Chapitre 26
Navy passa les mois suivants à enchaîner les missions, ne se laissant pas un instant de répit. Lorsqu'elle s'arrêtait, même un instant, elle avait l'impression que quelque chose lui manquait, la poussant à toujours plus en faire, si bien qu'un an et demi après la nomination du nouvel amiral en chef, elle-même avait été promue au rang de vice-amiral. Le nom de la Faucheuse commençait à être connu sur la partie de Grand Line qu'elle protégeait et il fallait qu'elle fasse attention à ne pas risquer d'être reconnue. Toutefois, elle appréciait le travail qu'elle faisait et elle se dirigeait justement vers le bureau de l'amiral en chef pour être assignée à une nouvelle mission. Elle était soldat et tel était son devoir. Arrivée devant, la désormais vice-amirale frappa quatre coups et attendit l'autorisation de son supérieur pour ouvrir la porte. Une fois à l'intérieur, elle eut le déplaisir d'y trouver le conseiller d'Akainu qu'elle appréciait le moins. Ce dernier, aussi peu ravi qu'elle de la voir la regarda d'un air méprisant et se tourna de nouveau vers le Rouge. L'amiral en chef, sans se préoccuper de l'hostilité présente, présenta la mission sans tergiverser :
« Vous allez tous les deux vous rendre à l'exposition d'arts du professeur Volotov afin d'arrêter les personnes responsables d'un trafic de drogues massif à East Blue. »
Navy fronça les sourcils à cette annonce. Les stups ne faisaient pas partis de ses attributions habituelles. Sakazuki répondit aussitôt à la question muette de Navy.
« L'exposition n'est ouverte qu'à des personnes avec un certain rang. Le cinquième fils du Marquis de Nim et la duchesse de Ronan sont donc cordialement invités à cette exposition. »
A cette déclaration, Navy fronça les sourcils.
« Je ne suis pas sûre que…, tenta-t-elle.
- Tous les papiers ont déjà été remplis et les invitations viennent d'arriver. »
Sakazuki sortit un document d'un de ses tiroirs et le posa sur son bureau, intimant silencieusement à Navy de le prendre. D'un geste hésitant, elle l'attrapa et le lut. Ronan Armencia était cordialement invitée à l'exposition qui aurait lieu sur le navire de croisière La Romantique.
La soldate accepta la mission sans plus de questions et quitta le bureau afin de trouver les informations nécessaires à son objectif. Elle n'avait pas à remettre en doute la décision de son supérieur. Il fallait également qu'elle se procure une robe à la hauteur du rang qu'elle devait avoir pour passer inaperçu, des accessoires aussi, qu'elle trouve des personnes compétentes pour masquer ses cicatrices…
Son flot de pensées s'arrêta brusquement lorsqu'une main se posa violemment sur son épaule pour la forcer à se tourner.
« Je sais que nous ne sommes pas en bons termes mais nous allons travailler ensemble alors vous pourriez au moins daigner répondre quand je vous appelle. »
Navy cligna des yeux et observa face à elle le conseiller. Elle se rappela alors qu'ils étaient deux pour cette mission.
Pour sa défense, le soldat n'avait rien dit dans le bureau d'Akainu, étonnamment docile.
« … Je ne vous ai honnêtement pas entendu, répondit Navy.
- Bien sûr… Peu importe, nous allons devoir coopérer alors j'espère vous voir au port ce soir, à 20h pour le départ. »
N'ayant pas encore tous les détails de la mission, le départ lui sembla précipité mais elle n'eut aucune envie de débattre et se contenta donc de hocher la tête avant de repartir. Du moins, elle tenta mais le soldat l'arrêta.
« On risque de vous demander pourquoi vous n'avez pas pris part à d'autres événements. Il faut qu'on se mette d'accord sur une raison n'impliquant pas la Marine. »
Navy se gratta l'arrière de la tête. Il était vrai que, d'ordinaire, les nobles aimaient se retrouver pour des quelconques événements et qu'elle n'y avait jamais réellement assisté jusqu'à présent.
La jeune femme regarda son collègue. Y avait-il réellement nécessité de se mettre d'accord dessus ?
Jugeant qu'il n'y avait pas à trop s'en faire, elle se contenta de balayer les inquiétudes de l'homme d'un revers de la main et de simplement répondre :
« Si on vous le demande, vous n'aurez qu'à dire que je préfère simplement faire le tour du monde en étant entretenue par des hommes fortunés. »
Puis, sans lui laisser le temps de s'exprimer, elle s'empressa de partir pour préparer tout le nécessaire pour cette mission. Elle avait une journée devant elle et cette dernière s'annonçait particulièrement longue.
Il fallait bien évidemment qu'il y ait de la musique avec des personnes dansant sur ce navire rempli de nobles.
« Il faudrait rejoindre le mouvement et danser également.
- Sans façon.
- … Admettez-le. Vous avez refusé de servir d'escorte à l'Amiral en chef car vous ne savez pas danser. »
Navy regardait le conseiller, un air méprisant sur le visage qu'elle ne put réprimer.
« Êtes-vous vexée ? Donnez-moi tort alors. »
Navy savait que cette déclaration n'était que pour la provoquer. Elle comptait se montrer bien plus mature que ce…
« Le raffinement n'est pas votre point fort. Rien d'étonnant, les personnes du Royaume de Goa sont plutôt pataudes si je ne me trompe.
- Vous allez le regretter. »
La soldate attrapa son partenaire de fortune et l'emmena en plein milieu. Ça tombait bien, une nouvelle musique venait tout juste de commencer.
Ils dansèrent, enchainant de complexes mouvements. Navy, loin d'être embêtée, mena la danse, forçant le conseiller à suivre son rythme. La musique s'arrêta et Navy fit une légère révérence avec un sourire fier. Son partenaire, lui, reprenait son souffle et semblait hésiter dans la conduite à adopter.
« Eh bien, un chat aurait-il pris votre langue ? » Taquina Navy
Mais elle n'eut pas de réponse, certains couples les entourant, coupant court à la conversation. Leur performance avait attiré l'attention, pour son plus grand déplaisir. Il fallait à présent sociabiliser vraisemblablement.
Navy se trouvait devant un tableau qu'elle ne comprenait pas. Elle ne connaissait pas les différents artistes présentés avant sa mission et s'était donc contentée d'apprendre par cœur les analyses des différentes œuvres exposées afin de pouvoir converser si nécessaire. Ce fut d'ailleurs un léger coup de coude discret de la part de son partenaire du jour qui la fit revenir à la réalité.
« Qu'en pensez-vous donc ? » Demanda l'homme face à elle
La jeune femme n'avait que brièvement entendu l'échange, ou plutôt les critiques, mais n'avait pas retenu l'œuvre à laquelle il faisait allusion. Du coin de l'œil, elle vit un mouvement imperceptible pour les autres venant de son compagnon vers une sculpture. Alors, Navy sourit poliment et répondit :
« Plutôt que de la ''mauvaise mélancolie maladroite et dépassée'', dit la jeune femme en reprenant les dires précédents de l'homme, je prendrais plutôt partie pour un espoir timide. L'homme que nous voyons n'attend pas passivement le retour de sa bien-aimée mais est, au contraire, songeur en étant tourné vers l'avenir. Il ne cherche pas la pitié mais une nouvelle raison de vivre et ce, malgré sa perte. S'adapter n'est-il pas justement le propre de l'humain ? »
La femme à son bras pouffa ce qui fit rougir de honte le noble face à elle. Visiblement, il avait tenté d'avoir l'air plus fin qu'il ne l'était réellement pour impressionner son escorte mais Navy s'était montrée plus pertinente que prévue. D'une moue rageuse, l'homme partit après avoir lancé à son collègue :
« Je vous prierai de mieux tenir votre compagne à l'avenir… ou de choisir un meilleur parti ! »
Sans en être particulièrement affectée, Navy se contenta de bâiller, déjà ennuyée par la journée. L'exposition se déroulait sur un navire de croisière en pleine mer alors il n'y avait rien pour l'occuper ou lui permettre de s'échapper.
« Ma très chère Ronan, vous auriez pu faire preuve de plus d'amabilité à l'égard de cet homme respectable, grinça son compagnon entre ses dents avec un faux sourire.
- Mon très cher Nim, il ne me semble pas avoir vu l'ombre d'un respectable homme et si cette situation vous déplaît, vous n'aviez qu'à lui graisser la patte vous-même. » Répondit Navy avec le même faux sourire.
Nim fut outré en entendant sa réponse mais il n'eut pas le temps de protester qu'un autre homme s'avança vers eux.
« Je suis touché que ma sculpture ait aussi bien été défendue. »
Tous deux se tournèrent vers le nouveau venu. Un homme blond, la cinquantaine, une moustache bien taillée et des vêtements élégants sans être trop extravagants se tenait devant eux. Navy força un nouveau sourire alors que l'homme lui fit un baise-main.
« Je n'ai fait qu'énoncer la vérité, dit la jeune femme en retirant prestement sa main.
- C'est trop d'honneur. Souhaitez-vous que je vous présente d'autres œuvres ?
- C'est très aimable à vous mais j'ai déjà eu l'occasion de les observer. Vos œuvres ne sont pas inconnues, Monsieur Miledieu.
- Je suis flatté mais permettez-moi d'insister. Certaines d'entre elles sont des exclusivités de cette exposition et il serait dommage de les manquer. Cela ne dérange pas que je vous emprunte un instant votre compagne ? » Demanda l'artiste en se tournant, cette fois, vers Nim
Navy fixa son partenaire du regard pour lui intimer de refuser mais la rancœur était encore présente et, avec un sourire espiègle, il répondit :
« Aucunement Monsieur. Ma chère et tendre sera plus que ravie d'être en aussi bonne compagnie.
- Formidable ! Madame. »
Le blond tendit son bras à Navy qui n'eut d'autre choix que de le prendre avec un sourire. En s'éloignant, elle profita que l'attention de son nouveau partenaire soit ailleurs durant un bref instant pour se tourner vers Nim et le fusiller du regard. Ce dernier, ne se sentant aucunement menacé, se contenta d'un heureux geste de la main pour lui souhaiter bon vent.
Elle allait le lui faire regretter dès qu'elle le pourrait.
Navy dut donc rester au bras du blond, n'écoutant qu'à moitié ses explications afin de pouvoir rebondir dessus de temps à autre.
« Je ne pensais pas un jour rencontrer quelqu'un d'aussi perspicace. Vous me rappelez étrangement la personne que j'ai perdu… »
La jeune femme ne répondit pas, ne souhaitant pas écouter elle ne savait quelle histoire du passé sur une relation qu'entretenaient deux inconnus. A la place, elle se contenta de détourner l'attention sur un quelconque tableau dans l'espoir que l'homme se lasse d'expliquer. Nullement ennuyé, Miledieu continua sa promenade et ses longues explications, ne laissant aucun répit à Navy.
Elle tenta de donner une excuse pour prendre congés :
« Vous m'en voyez navrée mais mes jambes commencent à me faire souffrir. Je vais donc…
- Oh mais bien sûr ! Je manque de manière. Laissez-moi vous amener vers un lieu où vous pourrez vous poser. »
Navy fut escortée jusque dans une pièce à part où son compagnon temporaire la laissa avant de prendre congés. Une fois seule, elle s'autorisa enfin à souffler et ferma un instant les yeux.
Elle espérait que son collègue en avait profité pour se rendre utile.
La brune se pinça l'arête du nez et rouvrit les yeux. Elle se leva ensuite et s'approcha d'un miroir pour vérifier le maquillage qui masquait ses traces de brûlures. Tout tenait bien en place, les maquilleurs avaient fait un excellent travail. Elle réajusta ensuite sa robe ainsi que quelques mèches de cheveux lorsque des hommes armés entrèrent dans la pièce et la mirent en joue, l'empêchant de tenter quoi que ce soit.
Une voix se fit alors entendre dans le mini den den d'un des hommes.
« Il semble que de petites souris se soient glissées parmi nos invités. Merci de me les amener dans la salle de commandes. »
Comme un même homme, les personnes face à elle s'écartèrent, la laissant pour seul choix de sortir de la salle et de les suivre dans les différents couloirs du navire. Elle arriva rapidement dans cette fameuse salle des commandes pour y découvrir l'organisateur de l'exposition mais également son coéquipier. En voyant la situation et, surtout, en remarquant l'état dans lequel était Nim, elle comprit bien vite qu'il avait été repéré et qu'il n'avait pas fallu longtemps pour remonter jusqu'à elle. Note pour elle-même : ne pas s'éloigner des débutants.
« Je vous avais dit que vous étiez particulièrement laid mais vous auriez pu trouver un meilleur chirurgien pour vous faire refaire le portrait. » Tenta Navy sur le ton de la plaisanterie
Nim roula des yeux et répondit :
« Je n'ai fait que m'ajuster à votre beauté. »
Bon… Nim allait visiblement bien.
« Je pense que les plaisanteries ont assez duré, coupa Volotov. Votre compagnon n'a pas daigné nous répondre alors peut-être serez-vous plus coopérative : Qui êtes-vous et pourquoi fouinez-vous sur mon navire ? »
La jeune femme observa rapidement la situation. Nim n'avait donc rien dit. Posant une main devant sa bouche, Navy fit mine d'être outrée et répondit :
« Pardon ? Ne savez-vous donc pas qui nous sommes ?
- Je n'ai pas malheureusement pas eu le plaisir de faire votre connaissance. Cependant, cet homme cherchait quelque chose et je veux savoir quoi. Me voler ?
- Ah ! Vous… vous voler ? Cracha Navy. Quelle grossière plaisanterie ! Si l'envie nous en prenait, nous pourrions racheter le navire, les œuvres et tout le personnel à bord ! Nous avons reçu des invitations. Est-ce de cette façon que vous accueillez vos invités ? »
Cette réponse décontenança l'homme qui commença à douter de ses propres propos. Un de ses hommes de mains, sentant la brune s'emporter, lui attrapa le bras. Navy sursauta alors et lui claqua violemment la main en hurlant :
« Oh ! Comment osez-vous poser votre main de roturier sur moi ! Nim ! Nim, vous l'avez bien vu, il m'a touché ! Je vais devoir retourner me désinfecter ! Et ma robe ! Savez-vous la pièce de collection que vous venez d'abîmer avec vos odieuses mains moites ?!
- V… Voyons, Madame, calmez-vous… » Tenta Volotov, perdant son ton menaçant
Mais Navy enchaina, ne leur laissant pas le temps de répliquer.
« Je refuse de rester un seul instant sur ce navire. J'exige un bateau pour partir immédiatement ! Et un purificateur d'air. J'ai l'impression d'étouffer. Nim ! Nous y allons ! »
Puis elle partit. Aucun homme ne tenta de l'en empêcher, ayant certainement peur de représailles de la part d'ils ne savaient quelle famille influente. Nim, un instant choqué, la suivit et tous deux sortirent de la salle pour se diriger vers l'extérieur du navire. Une fois assez loin et certain que personne n'écoutait, Nim s'autorisa un :
« Pourrais-je savoir ce qui vous a pris ?
- Je viens de sauver notre couverture et vos miches au passage alors de rien.
- Qu… Quoi ? S'offusqua Nim
- Les infiltrations se font en douceur. Fureter partout dès le premier jour crée forcément des suspicions. Vous auriez pu vous contenter de quelques pièces ou prétexter chercher les toilettes. Personne ne vous a donné de formation pour vous adapter ? »
Le soldat ne répondit rien à cette question et préféra énoncer ses inquiétudes.
« Nous allons donc juste partir ? Nous ne pouvons pas nous permettre de retourner à la base bredouille. L'Amiral…
- Ne soyez pas bêtes. Nous n'aurons pas à partir. Volotov va revenir s'excuser platement pour le quiproquo, va proposer de nous compenser. Il faudra refuser au début pour la forme parce qu'ils ont tous tendance à proposer moins que ce qu'ils peuvent réellement dédommager et, surtout, bien faire comprendre que ce qu'ils proposent n'est rien comparé à l'immense fortune que nous possédons. Nous aurons des plates excuses, je ne sais combien de trésors et l'avantage de pouvoir circuler librement sur le navire le temps de l'exposition. Des questions ?
- … Vous avez l'air un peu trop bien dans votre élément.
- Je n'ai pas eu d'autres choix que d'en faire mon élément. »
A peine étaient-ils arrivés sur le pont que la voix de Volotov se fit entendre. Ils se tournèrent pour le voir arriver en sueur.
« Je… Je suis navré pour la méprise...
- ''Méprise'' ? Vous appelez ce terrible incident une simple ''méprise'' ? Reprit aussitôt Navy en reprenant un ton hautain.
- N… Non. Ce n'est pas… Enfin.
- Et mon pauvre Nim ! Regardez ce que vous avez fait au visage de ce pauvre garçon. Il n'était déjà pas bien vif d'esprit ni particulièrement beau alors si vous lui retirez le peu de charme que son visage peut avoir. » Insista-t-elle en l'attrapant par les joues
Nim retint une grimace et marmonna entre ses dents :
« Je retiens, Ronan et cet affront ne restera pas impuni. »
Navy voulut répliquer mais avant de pouvoir ajouter quoi que ce soit, elle entendit un bruit sourd métallique, distinct. Instinctivement, elle lança Nim par-dessus bord, le plus loin possible et eut tout juste le temps d'ériger une barrière qu'une explosion détruisit le navire.
