Chapitre 25 : Discussions

Quand Albus tapa à la porte de mon bureau le mardi suivant à l'heure de notre cours d'Occlumencie et Legilimencie, il était plutôt mal à l'aise et je ne fis rien pour l'aider. Bien au contraire, je le considérais un moment les bras croisés sans rien dire avant de lâcher d'une voix que je m'efforçai de rendre froide :

« Est-ce que tu considères vraiment que tu as mérité un cours particulier ? »

« Oui et non. » répondit-il après un moment de silence

« Développe ! » ordonnai-je

« Non, parce que j'ai utilisé ma magie pour contourner le règlement de l'école. » murmura-t-il

« Pas juste pour contourner le règlement, mais pour aider tes camarades à pénétrer dans l'un des endroits les plus interdits de l'école et à y dérober quelque chose ! » soulignai-je avant d'ajouter « Et qu'as-tu à dire pour ta défense ? »

« Que je vous ai prévenu à temps. » dit-il d'une petite voix

« A temps, tu es sûr ? » demandai-je sur un ton dubitatif

« Un peu tard. » admit-il sans que j'ai besoin d'insister, j'en conclus qu'il s'était déjà fait la même réflexion « Heureusement, que nous sommes tombés sur une sorcière et deux sorciers qui n'étaient pas très forts. »

Pour le coup, je ne cachais plus mon intérêt pour ce qu'il était en train de raconter :

« Qu'est-ce qui te permet de dire cela ? »

« Une sorcière et deux sorciers ? Il me semble avoir lu que la transformation de l'apparence avec le Polynectar est d'autant plus aisée qu'elle est la moins importante possible. Et donc qu'une sorcière a toujours intérêt à prendre l'apparence d'une autre sorcière, et un sorcier d'un autre sorcier. Je me trompe ? »

« Non, non, tu as raison. » répondis-je en me gardant bien de montrer à quel point j'étais fier de ses connaissances « Mais, ce que je me demande c'est ce qui te permet d'affirmer qu'ils « n'étaient pas très forts ». »

Il haussa les épaules avant d'expliquer :

« Les serpents de feu, c'est surtout du bluff. Il y a plein de solutions magiques pour pouvoir les traverser sans dommage. Eh bien, ils n'ont jamais été capables d'y arriver, alors que nous les avons affrontés pendant un certain temps avant votre arrivée. Heureusement, en fait… »

« Heureusement, comme tu dis ! » grondai-je pour masquer ma peur rétrospective sous ma mauvaise humeur.

En même temps, je réfléchissais à son argument. Il n'avait pas tort. Nous n'étions probablement pas en face de grands sorciers et donc pas de sorciers susceptibles d'être allés voler des pages dans un ouvrage de la Réserve sans que personne s'en aperçoive.

Toujours planté devant moi, Albus attendait toujours mon verdict. Je n'avais pas envie de lui refuser son cours d'Occlumencie et de Legilimencie, ce qui m'aurait frustré autant que lui, mais, en vrai serpentard, je négociai un peu et j'en profitai pour satisfaire ma curiosité :

« Si tu veux mériter ton cours, je voudrais que tu m'expliques comment vous avez réussi à convaincre le portrait de Phineas Nigellus Black de vous révéler tout ce qu'il savait à propos de la malédiction des Black. Je gage qu'il n'était pas spontanément décidé à en parler. »

Albus se sentit obligé d'avoir l'air quelque peu gêné au moment de passer aux aveux :

« J'ai demanddé à Salazar Serpentard de faire venir le Professeur Black dans son portrait pour nous rencontrer. Une fois-là, j'étais sûr qu'il nous dirait ce qu'il sait, car il aurait … peur. »

« Peur de Salazar Serpentard ? » interrogeai-je surpris

« Peut-être aussi, mais il a surtout peur d'Ophis, le serpent de Salazar Serpentard. C'est bizarre d'ailleurs qu'il en ait peur, vu que ce ne sont que des portraits. Je veux dire, ils sont tous morts de toutes façons. »

Le petit serpent ! Je comprenais mieux la menace à peine voilée qu'il avait proférée Square Grimmaurd pour que notre ancien Directeur répète son histoire.

En descendant vers le cachot où allait se dérouler notre cours, je soupirais intérieurement. Même si j'appréciais de mieux comprendre la situation, j'aurais préféré voir se dessiner l'ébauche d'une solution. L'exercice que j'avais proposé à l'avance à Albus m'apporta une distraction bienvenue. Il devait me montrer un faux souvenir pour me masquer les vrais quand je le soumettrai à la Legilimencie, le but étant de faire une Occlumencie plus discrète que le mur de feu dont il se servait habituellement pour fermer la porte de son esprit. Les faux souvenirs étaient plus discrets mais aussi beaucoup plus difficiles, car il fallait feindre un esprit ouvert tout en contrôlant totalement les images visualisées par le Legilimens. Pour être sûr qu'il s'agisse d'un faux souvenir, je lui avais imposé un thème qui lui était totalement étranger, je devais visualiser le souvenir de son premier match de quidditch en tant qu'attrapeur.

Nous étions en pleine séance. Je regardais avec intérêt le faux souvenir d'Albus, pas assez construit tant l'univers du quidditch lui était parfaitement étranger, mais qui lui permettait assez bien de m'empêcher d'apercevoir autre chose dans ses souvenirs à part quelques flashs vite contrés, quand je vis débarquer le patronus de loup de Lupin. Je suspendis ma Legilimencie. Avec la voix de Lupin, le loup nous expliqua qu'Harry qui ne s'était pas encore manifesté depuis dimanche, voulait voir Albus discrètement.

Pour la discrétion, ce cachot était parfait. J'envoyais donc mon patronus de biche à Lupin pour les guider jusqu'à nous. Il me passa bien par la tête qu'Harry n'avait pas dû garder un très bon souvenir de ce cachot et de nos séances d'Occlumencie, mais je me disais qu'il devait y avoir quand même prescription. Je n'en fus plus aussi sûr en voyant sa tête quand il entra. Sur le coup de l'émotion, des images pénibles passèrent dans son esprit mal fermé. Albus se retourna vers moi avec un froncement de sourcils. D'une moue, j'admis que je n'étais pas très fier de ce qu'il avait pu apercevoir. Notre échange non verbal avait heureusement échappé à Lupin comme à Harry.

« Dimanche soir, mes collègues du Ministère ont récupéré dans l'Allée des Embrumes un individu qui semblait très perturbé, nous avons des raisons de croire qu'il fait partie de vos trois agresseurs. » annonça Harry en s'adressant à Albus « Mes collègues aimeraient bien pouvoir l'interroger, mais ça fait deux jours qu'il n'a pas arrêter de pleurer ! D'après le Professeur Lupin, c'est toi qui pourrait lui avoir fait ça. Est-ce que tu peux m'expliquer ? »

« Eh bien, il y en a un à qui j'ai envoyé un serpent de fumée. » admit Albus « Ça sert à terrifier un adversaire pour le mettre hors combat un certain temps. »

« Un certain temps, ça tu peux le dire ! Ça fait plus de deux jours qu'il semble avoir presque perdu la raison. » souligna son père

« C'est parce qu'il doit être sensible. C'est supposé passer plus vite que ça. » expliqua Albus avec indifférence

« Son état ne semble pas te préoccuper beaucoup. » nota son père d'un ton sévère

« S'agissant d'un mec qui a essayé de nous envoyer des Doloris et des Avada Square Grimmaurd, alors oui, je m'en fiche complètement qu'il pleure depuis deux jours à cause d'un sort que je lui ai lancé ! » rétorqua Albus

Il avait balancé ça froidement, réutilisant sans vergogne l'argument testé avec succès par sa cousine, Rose Granger-Weasley. De fait, cela marchait toujours aussi bien. Harry se décomposa à l'énoncé des sortilèges impardonnables auxquels son fils, ses nièces et leurs amis venaient d'échapper. Voyant qu'il perdait ses moyens au point d'en oublier les questions qu'il était sans doute venu poser, je décidai d'intervenir :

« Et combien de temps, adversaire peut-il se retrouver « hors combat » comme tu dis. »

« D'après Salazar Serpentard, généralement de un à deux jours, parfois trois. Il devrait donc aller rapidement mieux. » répondit tranquillement le gamin

« Sais-tu s'il existe un contresort au cas où il faudrait sortir quelqu'un de cet état sans attendre ? » demandai-je avant d'ajouter en voyant qu'Albus faisait non de la tête « Tu devrais demander à Salazar Serpentard. »

Le gamin acquiesça. Voyant qu'Harry était toujours aussi muet, je m'adressai directement à lui :

« Avez-vous besoin de demander autre chose à votre fils ? Sinon il serait temps qu'Albus aille dîner. »

Harry ayant répondu par la négative, le gamin s'éclipsa après avoir embrassé son père. Voyant qu'Harry ne faisait pas mine de vouloir s'en aller immédiatement, je proposai un thé qu'il accepta ainsi que Lupin. Une fois remonté dans mon bureau, le thé fut remplacé à l'unanimité par du Whisky Pur Feu étant donné les émotions des derniers jours.

« Vous ne semblez pas beaucoup vous inquiéter qu'Albus pratique cette étrange magie en Fourchelang. » remarqua Harry en nous regardant alternativement Lupin et moi « Etes-vous certain que ce soit sans danger ? »

J'allais demander « Sans danger pour qui ? Lui ou ses adversaires ? », quand Lupin se lança dans un vibrant plaidoyer en faveur de la magie en Fourchelang qui avait permis aux six imprudents d'éviter une confrontation directe avec leurs adversaires Square Grimmaurd. Mon respect pour les capacités de manipulation de Miss Granger-Weasley, dont je retrouvais tous les arguments dans la bouche du loup-garou, monta en flèche. Si un jour je la retrouvais installée avec les 3F dans le dortoir des filles de deuxième année de Serpentard, je n'en serais pas surpris. Je me contentais donc d'approuver ce qu'avait dit Lupin.

Harry nous considéra un moment avant de lâcher d'un ton circonspect :

« Je ne sais pas si ça m'inquiète ou si ça me rassure que vous soyez d'accord tous les deux. »

Puis, en me regardant plus spécifiquement, il ajouta :

« Vous pourriez peut-être demander au portrait de Salazar Serpentard pourquoi il se préoccupe autant d'apprendre à Albus la magie en Fourchelang. »

« Je pourrais en effet, » admis-je « mais je doute qu'il me considère comme digne de sa réponse. »

« Pourquoi cela ? N'êtes-vous pas son successeur comme directeur de le Maison Serpentard ? » s'étonna-t-il

« Si. Ainsi que son lointain descendant, comme la quasi-totalité des sorciers issus des vieilles familles. Mais un successeur et un descendant bien imparfait, puisque je ne suis pas Fourchelang. A ce niveau-là, vous auriez plus de chance que moi, si vous n'aviez pas le défaut majeur d'être un gryffondor. » répliquai-je

« Alors qu'Albus réunit toutes les qualités ! » ironisa Harry avant de poursuivre sur le même ton « Je me demande depuis quand un élève de Poudlard n'avait pas réuni suffisamment de qualités aux yeux du fondateur de votre Maison, pour qu'il décide de lui enseigner quelque chose ! »

Les propos étaient ironiques et l'allusion indirecte, mais ils traduisaient une préoccupation que je ne voulais pas laisser s'installer chez Harry à propos du Fourchelang. Je choisis donc pour ma part d'être parfaitement direct :

« Au-delà du fait qu'il est serpentard et Fourchelang, Albus possède une capacité tout à fait remarquable qui doit encourager Salazar Serpentard à poursuivre ses cours, il est capable d'utiliser des sorts qu'il n'a jamais vu personne lancer et nous savons tous combien c'est difficile. Quant à Voldemort, puisque j'imagine que c'est à lui que vous pensez, il ne pratiquait pas la magie en Fourchelang qu'il ne connaissait sans doute pas. Je peux en témoigner, car je l'ai côtoyé bien assez longtemps pour être certain de la chose. »

Harry était clairement surpris :

« Pourquoi ? Lui aussi avait toutes les qualités aux yeux de Salazar Serpentard, il me semble. »

Je m'appuyais sur les éléments que m'avaient rapporté Albus d'une de ses conversations avec Salazar Serpentard pour lui répondre :

« Le jeune Tom Jedusor les avait en effet probablement. Même si ça m'étonnerait que le portrait de notre fondateur l'admette aujourd'hui. Mais apparemment, Voldemort a très tôt considéré qu'en matière de magie, il n'avait rien à apprendre de qui que ce soit et surtout pas d'un portrait. Son manque de modestie l'a heureusement privé de certaines ressources magiques. »