre où il en était avec ses notes, ne manquant pas de lancer un dernier regard dégoûté vers le prince.
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Prompto n'arrivait plus à se concentrer.
Il était assis sur un banc près de la fontaine où il avait rendez-vous, son livre de biologie ouvert sur ses genoux, dans une vaine tentative d'étudier. Autour de lui, le parc était grouillant de gens profitant des derniers rayons de soleil du soir, d'oiseaux se baignant les plumes dans des flaques d'eau et d'arbres dansant dans la brise.
Il s'agissait là d'une quantité phénoménale de distractions pour un petit chiot très curieux.
Ryan Reynolds-Gosling-ou-peu-importe était absolument euphorique. Elle sautillait au bout de la laisse que le jeune homme avait enroulé autour de son poignet, ignorant son plâtre raide qui la faisait tomber à tout coup, reniflant l'air autour d'elle en tournant dans tous les sens, s'enfonçant la truffe dans l'herbe, tendant d'attraper maladroitement des papillons, des insectes, des feuilles ou peu importe ce qu'elle apercevait près d'elle, dans un émerveillement chaotique et absolument adorable.
Prompto sourit. Tristement.
Il avait eu hâte de retrouver le propriétaire de Ryan, de se débarrasser de ce fardeau financier et de rayer ce problème de sa longue liste. Mais, à l'opposé, après une semaine et demie en sa compagnie, Prompto était tombé sous son charme. Il adorait la façon qu'elle se faufilait sur son lit pour s'endormir collée à lui après une dure soirée au travail. Son habitude de le réveiller le matin en lui léchant le visage, malgré ses protestations à moitié endormies. La façon qu'elle sautait sur lui pour l'accueillir à son arrivée à la maison, avec son plâtre gigantesque qui lui donnait une démarche trop mignonne, surexcitée de le revoir comme s'il était l'humain le plus extraordinaire sur terre.
Et ce soir, il allait revenir seul, sans la compagnie de cette bête adorable qui s'était déjà fait sa place dans sa maison.
Il soupira et il se pencha de nouveau vers son livre, tentant d'ignorer son cœur qui se serrait et le nœud qui se formait dans sa gorge. À ses pieds, Ryan se coucha sur l'herbe pour mâchouiller sa laisse.
C'était mieux ainsi. Il n'avait pas les moyens de s'occuper d'un chien. Pour l'instant.
Il reprit sa lecture avec peu d'enthousiasme, x3xplongeant comme il put dans un texte ennuyant sur la division cellulaire. Il en était au troisième paragraphe lorsque Ryan se leva soudainement, tirant d'un coup sur sa laisse si fort que Prompto eut l'impression que son épaule allait se disloquer.
– Ryan!
Il se leva mais la chienne l'ignora, tirant encore plus fort, sautant et jappant vers un groupe de trois hommes au loin qui s'approchaient d'eux, sa queue battant follement.
– Ah, je comprends. Ton maître est arrivé.
Il déroula la laisse et aussitôt qu'elle fut libérée, la chienne sprinta vers le plus petit des trois arrivants. Celui-ci s'agenouilla et Ryan sauta sur ses genoux, léchant son visage avec excitation et tournant en rond dans une euphorie absolument adorable.
Prompto sourit en voyant l'attachement qu'elle entretenait pour son propriétaire. Voir Ryan Reynolds si heureuse rendrait certainement la séparation plus facile.
Il s'approcha du groupe et l'un des hommes lui tendit la main. Prompto la serra. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il l'avait déjà vu quelque part, mais le souvenir était très vague. Lunettes, cheveux raides et parfaitement placés, chemise repassée, posture droite. Assurément un natif du quartier Centre.
Et un peu flippant dans sa façon trop rigide de se tenir, pour être bien honnête.
– Bonjour, fit-il d'un ton qui semblait trop formel pour leur échange, je suis Ignis Scientia. Merci d'avoir retrouvé Pryna.
Pryna, donc. Il préférait Ryan Reynolds. Gosling. Enfin.
– No problemo, mec, répondit-il.
Ignis souleva un sourcil et le troisième homme, un gigantesque gaillard musclé comme un buffle et recouvert de tatouages, ricana.
– Pourquoi elle porte un plâtre?, demanda le maître de Ryan sans quitter son chien des yeux.
Il était toujours accroupi au sol, la tête penchée et ses cheveux voilant son visage, caressant les oreilles de sa chienne et lui grattouillant affectueusement la tête. Celle-ci continuait sa danse enjouée, la queue battant si fort que tout son derrière était secoué dans une cadence erratique.
– Quand je l'ai retrouvée, elle était blessée, expliqua Prompto. Je l'ai emmené chez un vétéri… Oh putain.
Un coup de vent venait soudainement de soulever les cheveux du garçon, dévoilant un visage que Prompto avait souvent croisé à l'école, et ce dernier sentit ses joues devenir rouge lorsqu'il reconnut son interlocuteur.
Le prince du – putain de – Lucis.
Il eut le souffle coupé. Il ne ressemblait à rien au garçon qu'il voyait habituellement dans ses classes. L'expression blasée qui marquait généralement ses traits était remplacée par un visage souriant et lumineux, dont les yeux – d'un profond bleu cobalt remarqua-t-il pour la première fois – étaient brillants et débordants d'affection pour son chiot. Il avait troqué son uniforme scolaire par un t-shirt noir orné de têtes de mort et un manteau de cuir qui lui donnait un air beaucoup plus décontracté que d'habitude, loin de l'apparence rigide qu'il entretenait d'ordinaire.
Prompto aurait presque pu penser qu'il était mignon. Presque. Parce qu'en fait, dès que le prince leva les yeux vers lui, son sourire disparut aussitôt et son masque arrogant revint au galop, rappelant au blond pourquoi il ne supportait pas.
Celui-ci n'attendit même pas que son interlocuteur ne reprenne sa phrase. Il se leva et déclara :
– Bon. Iggy, Gladio, allons-y.
Pendant une seconde, Prompto fut figé, regardant le prince se retourner et tirer sur la laisse afin que son chiot ne le suive, sans même poser un regard de plus vers lui. Le type flippant et son copain monstrueux lui firent un bref hochement de la tête en guise de bonsoir, puis emboîtèrent le pas derrière lui.
Putain, il n'y croyait pas. Même pas un salut ou un merci. Pour qui ils se prenaient, ces gros connards?!
– Hey!, lança-t-il à l'intention du prince. T'oublies pas quelque chose?!
Noctis s'arrêta et, malgré les quelques mètres qui les séparaient, Prompto entendit parfaitement le soupir exacerbé qu'il échappa.
Il le regarda se retourner lentement, mais plutôt que de s'adresser à lui, le prince posa son regard vers Ignis.
– J'imagine qu'il veut une récompense. Donne-lui quelques billets.
Quoi?! Quoi!
Prompto regarda d'un air éberlué le type à la chemise sortir un portefeuille au cuir épais et y retirer une liasse de gils au hasard, sans même les compter.
– J'imagine que ceci devrait être suffisant, mentionna-t-il d'un air désintéressé en tendant l'argent vers lui.
La quantité de billets était obscène et le sang de Prompto bouillit instantanément. Il ignorait si c'était l'insulte d'avoir été rabaissé à un profiteur, ou celle de voir autant de fric être jeté par la fenêtre, mais il ne put s'empêcher d'en être énervé. Il repoussa d'un mouvement du bras la main devant lui et s'avança vers le prince.
– Hey gros con!, lança-t-il. J'en veux pas de ton sale pognon, c'est un merci que je veux. Un putain de merci, c'est trop demandé?!
Le prince le dévisagea d'un air surpris, les yeux gros comme des soucoupes. Il ouvrit légèrement la bouche, mais aucun son n'en sortit.
Prompto roula les yeux. Visiblement, c'était effectivement trop demandé.
– D'accord, j'ai compris. Tu peux aller te faire foutre.
Et il se retourna d'un pas frustré, marchant vers le banc où il avait laissé son sac, un nuage noir le suivant au-dessus de sa tête. Il glissa ses mains sans les poches de sa veste et s'arrêta abruptement lorsqu'il sentit un objet cylindrique.
Putain. Les anti-douleurs de Ryan.
Il vit volte-face aussitôt, marchant à nouveau vers le prince qui continuait de le regarder comme un imbécile, pour lui lancer le flacon.
– Un cachet deux fois par jour, dit-il sèchement. Matin et soir.
Le jeune homme attrapa le médicament au vol, le regard toujours aussi éberlué, et Prompto ne perdit pas une seconde pour se retourner à son sac à dos.
Non, mais quel connard hautain et prétentieux, et dire que ce type allait diriger le pays un jour. Putain, vivement une démocratie. Et comment un chiot aussi adorable avait pu si mal tomber?
Il allait attraper son sac lorsque le souvenir de Ryan lui revint à l'esprit. Il s'arrêta net et fit volte face, le cœur battant la chamade. Le prince et ses amis n'avaient toujours pas bougé et Prompto se dirigea de nouveau vers eux, pour la troisième fois en une minute.
Il savait qu'il devait avoir l'air d'un con, mais au diable son ego.
Il s'agenouilla devant la chienne et celle-ci sauta aussitôt sur ses genoux, la queue battant à pleine vitesse. Il l'encercla de ses bras et la serra contre lui, comme on pouvait serrer un chien surexcité tentant à tout prix de lécher votre visage.
– Au revoir mon beau bébé, lui dit-il d'une voix basse. Prend soin de toi et guéris vite, ok?
La chienne, ne comprenant rien du discours de Prompto mais appréciant grandement son accolade, sautilla joyeusement en échappant des couinements heureux et adorables. Le jeune homme la serra contre lui une dernière fois, puis la relâcha.
Il ne s'attarda pas. Il se retourna et quitta, ne jetant pas le moindre regard sur les trois hommes.
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Il avait des tonnes de notes à réviser. Tout un chapitre à lire dans son manuel de biologie. Des cours en ligne à chercher pour combler l'incompétence de son prof de physique.
Mais il préféra passer le trajet du retour à massacrer l'écran de son téléphone à coups de pouces et texter à Cindy les moindres détails de sa rencontre avec le prince du Lucis en personne.
Et peut-être bien qu'il abusait sur les termes "trou de cul", "connard" et "emmerdeur".
Ou pas.
Cindy se contentait de lui envoyer des HAHAHA encadrés d'émojis pleurant de rire. Elle trouvait toujours hilarant de le voir sortir de ses gonds, mais c'était plus fort que lui.
Cette race de personne qui se croyait tout permis, qui se pensaient supérieur aux autres et qui étaient convaincus de ne devoir jamais rien à personne le faisaient plus chier que tout.
Il était en train de songer à déposer son téléphone et sortir son manuel de bio lorsqu'une notification attira son regard. Il tapa pour la faire apparaître.
Anonyme :
"Bonjour, je suis Ignis Scientia. Nous nous sommes rencontrés plus tôt au Parc des Trois Lacs. Je tiens à m'excuser pour notre attitude. Je prends conscience que nous n'avons pas exprimé notre pleine gratitude pour avoir retrouvé et soigné notre Pryna. S'il vous plaît, veuillez accepter nos plus sincères excuses pour notre impolitesse. Nous vous remercions infiniment et du fond du cœur."
Putain, c'était le texto le plus terrifiant qu'il n'avait jamais reçu de sa vie. Il existait réellement des types qui écrivaient des SMS comme ça? Il claqua de la langue.
Prompto :
"ouais, tu m'as deja dit merci, mais jai rien entendu de la part de monsieur sa majesté."
Dracula le lécheur de cul :
"Je suis conscient que Noctis est parfois maladroit dans ses échanges. Mais je vous promets qu'il est réellement reconnaissant de la façon que vous avez pris soin de sa chienne."
Prompto :
"donc tu dis merci à sa place, cool. est-ce que tu lui nettoies aussi le cul quand il a terminé aux toilettes ou ça il est capable de le faire tout seul?"
Il hésita une seconde, puis effaça sa réponse sans l'envoyer, décidant que l'effort n'en valait pas la peine. Il laissa le type sur Lu et empocha son téléphone, appuyant sa tête contre la barre sur le dossier de son siège. Il lui restait quelques minutes avant d'arriver à l'arrêt pour changer d'autobus. Puis, une autre demi-heure de route.
Dire qu'il avait gaspillé sa soirée de congé pour monsieur le prince des connards.
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Lorsqu'il descendit du dernier autobus – environ un million d'années plus tard – le soleil était couché depuis belle lurette. Il entreprit d'un pas lent la marche pour retourner chez lui et la maison où il vivait lui apparut au bout de quelques minutes seulement.
Elle ressemblait à toutes les autres du quartier Nord; un petit bâtiment étroit et coincé entre deux autres, à l'ombre d'un viaduc sur lequel passait un train plusieurs fois par jour. La façade était fatiguée, la peinture craquelée et l'herbe qui était supposée pousser sur le minuscule lopin de terre devant celle-ci était clairsemée, quelques brins verts poussant ici et là au travers de plantes adventices.
Il s'arrêta devant la porte et soupira, la mine basse. Il s'ennuyait déjà de Ryan Reynolds. Tous les soirs, durant les dix derniers jours, il se dépêchait de revenir à la maison pour saluer le petit chiot, qui l'attendait toujours à la porte avec excitation. Ryan avait rendu cette maison tellement plus chaleureuse; elle avait apporté à son foyer un réconfort qu'il y avait perdu depuis longtemps, une raison de revenir qui lui manquait énormément.
Il enfonça sa clé dans la serrure et ouvrit la porte, entrant dans cette maison redevenue froide et sans vie.
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Ce fut le carton de jus d'orange sur la table de la cuisine qui fut le premier indice. Aussitôt, il sentit son visage devenir blême et son cœur s'accéléra illico.
Putain. Non, non, non, quel con.
Il n'avait pas vérifié. Il avait tant été perdu dans ses pensées, chialant sur la perte de Ryan, qu'il n'avait pas vérifié si le camion était garé devant la maison. Putain, quel con. Il vérifiait toujours.
Il compta rapidement les semaines dans sa tête, paniqué. Oui, ça faisait bien quatre. Merde merde, quel con, quel con.
Il songea à tourner les talons et passer la nuit à l'extérieur, comme il le faisait parfois, mais il n'y était pas préparé. La température était trop basse et il n'était pas convenablement habillé pour y passer plusieurs heures. Et il n'avait pas non plus un gil pour se terrer dans l'un des nombreux commerces du quartier ouverts vingt-quatre heures.
Il se mordit la lèvre et retira ses chaussures le plus silencieusement possible, ôtant son sac à dos de ses épaules pour le transporter à sa main. Dans le salon, la télévision projetait de faux rires de studio au-dessus de dialogues factices. Il avança sur le bout des orteils et jeta un coup d'œil vers le divan.
Son père y était affalé grotesquement, son énorme ventre débordant de sa chemise dont les boutons semblaient tenir justesse. Ses cheveux noirs étaient devenus trop longs, mais le dessus de son crâne était resté chauve, la lueur bleutée de la télévision réfléchissant étrangement sur sa peau. Il possédait une barbe grisâtre mal rasée qui poussait inégalement, des zones sur ses joues clairsemées comme le dessus de sa tête.
Dans sa main se tenait un gigantesque verre remplit d'un liquide jaunâtre, appuyé mollement contre l'accoudoir dans un angle précaire.
Son père adorait les vodka-jus d'orange. Les premiers qu'il se concoctait en début de soirée étaient toujours bien foncés, la proportion entre le jus sucré et l'alcool étant plus proche de la recette originale. Mais au fur que la soirée avançait, son père avait la mauvaise habitude de varier les mesures, et ses cocktails devenaient progressivement de plus en plus clairs, la vodka prenant trop d'espace dans ses verres.
Et à voir la teinte translucide, à peine colorée, du cocktail qu'il tenait à la main, Prompto devina que sa soirée de beuverie devait être bien avancée et son taux d'alcoolémie, au plus haut.
Ce n'était pas nécessairement une mauvaise chose. Il y avait une phase, entre ses quelques premiers verres et ses quelques derniers, où son père devenait violent, énergique et agressif, et devenait par le fait même le pire calvaire de Prompto. C'était une zone dangereuse, où les engueulades devenaient fréquentes et les coups, encore plus. Mais, dépassé une certaine quantité d'alcool, son père devenait amorphe, incapable de parler avec cohérence ou se tenir debout, et, dans cet état, il ne pouvait plus rien contre le jeune homme.
Prompto pria pour que ce soit actuellement le cas.
Il avança silencieusement vers l'escalier de pas calculés, mais il n'eut pas l'occasion de s'y rendre.
– Où t'étais passé, p'tit morveux?
Prompto jura intérieurement. La voix de son père était teinté d'ivresse, mais elle était trop lucide pour qu'il soit au stade inoffensif.
– Pourquoi ça t'importe?, demanda-t-il.
Son père se leva avec difficulté, grognant sous l'effort du mouvement. Le verre pencha dangereusement, manquant de se renverser au sol.
– Ta gueule p'tit pédé, c'est ma putain de maison ici, t'es chanceux que je t'aille pas expulsé.
Le jeune homme roula les yeux. Il avait eu dix-huit ans trois mois plus tôt et son père adorait lui rappeler qu'en tant qu'adulte officiel, celui-ci n'avait plus à l'héberger.
Si seulement. Prompto rêvait de foutre le camp de cette maison pourrie et de ne plus avoir à gérer l'alcoolisme de son père à tous les mois. De ne plus calculer les semaines le séparant du retour de sa tournée de camionneur. De ne plus vérifier à chaque soir si son véhicule était garé devant la maison.
De ne plus travailler comme un fou pour payer les factures que son trou de cul de père, criblé de dettes, ne pouvait rembourser.
Et surtout, de ne plus vivre avec les ecchymoses qui venaient avec les coups.
Mais, la liberté avait un prix que Prompto n'avait pas les moyens de se payer. Il avait calculé et recalculé son budget de toutes les façons possibles, il était tout simplement impossible pour lui de louer son propre appartement. La maison que lui et son père se partageaient avait appartenu à sa mère et ne demandait plus de paiements depuis belle lurette. Le seul avantage de vivre dans cet endroit horrible.
Et naturellement, son père était tout aussi fauché que lui, d'où la raison pour laquelle il ne mettait jamais ses menaces d'expulsion à exécution. Sans son foutu fils pour payer les factures, il reviendrait tous les mois dans une maison sans électricité ni eau.
Donc. Deux fauchés qui se détestaient, forcés de vivre ensemble une fois par mois. Le rêve.
Prompto ne s'attarda pas à répondre à la question. Il continua son chemin vers l'escalier, espérant que d'ignorer son paternel fermerait la conversation.
Il réussit à peine à faire deux pas lorsqu'un verre passa proche de sa tête, renversant une partie de son contenu sur son épaule, et éclata en milliers de morceaux sur le plancher. Le sol se recouvrit aussitôt de liquide jaunâtre.
– PUTAIN T'ES MALADE OU QUOI?!, s'exclama Prompto.
Il se retourna pour voir son père tituber vers lui, un doigt accusateur le pointant.
– JE T'AI POSÉ UNE QUESTION P'TIT CON!, hurla son père. OÙ T'ÉTAIS PASSÉ!?
Il n'attendit pas de réponse.
– C'est bien ce que je me disais, continua-t-il, roulant les mots sous son ivresse. Toujours en train de courir les rues pour sucer des queues, putain de pédale.
Prompto sentit son cœur se serrer aussitôt. Comme il l'avait pressenti plus tôt, son père était effectivement dans le pire état d'ivresse, celui où ses propos n'avaient plus de sens, mais dont sa coordination était assez élevée pour lui faire mal.
Merde, merde.
Il ne réagit pas à l'insulte en tant que tel. Il l'avait entendu des milliards de fois au point où il en était devenu insensible. En fait, il ne bougea pas, comme s'il espérait que son immobilité le rendrait invisible.
– Tu m'écoutes, oui?, marmonna son père.
Prompto déglutit difficilement.
– Je… Je suis allé porter un… un truc à un mec, dans un parc.
Il regretta aussitôt sa phrase lorsqu'il vit le regard de son père.
– À un mec?, demanda-t-il.
– Enfin, je veux dire…
– Putain de sale pédé!, lança-t-il en s'approchant agressivement de Prompto.
Celui-ci recula malgré lui.
– C'est ce que je disais, merde, ajouta l'homme bedonnant, toujours en train de courir les mecs comme une foutue pédale!
– Non, non, je voulais dire…, tenta d'expliquer Prompto.
– Ta gueule!
Et le premier coup arriva sans surprise. Ce fut une claque cette fois-ci, la main gigantesque de son père qui atterrit violemment sur son oreille gauche et le fit reculer de plusieurs pas. La douleur éclata dans sa tête, un bourdonnement désagréable résonnant aussitôt dans celle-ci.
Il mit le pied dans la flaque au sol et glissa, atterrissant brusquement sur les fesses.
Son sang ne fit qu'un tour. Il tenta de se relever en panique, sortir de cette position qui le rendait trop vulnérable, mais un autre coup de poing, directement sur son œil, le renvoya au sol brutalement. Ses coudes vibrèrent sous l'impact contre le dur parquet, la vodka imbibant aussitôt sa veste et son pantalon.
Au-dessus de sa tête, son père lui cria des injures dont Prompto ne saisit pas tous les détails. Tout ce qu'il comprit, c'est que les coups pleuvaient et qu'il n'arrivait pas à les éviter; un nouveau poing tomba sur sa tête, suivi d'un autre sur son épaule, puis un dernier sur ses doigts recroquevillés qui tentaient de bloquer les coups.
Désespéré, Prompto roula de côté, passant ses bras sur sa tête pour la protéger; mais son père passa aux coups de pieds, dont deux d'entre eux lui éclatèrent aussitôt les côtes d'un talon déchaussé.
Prompto serra les dents. Il avait vécu cette horrible situation trop souvent pour savoir que tout ce qu'il pouvait faire était de retenir ses larmes et d'attendre, toute tentative de répliquer étirant habituellement son calvaire inutilement.
Il eut quelques coups de plus, ceux-ci de moins en moins énergiques, puis, tout mouvement s'arrêta. Prompto ne bougea pas, restant recroquevillé au sol, la tête bourdonnante de douleur toujours cachée sous ses bras. Il entendit son père faire quelques pas vers l'arrière, haletant.
– Et merde…, grogna-il d'une voix déformée par l'alcool. J'ai mouillé mes chaussettes…
Il marmonna autre chose, un commentaire homophobe quelconque que le jeune homme ne saisit pas très bien, mais sa voix s'éloigna vers la cuisine.
Prompto resta immobile une, deux, trois secondes, tremblant des pieds à la tête. Il écouta le son distinctif d'un verre qu'on sortait de son armoire et qu'on posait sur la table, puis celui d'une bouteille qui était dévissée. Lorsqu'il entendit le liquide être versé, il se releva rapidement sans dire un mot, serrant les dents sous la douleur qui s'éveilla aussitôt à son flanc, attrapa son sac à dos et grimpa les marches deux par deux, le cœur battant la chamade.
Il entra dans sa chambre, ferma la porte et s'appuya contre celle-ci. Il resta silencieux et sans bouger, tentant de contrôler sa respiration erratique.
Il écouta attentivement les bruits provenant de l'étage d'en dessous.
Il entendit son père terminer son cocktail, marmonnant toujours pour lui-même sans qu'il puisse discerner les mots. Il l'écouta marcher sur le parquet qui grinça sous son poids, se déplacer dans le salon, s'asseoir sur le divan en échappant un grognement. Puis, il n'eut que le son de la télévision et lorsque Prompto fut certain que son père ne viendrait pas le rejoindre, il soupira de soulagement.
L'adrénaline descendit aussi vite qu'elle était montée et, soudainement, tout son corps le fit affreusement souffrir. Il déposa son sac au sol et marcha vers son lit de pas lourds et engourdis. Il s'arrêta devant celui-ci et retira sa veste et son t-shirt mouillés, les laissant tomber au pied du lit sans trop de délicatesse, puis son pantalon duquel il retira son téléphone pour le poser sur les draps.
Et il se laissa enfin tomber sur le lit. Sa tête semblait sur le point d'exploser, ses côtes l'irritaient à chaque respiration et sa gorge était horriblement nouée, comme s'il voulait pleurer mais que son corps en était incapable.
Son lit était froid, sans son chiot pour le réchauffer.
Il prit son téléphone d'un mouvement léthargique, le souleva au-dessus de sa tête pour en voir l'écran.
Il avait une notification.
Anonyme :
"salut, c'est noctis"
"juste te dire"
"merci pour pryna"
Et, enfin, Prompto éclata en sanglots.
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(Prompto qui donne un nom stupide à un animal devient peu à peu une tradition lol)
Merci infiniment d'avoir lu ce premier chapitre! ^.^ Si vous voulez m'écrire vos impressions, vous êtes la bienvenue!
Charlie xxxxx
P.S. Pour ceux qui suivent mon autre fic, Les cendres d'Insomnia, je n'ai pas abandonné! L'épilogue est en route ;)
