Chapitre 6.
La maison n'était pas de première fraicheur certes, et pourtant, c'est avec une expression plutôt agréablement surprise qu'ils étaient arrivés ce matin-là sur les lieux.
Le village assez méconnu était charmant, les locaux accueillants et leur nouveau lieu de vie bien plus spacieux que ses quartiers, cela allait s'en dire.
Avec étonnement, Hermione avait trouvé deux chambres à l'étage et s'était installée dans l'une d'entre elle avec un plaisir manifeste.
Ils devaient se rendre chez l'horticulteur devant leur confier la pousse du saule cogneur d'ici une semaine. Cela leur donnerait ainsi tout le plaisir d'enfin respirer un peu d'air nouveau. Une fois installés, Hermione avait littéralement tiré Snape par le bras pour explorer les environs. Il n'avait accepté que pour avoir la paix.
Néanmoins, son ronchonnement avait disparu en même temps que l'air iodé qui lui avait rempli les poumons. Le bruit des vagues contre les roches ainsi que le plaisir de parcourir les ruelles sans que quiconque ne le reconnaisse était bien plus revitalisant qu'il n'aurait jamais pu imaginer.
S'ils avaient fait des quartiers de Granger un petit coin de paradis, celui-ci l'était plus encore. Pour la première fois de son existence, Snape se sentait enfin détendu. Cela avait eu le don de relaxer ses épaules, sa tête, et son visage d'ordinaire si crispé.
Le soir-même, dénué de ses devoirs professoraux, il avait retrouvé Hermione dans le jardin.
Il était exténué car cette fichue Gryffondor l'avait fait crapahuter durant plus de trois heures partout sur les collines. Il avait mal aux pieds, mal au dos, du sable plein les pompes, il était prêt à se fondre dans son lit et pourtant…
Quand il arriva, il s'arrêta assez rapidement. L'ombre de la jeune femme se taillait dans l'horizon du soleil couchant, et, au milieu des toits colorés bordant le village, du ciel oscillant entre bleu et rose, au milieu des beaux oliviers et de la mer si éloignée, il lui sembla rêver… Oui, il le devait forcément.
Car souffler enfin, souffler avec le plaisir d'être accompagné par quelqu'un, ce quelqu'un supportant son horrible présence plus de cinq minutes, quel miracle s'était donc posé sur sa tête pour assister à cela ?
Assise dans la chaise longue, Hermione retira ses chaussures pour se masser doucement les pieds. Depuis leur départ le matin même, elle n'arrivait pas à lâcher ce sourire débile de son visage.
Sortir de Poudlard, sortir de l'Angleterre après tout ce temps, les tensions de l'après guerre, la célébrité, l'école, les devoirs, la solitude… Elle ne s'était que rarement sentie aussi bien. Poudlard était sa maison, mais tout le monde avait besoin de s'évader de temps à autre, non ?
Hermione sourit d'autant plus, pensive en sentant un doux fumet sortir de la fenêtre derrière elle. Quand elle se tourna, elle vit son professeur… Son professeur qui ne l'était plus vraiment, debout dans le chambranle de la porte, observant le paysage avant de river ses yeux sur elle avec un naturel si simple.
Il avait troqué sa redingote contre sa chemise, la chaleur n'étant pas franchement propice à garder une telle pièce sur soi. Bien sur, le vêtement lui couvrait toujours autant les bras, mais son allure paraissait ainsi moins crispée. A moins que cela ne vienne de ces vacances imprévues ?
Quoiqu'il en soit, il lui paraissait toujours plus humain, de jour en jour. Et bien plus accessible.
« Je suis désolée, je vous ai un peu abandonné, finit-elle par lâcher avec pudeur.
_ Oh. Non, pas vraiment, j'ai préféré vous laisser vous reposer. »
Hermione eut un sourire un peu triste cette fois avant de rediriger son regard vers l'horizon. Alors, Snape s'avança vers elle, puis finit par s'asseoir à ses côtés, les sourcils froncés.
« Quelque chose ne va pas, lâcha-t-il sans même que ce ne soit une question.
_ Ce n'est qu'un détail, mais… soupira Hermione. Je me demandais pourquoi Minerva vous avait envoyé ici, plutôt que de venir par elle-même.
_ Que voulez-vous dire ? demanda Snape en glissant sa main prés de sa nuque.
_ Que cette maison est clairement une habitation de vacances, et que je doute qu'elle vous ait proposé d'y venir uniquement pour vous faire plaisir. »
Snape soupira alors à son tour, avant de couler contre le dossier.
« Je me suis posé la même question, finit-il par avouer. Je pense qu'elle voulait plutôt que je prenne mes distances… avec vous. »
Hermione cligna plusieurs fois des yeux avant de les diriger vers Snape, cachant tant bien que mal une mine scandalisée.
« Pourquoi ?!
_ Elle pense que notre cohabitation m'empêche de demeurer professionnel., que cela altère mon jugement qui se doit de demeurer objectif. »
Hermione déglutit avant de détourner le visage. Puis, elle le baissa vers ses doigts. Ces paroles tournaient dans sa tête comme un mauvais manège. C'était que tout avait été si vite, et si insidieusement. Jamais elle n'aurait pu songer que sa cohabitation avec Severus Snape se passerait aussi… bien, en réalité. Cela les avait pris de cours, sans doute.
« Elle a raison, finit-elle par soupirer. »
Snape leva soudain les sourcils vers elle, surpris. Puis, elle affronta son regard avec, de nouveau, un rougissement manifeste sur ses joues.
« Avouons-le plus franchement, cette idée de ne plus vous considérer comme mon professeur en dehors des murs de Poudlard et au sein de la chambre que nous partageons était à double tranchant.
_ Nous n'avions pas vraiment le choix en vu des circonstances.
_ Si. Vous auriez pu cohabiter avec quelqu'un d'autre. »
Snape la regarda soudain comme si elle venait de lui dire qu'elle venait d'une autre planète.
« Je suis encore votre élève que ça nous plaise ou non, lâcha Hermione tristement en trifouillant ses orteils afin de leur ôter tout grain de sable. J'ignore pourquoi on se voile la face de cette façon, alors que vous pourriez dormir sur le canapé de Minerva ou que sais-je…
_ Vous pensez que c'est ce que je veux ? »
Hermione tourna ses yeux timidement vers Snape dont le regard était bien plus profond.
« A moins que vous ne le vouliez vous-même, souffla-t-il.
_ Non, bien sûr que non… »
Severus s'empêcha de soupirer de soulagement. Il avait tellement eu peur d'avoir eu raison de sa patience. Mais cela, jamais il ne l'avouerait…
« Cette huitième année n'est même pas censé exister, argumenta-t-il. Votre statut d'étudiante n'est qu'un mot sur un bout de papier, à ce stade.
_ Si je n'avais pas décidé de revenir et d'en redevenir une, nous ne serions pas là, lâcha-t-elle simplement.
_ C'est le serpent qui se mord la queue, n'est-ce pas ? »
Hermione ricana face à l'image qu'il venait de lui donner et l'observa se lever afin de lui tendre la main.
« Allez, arrêtez de vous torturer de la sorte.
_ Pourquoi ? Ce sont des questions importantes et assez légitimes à se poser après tout.
_ Des questions, encore et toujours, soupira-t-il. Ne vous arrêtez-vous donc jamais ? »
Hermione ne put s'empêcher de ricaner, sans répondre totalement pour autant. Elle le regarda un instant avant de saisir sa main avec pudeur. Snape la redressa alors et elle se retrouva plantée contre lui, à une distance un peu trop proche d'ailleurs.
« Ecoutez, je n'ai pas envie de penser à ça alors que c'est surement la première fois que je sors de Londres et ses alentours depuis dix ans. Alors maintenant, vous arrêtez de penser à… Minerva et ses injonctions, et vous venez manger ces fichus lasagnes avec moi.
_ Vous avez fait des lasagnes ? lâcha-t-elle en laissant échapper une drôle de moue.
_ Et j'ai trouvé des trésors cachés dans un placard.
_ Vous avez fouillé dans les affaires de la directrice ?! »
Snape se mordit la bouche avant de laisser échapper un espèce de rictus amusé.
« Vous êtes un gamin, marmonna-t-elle.
_ Et vous, une rabat-joie, souffla-t-il prés de sa nuque. Ce ne sont que des vieux CD et rien d'autres, calmez vos ardeurs. »
Hermione ricana alors qu'il la poussait vers l'intérieur de la maison en posant ses mains sur ses épaules.
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« Bien dormi ?
_ Non, grogna Snape. »
L'homme traina la patte, ronchon, devant la petite table ronde de la cuisine. Hermione lui déposa une tasse de café fumante sous le nez, marmonnant dans sa barbe.
Il était huit heures, et le soleil venait à peine de se lever haut dans le ciel gris. La lumière à peine visible pourtant le fit grogner plus encore et Hermione soupira de langueur. Elle était réveillée depuis une heure, dans l'impossibilité de trouver le sommeil, elle aussi.
Ils restèrent ainsi silencieux un long moment, avant qu'Hermione ne finisse par décider de rompre l'ambiance qui régnait.
« Très bien, écoutez. Aujourd'hui, il fait visiblement un temps pourri, et j'aimerai passer les nuits qu'il nous reste à dormir, trancha-t-elle.
_ Qu'est-ce que vous voulez dire ?
_ Vous savez très bien ce que je veux dire. »
Snape soupira dans le vide avant de laisser tourner sa cuillère dans son mug. Il garda son regard plongé dedans, silencieux, et demeurant dans ses pensées.
« Ce n'est vraiment pas raisonnable, murmura-t-il.
_ Ça ne change rien de ce qu'on a déjà pu faire, souleva la Gryffondor en soupirant, une vilaine migraine commençant à pointer le bout de son nez.
_ C'est différent ici, car nous avons le choix. Il y a deux chambres dans cette maison.
_ Faites comme vous voulez, mais je trouve que vous en faites beaucoup pour quelqu'un qui clamait qu'il ne fallait pas s'attarder sur la bienséance. »
Snape grogna comme un animal en guise de réponse. Hermione continuait ainsi de le fixer, dans l'attente d'une réponse positive. Debout de la sorte, elle semblait veiller sur lui comme un spectre.
« On ne peut pas faire ça, lâcha-t-il de nouveau, le regard stoïque.
_ Entre nous, qui le saura ? demanda Hermione en soupirant, appuyant ses fesses contre le plan de travail de la cuisine.
_ Nous ! Nous, nous saurons.
_ On sait déjà, on dort ensemble à Poudlard. Rien ne changera.
_ Hormis les circonstances, souleva-t-il.
_ Les circonstances ? On passe nos vacances ensemble également.
_ Vous voulez vraiment me convaincre, mmmh ? demanda-t-il d'un regard espiègle lancé vers elle.
_ Ne vous méprenez pas. Dans trois jours et deux insomnies, vous me supplierez pour revenir. »
Snape soupira de nouveau dans son mug, son expiration venait de ramener à lui l'odeur du café italien délicieux qu'elle lui avait préparé ainsi qu'une vague de chaleur sur son nez.
« Ok, très bien.
_ Vous voyez, quand vous voulez, le nargua-t-elle en se penchant sur la table.
_ Au lieu de vous pavaner comme un coq de basse cours au beau milieu d'un troupeau de poules, qu'est ce que vous attendez pour retourner vous coucher ?
_ Quoi, maintenant ?
_ Bien sûr maintenant ! Vu la nuit affreuse que je viens de me farcir, je compte bien rester dans ce pieu toute la journée ! »
Hermione haussa les épaules et ne l'attendit pas pour se mettre en route. Ainsi, elle remonta les petits escaliers composés que de cinq marches à peine. Deux portes en bois blanches en haut du couloir donnaient sur les chambres, et Hermione hésita un instant avant de pénétrer dans l'autre, par simple curiosité.
Cette dernière était similaire en tout point à celle qu'elle avait décidé d'occuper, hormis un détail ayant son importance : elle donnait sur le jardin.
Hermione s'étira comme un chat et posa ses fesses sur l'assise du matelas avant de rebondir un peu dessus. Il était aussi mou que l'autre, ce qui n'était pas l'idéal, mais faisait tout de même l'affaire. Snape entra dans la pièce en fracas avant de clore la porte sans plus de délicatesse.
« Allez, poussez vous, je prends mon côté du lit.
_ Votre côté, pouffa-t-elle. »
Mais Snape l'ignora et se glissa à sa droite en soupirant. Hermione s'allongea sur le côté avant de fermer les paupières, un peu plus sereine.
« Oui, mon côté, en rajouta-t-il en se blottissant dans son dos. »
A l'abri de son regard, Hermione sourit en remontant la couette jusqu'à son nez. Elle ferma les paupières un instant et osa glisser sa main sur la sienne.
Il ne la retira pas. En fait, cela faisait plusieurs jours qu'ils dormaient de cette façon, parce qu'il avait osé une fois le faire et qu'il ne s'était jamais arrêté. Elle n'avait jamais demandé à ce qu'il le fasse non plus.
Pire encore, il y eut une nuit où il était retourné dormir face contre le mur de la chambre qu'ils occupaient à Poudlard. Cela datait de moins d'une semaine avant leur départ er Hermione lui avait pris silencieusement le bras pour l'entourer autour de sa taille sans qu'il n'y émette vraiment de protestations.
Elle en avait été heureuse et depuis, ils procédaient ainsi chaque nuit. Autant dire que se retrouver tout à coup seuls dans un grand matelas avaient bousculés bien trop de leurs habitudes.
Alors, Hermione sourit une dernière fois en cachette. Merlin, elle ignorait ce qui lui passait par la tête en ce moment, mais elle songeait que ces instants commençaient à devenir une véritable attente de toute une journée.
En quelques minutes à peine, sans avoir le temps d'y réfléchir d'avantage, Hermione s'endormit, sans doute en même temps que le sorcier dans son dos.
Les vacances ayant ce côté plaisant de ne pas avoir les yeux rivés sur l'heure, ils ne s'en préoccupèrent guère lorsqu'ils émergèrent au beau milieu de l'après midi. Hermione s'étira bruyamment et retomba sa tête sur le torse de Snape qui soupira en tournant son visage vers ses cheveux sans s'en rendre compte. Étonnamment, les boucles de la jeune femme ne le dérangeaient pas, même si elles s'immisçaient partout sur son visage et son nez, tout en lui chatouillant les joues. Il se contentait le plus souvent de les dégager un peu de lui, ou tout l'inverse.
Ce jour-là, il se décida sur la seconde option et trifouillait quelques unes de ses mèches pensivement.
« C'est de cette façon qu'on dort le mieux, avouons le, murmura-t-elle d'aise.
_ Et vous prévoyez quelque chose le jour où on devra retrouver nos espaces respectifs ?
_ Disons que on est déjà censé les retrouver, plaisanta Hermione, les paupières toujours closes. »
Snape grogna, mais ne se détacha pas d'elle pour autant. Hermione frissonna en sentant ses doigts se promener sur quelques noeuds capillaires, frôlant de temps à autre son épaule mise a nue par son débardeur léger.
« On devrait peut-être faire quelque chose de cette journée, suggéra Hermione en ne bougeant pas pour autant.
_ Pour quoi faire, grogna-t-il. Non, on reste ici.
_ Et qu'est-ce qu'on va manger ?
_ On s'en fout. »
Snape ne répondit pas, mais quand son ventre le fit à sa place, il marmonna en fixant le plafond et Hermione émit un léger rire moqueur.
« Vous croyez qu'il y a un McDo dans ce coin paumé ? demanda soudain Hermione en un rictus amusé. »
Le sorcier dirigea son regard vers la jeune femme avant de pouffer doucement.
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« Devinez ce que j'ai trouvé dans les prospectus là bas, glissa Hermione en courant vers Snape comme une gamine surexcitée.
_ De la lecture, lâcha-t-il platonique en ne détachant son regard de son livre.
_ Non, rétorqua Hermione avec lassitude. J'ai déjà terminé les seuls bouquins présents dans la maigre bibliothèque de la maison. J'en cherchais justement un quand je suis tombé sur ça. »
Snape leva un sourcil vers elle en laissant tomber son livre sur le banc. Seuls quelques moldus passaient par là, en train de courir ou faire du vélo, mais les ignorant passivement, ce qui leur faisait un bien fou.
Personne n'était présent pour les dévisager, personne pour montrer sa désapprobation, personne pour les surveiller comme deux gosses, ni une quelconque Rita Skeeters pour lui mener la vie dure.
Non il n'y avait là qu'un chemin de terre, une maigre office de tourisme, des maisons de vacances ainsi qu'un doux soleil tapant sur leur tête.
La vie et ses joies dans son habit le plus simple.
« Trop cher, balança Snape en bazardant le papier dans les mains de la jeune femme.
_ C'est réduit de moitié jusqu'au mois de mars.
_ Uniquement pour les couples, souleva-t-il en lui montrant ce qui y été inscrit pourtant noir sur blanc.
_ Oh on peut faire semblant, si ça peut nous permettre de se gaver de risotto aux truffes.
_ Vous êtes dingue ?
_ Le monsieur à l'office de tourisme a été dithyrambique concernant cet établissement. On ne pourra jamais s'y rendre sans une réduction digne de ce nom, c'est une occasion en or.
_ Mes collègues me qualifient de radin invétéré Miss Granger, souleva Snape. S'ils apprennent qu'on a fait un truc pareil pour simplement avoir une note moins salée à l'arrivée, je risque de me faire railler durant tout le reste de mon existence.
_ Ce n'est pas « juste » pour ça… J'avais envie d'aller à cet endroit avec vous. »
Snape se contenta de grogner en guise de réponse, mais Hermione ne s'en formalisa pas et prit cela pour un petit oui.
Pour continuer cette conversation, elle se posta à ses côtés sur ce banc en plein milieu d'un chemin de promenade, entre mer et ville.
C'était vraiment charmant.
La température était confortable, idéale, la petite brise fraîche caressait leur peau et peu de monde arpentaient les rues en cette saison. Les fleurs commençaient déjà à faire leur bourgeons, il y avait quelques badauds circulant à bicyclette avec le contenu de leur marché dans leur panier faits de nourritures et de bouquets. Hermione se sentait chanceuse. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas accordé de répit ?
Durant toutes ces années, elle n'avait été obsédée que par le nom de Voldemort, Harry, Ron, la guerre, se battre pour ses principes. Quel soulagement de vivre un instant un peu loin de tout ça, y compris même de la magie.
« Vous comptiez… parler de ces vacances avec les autres ? demanda-t-elle avec sincérité, plongée dans ses pensées.
_ Bien sûr que non ! Pour leur dire quoi d'ailleurs ? Que nous avons passé deux semaines en Italie tout les deux, à nous gaver de cornetto, de tiramisu et de cappuccino, sans compter toutes les grasses matinées passées à ronfler.
_ Et la fois où vous m'avez ramené une dizaine de cannolis sicilien au chocolat et aux pistaches, lâcha Hermione avec un sourire sincère.
_ Vous voulez vraiment que je signe mon arrêt de mort. »
Hermione pouffa avant de replier ses jambes sous elle et d'observer les passants. Ils restèrent ainsi dans un silence confortable un petit moment.
« C'est… assez plaisant que personne ne nous reconnaisse ici vous ne trouvez pas ? demanda la jeune femme.
_ Je ne peux que vous le confirmer… Depuis la fin de Voldemort, il m'est même devenu impossible de me rendre au le chemin de traverse sans me faire dévisager, avoua-t-il.
_ Alors imaginez si on s'y rendait ensemble ! Sans compter sur Poudlard où les murs ont des oreilles.
_ Je me dois de vous donner mon désaccord sur ce point Hermione, puisque Poudlard est le seul endroit où je me sens dans mon élément, et même le seul endroit qui m'accepte.
_ Peut être, mais nous n'y sommes pas plus libres qu'ailleurs.
_ Pour vous, éventuellement, mais je suis un professeur et je doute que quiconque puisse m'y dicter ma conduite. »
Hermione se tourna vers lui avec un rire un peu jaune en secouant la tête avant de lentement couler sur lui, se saisissant de son bras pour le mettre autour de ses épaules.
Snape se tendit et fronça les sourcils avant qu'elle n'aborde une moue que bien trop malicieuse. Elle l'empêcha un instant de se reculer, sa main dans la sienne et leurs doigts qu'elle entremêla.
« Ah oui ? Même si vous faites quelque chose comme ça ? »
Snape l'observa d'un air désapprobateur alors qu'elle semblait bien trop fière d'avoir trouvé une faille à son argument.
« Attendez de voir la tête que tirerait la directrice, lui lâcha-t-elle en ricanant.
_ Ce n'est justement pas quelque chose que j'aspire à faire.
_ C'était juste pour vous prouver que vous aviez tord.
_ Il me serait interdit de courir tout nu dans les jardins, ce n'est pas pour ça que mon propos doit être décrédibilisé. »
Hermione rit plus franchement cette fois, et lorsqu'elle lâcha sa main, il ne retira pas son bras d'elle. Alors elle décida de ne rien dire, avec une sorte de sourire discret se dessinant sur ses traits.
Snape remarqua à cet instant que personne ne prêtait attention à eux et son regard se plissa. Il sentit les mèches de la jeune femme sur son bras, le dessus de son épaule dénudée frôlant ses phalanges.
La voir ainsi défaite de ses vêtements habituels qu'elle portait à Poudlard rendait la chose encore plus éloigné pour lui.
« Vous vouliez vous y rendre ce soir ? suggéra soudain Snape en une voix assez basse avant de serrer un peu son bras. »
Hermione cligna des yeux en tournant son visage et ce ne fut qu'à cet instant qu'elle réalisa sa proximité.
« Où ça ? murmura-t-elle.
_ Là bas, lui répondit-il en désignant du regard le petit prospectus qu'elle avait posé au dessus de son livre.
_ Vous le feriez vraiment ?
_ Pourquoi pas ? C'est un restaurant. Il suffit de se tenir la main et de s'appeler par des surnoms ridicules et le tour est joué.
_ D'accord, lâcha Hermione. Chéri, rajouta-t-elle d'un ton moqueur.
_ Classique, grimaça-t-il. »
Hermione rit de nouveau et ils ne purent attendre très longtemps avant de s'y rendre compte tenu de l'heure avancée de la journée.
Sans prétention, les lieux n'étaient pas guindés ce qui les rassura grandement. Le restaurant ressemblait à une petite cabane de bambous perdue au milieu du bord de mer dont la terrasse était éloignée et calme.
Lorsqu'ils arrivèrent à une table, ils ne songèrent pas à ce qui était convenu, en dehors des surnoms bien évidemment et ce, uniquement car Hermione trouvait l'exercice particulièrement amusant. Snape n'étant pas en reste, ce n'est que lorsqu'il l'alpaga d'un « ma caille en sucre » retentissant qu'Hermione crut s'étouffer dans son cocktail.
Ils passèrent le repas dans une humeur joyeuse et légère, tentant de ne pas songer au fait qu'ils seraient contraint de repartir d'ici quelques jours. Pour cela, Hermione se mit à donner des notes sur chacun des plats qui leur était servi et le sorcier à côté d'elle en fit tout autant avec une mauvaise foi flagrante. Bien évidemment, elle picora dans celle du maître des potions qui la laissa faire. Pourquoi ?
Il y songeait sérieusement, et la seule réponse qui lui venait était que son sourire et ses commentaires ne valaient pas la peine qu'il les arrête.
Snape s'éclipsa juste avant que les desserts ne soient servis, échappant à la vigilance de la jeune femme qui songea qu'il devait être parti aux toilettes.
Seulement, le sorcier se dirigea vers l'accueil à la place, appelant l'homme qui s'occupait de leur table.
« Je vais vous régler tout de suite, lâcha-t-il sans possibilité de refus. Si je ne le fais pas, cette sotte se ruinera pour nous deux.
_ Tenez, s'en amusa le serveur en lui tendant le ticket. »
Snape parvînt à cacher un léger rictus amusé lorsqu'il vit la déduction faite sur la note.
« Vous savez, certaines personnes vont jusqu'à vouloir faire semblant d'être ensemble pour payer moins cher, pouffa le garçon avec un accent italien quasi imperceptible d'ailleurs.
_ Oh vraiment ? Quelle idée abominable, lâcha Snape d'un ton théâtral.
_ Vous n'imaginez pas ce que les gens sont prêts pour économiser quelques sous.
_ Je veux bien vous croire, et vous avez du vous faire avoir plus d'une fois.
_ Pas une. En réalité, j'ai une botte secrète.
_ Une botte secrète ?
_ Je sais reconnaître d'un coup d'œil quand on me joue la comédie. »
Intérieurement, Snape pouffa mais une fois encore, il n'en montra rien.
« Oh vraiment, lança Snape d'un désinvolte en piochant dans son porte feuille le montant qu'il fallait pour régler la note.
_ Bien sûr. Remarquez qu'un homme qui aime vraiment sa femme, il a cette sorte… d'étincelle dans le regard et n'importe quel mensonge ne peut imiter ça. »
Snape souffla un peu par le nez avant de secouer la tête. Il lui tendit deux billets et le serveur lui rendit la monnaie.
« C'est comme ça que j'ai vu que vous ne me mentiez pas par exemple.
_ Pardon ? bafouilla Snape, confus après s'être saisi des pièces que lui rendait l'homme.
_ Je dois admettre avoir eu un doute quand je vous ai entendu discuter. Les surnoms étaient un peu too much, mais… »
Snape leva un sourcil circonspect, silencieux.
« Ensuite, il y a eu cette façon de l'observer quand elle a commandé son plat et j'ai su.
_ Je ne l'ai pas regardé, nia Snape en un marmonnement.
_ Vous le faites des qu'elle a le dos tourné et sans même vous en rendre compte. Cela montre bien que vous êtes attentif à elle. »
Le sorcier leva les yeux au ciel avant de soupirer.
« Et puis, il y a elle aussi. C'est plus subtil, mais son sourire en dit plus que n'importe quelle parole. Sans compter sur le fait qu'elle ait mangé dans votre assiette.
_ Vous divaguez mon cher.
_ Et elle trouve toujours un prétexte pour vous toucher, d'une façon ou d'une autre. »
Snape ouvrit la bouche pour répliquer mais fut interrompu par l'intervention d'Hermione qui venait d'arriver à sa hauteur avec un regard réprobateur.
« Je voulais payer, lâcha-t-elle soudain en posant ses mains sur ses hanches d'un air autoritaire.
_ C'est pour ça que je me suis pointé ici en douce ma petite femme. »
Hermione leva les bras avant de grogner. Puis elle lui prit le sien et Snape sursauta avant qu'elle ne l'amène de nouveau vers leur table, tout au bout de la terrasse.
« Vous êtes d'une fourberie, soupira-t-elle.
_ N'est pas Serpentard qui le veut, mon inséparable petit Koala des plages. Et puis, vous devriez être soulagée. Si je vous avais demandé de vous épouser en me mettant à genoux au milieu du resto, on aurait peut-être pu avoir le repas gratis.
_ Vous m'inquiétez vraiment par moment.
_ En tout cas, sachez que ça a fonctionné, balança Snape en retournant à sa place.
_ Ah oui ? »
Le sourire qu'Hermione lui adressa était d'une sincérité affligeante.
Les paroles du serveur se mit à tourner dans l'esprit de Snape, et il du se secouer la tête pour les y chasser.
C'était ridicule, et ce garçon était juste un pigeon. Un sacré pigeon même.
Hermione retourna à la contemplation de son dessert et Snape lui jeta un bref coup d'œil. Depuis leur cohabitation « forcée », elle avait pris un peu de poids, lui aussi, mais elle était toujours aussi charmante. Cela lui allait même divinement bien. Son sourire était léger, mais sincère, à partir de l'instant où sa fossette ressortait sur sa joue droite.
« Cela me manquera quand nous rentrerons, dit-elle soudain en boudant un peu.
_ Il est sûr que les lasagnes des elfes n'ont rien à voir avec ce qui est proposé ici.
_ Vous n'aurez qu'à en faire, suggéra-t-elle.
_ Pour toute une école ? Non merci.
_ Alors juste pour moi, lui glissa-t-elle en plaisantant. »
Snape souffla par le nez avant de secouer la tête.
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« L'heure est grave, balança Hermione en se plantant derrière Snape qui était assis dans le sofa. »
L'homme laissa lentement sa tête retomber en arrière pour fixer ses yeux sur la sorcière dont il voyait la silhouette à l'envers, sans un mot.
« Je n'ai pas touché à ma baguette depuis qu'on est arrivé, continua-t-elle.
_ Et alors ?
_ Alors, j'ai forcément pris du retard sur les cours ! De quoi est-ce que je vais avoir l'air devant Flitwick ? Et vous avez vu ma dégaine, je ne ressemble à rien, tous mes jeans sont trop petits. »
Snape pouffa un peu avant de redresser son visage pour reprendre sa lecture.
« Ça c'est à cause de votre cuisine, accusa-t-elle.
_ Vous avez un sacré sens du drame vous savez.
_ J'ai donc pris la décision d'aller changer ma garde robe.
_ Si vous voulez me demander de venir, c'est non, trancha-t-il en ne détachant pas son regard de son roman.
_ Le contraire m'aurait surprise. Vous voulez quelque chose ?
_Si vous réussissez à récupérer un retourneur de temps quelque part, on pourrait peut-être le bidouiller pour retourner en arrière d'une petite quinzaine de jours. »
Hermione lui envoya un léger sourire teinté d'un peu de mélancolie sans qu'il ne s'en rende compte. Elle ne le prévint pas et se pencha vite pour poser sa bouche sur sa joue. Snape sursauta et n'eut pas le temps de protester avant qu'elle ne s'en aille à la vitesse de l'éclair. Il la soupçonna de l'avoir fait exprès. Il était même certain étant donné la façon dont elle s'était enfuit.
Maudite Gryffondor, au courage à demi mesure. Il allait la tuer pour avoir osé faire une chose pareille. Personne n'embrassait Severus Snape, pas même sa propre mère !
Ce geste l'obséda un long moment, alors que les mots du serveur d'hier tournaient dans sa tête. Mais c'était faux, n'est-ce pas ? Il n'éprouvait rien pour elle. Dans le pire des cas, Hermione Granger et lui étaient devenus peut-être amis. L'étaient-ils ?
Il se promis de lui poser la question, mais se figea lorsqu'elle revint environ deux heures plus tard, avec ce sourire plaqué sur son visage. La robe bleu ciel qu'elle portait et dont le drapé retombait mollement autour d'elle, lui donnait l'allure d'un ange. Elle avait attaché négligemment ses cheveux, mais sa peau brillait et les couleurs sur ses joues lui donnait l'effet d'avoir passé les meilleures vacances de son existence, le tout faisant ressortir ses yeux et les légères taches de rousseurs qu'elle avait sur son nez.
Ainsi, Snape ouvrit la bouche, et la referma comme une carpe.
« Quoi ? demanda-t-elle soudain. »
Mais Snape ne répondit par rien d'autre qu'un drôle de silence. Lorsqu'elle retomba à ses côtés, il remarqua qu'elle sentait une odeur fruitée particulièrement agréable.
« Miss Granger, commença Snape, comme pour y mettre un peu de distance. Je voulais vous parler du geste que vous avez eu tout à l'heure.
_ Je suis désolée, se précipita-t-elle à dire. »
Le sorcier leva un sourcil, peu sur de lui. Alors, Hermione ouvrit la bouche pour poursuivre, quelque peu gênée.
« Ce que vous avez dit à propos du retourneur de temps… Jamais personne ne m'a dit ce genre de choses. Je n'ai pas vraiment réfléchis, avoua-t-elle. J'ai juste apprécié ces vacances, et je voulais vous remercier de m'avoir proposé de vous accompagner. Cela m'a permis d'oublier mes problèmes. Comprenez que depuis plusieurs années, je passe les vacances essentiellement au Terrier et qu'il m'est devenu ainsi difficile de couper avec l'école. Sans compter sur le fait qu'en fin de compte, je ne partage pas autant de choses avec Harry et Ron.
_ Avez-vous conscience que lorsqu'ils l'apprendrons…
_ Je me fiche de ce qu'ils me diront. Et je ne compte pas leur dire, quoiqu'il en soit.
_ Certes. Mais je redeviendrais votre professeur à Poudlard pour les quelques mois restants. Saurez-vous faire la part des choses ?
_ Bien sûr, lâcha Hermione avec une évidence folle. Ecoutez, j'ai moi aussi, réfléchis à tout ce qu'il s'est passé. A notre cohabitation, et au reste… C'est une situation singulière, et vous devez peut être parfois être fatigué de partager votre quotidien de cette façon. Quant à moi… »
Snape serra la mâchoire en prenant une profonde inspiration. Cette fois, ils y étaient, et il s'insultait déjà de parfait idiot pour avoir songé qu'elle envisageait de continuer à partager ses appartements avec lui.
C'était bien trop prévisible. Elle ne pouvait plus le supporter, il en était certain.
« Crachez le morceau Granger, balança-t-il, amer.
_ Est-ce que vous voudrez… continuer à entretenir cela lorsque je partirais de l'école ? finit-elle par lâcher après une respiration trop contenue qui la laissa essoufflée.
_ Entretenir… quoi ? »
Hermione soupira alors et détendit son dos contre le canapé, mal à l'aise.
« Notre amitié, finit-elle par répondre. »
Snape sentit son coeur battre un peu plus vite. Leur amitié ? C'était idiot, il n'avait jamais… vraiment eu d'ami. Il ignorait même savoir ce que c'était.
Depuis toujours, Severus Snape était seul. Bien sûr, il s'était lié avec Lily, mais le temps les avait éloigné l'un de l'autre, sans compter sur cette guerre dans laquelle il s'était lancé contre James et les autres. Quant à qualifier d'autres comme Lucius Malfoy d'ami, cela demeurerait bien trop loin de la réalité.
Un homme tel que Malfoy ne voyait ses relations sociales que comme des tremplins.
« Notre amitié, répéta-t-il comme un automate, le regard dans le vide.
_ Oh Merlin je suis désolée, marmonna-t-elle derrière ses mains qui lui recouvraient son visage. Je sais que cette histoire de colocation est temporaire, que vous êtes encore mon professeur de potions, et que nous ne faisons que… vivre ensemble, mais…
_ N'en dites pas plus, la coupa-t-il. »
Hermione soupira en ôtant ses mains de son visage. Elle s'apprêta à partir rapidement, mais Snape la retint de justesse par le bras.
Il se mordit l'intérieur de la joue, avant de la faire se pencher vers lui et de lui accorder un léger baiser sur la joue, posant sa main sur l'autre pour l'y contraindre.
Hermione laissa échapper un maigre rictus un peu timide.
« Ça veut dire oui ? souffla-t-elle tout prés de lui.
_ Arrêtez de me poser des questions idiotes. »
Hermione rougit avant de sentir son coeur se réchauffer en même temps que le souffle du potionniste sur sa joue.
« Vous serez gré néanmoins de retirer cette chose ou d'enfiler un tablier, que je vous apprenne à faire cette fichue bolognaise avant qu'on s'en aille. Vous m'avez assez harcelé comme ça pour que j'y réchappe. »
