- Lors de sa première année, j'ai laissé Harry affronter Voldemort parce qu'au fond ...

Dumbledore leva les yeux au ciel comme si soudain, il hésitait à avouer ce qu'il pensait vraiment.

- Parce qu'au fond, je souhaitais qu'il meure.

Dumbledore ferma les yeux comme s'il avait terriblement honte de son aveu.

- Voilà, je l'ai dit.

Dumbledore soupira avec tristesse.

- Lorsque je l'ai vu étendu par terre devant son ennemi défait et que je l'ai cru mort, j'ai ressenti un grand, un réel soulagement. Tout était fini. Achevé. L'enfant était mort, la prophétie était accomplie et j'avais mené ma tâche à bien. Il ne me restait qu'à trouver les autres horcruxes s'il y en avait et Voldemort pourrait être abattu. Sur mon honneur, c'est exactement ce que j'ai pensé, dit-il d'une voix triste. J'étais heureux qu'il soit mort.

Il baissa la tête et croisa ses longs doigts fins sur ses genoux comme une vivante image du regret.

- Allons, votre soulagement est bien naturel mon pauvre ami. La mission qui vous a échue ferait trembler jusqu'aux Dieux de l'Olympe, dit Doroit qui en son temps, s'était passionné pour l'antiquité.

- Vraiment, il n'est guère surprenant qu'on puisse être heureux de se voir retirer pareil fardeau, appuya Louis.

- Mais oui, cessez de vous en vouloir par Merlin! C'est tout à fait humain, ajouta Émilien.

- Cela dépend, dit sèchement Meredith. Qu'avez-vous pensé lorsque vous l'avez vu vivant ? demanda t-elle en levant le menton.

Le savant leva la tête vers le portrait et sembla réfléchir un moment.

- J'ai d'abord été déçu. Il est vrai. Mais un instant seulement. Car ensuite, j'ai ressenti à nouveau un grand soulagement. Et ce soulagement était encore plus vrai que l'autre, dit-il en hochant la tête. J'étais heureux, vraiment heureux de le voir vivant.

- Vous voyez, dit Adrienne en souriant.

- C'est tout à fait émouvant dit Jabert en écrasant une larme.

- Par les poils de ma bourse! dit Boullier en levant les yeux au ciel. Je n'entends rien aux sensibleries de ces temps de bricons.

- Mais oui enfin! tonna Clodomir. Si je puis parler selon mon idée professeur je vous dirais : tuez-le ou par Dieu ne le tuez pas mais cessez ces jérémiades! À quoi bon parbleu!

- En effet, c'est un bien fol dilemme, approuva Cassius. Un démon désespère le petiot. Brûlez-le et n'en parlons plus.

- Quel bourreau vous faites! s'indigna Martin né au XIXem siècle. Votre époque n'est que barbarie! Il y a longtemps qu'on ne tue plus les possédés. Il n'y a qu'à exorciser ce pauvre enfant voilà tout.

- Exorciser? C'est tout à fait dépassé, s'esclaffa Joan.

- Vous le protestant, on ne vous a rien demandé! rétorqua Astor qui avait été fervent catholique.

- Joan est protestant ? dit Kavlor qui s'était si peu soucié de religions qu'il ne savait pas distinguer un chrétien d'un poisson.

- Sa femme étoit une moldue hérétique de ce qu'on en sait, répondit Astor en croisant les bras tandis que Joan l'ignorait superbement.

- C'est de mon temps que les hérétiques ont commencé à pulluler, dit pensivement Marcus. Cela fit tant de trouble que c'en étoit une véritable infection.

- Vous m'enlevez le vers de la langue, répondit Astor.

- Quelle horrible expression, dit Mortimer avec une grimace.

- Horrible? Mais en quoi?

- Si vous avez un ver sur la langue, on se demande bien ce que vous avez mangé mon pauvre.

- Mais quel dégoûtant personnage vous faites! Un vers, une strophe un alexandrin que diable. Comment peut-on être aussi ignorant!

- L'expression est moins horrible que vos sots préjugés et que vos façons cruelles ! s'emporta Adrienne. Mais enfin, vous parlez de brûler un enfant innocent. Réalisez-vous ce que vous dite ?!

Le XVIIem siècle haussa un sourcil incertain, le XVIIIem sembla plutôt d'accord et le XIXem approuva avec force. Le moyenâge par contre, ne sembla pas des plus ému.

- Regardez-moi ces couards! dit Alaric méprisant. Ce que je dis, c'est que le temps afoleti notre parentèle. Vous n'êtes tous que des garces et de vils mollassons !

- C'est parlé Alaric! approuva Arnaud. Par l'épée que je lui eu découpé les entrailles à cet horcrusse et l'on ne s'en porteroit pas plus mal, c'est bien moi qui vous le dit!

- Mais bon sang! Comment une bande de taré pareil a pu survivre assez longtemps pour nous engendrer! s'écria Jabert énervé. C'est Voldemort et personne d'autre qui doit tuer Harry bande de dégénérés !

- Mais qu'est-ce que ces permissions? Ayez respect pour vos ancêtres damoiseau! dit Clodomir insulté.

- Oui, je réclame justice pour l'honneur! s'exclama Arnaud outré.

Calbert s'avança au bord du cadre d'Adrienne et leva la main devant lui pour rendre justice.

- Le fillot est paré de la chastaigne, trancha le grand maître.

Tous ceux qui étaient nés après le XVem semblèrent quelque peu confus de la sentence.

- Autrement dit, il y a exagération de la part de maître Jabert, dit Lorrain en officiant comme interprète.

- Exagération? Mais enfin ils ne comprennent rien à rien! dit Jabert furieux. Ce n'est pas d'une «chastaigne» c'est d'une châtaigne dont ils ont besoin ces vieux débris.

- Que dites-vous? Cela n'a aucun sens, répondit Bertille froissé.

- C'est vous qui ne faites aucun sens avec votre vieux français bouchonné.

- Ha oui, et bien venez un peu vous expliquer ici misérable pisse-froid, sot et fot-en-cul ! rugit Arnaud qui en tant que sorcier royal, tira son épée, bien décidé à en découdre avec le malpoli.

- Je ne comprends rien à cette insulte mais je vous le dit d'un mot, si vous me cherchez, vous allez me voir de près! menaça Jabert en tirant sa baguette.

Les belligérants furent vivement applaudis jusqu'au XVIIem siècle mais passé le XIXem, les maîtres peu amateurs de duels sanglants, se montrèrent moins enthousiastes.

- Allons, pourquoi se disputer pour si peu, intervint Émilien. Il s'agit d'une banale méprise voilà tout. Allons Jabert faites vos excuses et n'en parlons plus.

- Sûrement pas, ce gros balourd me cherche depuis que j'ai mis les pieds dans cet atelier.

- Fort bien. Vous l'aurez voulu. Clodomir sera mon témoin, annonça Arnaud.

- Un honneur mon cher, répondit ce dernier en s'inclinant.

- Je m'offre pour être le vôtre Jabert, annonça Kavlor en avalant une rasade de son breuvage.

- Rien à faire d'un foutu témoin, notre époque s'en passe parfaitement bien merci! Allez l'ancêtre, emmenez un peu votre gros derrière par ici si vous l'osez !

- Mais enfin, Galicia faites quelque chose! cria Evrett pour couvrir le raffut des portraits.

Tandis que les duellistes faisaient les bravaches en s'insultant d'un cadre à l'autre Galicia s'approcha de son modèle qui admirait la querelle le nez en l'air.

- Et voilà un exemple édifiant de ce que je dois me farcir depuis vingt ans, dit la maître en souriant. Vos impressions professeur?

- C'est merveilleux! dit Dumbledore absorbé par le débat.

- Comme témoin d'un soir, je n'en doute pas, dit Galicia en riant. Mais à la longue ça fini par être casse-pied, soupira-t-elle. Silence! cria t-elle en levant sa baguette. En voilà assez!

Aussitôt, les portraits cessèrent leur tapage pour la dévisager.

- Vous n'avez pas honte de vous disputer comme des enfants devant notre invité ?! les tança Galicia. Jabert, faites vos excuses, dit-elle en le pointant. Vous savez très bien que vous ne gagnerez pas contre le moyen âge.

Jabert prit un air ennuyé et soupira.

- Très bien, je m'excuse, dit-il de mauvaise grâce.

- Et pour ce qui est de vous, dit-elle en pointant les plus vieux portraits, nous avons assez entendus vos propositions pour ce soir. Personne ne décapitera ou n'éventrera, ni ne fera brûler ce pauvre garçon et je ne veux plus rien entendre là-dessus. Est-ce clair?

Les portraits reniflèrent ou grommelèrent qui en croisant les bras, qui en prenant un air outré, mais tous semblèrent se plier à la décision du maître de l'atelier.

- Non mais je rêve, dit Galicia en reprenant sa place derrière le tableau. C'est toujours comme ça.

- Il est néanmoins fort intéressant de voir les siècles se mesurer ainsi les uns aux autres, dit Dumbledore en souriant. C'est tout à fait instructif.

- Pour ce qui est de l'évolution des insultes, il est certain qu'il y aurait de fantastiques études à entreprendre dans cet atelier, dit Kavlor en souriant.

- Oui, justement, que signifie fot-en cul? Je n'avais jamais…

- Ça suffit Jabert, le coupa Galicia. De toute manière, nous parlions de choses beaucoup plus importantes que de vos sottes querelles, trancha-t-elle.

Jabert lança un coup d'oeil curieux à Arnaud et celui-ci hocha la tête, indiquant que c'est avec le plus grand plaisir qu'il lui ferait éventuellement savoir de quoi il retournait.

- Vous disiez monsieur que vous étiez finalement heureux que le garçon ait survécu, dit Adrienne en s'appuyant gracieusement au bord de son cadre. Si je ne commets pas d'indiscrétion, puis-je vous demander si vous vous êtes attaché à lui par la suite? demanda-t-elle en ignorant les soupirs exaspérés des ancêtres choqués encore une fois par ses questions curieuses.

Dumbledore sourit à la façon dont les grands-parents pleins d'indulgence sourient en pensant à leurs petits-enfants.

- J'ai toujours ressenti une affection étrangement filiale pour ce jeune homme si téméraire, si courageux et si attachant. Mais c'est un sentiment que j'ai combattu cela va de soi. Qui oserait s'attacher à un enfant qu'il doit envoyer à la mort ?

Les ancêtres les plus anciens semblaient peu impressionnés d'un pareil devoir tandis que les plus récents tressaillaient d'horreur à l'idée d'une si funeste tâche.

- Mais j'ai échoué, dit-il en haussant les épaules. J'ai adoré ce garçon dès le moment où je l'ai vu. Et c'est peut-être là que se situe mon plus réel et plus grand triomphe. Malgré que je doive en souffrir, je l'ai aimé tout de même.

Songeur, Dumbledore s'adossa dans son fauteuil capitonné tandis que Galicia, plus touchée qu'elle ne voulait bien l'avouer, faisait ressortir les délicates expressions de regrets et de tristesse que laissait paraître le directeur.

- Mais les choses ne sont pas si sombres qu'on pourrait le croire, dit Dumbledore en hochant la tête. Il y a deux ans, Voldemort a commis sa plus grande erreur. Il s'est servi du sang du garçon pour renaître, dit-il avec un éclat dans les yeux. Il l'a attaché à lui comme il est lui-même attaché à Harry et lorsque le moment viendra, je crois sincèrement qu'il est possible qu'il ne doive pas y laisser la vie. S'il a assez de courage et de grandeur d'âme pour se livrer à la mort et se sacrifier de lui-même, il peut remporter cette grande guerre. C'est ce que je crois.

- Mais comment cela serait-il possible? demanda Doroit en croisant les bras. Tout cela me laisse confus.

- C'est qu'il s'agit de magie ancienne, dit Dumbledore. Les plus vieux portraits sauront de quoi je parle je pense.

- Le sacrifice, dit Calbert gravement.

Dumbledore fit un mouvement de tête à l'endroit du fondateur.

- Le sacrifice. Et je crois que lorsque viendra le moment, si j'ai bien jugé ce brave garçon, si j'ai bien jugé Harry, il se sacrifiera librement, par amour pour ceux qu'il aime et qui devront mourir à moins qu'il ne l'empêche en mourant lui-même.

Les ancêtres gardèrent le silence tandis que Dumbledore joignait les mains.

- J'ai passé d'incalculables heures à chercher le moyen de sauver ce pauvre garçon, jusque dans les recoins les plus obscurs des magies les plus interdites mais au final, c'est le seigneur des ténèbres lui-même qui aura créé de toute pièce le seul espoir que nous puissions avoir.

- Non mais attend un peu, dit Jabert incrédule, si je comprends bien tu as chargé un jeune garçon sans aucune expérience de la mission la plus importante de notre histoire uniquement parce que cela peut lui sauver la vie ? C'est cela ?

Dumbledore regarda son vieil ami en souriant.

- Je suppose qu'on peut dire cela. Mais je suis persuadé qu'Harry a toutes ses chances. Soyez certains que je ne l'aurais pas choisi dans le cas contraire. Disons seulement que cela a fait pencher la balance en sa faveur. Cependant je crains que ce ne soit pas tant une faveur qu'une sinistre tâche.

Au rappel de la véritable nature de la situation et du danger qui les guettait tous, un silence pesant tomba de nouveau sur l'atelier.

- Cher professeur, je crois que nous y sommes, dit Galicia en donnant un dernier coup de pinceau.

Elle se recula de quelque pas et hocha la tête visiblement satisfaite. Elle leva sa baguette et pointa le tableau. Le portrait fut libéré et aussitôt, cessa de suivre tous les mouvements de son modèle. Le véritable Dumbledore se leva et s'avança pour admirer le tableau.

- Splendide, dit-il simplement.

Galicia sourit. Son regard disait assez à quel point il était touché.

- N'est-ce pas, répondit le portrait en observant sa main. Et que dire de ceci.

Il s'assit dans le fauteuil cramoisi en faisant jouer les plis compliqués de sa robe et croisa la jambe pour laisser paraitre les effilochures et les traces de boues. Un sourire apparut dans l'œil du portrait sans qu'on le voie sur ses lèvres pour autant et Galicia éprouva une pointe de fierté. Ce sourire-là avait été difficile à capturer mais il en avait valu plus que la peine. Dumbledore haussa un sourcil impressionné.

- Je crois que ce portrait me ressembler encore davantage que moi-même, dit-il admiratif.

- Je suis d'accord, approuva la peinture. Et c'est pourquoi dame Galicia méritera une reconnaissance éternelle… du moins pour ma part, dit le portrait d'un ton léger.

- Un rappel tout à fait à propos, convint Dumbledore.

- À cet effet, relança le portrait, je crois qu'il serait sans doute important de me transmettre certains savoirs tant qu'il en est encore temps, dit-il d'un air avenant.

Dumbledore hocha la tête et jeta un coup d'œil à Galicia qui pointa le fauteuil de sa baguette. Il flotta jusque devant le tableau et se posa juste devant.

- Prenez tout votre …

- Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore! tonna Calbert qui sans avertir, venait d'apparaître dans le tableau de Dumbledore.

Galicia stupéfaite mit la main sur sa bouche, incrédule tandis que de tous les tableaux d'ancêtre s'élevaient des exclamations de surprise.

Calbert inclina sa tête médiévale rustique à l'endroit du portrait infiniment plus subtil et délicat de Dumbledore.

- C'est un grand honneur de vous recevoir dans mon tableau noble Calbert, dit le portrait en inclinant la tête avec respect.

Calbert approuva et se tourna vers le véritable Dumbledore.

- L'honneur est pour ma personne brave sieur Dumbledore car je viens quérir votre approuvance à une requeste qui j'ai bel espoir, trouvera bon accueil. S'il vous en grée, prenez place dans la mienne fresque parmi les grands Seigneurs de renoms, de valeur et de bon conseil qui me font compagnie depuis des siècles, dit Calvert solennel.

Adrienne s'appuya sur le bord de son tableau la main devant la bouche comme si elle n'arrivait pas à y croire tandis que les portraits éclataient en applaudissements enthousiastes.

- Bravo ! cria le portrait de Jabert.

- Vive le seigneur Dumbledore !

- Il n'y a guère de plus grand honneur! approuva Alaric.

- Et il y a presqu'un siècle que nul ne l'avait mérité! dit Karlof en levant son verre.

Calvert frappa dans ses mains pour obtenir le silence.

- Vous avez mérité que votre souvenance soit sous ma garde car vous êtes parmi les valeureux, reprit-il. Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore, que dites-vous ?

- Je ne sais pas si je puis aspirer à un tel honneur, répondit Dumbledore qui semblait sous le choc.

- Contestez-vous mon jugement maître ? dit Calbert étonné.

- D'aucune façon …

Si depuis son arrivé le sorcier avait semblé tout à son aise, il paraissait maintenant ne plus savoir où il en était. Il n'était certes pas homme à laisser voir son trouble mais pour l'heure, il ne paraissait pas en position de le cacher.

Galicia s'approcha de lui.

- Les cadres peints dans la fresque de maître Calbert répondent aux mêmes lois que les autres. Votre portrait sera libre d'accéder à tout le manoir, d'observer les peintres à l'œuvre et de s'entretenir avec qui il voudra. Votre portrait sera préservé quoi qu'il arrive et surtout, vous y serez en compagnie des plus grands, insista-t-elle. Paracelse, Merwyn le Malicieux, Gifford Ollerton Paracelse, Merlin et bien d'autres.

- Le dernier portrait de Merlin. C'est donc vrai …, dit Dumbledore en la regardant étonné.

Galicia sourit d'un air entendu.

- Le véritable Merlin peint par maître Calbert lui-même. Nous lui demandons de se faire discret sinon bien sûr, l'académie serait assiégée par ses émules. Si je ne m'abuse maitre Arnaud lui a ajouté une moustache.

- Ah et une bien piètre, dit Calbert qui gardait un certain ressentiment à s'être fait massacrer son tableau.

- Je vais dire oui cela va de soi. N'est-ce pas ? dit calmement le portrait en fixant son modèle d'un air suggestif.

Albus semblait un peu sonné. Il hocha la tête pour approuver.

- Oui, dit-il enfin. J'accepte avec la plus grande reconnaissance.

Les portraits applaudirent à tout rompre avec des vivats et des bravos. Jabert qui avait un sourire particulièrement épanoui lui lança même un clin d'œil suggestif.

- Félicitation, dit Galicia en posant amicalement la main sur son bras. Je suis si heureuse pour vous… et pour moi! Il me fera grand plaisir de pouvoir m'entretenir avec vous de nouveau.

- Mais tout le plaisir sera pour moi n'en doutez nullement, répondit à sa place le portrait qui rayonnait.

- Fillotte, dit Calbert en indiquant la porte de l'atelier puis il sortit du tableau à grand pas.

- Picasso ! dit Galica d'une voix forte.

Un elfe vêtu d'un linge à pinceau recouvert de taches bleues et jaunes sortit de derrière le rideau en s'inclinant. Sur le côté gauche, il avait une toute petite oreille malformée et rabougrie.

- Picasso est dans la grande salle maître Griselaque mais votre serviteur Van Gogh officiera à sa place selon votre désir.

- Bien. Emmène-moi le grimoire veux-tu ?

Tandis que Van gogh disparaissait pour s'exécuter, Galicia ajouta quelques couleurs sur la palette, choisit quelques pinceaux et attrapa un linge.

- Je vous laisse vous entretenir avec votre portrait tandis que je peins votre cadre dans la fresque.

- Bien sûr, je vous en prie, dit Dumbledore qui ne semblait pas encore revenu de son étonnement.

- Ne vous en faites pas, dit-elle tout bas. Je suis aussi troublé par l'honneur qui m'est fait de peindre dans cette fresque, que vous d'y prendre place. Mais je suis certaines que nous y arriverons dit-elle avec un clin d'œil.

Dumbledore approuva puis il prit place dans le fauteuil tandis que son portrait s'approchait du bord du cadre afin de ne pas perdre un mot de la mission qui l'attendait.

Galicia se dirigea vers la porte qui s'ouvrit pour lui laisser le passage. Elle prit une grande respiration pour chasser sa nervosité et se retrouva dans le grand hall d'entrée aux murs de bois sculptés. La porte se ferma sur le grand tableau de trois mètres de haut qui gardait l'entrée de l'atelier.

Debout près du grand retourneur de temps peint de façon quelque peu enfantine, Calbert observait les cadres sur le mur du fond en se frottant le menton d'un air pensif. Une bonne trentaine de cadre d'époques différentes y étaient disposés. Les plus anciens se fondaient bien au décor de couleurs plates appliquées uniformément tandis que les autres juraient de plus en plus franchement alors qu'on avançait dans le temps. Finalement il s'avança vers le vieux portrait de Merlin tout moustachu qu'il décrocha et déplaça un peu à gauche.

- Maître Calbert, dit Merlin en se tenant au bord du cadre pour ne pas tomber, devons-nous comprendre que le sieur Dumbledore qui se faisait peindre aujourd'hui s'est mérité en tout honneur de siéger parmi nous ?

- Je plussois, ser Merlin, approuva Calbert. Et c'est à vos côtés qu'il fera son entrée car il semble vous porter en amitié.

- Ah ! Un savant de ces temps ! Enfin ! dit Merlin enchanté, voilà que j'aurai à qui parler.

- Mais c'est aussi un farouche combattant ! assura Percelse

- Et un fort bon sorcier qui s'est dévoué à l'instruction des petiots ! renchérit la Cordelière.

Les quelques portraits qui étaient présents s'y trouvaient parce que leur cadre immortalisé dans la fresque était le dernier à exister mais le raffut attira bientôt les autres portraits qui furent tout aussi surpris et enchantés que les premiers.

- N'est-ce pas extraordinaire qu'un nouveau venu ! Vite dame Galicia, peignez son cadre que nous puissions le rencontrer !

Galicia qui consultait le grimoire que Van Gogh venait d'apporter leva les yeux.

- Merci de vos encouragements seigneur Bucquoy. Mais si c'est vraiment là votre souhait, la meilleure chose à faire est de vous taire et me laisser me concentrer.

Les portraits se le tinrent pour dit. Galicia révisa les sortilèges d'époque qui avaient ensorcelés la fresque et s'assura de la bonne façon d'intervenir sur ceux-ci pour pouvoir ajouter de nouveaux éléments.

Il y avait presque cent ans qu'un pinceau n'avait effleuré la grande fresque de maître Calbert. Chaque maître Griselaque espérait certainement avoir l'honneur d'immortaliser le cadre d'un grand personnage dans cette fresque mais le faire réellement vous rendait quelque peu nerveux. Elle referma le grimoire et prit une grande respiration.

- Mettez le cadre en cet endroit fillotte, dit Calbert en indiquant l'espace libre à côté de Merlin.

Galicia hocha la tête et s'avança tandis que les portraits échangeaient sur ce qu'ils savaient du nouveau venu et que Calbert l'observait d'un air sévère. La peintre opta pour un cadre d'or sculpté, décoré de phoenix en acajou. Elle le peint avec soin et y mit un rien d'impressionniste, question d'officialiser le style. Cependant Calbert ne sembla pas des plus enchanté.

- Je ne m'y peut faire. L'abtraitisse … C'étoit de l'enfantillage parbleu. Attendons encore quelques siècles, dit-il en soupirant sombrement.

- Allons maître Calbert, c'est à peine un clin d'œil. Et de cette manière vous pourrez vous y faire, argumenta Galicia.

Cénècle grand amateur d'art approuva.

- N'étoit-il pas d'intérêt que la peinture en revienne à ses sources. M'est avis que cette approche jure bien moins que les autres avec les nôtres, dit-il d'un air approbateur.

Calbert grommela mais comme il aimait bien Cénècle, il en prit son parti. Galicia se recula pour juger de son œuvre et hocha la tête d'un air satisfait. Elle ouvrit la porte.

- Professeur, avez-vous terminé ?

Dumbledore se leva de son fauteuil.

- Oui, nous en avons fini.

- Si vous voulez bien …, dit-elle en souriant.

Dumbledore vint la rejoindre, entra dans le grand hall et resta estomaqué devant l'immense fresque ancienne.

Les portraits en restèrent comme deux ronds de flan.

- Mais il étoit conscient ! N'avez-vous pas de tout temps tonné que c'étoit interdit !? dit Merlin en faisant de grands yeux.

- Le seigneur Dumbledore s'étoit gagné ma permission par courage aussi le voilà, dit Calbert fièrement.

Sur ce, le portrait d'Albus apparut dans son cadre. Il regarda à droite et à gauche en quelle glorieuse compagnie il se trouvait et s'inclina à l'endroit des célèbres portraits. Selon l'époque, ces derniers claquèrent qui des mains avec enthousiasme, qui gracieusement du bout des doigts et d'autres quittèrent leur cadre pour lui faire bon accueil.

Dumbledore observait la scène avec émotion tandis que son regard se voilait. Il baissa la tête un moment puis releva les yeux sur Galicia. Avec un sourire imperceptible, il tendit la main pour l'inviter à y poser la sienne. La grande peintre lui donna sa main de grand cœur.

- Chère maître, passer mes derniers instants en votre compagnie est ce que j'ai toujours espéré. Je ne saurais vous exprimer quelle joie est la mienne présentement. Mais vous m'avez donné bien plus. Approcher les plus grands secrets du monde sorcier … Je n'aurais jamais osé l'espérer sinon dans mes rêves les plus fous mais ceci …

Il regarda le tableau. Tous les plus grands portraits du monde s'étaient tus et le regardait.

- Terminer ce voyage en sachant que je resterai dans en compagnie des plus grands sorciers de tous les temps … Que puis-je dire ? Difficile de trouver les mots … Et fondre en larme ferait certes mauvais effet, dit-il d'un ton léger.

- Grand merci de t'en abstenir, approuva son portrait avec un sourire approbateur.

Dumbledore se tourna vers la maître en poste.

- Dame Galicia, merci pour votre compagnie, votre talent et ce portrait merveilleux, dit-il en déposant un léger baiser sur ses doigts.

Galicia lui sourit.

- Tout le plaisir était pour moi.

Il se tourna vers Calbert.

- Maître, merci pour votre confiance et cet honneur qui me laisse sans mot.

Calbert s'inclina.

- Un honneur mérité, assura-t-il.

Dumbledore fixa son portrait.

- Surtout, ne fait rien que je ne ferais pas, dit-il en le regardant par-dessus ses lunettes.

- Si je devais faillir à cette tâche, il est certain qu'à tout le moins je ne manquerai pas de bons conseils, dit le portait en indiquant ses nouveaux compagnons.

- Je pourrai donc dormir tranquille, dit le sorcier.

Il releva la tête.

- Chers amis, il est temps pour moi de vous quitter, dit-il comme s'il sortait dîner.

- AH ! Mon pari est emporté ! rugit Calbert tellement satisfait qu'il se mit à se taper les cuisses.

- Et quel pari avez-vous donc fait ? demanda Galicia étonnée.

- Que le seigneur Dumbledore non seulement ne rechignerait point à partir mais qu'il l'annoncerait lui-même !

- Belle fortune que la vôtre, dit posément Merlin. Et qu'avez-vous remporté ?

Même si le portrait du grand maître Griselaque était dans un style plus que rudimentaire, on eut aucune peine à reconnaître un sourire espiègle.

- Que maître Kavlor danse en braie devant tout le monde à la fin des épreuves d'aujourd'hui !

Galicia leva les yeux au ciel.

- Vous savez que vous lui faites une fleur, il adore se pavaner devant les étudiantes.

- En cette heure certes pas ! Car Adrienne lui guêtera ses dessous et il aura l'air bien affoleti le bougre, jubila Calbert en s'esclaffant.

- Ce n'est certes pas ce soir que votre fillot fera des conquestes, la chose est entendue, approuva Cénècle avec un sourire en coin.

- Et à quoi avez-vous échappé vous-même noble sire ? demanda Merwyn.

Calbert prit un air soulagé.

- Que je doive boire de sa vinasse avec lui dans son tableau.

- Ce n'est pas un bien grand mal il me sembloit, dit Merlin.

- Ah ! Pensez-donc ! C'est que vous avez le bonheur de n'y avoir point touché parbleu. La pissette de génisse avoit meilleur goût que cette vilennie ! Il valu mieux boire de l'eau !

- Fie de l'eau ! Ce doit-être un bien fameux desboire que ce bevrage par ma foi, rétorqua le savant.

- Dans ce cas, je suis enchanté que vous ayez gagné maître, dit le portrait de Dumbledore. J'aurais trouvé regrettable que vous leviez un tel verre pour mon arrivé et par ma faute qui plus est.

- Cher seigneur, nonobstant que je ne lèverai goutte qui vaille, nous mirerons de concert une danse des plus enhardies avec Kavlor guêtré d'un corset. Si ce n'est pas là belle entrée, je voulois bien être pendu par la bourse ! dit-il en s'esclaffant.

Galicia sourit devant tant de bonhommie. Si le patriarche se montrait toujours fier et guindé en public, dans son tableau il se sentait chez lui et était même d'excellente compagnie.

- Partez seigneur. Que la bénédiction de vos ancêtres vous accompagne. Pour ma part, j'ai le bonheur de vous garder ici et la bénédiction des Griselaque est sur vous. Soyez en paix grand maître de savoir, chevalier redoutable et courageux parmi les sorciers. Allez !

Dumbledore s'inclina à l'endroit des célèbres personnages puis suivit Galicia dans l'atelier. Elle lui indiqua le petit cercle de pierre où il était apparu et il y prit place en souriant.

- Adieu seigneur Dumbledore, dit Doroit, ce fut un grand honneur de vous voir siéger parmi nous.

- Je vous compte parmi les grands et j'ai grande fierté à vous avoir instruit, dit Hector en agitant son parchemin.

- Nous aurons plaisir à vous revoir dans le manoir, s'enhardi Cassius.

- Je désapprouve que vous ayez été instruit des secrets de l'atelier mais il est vrai que si quelqu'un en est digne, c'est vous, dit Meredith avec les paroles les plus gentille qui ait franchies ses lèvres depuis sa mort.

- Je suis tellement fier d'avoir été ton ami, dit Jabert les yeux pleins d'eau.

Les portraits renchérirent tous avec des bénédictions, des souhaits d'adieu, de bon voyage et de félicitation.

Dumbledore inclina la tête à leur endroit.

- Ce fut le plus grand des honneurs et je termine ma vie comme je l'avais rêvé. Ma reconnaissance envers vous et votre merveilleux atelier est infinie. Chers grands maîtres, je vous dis à tout de suite, termina-t-il avec un sourire.

Galicia lui fit un signe de tête.

- Êtes vous prêt ?

- Toujours chère amie, dit-il avec un regard pétillant.

- Van Gogh.

L'elfe à l'oreille rabougrie apparut près du sablier.

- À bientôt professeur, dit Galicia en levant sa baguette.

- Pas trop tôt j'espère, dit-il avec un clin d'œil.

Dumbledore jeta un regard admiratif au sablier alors que ses grandes arches d'or se mettaient à tourner et les cadrans à cliqueter jusqu'à ce qu'ils se figent et que tinte une clochette d'argent.

- Sati okura longabar mortem evanescet ! prononça Galicia avec un mouvement de baguette compliqué.

Tandis que le sorcier fermait les yeux, il se décomposa dans une fumée noire, grasse et pestentielle.

- Sapinum !

L'odeur devint supportable et Galicia le regard embué regarda la fumée s'enrouler sur elle-même et disparaître.

Un sanglot déchira le silence.

- Parbleu fillot, conduisez-vous en chevalier ! gronda Alaric.

- C'était mon ami, dit Jabert en essuyant ses larmes.

- Vous allez le retrouver, il est ici, lui rappela Adrienne en souriant.

- Il est mort néanmoins, dit Jabert en pleurant de plus belle.

- Vous aussi vous êtes mort, dit Clodomir en levant les yeux au ciel.

- Pour moi j'en disois qu'il est vérité que nous ne verrons plus guère de sorcier comme celui-ci, dit Hector.

- Non, plus guère, approuva Galicia qui observait Van gogh pensivement.

L'elfe enveloppa le tableau dans une grande toile écru et le ficela avec un ruban noir aux armes des Griselaque.

- Dois-je le porter immédiatement maître Griselaque? demanda l'elfe.

- Non. Je crois qu'ils en ont déjà assez sur les bras pour cette nuit. Ramène-nous au matin.

- Oui maitre Griselaque.

Le petit elfe saisit la grande poignée d'or qu'il tira par neuf fois. Les grands anneaux d'or se remirent à tourner tandis que les grandes fenêtres de l'atelier s'illuminaient puis ils ralentirent et s'immobilisèrent.

- Maître Griselaque ? demanda l'elfe.

- Oui, c'est l'heure, approuva Galicia.

Van Gogh saisit délicatement le tableau et disparut avec un CRAK sonore.

Galicia tira le rideau devant le sablier et entendit la porte s'ouvrir. Elle sortit de derrière le rideau et s'avança vers sa jumelle en dénouant son tablier.

- Alors ? demanda cette dernière.

- Je te laisse la surprise, répondit Galicia en lui donnant le tablier avec un sourire mystérieux.

Elle lui fit un clin d'œil et sortit par la grande porte avec une drôle de petite pointe de jalousie. À tout prendre, elle aurait bien aimé reprendre sa place et revivre cette séance de pose. Sans conteste, la plus extraordinaire de toute sa carrière. Mais la porte se referma derrière elle car bien sûr toutes les bonnes choses ont une fin. Elle se tourna vers la fresque pour saluer son ancêtre comme elle le faisait toujours et regarda l'espace qui serait bientôt décoré d'un tout nouveau cadre qui accueillerait son nouvel ami.

- Fillotte ? demanda Calbert devant son drôle d'air.

Galicia lui sourit, s'inclina à son endroit et se retourna pour gravir le reste des marches. Oui aujourd'hui, elle le sentait, ce serait une merveilleuse journée.

FIN

Merci beaucoup de m'avoir lu et j'espère que ce petit voyage dans le monde de la peinture sorcière vous aura plu !

Et un gros merci à Katymyny. Chère amie, ce chapitre était pour toi xx