Chapitre 26

Navy ouvrit brusquement les yeux et une douleur se fit immédiatement sentir. Elle prit le temps de reprendre son souffle, ayant mal à chaque inspiration et, bien que son corps ne le souhaitât pas, elle se tourna, s'accoutumant à la vive lumière pour tenter de distinguer où elle se trouvait.

Elle ne connaissait pas les lieux mais elle était certaine de deux choses : elle était en vie et pas en mer.

Une porte s'ouvrit et laissa entrer un blond cinquantenaire qu'elle reconnaissait : Miledieu.

« Eh bien. Non seulement vous avez survécu mais en plus vous vous en êtes sortie avec seulement quelques fractures et quelques bleus. Vous n'êtes pas simplement Ronan Armencia, je me trompe ?
- Qu'est-ce que…
- Je suis navré pour les problèmes occasionnés. Je vous avais laissée dans le lieu le plus sûr avant de faire mes petites affaires. L'explosion n'aurait pas atteint la pièce dans laquelle vous vous trouviez. Je ne m'attendais pas à ce que vous bougiez autant en aussi peu de temps.
- C'est vous qui...
- Oui. Il y avait un trafic important sous couvert d'une banale exposition. On m'a demandé d'y mettre définitivement un terme. »

Navy fronça les sourcils. Elle avait reçu la même mission mais pas avec des moyens aussi radicaux.

« Afin d'éviter les pertes inutiles, j'ai proposé cette croisière. Toutes les personnes incriminées se trouvaient sur le navire. Cependant, ni vous, ni votre compagnon ne figuriez sur la liste de base et cela m'a interpelé. Vous n'avez pas l'air d'être une mauvaise personne. Que faisiez-vous donc sur ce navire ?
- … Vous avez tué des gens.
- Des pourritures. Vous le savez tout aussi bien que moi. Il faut ce type de sacrifices pour le plus grand bien.
- Pour qui travaillez-vous ?
- Moi ? Pour personne. Avec qui je travaille serait une meilleure question. Mais d'abord, vous, pour qui travaillez-vous ? »

La porte s'ouvrit soudainement sur un homme très en colère.

« Miledieu. Je ne tolérerai plus ce type de débordem… »

L'homme s'arrêta en voyant la deuxième présence dans la pièce et Navy en fut tout aussi étonnée.

« Armencia ?
- Dragon ?... Cette attaque est du fait des Révolutionnaires ?
- Oui… Commença Miledieu
- Non, coupa Dragon, ce n'est pas ce qui était convenu. Il fallait les arrêter, pas faire un attentat.
- Tu le sais mieux que moi qu'il y aurait eu plus de problèmes si on les avait laissés en vie. Ils auraient recommencé et, en prime, nous aurions eu encore plus d'ennemis. Là, personne ne sait qui est responsable de cette attaque. Le réseau est définitivement démantelé. Je ne vois… »

Miledieu se prit un coup, le coupant dans sa phrase. Il tourna la tête et vit Navy, debout et le poing en avant.

« Que…
- Ce n'est pas à vous de faire justice vous-même. Ils ont fait de mauvaises actions : is méritaient d'être jugés et emprisonnés, pas d'être explosés pour servir de déjeuner aux monstres marins. Ce que vous avez fait ne vaut pas mieux et vous aurez le droit d'être entendu devant un tribunal. »

Navy s'approcha alors mais Dragon la bloqua. Il fusilla ensuite du regard l'homme à terre et lui ordonna :

« Sors. »

Ce que l'homme fit sans tarder.

Navy prit un air dégoûté alors qu'elle se laissait tomber sur le lit, se massant les tempes. Bouger aussi rapidement l'avait beaucoup plus épuisée qu'elle ne l'avait prévu et une douleur pulsante se faisait sentir au niveau de ses côtes. Faisant fi de son état, la jeune femme s'adressa à l'homme face à elle :

« … Cet homme ne peut pas rester impuni, et tu le sais, commença Navy.
- Il le sera mais je ne peux pas te laisser l'emmener.
- Hm… »

Sachant qu'elle n'était pas en état, Navy se contenta de regarder Dragon puis, elle sembla se perdre. Elle s'exprima alors sans trop y penser :

« Il fallait que je te dise quelque chose.
- Quoi donc ? »

La jeune femme ouvrit la bouche mais la referma. Un mal de tête se fit sentir alors qu'elle se forçait à se souvenir. Elle fronça les sourcils et secoua la tête. Elle devait donner une information à Dragon, elle le savait. Mais quoi ?

« J'ai fait mes recherches et… tu avais raison… je crois ? »

Oui, elle avait fait ses recherches et avait trouvé ses réponses. Mais comment avait-elle fait ?

« Je devais te demander… Non, te prévenir… »

Une brume épaisse était omniprésente dans ses pensées et plus elle tentait de se rappeler, plus elle semblait se perdre elle-même si bien qu'il lui sembla perdre connaissance. Elle entendit des bruits indistincts, comme des échos, des cris lointains.

Puis, soudainement, une douleur vive la fit revenir à elle. La brune regarda devant elle pour voir une femme, ou un homme ?, lui transpercer le flanc gauche avec ses ongles. Elle regarda autour d'elle pour voir ce qui semblaient être des décombres. Que s'était-il passé ?

Elle se rendit compte que quelqu'un la tenait fermement et tourna la tête pour voir le visage blessé de Dragon. Alors, en un flash, l'information qu'elle souhaitait lui donner lui apparut comme une évidence.

« Monkey D Army. Elle est en vie, à Marijoa. »

Puis elle perdit connaissance.


Lorsqu'elle ouvrit de nouveau les yeux, Navy prit une profonde inspiration, comme sortant d'une longue apnée. Son corps la faisait souffrir mais elle était toujours en vie. Elle regarda autour d'elle et vit Dragon discuter avec un étrange personnage aux cheveux violets et à l'accoutrement plus que moulant. En fouillant dans ses souvenirs, elle reconnut un membre bien connu des Révolutionnaires, échappé récemment d'Impel Down : Emporio Ivankov. En la voyant éveillée, Dragon s'approcha, restant méfiant.

« Arm… Navy, se rectifia Dragon. Pourrais-tu me dire ce qu'il s'est passé ?
- Quoi ?
- Quel est ton dernier souvenir ? »

Navy fronça les sourcils à cette question mais obtempéra :

« Votre poseur de bombes est parti… enfin… tu lui as permis de partir… Puis… »

La brune cligna des yeux, peu sûre de la suite.

« Après…
- C'est bien ce qu'il me semblait. »

La jeune femme la regarda, perdue.

« Il semble que les modifications apportées par le Gouvernement commencent à se faire ressentir… Nous avons échoué. Je suis désolé.
- Quoi ? »

Des souvenirs refirent soudainement surface par flash. Elle se vit attaquer Dragon avec une force surhumaine, plusieurs personnes intervenir, puis…

« Ivankov m'a arrêtée en me faisant revenir. »

Dragon hocha la tête tandis qu'à côté, Ivankov restait très calme, un air sérieux et inquiet sur le visage.

« Pourquoi maintenant ?
- Quelque chose a dû se passer récemment. Certainement en lien avec l'information que tu m'as transmise… T'en souviens-tu ? »

Hochement négatif de la part de Navy

« Tu m'as dit avoir vu Army. »

Navy se boucha les oreilles, comme entendant soudainement un très fort ultrason. Elle tenta de se concentrer et de se souvenir.

« Army… Army est vivante… elle voulait que je te prévienne. »

Comment avait-elle pu oublier ?

Quelque chose clochait. Il lui manquait des informations importantes.

« Nous allons faire notre possible pour la sortir de là alors, commença Dragon.
- … Il faut que je retourne à New Marineford. » Dit soudainement la brune

Navy amorça un mouvement dans le but de se lever mais Dragon posa une main sur son épaule pour l'en empêcher.

« Nous ne pouvons pas te laisser partir dans l'immédiat. Nous devons d'abord régler certains détails quant à l'incident sur le navire et ton état instable ne garantit la sécurité de personne.
- Tu n'as aucune autorité sur moi alors je te prierai…
- Navy, coupa Dragon d'un ton plus sec, faisant sursauter la brune. Repose-toi. Tu n'es pas en état pour un voyage retour jusqu'à New Marineford. » Termina-t-il sur un ton plus calme

Prudemment, Navy reprit place sur le lit. Elle entendit Dragon murmurer un bref ''merci'' avant de donner de rapides indications à Ivankov. Ce dernier, bien plus silencieux et sérieux que ce que les rumeurs racontaient, hocha la tête et partit aussitôt, talonné par le Monkey D.

Navy se retrouva seule, ne sachant pas si elle devait obéir ou tenter tout de même une escapade. Cependant, en se rappelant de la dernière fuite qu'elle avait tenté avec un Dragon non loin, elle abandonna l'idée et se contenta de s'allonger, ne souhaitant rien d'autre que pouvoir enfin se reposer.


La nuit était déjà bien avancée lorsque Navy se fit réveiller par des bruits de pas. En temps normal, elle aurait réagi bien plus vite mais son état actuel et l'adrénaline étant retombée depuis un long moment, elle eut un temps de retard sur le nouvel arrivant qui en profita pour lui faire perdre une nouvelle fois connaissance.


Lorsque Navy reprit connaissance, son corps tout entier la faisait souffrir. De ce qu'elle sentait, elle se trouvait menottée et ligotée à une chaise excessivement lourde. La personne responsable n'avait pas lésiné sur les moyens pour l'entraver. Elle garda les yeux fermés, le temps de comprendre ce qu'il se passait mais une voix la prit de court.

« Tu te réveilles pile à temps pour la gentille réunion. »

Elle sentit une main lui attraper le visage pour le lui relever. Se sachant découverte, la brune ouvrit les yeux pour voir un den den devant elle.

« Ce n'est pas contre toi, gamine, mais c'est pour le plus grand bien. »

Ce ne fut qu'à cet instant que Navy reconnut la personne derrière elle : Miledieu.

« Veux-tu bien dire bonjour à nos très chers interlocuteurs ? » Reprit Miledieu

Sa bouche était pâteuse et elle avait du mal à émettre un son audible. Elle entendit le cinquantenaire soupirer et relâcher son visage.

« Pas très coopérative. Ça ne fait rien. Vous avez toutes les preuves. Je détiens la vice-amirale Navy mais dans mon infinie bonté, je consens à la relâcher… contre Monkey D Army. »

Navy écarquilla les yeux à ses mots. Il avait entendu la conversation qu'elle avait eu avec Dragon, elle ne voyait que ça. Cependant, en comprenant les modalités de cet échange, la jeune femme ne put s'empêcher de ricaner, se prenant un regard mauvais de la part de Miledieu.

« Je te savais anormale mais pas folle.
- Ton marché ne fonctionnera pas, Miledieu, commença Navy pour au passage transmettre l'identité de son ravisseur. J'ignore pourquoi tu souhaites un corps sans âme mais personne de censé ne sacrifierait la base de données la plus sécurisée du monde contre un soldat remplaçable. »

Contrairement à ce qu'elle espérait, Miledieu ne fut pas pris au dépourvu et son sourire s'élargit même encore plus.

« Peut-être. Cependant, l'Amiral en chef Sakazuki choisirait-il le corps inanimé de ce qui reste de son épouse… ou sa fille bien vivante en chair et en os ? »

Quoi ?

Navy se figea.

Comment savait-il ?

« … D'où tenez-vous cette information ? » Fit une voix à travers le den den

Navy reconnut sans peine la voix rocailleuse de son supérieur hiérarchique et elle pâlit à vue d'œil.

« Mais, je la tiens de vos propres archives. Réfléchissez bien : La chair de votre chair. Ce que votre chère Army vous a confié avant de s'en aller. N'aurait-elle pas accepté ? »

Plusieurs voix se firent entendre, montrant que Sakazuki n'était pas seul. Nul doute que quelques gradés ou ses conseillers étaient présents afin de discuter de la conduite à adopter. Un simple soldat n'aurait pas fait autant débat mais elle était vice-amirale et, qui plus est, petite-fille de Garp le héros. Ces informations seules ne suffiraient d'ordinaire pas à les faire accepter cet échange défavorable mais la nouvelle révélation changeait la donne et, pour cause : Tous ignoraient la réaction de Sakazuki face à cette annonce.

Les protestations se firent plus fortes mais un mot, plus fort que le brouhaha, se fit entendre.

« Foutaises. »

Les débats s'arrêtèrent et Navy retint un instant son souffle : l'Amiral en chef avait pris sa décision et ceci était sa réponse.

« Tss tss tss, répondit Miledieu. Vous êtes en train de commettre la même erreur qu'il y a vingt-deux ans. »

Des exclamations choquées se firent entendre. Navy profita de l'inattention de Miledieu vers elle pour rassembler les forces qui lui restaient.

« Moi, j'aimais réellement Army. J'aurais empêché que quoi que ce soit lui arrive. Je peux encore la ramener »

Les discours de méchant. Un classique.

Dans le cas de Navy, partir dans du cliché lui allait très bien. Elle en profita pour poser les pieds au sol et souleva la lourde chaise en se redressant. Miledieu eut à peine le temps de se retourner qu'elle se laissa tomber sur lui. Tous deux tombèrent au sol dans un bruit sourd et l'impact sonna le cinquantenaire. Navy en profita pour donner un coup de tête contre la table devant elle, faisant tomber le brouilleur relié au den den ce qui le décrocha de ce dernier : leur position pouvait dorénavant être retrouvée.

Elle entendit de l'agitation au travers du den den mais n'eut pas le loisir d'écouter car, déjà, Miledieu se redressait et tendait la main vers l'escargophone. La vice-amirale reprit alors de l'élan pour mordre le bras devant elle, faisant hurler le blond. Il fallait garder la communication le plus longtemps possible si elle voulait augmenter ses chances de se faire retrouver. Elle se prit un violent coup qui lui coupa la respiration alors qu'elle entendit :

« Sale peste ! »

Puis Miledieu émit un long sifflement. Des silhouettes vives apparurent d'elle ne savait où, coupant le den den et la maintenant pour l'empêcher le moindre mouvement. Elle n'avait rien pu distinguer et se demanda même s'il ne s'agissait pas de la technique Incision, l'un des six pouvoirs maitrisables par les membres du Gouvernement et de la Marine. Elle n'avait pas à faire à des amateurs.

Navy tenta de les repousser mais attachée comme elle l'était, il lui était impossible de riposter ou même d'avoir un visuel sur eux. La communication fut coupée et elle fut détachée de la chaise et relevée sans ménagement. Elle n'y fit pas attention sur le coup, mais les personnes qui la tenaient semblaient bien plus petites qu'elle. Elle se savait grande mais elle n'était pas sûre que les mercenaires derrière elle dépassaient le mètre cinquante.

« Tu vas me le payer, rétorqua Miledieu. Tu as devant toi les parfaits petits soldats, tu ne… »

Le reste de sa phrase fut inintelligible pour Navy qui se sentit perdre pied. Comme projetée ailleurs, elle sentit de loin son corps briser ses menottes et attaquer tout ce qui entravait ses mouvements. Les sons et les coups étaient tous étouffés. Une voix finit par lui parvenir, à moitié étranglée :

« Ma… dame Prince ? »

Comme sortant d'une transe, Navy reprit pleinement conscience pour voir sous elle un corps frêle, baigné dans une mare de sang se formant tout juste.

« … Loubia ? »

Elle baissa le regard sur sa main, découvrant le poignard qu'elle tenait. Mais... que faisait cette arme dans ce corps si frêle ? Navy ne savait pas quoi penser, ayant l'impression de tout juste émerger des profondeurs de Grand Line.
Loubia lui sourit et de sa voix étranglée, elle s'exprima :

« Tu viens encore me sauver… et m'emmener dans ton château ? »

Puis, plus rien. Seul le silence se fit entendre alors que la vice-amirale leva lentement la tête du corps sous elle. Il n'y avait ni soldats, ni mercenaires. Seulement des enfants, et pas n'importe lesquels : ceux recueillis par les Révolutionnaires le temps de retrouver leurs parents.

Que leur avaient-ils fait pour qu'ils se retrouvent à servir d'armes vivantes ?

Et surtout

Que leur avait-elle fait ?

Tremblante, Navy relâcha le poignard et, alors que les larmes lui montaient aux yeux, un hurlement s'échappa de sa gorge.