Ce texte a été écrit pour la 166e Nuit du FoF autour du thème «tuyau». Le FoF est un forum ouvert à tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou participer à des jeux. Le lien est dans mes favoris !
Nouvelles
« Pauvre Remus ! Tu sais, plus le temps passe et plus je me dis qu'on devrait lui faire une petite place dans notre nid douillet. Pas vrai, Bucky ? »
Sirius venait de rentrer de la plage, juste à temps pour accueillir un nouvel oiseau messager venu lui porter son courrier. Encore vêtu de son maillot de bain humide, le sorcier s'était installé sur la terrasse afin de se faire sécher au soleil tout en lisant la lettre de Lupin, dont l'écriture nette et appliquée n'avait pas changé depuis leurs années de collège. Assis à ses pieds comme un énorme chien à plumes, Buck l'hippogriffe leva un œil paresseux à la mention de son nom avant de retourner à sa somnolence, guère préoccupé à l'idée de devoir accueillir un loup-garou sous son toit. Peut-être aussi ne prenait-il pas au sérieux la suggestion de Sirius. Le hibou, pour sa part, était allé se percher dans l'arbre le plus haut qu'il avait pu trouver.
« Oui, ce ne serait pas une mauvaise chose que Lunard change un peu d'air », marmonna le sorcier entre ses dents.
Avec Harry et Dumbledore, son ami était l'un de ses seuls correspondants. Remus n'avait jamais été du genre à se plaindre, mais malgré le soin qu'il mettait à conserver un ton désinvolte, ce qu'il laissait entrevoir de son existence faisait peine à lire. Sirius l'aurait très volontiers accueilli dans son refuge mexicain, si Remus avait eu de quoi se payer un billet de Portoloin longue distance.
« Je le lui offrirais avec plaisir, mais il n'acceptera jamais. Tu n'imagines pas comme il peut se montrer fier, parfois », apprit-il à Buck.
Pour toute réponse, l'hippogriffe bâilla.
Ce dont Lunard avait vraiment besoin, c'était un travail, bien sûr ; mais ça, Sirius ne pouvait le lui procurer. Le problème s'était posé dès leur sortie de Poudlard. Sirius se doutait que la condition des loups-garous ne s'était pas améliorée au cours de ses années d'emprisonnement, et ce n'était pas maintenant que ça risquait de s'arranger. Pas avec ce qui était en train de se passer…
Pour qui savait lire entre les lignes, l'édition internationale de la Gazette du sorcier se faisait l'écho d'événements de plus en plus préoccupants : disparitions, recrudescence de l'activité des groupuscules de magie noire, incidents impliquant des créatures des ténèbres telles que – justement – des loups-garous… Les journalistes traitaient ces sujets avec une certaine légèreté, refusant d'y voir autre chose qu'une série de faits divers sans aucun lien entre eux ; mais Dumbledore et Remus, eux, étaient inquiets, Sirius le devinait dans leurs lettres. Et ils n'étaient pas les seuls.
« On aurait dû le tuer, gronda-t-il tout bas pour lui-même. Ça nous ferait un souci de moins. »
Buck claqua du bec comme pour marquer son accord : lui aurait été ravi de gober cet abominable rat, songea Sirius, ce qui aurait évité tout cas de conscience à ses anciens amis.
Peter n'avait jamais paru bien dangereux, à première vue : chétif et trouillard comme il l'était, qui l'aurait cru capable de causer autant de mal ? Maintenant encore, Sirius ne voyait pas comment le petit Queudver pourrait s'y prendre pour prêter la main au retour de Voldemort, mais son pouvoir de nuisance n'était pas à négliger. Cette leçon, ce traître la leur avait cruellement enseignée.
Le sorcier passa la main dans ses cheveux mouillés pour les rejeter en arrière et inclina la tête, offrant son visage à la caresse du soleil de cette fin d'après-midi radieuse. Où qu'il soit, il espérait que Queudver se terrait dans un trou bien sinistre et poisseux dont il n'osait sortir qu'au plus noir de la nuit – et encore, quand il n'y avait pas de lune. Quant à Remus…
« Il doit bien y avoir un moyen de faire quelque chose ! »
Sirius croisa les bras, fronça les sourcils et se mit à réfléchir, son pied nu battant nerveusement le plancher de la terrasse. Dans leur bande, autrefois, c'était plutôt Lunard le cerveau, alors que Sirius et James se chargeaient de l'action. Ce qui ne voulait pas dire qu'ils ne prenaient jamais d'initiative, seulement que ces initiatives n'étaient pas toujours très heureuses – surtout, d'ailleurs, celles de Sirius.
Percevant son agitation, Buck le fixait de ses gros yeux orange au regard las, l'air de dire qu'il se fatiguait pour rien : Remus ne l'avait pas attendu pour tenter de trouver une solution. S'il n'y était pas arrivé – si Dumbledore lui-même n'y était pas arrivé – ce n'était pas un ex-taulard planqué à l'autre bout du monde qui y parviendrait.
« Mondingus saurait lui donner les bons tuyaux pour vivre sans travailler, assura Sirius à l'hippogriffe. Mais jamais Lunard ne marcherait dans une combine illégale… »
En plus, il n'était pas certain que Ding soit encore en vie ; il faudrait qu'il pense à interroger Dumbledore là-dessus dans son prochain courrier.
Fatigué de lui servir d'interlocuteur muet, Buck se dressa sur ses quatre pattes, déploya à-demi ses ailes pour les dégourdir et s'éloigna en direction des arbres du jardin, sa queue de cheval battant ses flancs pour signifier son mécontentement. Songeur, Sirius le suivit distraitement des yeux. Les créatures magiques étaient l'une des spécialités de Remus, principalement les nuisibles. Il savait les tenir à distance, les combattre et les éliminer lorsque c'était nécessaire, mais tout le monde ne possédait pas ce talent. Et certaines personnes en avaient pourtant grand besoin…
Saisi d'une inspiration, Sirius frappa dans ses mains, après quoi il se leva à son tour et rentra dans la maison pour aller chercher de quoi écrire. Dix minutes plus tard, il était de retour, serrant dans sa main une lettre cachetée.
« Ma cousine Andromeda et son mari Ted, expliqua-t-il à Buck en passant près de lui pour aller se planter au pied de l'arbre où s'était perché le hibou de Remus. Ils ont un élevage de Boursoufs – enfin, c'était le cas la dernière fois que j'ai eu de leurs nouvelles… Ces bestioles attirent des tas de prédateurs, pas forcément dangereux pour les humains, mais pénibles : il faut renouveler régulièrement les sortilèges de protection si on ne veut pas qu'un chartier ou un croup sauvage trouve une faille… »
L'hippogriffe secoua avec dédain sa grosse tête recouverte de plumes : lui n'avait que faire des sortilèges de protection contre les nuisibles.
« Bien sûr, ce n'est pas un boulot à plein temps, continuait Sirius en se dévissant le cou pour tenter d'apercevoir l'oiseau caché parmi les feuilles. Mais Remus est un excellent jeteur de sorts, investir dans l'une de ses protections vaut vraiment le coup… Et s'il travaille avec plusieurs éleveurs, il arrivera peut-être à vivre comme enchanteur freelance. C'est l'idéal quand on veut rester maître de ses horaires et de ses jours de congé… En tout cas, ça vaut la peine d'essayer. »
Le regard de Buck s'était fait curieux ; c'est du moins ce qu'il semblait à Sirius.
« Est-ce que je vais recommander Remus à ma cousine ? traduisit-il. Il vaut mieux pas, dit-il avec un sourire amer. Elle doit encore me prendre pour un affreux assassin de Moldus doublé d'un traître à la solde de Voldemort… Et même si ce n'est pas le cas, on n'est plus en contact depuis mon arrestation. Non, je vais plutôt filer le tuyau à Lunard, en espérant qu'il osera tenter sa chance. »
L'hippogriffe renâcla : lui non plus n'y croyait guère.
« Je sais, Remus a un petit côté fataliste, convint Sirius. Mais je crois que j'ai bien tourné les choses : je lui présente ça presque comme un service qu'il me rendrait, parce qu'il me permettrait d'avoir indirectement des nouvelles d'Andromeda et de sa famille. Tu te rends compte que je n'ai jamais rencontré Ted, ni leur fille ? Nymphadora, elle s'appelle, pauvre petite ! s'esclaffa-t-il. Sa mère a toujours eu de ces idées… Quel âge elle peut bien avoir, maintenant ? »
Sirius compta mentalement sans être très sûr de la justesse du résultat. D'un petit coup de bec, Buck le ramena à la réalité : c'était bien beau de tirer des plans pour l'avenir de Remus, encore fallait-il lui donner la possibilité de les réaliser, et cela commençait par expédier cette fameuse lettre. Ce qui ne serait pas pour tout de suite car, sur sa branche, le hibou semblait s'être endormi.
Sirius s'égosilla tant et plus, secoua l'arbre de toutes ses forces et lança même quelques sortilèges : rien n'y fit. Buck observa avec détachement ce déploiement d'énergie, sachant bien, lui qui était à moitié oiseau, à quel point ces efforts étaient inutiles. Le volatile se chargerait du courrier quand il le souhaiterait, pas avant ; d'ailleurs, à en juger par l'impassibilité avec laquelle il affrontait les gesticulations du sorcier, son profond sommeil n'était même plus simulé.
Et vous, vous pensez que Remus va tenter le coup ?
