Chapitre 24
Le lendemain, les préparations pour retourner à New Marineford se firent rapidement. Les festivités étaient enfin terminées mais, loin d'en être soulagée, Navy avait l'esprit plus lourd avec ces nouvelles révélations tandis que ces anciennes interrogations restaient toujours en suspens. Fallait-il qu'elle en parle à quelqu'un ? Il s'agissait tout de même d'un être vivant enchaîné à une machine et dont le seul but consistait à stocker et transmettre des informations.
Alors qu'elle y songeait, la brune vit passer son supérieur avant que ce dernier n'entre dans la pièce qui lui servait de chambre le temps du séjour. Après un temps d'hésitation, elle se décida à le suivre et frappa quelques coups à la porte. Une voix l'autorisa à entrer, ce qu'elle fit, encore peu sûre de ce qu'elle dirait.
A première vue, Akainu ne semblait en aucun cas différent, toujours avec le même air froid et toujours légèrement colérique. Cependant, Navy n'avait pas rêvé la veille et il était peu probable qu'un être humain puisse reprendre contenance aussi aisément.
En la voyant, Akainu émit un grognement et fronça un peu plus les sourcils.
« Que fous-tu là ?
- … Je m'inquiète. »
Une grimace mauvaise apparut alors sur les traits de l'amiral en chef.
« Il n'y a rien et même s'il y avait quoi que ce soit, tu serais bien la dernière personne avec qui j'en parlerais.
- Certainement… mais je suis également la seule avec qui vous pouvez en parler… ce qui fait de moi la première personne avec qui vous en parleriez. »
Cette réponse prit de court le brun qui ne sut quoi répondre. L'absence de coups et d'insultes rassura Navy qui ferma la porte avant de s'asseoir sur une chaise, à bonne distance de l'homme au magma : elle s'inquiétait mais pas au point d'en devenir suicidaire. De temps à autre, la sensation de brûlure revenait mais elle avait fini par s'y habituer, si bien qu'elle put garder contenance.
Sachant tous les deux que Navy avait l'avantage dans ce type de situation, Sakazuki se contenta d'une réponse brève.
« Ce n'est pas elle. Ce n'est plus… qu'une coquille vide.
- Le pensez-vous réellement ?
- Ce que je pense n'a pas d'importance. »
Navy n'aurait rien de plus de ce côté-ci. Elle pouvait néanmoins confirmer une autre information.
« J'ai lu que le projet visait à créer une base de données impénétrable… mais le principe de l'être humain est justement d'être faillible. Alors, pourquoi…
- Un être humain ne peut pas être piraté à distance… et un être humain sans émotion ne peut pas être convaincu.
- Hm… Et cet être humain en particulier a le pouvoir idéal pour stocker objectivement toutes les informations nécessaires sans rien oublier ni déformer.
Akainu n'ajouta rien dessus mais ne contredit pas son affirmation pour autant.
Ceci expliquait donc la non réapparition du fruit de démon de l'information : Monkey D Army l'avait toujours.
Ayant pu vérifier rapidement l'état de son supérieur, Navy n'insista pas et prit congés. Il restait peu de temps avant leur départ et elle était décidée à trouver les réponses qu'elle était initialement venue chercher. Pour cela, elle tenta une nouvelle fois de s'introduire dans le bâtiment où se trouvait le corps d'Army mais elle n'eut même pas le temps de s'en approcher qu'un homme l'interpela.
« Contre-amirale Navy ? »
La susnommée se tourna vers son interlocuteur et fit un bref hochement de tête.
« C'est pour ?
- On vous a donné l'autorisation d'accéder à la salle des archives. Je vous prierai de bien vouloir nous suivre.
- Qui ça ''on'' ? »
Sans répondre, l'homme en costume noir se dirigea vers le bâtiment qui intéressait Navy. Prudente, elle décida tout de même de le suivre : ce n'était pas tous les jours que l'on avait un passe-droit.
Elle traversa les mêmes couloirs que la veille, passa les mêmes portes et se retrouva dans la même salle avec le même corps relié à la même machine sans personne pour questionner la raison de sa présence.
« Pourquoi… »
Commença à demander Navy mais alors qu'elle se tournait, le mystérieux homme avait déjà disparu de la salle, la laissant seule avec ce qui restait de Monkey D Army. Elle observa donc une nouvelle fois la pièce et décida de s'approcher d'un écran avec un clavier. Mieux valait rester prudent et faire quelques essais avant de faire ses réelles recherches. La brune tenta donc une première recherche avec un simple nom : Dragon. Si tout ce qu'elle pensait de lui avait été faux depuis le départ, autant qu'elle en apprenne plus à présent. Cependant, une fenêtre s'ouvrit, lui demandant un mot de passe, mot de passe qu'elle ne possédait pas. Elle tenta une nouvelle recherche, une nouvelle fois infructueuse et souffla de dépit.
Quel était l'intérêt de la laisser seule avec tout ce savoir accumulé sans possibilité d'y accéder ?
Plus elle réfléchissait à la situation dans laquelle elle était et moins elle n'en comprenait le sens. Alors qu'elle se résolvait à partir les mains vides, un mouvement presqu'imperceptible attira son regard en direction de l'autre être humain de la pièce.
Ne voyant aucune différence, elle crut avoir rêvée mais se décida à tout de même s'approcher. Arrivée devant, Navy, dans un mouvement incontrôlable, toucha le bras d'Army. Alors, un flot d'images se déversa dans sa tête ce qui la poussa à retirer sa main pour revenir à la réalité. Confuse, elle observa le corps face à elle qui n'avait toujours pas bougé. Sa curiosité était piquée à vif. Dans un geste lent, Navy toucha de nouveau son bras du bout des doigts et une seule image apparue cette fois : une jeune femme lui ressemblant presque trait pour trait au niveau du visage souriait tandis qu'un simple « Bonjour. » sortit de sa bouche.
L'image partit aussitôt et Navy, sans bouger, répondit :
« Bonjour… »
Ce qu'elle venait de voir ressemblait à un souvenir : un souvenir de Monkey D Army. L'instant d'après, un autre souvenir apparut. Navy vit cette même jeune femme broder sur une nappe, assise contre un homme avec une carrure bien plus imposante. Elle ne doutait pas de l'identité de cet homme malgré les années en moins : Sakazuki. Le visage était le même bien que plus jeune et surtout, beaucoup moins marqué par la colère qui l'animait quotidiennement.
« Na ?
-Le début du prénom. Je n'ai pas encore la suite. »
Sakazuki haussa un sourcil.
« C'est comme ça que tu comptes choisir un prénom ?
- Bien sûr. Ça commencera par Na. J'en suis sûre.
- Je vois... Un garçon ? »
Army l'observa un instant puis sourit.
« Ce n'est pas parce que j'utilise du bleu que ça va être un garçon. Ça sera une fille. Je suis sûre de moi. »
Sakazuki rit légèrement et l'embrassa sur la tempe.
« Je n'en doute pas un instant. »
Une autre image arriva juste après. La brune vit, cette fois, une barrière de Haki s'ériger alors qu'une violente explosion arrivait, emportant tout sur son passage. Navy n'avait jamais eu l'occasion de voir une barrière aussi puissante durer aussi longtemps. En effet, cette dernière était restée active jusqu'à ce que les flammes s'éteignirent complètement et que l'air y soit de nouveau respirable, laissant au milieu des cendres un bébé et Army grièvement blessée mais bien vivante.
Ces images n'avaient certainement pas été choisies au hasard. Navy sut alors : Army l'avait reconnue. Elle était incapable de se mouvoir ou de s'exprimer par elle-même mais elle était bien là et bien consciente… ce qui rendait la situation encore plus inhumaine. Alors que la contre-amirale digérait à peine ces nouvelles informations, d'autres images arrivèrent pour répondre à ses précédentes interrogations. Elle vit passer différentes images, le laboratoire dans lequel différentes expérimentations avaient été faites, puis différents rapports se succédèrent. Dragon avait dit vrai sur toute la ligne : Navy était censée devenir le soldat parfait.
La jeune femme revint à la réalité pour regarder la femme en face d'elle. Le système en lui-même était en effet très élaboré mais une telle avancée méritait-elle réellement de sacrifier la vie entière d'un être humain ?
Une autre question tracassa la soldate : si la transmission d'informations de la part d'Army pouvait se faire par simple contact, pourquoi Akainu n'avait-il rien dit ? Il lui semblait impossible que la femme face à elle n'ait pas essayé de communiquer avec l'homme qui avait partagé un moment sa vie. Cependant, Navy se souvint de la vision de la justice du Rouge : il était prêt à tous les sacrifices pour l'éradication des criminels.
Alors qu'elle se faisait cette constatation, d'autres images défilèrent et, une en particulier, attira son attention : un Dragon, jeune. Dans le même temps, elle entendit la voix d'Army :
« Préviens Dragon. Il saura quoi faire. »
« Avez-vous pu trouver ce que vous cherchiez, contre-amirale Navy ? »
Navy sursauta et se tourna, coupant tout contact avec Army. Face à elle se trouvait une femme à la silhouette élancée, châtaine avec quelques mèches grisées par les années et portant une blouse blanche. Son visage ne permettait cependant pas de lui donner un âge fixe, à la fois très mature et très espiègle. Ne sachant pas la raison précise, la brune se mit instinctivement sur ses gardes. Elle n'aimait pas ce qui émanait de la femme face à elle et avait un très mauvais pressentiment. Alors, mesurant chacun de ses mots, elle répondit :
« Non. On ne m'a malheureusement ni fourni la notice, ni le mot de passe pour accéder à ce contenu.
- Ah oui, où avais-je la tête. Je vous le mets tout de suite. »
La scientifique avança vers l'écran et tapa rapidement le mot de passe avant de s'écarter.
« Voilà. Vous devriez pouvoir trouver votre bonheur maintenant. »
Prudemment, Navy s'approcha et fit les mêmes recherches que précédemment, ne souhaitant pas révéler à une inconnue ses réels questionnements, d'autant plus qu'elle avait pu enfin avoir les réponses qu'elle cherchait.
« C'est dommage que personne n'ait pu vous souffler la moindre information ou vous venir en aide avant mon arrivée, minauda la femme près d'elle.
- Hm… Dommage en effet. »
Sans se séparer de son étrange sourire, la femme en blouse blanche se rapprocha, posa ses mains sur ses épaules et souffla doucement avant que Navy ne puisse s'écarter :
« Quelle merveilleuse posture ! Je ne doute pas que soyez un pilier stable pour la Marine. L'arme parfaite. »
A l'entente de cette phrase, les bras de Navy tombèrent le long de son corps et il lui sembla être complètement déconnectée, présente physiquement mais non mentalement.
Elle ne voyait plus qu'une brume épaisse, sentant et entendant des touchers et des sons étouffés. Puis, alors qu'elle luttait, elle put enfin entendre une question claire :
« Monkey D Army s'est-elle adressée à toi ? »
Luttant pour ne pas dire la vérité, Navy eut tout juste le temps de répondre un « Non. » avant d'être de nouveau plongée dans cette brume inconnue.
Puis, tout aussi soudainement, Navy revint, comme sortant d'un rêve, pour voir la scientifique face à elle, une mine soucieuse sur le visage.
« Contre-amirale ? Tout va bien ?
- Je… Oui
- Vous devriez retourner auprès de votre supérieur. Vous allez bientôt partir. »
Sans un mot, la jeune femme hocha la tête et sortit du bâtiment. Par automatisme, elle se dirigea jusqu'au port, monta sur le navire et ne reprit entièrement ses esprits qu'une fois bien éloignée de Marijoa. Alors, Navy regarda avec terreur l'étendue bleue face à elle. Que venait-il de se passer ?
