Chapitre 6 : À demi-vérités
Note : et voici un tout nouveau chapitre, enfin disponible ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
Résumé : L'intimité de Mlle Parker et Jarod est interrompue par les tambourinements incessants de Thomas, qui cherche à entrer dans la chambre d'hôtel. Contraint de quitter les lieux, il retourne chez lui. La confrontation entre Mlle Parker et Jarod s'intensifie lorsqu'elle exige qu'il soit honnête avec elle. Déçue, elle rentre chez elle auprès de Thomas.
Hôtel de Blue Cove, Delaware
Dans le calme profond qui succéda à l'orage, la nuit déploya son manteau d'encre sur la terre encore humide. Les astres dissimulés auparavant derrière les nuages osèrent briller à nouveau, illuminant de leur éclat fugace la toile sombre du ciel. Les éclairs occasionnels zébraient encore l'horizon, telles les ultimes étincelles d'un feu d'artifice céleste. L'air était imprégné d'une fraîcheur vivifiante, une sorte de bénédiction pour ceux qui avaient souffert de la chaleur étouffante de ces derniers jours. Cette pluie rafraîchissante avait donc nettoyé l'atmosphère laissant derrière elle un paysage gorgé d'eau, où les flaques luisaient comme des joyaux liquides sous le scintillement des étoiles. Les voitures roulaient à vive allure sur les chemins mouillés. Les reflets des lumières au loin se dessinaient dans les mares, ce qui ressemblait à un magnifique tableau abstrait et éphémère. Quant à l'odeur des gouttelettes d'eau, elle se mélangeait subtilement à celle des feuilles, un doux parfum envoûtant, une symphonie olfactive de la nature renaissante. Et ainsi, de temps à autre, on entendait le joli hululement solitaire d'un hibou. Et malgré la beauté de ce décor nocturne, seul un homme amoureux, debout de l'autre côté du mur, le regard chagrineux, s'apprêtait alors à rompre le charme.
Thomas, charpentier et amant de Mlle Parker, se tenait là, avec une expression infatiguable et pleine de résolution, son bras levé, son poing martelait contre la porte dans une cadence rythmée. Ses traits du visage étaient tendus, son irritation avait pris tout à coup le dessus sur son inquiétude. Tandis que dans la pièce avoisinante, le beau caméléon et sa ravissante compagne du soir restaient figés dans un bloc de béton de silence, encore mal à l'aise par la situation assez cocasse. Les yeux enfantins et rieurs de Jarod n'amusaient guère Mlle Parker. Ses mains, plaquées contre la bouche de son ami, l'empêchaient de se vanter de cet état de fait. Elle arbora son habituel air imperturbable, mais incertaine de la manière dont elle allait devoir gérer les choses. Il était hors de question que la jeune femme se fasse surprendre dans cette fâcheuse position, dans cette tenue par Thomas. En vrai, elle redoutait de devoir affronter les extrêmes conséquences de ces retrouvailles imprévues. Jarod, allongé sur le lit, se mit en quête d'une solution. Mlle Parker à califourchon sur lui, retira ses doigts de ses lèvres, examinant rapidement les lieux à la recherche d'une issue. « Tu peux toujours sauter par la fenêtre ! » La réflexion de Jarod n'était pas si stupide. Soudain, il eut une idée. Ses iris se fixèrent sur le téléphone posé sur la petite table de chevet près de lui. Et dans un simple mouvement, il s'en saisit aussitôt, le bout de ses phalanges se déplacèrent vivement sur le clavier et composa un numéro. Il savait qu'il fallait éloigner Thomas d'ici, ne serait-ce que pour gagner un peu de temps. Ce dernier, lui, était prêt à défoncer la planche en bois qui le séparait d'elle. Le temps était donc compté, et Jarod devait agir très vite s'ils ne voulaient pas tous deux subir la colère du charpentier. Après son appel, résistant à la pression, Jarod ne disait désormais plus un mot. Il avait cette impression d'être à la merci de ses deux amis. Complètement soumis. Elle, qui le menaçait de faire de sa vie sans intérêt un véritable enfer s'il osait bouger, ne serait-ce qu'un cil. Thomas, lui, qui n'avait pas l'intention d'abandonner l'affaire. Et Jarod dans tout ça ? Lui qui avait traversé des mers déchaînées par le passé, cette fois-ci, il aurait du mal à s'en sortir indemne. Enfin, la clé de son évasion n'allait certainement pas tarder à faire irruption. « Jarod, ouvre-moi cette porte, où ça va très mal se passer pour toi ! Parker, mon amour, s'il te plaît, tu dois m'écouter, je sais que tu es là. Réponds-moi. » Il attendit quelques minutes, aucune réponse ne vint. Thomas désemparé cria plaidant une dernière fois sa cause. Mlle Parker mit alors en garde Jarod. « Si tu dis quoi que ce soit ou si tu fais quoi que ce soit… » À cet instant précis, il la trouva si désirable que ses doigts filèrent dans ses cheveux, l'amenant jusqu'à lui. Ses lèvres si roses frémissaient de plaisir. Son corps était tout en émoi sous son contact et avant même qu'il ne puisse lui donner un doux baiser, le bruit de pas lourds résonnait dans le couloir. Le gérant de l'hôtel, un homme d'un âge mûr, assez strict et aux manières rigides, jeta un coup d'œil vite fait aux alentours, sa voix était grave voire autoritaire.
« Que se passe-t-il ici ?
- Je cherche mon ami, Jarod. Il est dans cette chambre. Il ne répond pas. Ouvrez la porte, s'il vous plaît. II lui est peut-être arrivé quelque chose, Thomas continua à frapper.
- Monsieur, votre ami a quitté les lieux pour le moment. Il m'a laissé des instructions claires : personne n'est autorisé à entrer dans sa chambre en son absence. Maintenant, je vous demanderai de bien vouloir, vous en allez, le gérant invita Thomas à partir.
- Oui. Je suis désolé. Bonne soirée. »
Le cœur du charpentier s'engouffra dans de la déception, il n'obtiendrait rien ici. Résigné et contraint de s'en aller, Thomas fit demi-tour, laissant derrière lui la jeune femme. Perdu, il erra seul dans les rues désertes. Les questions tournaient sans cesse dans son esprit comme un tourbillon : mais qu'était-il arrivé à Jarod ? Pourquoi avait-il refusé d'ouvrir ? Et surtout, quelle était la véritable nature de sa relation avec Mlle Parker ? Il se demanda s'il avait jamais vraiment connu la femme qu'il aimait.
La tension retomba après le départ précipité de Thomas, poussé par l'intransigeance du gérant. Jarod, les yeux rivés sur Mlle Parker, tenta de cacher l'agitation qui bouillonnait en lui. Il se redressa et se libéra de l'emprise de la demoiselle. Alors qu'il se levait du lit, elle le retint par le bras. Jarod, visiblement très perturbé par la situation, fit quelques pas mal assurés puis s'arrêta. Près d'elle, il hésita à la toucher.
« Attends, murmura-t-elle, sa voix à peine élevée plus que son souffle. C'était une bonne idée d'appeler la réception pour leur signaler la présence d'un intrus dans les parages, elle lui fit un clin d'œil. Merci.
- Tu devrais rentrer chez toi, Parker ! Le jeu est terminé, déclara-t-il en s'éloignant d'elle.
- Non. Je... Je ne partirai pas. Regarde-moi ! Je ne partirai pas tant que tu ne seras pas honnête avec moi. Jarod, pourquoi t'es-tu retenu tout à l'heure, alors que tu allais m'embrasser, hein ? Pourquoi fuir encore une nouvelle fois ?
- Parker, tu dois comprendre que…
- Non, je n'ai plus envie de comprendre.
- Parce qu'il y a Thomas, avoua-t-il. Il est là, on ne peut pas faire comme s'il n'existait pas.
- Et ton amitié avec Thomas est bien plus importante à tes yeux que la nôtre, c'est ça ?
- Ne crois pas ça. Mais c'est mon ami. Je m'en veux assez de ce qu'il vient de se passer, Jarod pris de remords était accablé de reproches.
- Alors maintenant, tu vas tout me dire. Comment Thomas a-t-il pu savoir autant de choses sur moi ? Mon existence, mon nom, mon adresse ? Il savait tout avant même que je ne fasse sa connaissance, le questionna la jeune femme. Je veux savoir, tout de suite !
- Parker, je vais te révéler quelque chose que tu ne sais pas, annonça-t-il naturellement. Lorsque Thomas et moi, nous nous sommes rencontrés, j'ai fait un choix délibéré. J'ai pris la décision de le mettre sur le chemin qui te mènerait à lui. Je voulais que tu le croises, que tu le découvres, que tu apprennes à faire confiance, il reprit son souffle. J'ai toujours su que tu avais besoin de quelqu'un comme lui dans ta vie.
- Pourquoi as-tu fait une chose pareille ? Pour te débarrasser définitivement de moi ? Pour me faire du mal ? Pourquoi ? Mlle Parker commença à s'échauffer.
- Parce que je te connais depuis si longtemps, Parker. Tu es mon amie et tout au long de ces années, j'ai vu à quel point tu souffrais d'être seule. Tu as été privée de tellement d'amour. Je voulais simplement que tu aies une chance de connaître la joie, le bonheur...
- Et l'amour ? elle éclata de rire. C'est vraiment généreux de ta part, Jarod. Mais je ne crois pas que tu aies fait tout cela pour moi. Est-ce pour m'oublier ?
- C'est toi qui m'as oublié ! »
Le caméléon face à la fenêtre devint alors vite songeur. Peu à peu, il raconta son histoire. Le comment du pourquoi, il avait agi ainsi. La jeune femme près de lui écouter. Cela s'était passé il y a quelques mois, juste après le malencontreux épisode de cet entrepreneur malhonnête et sans scrupule. Un après-midi, le charpentier avec qui Jarod était devenu ami depuis cette mésaventure venait toquer chez lui, un modeste appartement, espérant l'inviter à un match de football local. Il poussa la porte entrebâillée du logement temporaire du beau caméléon pour le retrouver assis plongé dans ses pensées. Ce dernier, mélancolique, était absorbé par le contenu d'un petit disque qu'il regardait sur son lecteur portatif.
Flashback
« Jarod, tu es là ?
- Thomas, le caméléon sursauta. Je ne t'avais pas entendu frapper, entre !
- Je venais t'inviter à un match de foot ce week-end, il lui agita deux billets sous le nez. Ça te dit de venir avec moi ?
- C'est une excellente idée. Je suis partant.
- Qu'est-ce que tu regardais, Jarod ? Ce n'est sûrement pas la télé… son regard fut attiré par l'écran où l'image d'une femme brune s'affichait. Eh, c'est qui ? Ta fiancée ?
- C'est une amie d'enfance, une personne très spéciale. C'est une longue histoire, il referma la valisette grise.
- Une amie très spéciale ? Vu comme tu la dévorais du regard à l'instant, je dirais que tu en es fou amoureux.
- Amoureux de Mlle Parker ? Non, non, non. C'est une vieille connaissance. On n'est pas amoureux. On n'est même pas capable de rester plus de cinq minutes dans la même pièce… Non, je te rassure Thomas, on n'est pas ensemble. Il lui faudrait un homme qui puisse arriver à la supporter, si tu vois ce que je veux dire.
- Vraiment Jarod ? Je vais faire semblant de te croire, Thomas rouvrit la valisette pour en admirer la silhouette sur l'écran. En-tout-cas c'est une très belle femme. Elle a des yeux magnifiques. Un corps parfait. Tu sais comment on appelle ces beautés ? Des créatures de rêve. C'est le genre de femme avec qui on aimerait passer le reste de sa vie.
- C'est vrai, c'est une très belle femme. La plus belle que j'ai jamais vue, en prononçant ses paroles, Thomas vit une expression sur le visage du caméléon, celui d'un amoureux transi.
- Si j'avais une amie comme elle, crois moi, je ne la laisserai pas s'en aller. Mlle Parker, hein ? Raconte-moi son histoire, si tu veux bien.
- Il n'y a pas grand-chose à dire. Elle était ma meilleure amie lorsque nous étions enfants. Nous avons grandi ensemble, partagés des secrets, des rires, des moments précieux à mes yeux. Mais le destin nous a séparés, et elle a été entraînée dans un monde un peu à part. Chacun a fait sa vie de son côté… Il y a environ trois ans, j'ai repris contact avec elle. Depuis ce jour, je n'ai eu de cesse de veiller sur elle, il se leva de sa chaise.
- Tu veilles sur elle ?
- Oui, elle a la fâcheuse manie de s'attirer les ennuis. J'espère qu'un jour, elle se montrera raisonnable.
- Tu es un véritable ami. A-t-elle un homme dans sa vie ? Est-elle mariée ?
- Non, Jarod observa Thomas comme un sujet d'étude. Actuellement, elle s'adonne à d'autres activités. Attends, ne me dis pas que Mlle Parker t'intéresse ?
- Je vais te confier un secret, Jarod : je suis amoureux.
- Toi ? Elle ? il avala sa salive de travers et manqua de s'étouffer. Vous deux… ? Tu es peut-être la solution.
- Hum… Et où peut-on la trouver ? Comment puis-je faire pour qu'elle s'intéresse à moi ?
- Eh bien, mon ami, considère toi comme chanceux parce que je sais exactement où tu peux la trouver. Je vais te donner toutes les informations dont tu auras besoin. Mais tu ne devras jamais lui parler de moi. Jamais !
- Tu as ma parole, Jarod. Et que peux-tu me dire sur elle ? Qu'est-ce qu'elle aime, ou n'aime pas ? il prit le bloc-notes et le stylo posés sur la table prêt à écrire. Je t'écoute.
- Elle adore les longues promenades sur la plage, les piques-nique au parc, la musique classique, les animaux, surtout les lapins et elle est passionnée par l'astronomie. Elle déteste les gens superficiels et l'hypocrisie.
- D'accord, Jarod. Alors dis-moi, comment puis-je l'approcher ? Comment puis-je la séduire ?
- Thomas, mon ami, tu sais, il y a une chose que les filles comme Mlle Parker apprécient. C'est ce qu'on appelle le romantisme. Une magnifique soirée à observer les étoiles. C'est très intime. Emmène-la tout en haut sur la falaise, parle-lui des constellations et surtout assure-toi de te montrer très gentil, honnête et attentionné envers elle. Laisse à l'amour sa part de rêves et de folie. Je serai ravi si vous deux… Enfin, ça marchera, j'en suis certain.
- Eh bien, si tu as déjà utilisé cette technique de drague sur une de tes conquêtes, je veux bien essayer. Elle ne doit pas être facile à impressionner, j'imagine, Thomas haussa un sourcil interrogateur.
- Euh, en fait, j' ai vu ça l'autre soir à la télé, un petit documentaire sur la séduction. Si ça fonctionne sur plus de 60 % des femmes, je suppose que ça devrait fonctionner également sur Mlle Parker. Tu verras, elle n'aboie plus que ce qu'elle ne mord. »
Jarod était déterminé à aider son ami Thomas, il mit en place un stratagème élaboré pour les rapprocher. Il savait que Mlle Parker s'arrêtait souvent à une petite station-service sur le bord de la route de Blue Cove pour s'acheter des paquets de cigarettes. Se serait là, le point de rencontre. Par un temps idéal, le jeune charpentier se trouvait près du lieu-dit attendant que Mlle Parker arrive. Jarod avait informé au préalable Thomas de l'endroit et de l'heure exacte à laquelle elle serait là. Le plan de Jarod marchait à la perfection. Et tout se déroulait comme prévu, puisque ce soir-là, elle décida de donner une chance à Thomas, espérant sincèrement que cela les conduirait vers un nouvel avenir. De retour au présent. Mlle Parker était furieuse, ses yeux lançaient des éclairs comme des fusées éclairante. D'un geste brusque, elle leva la main et gifla Jarod, immobile et bouche bée. Il cligna des yeux, étonné par l'intensité de sa réaction. Sa rage débordait de mot.
« Jarod, ça suffit ! J'en ai marre ! Pourquoi est-ce que tu t'amuses à me torturer ainsi ? Pourquoi est-ce que tu me détestes autant ? Qui t'a donné le droit de jouer les cupidons ?
- Non, je ne te déteste pas, il se frotta la joue pour faire passer la douleur.
- Comment as-tu pu faire entrer un inconnu dans ma vie, dans ma maison, dans mon lit ?! Pour qui te prends-tu, Jarod ?
- Parker, je… Je n'essayais pas de jouer les Cupidon avec toi. Je tiens à toi. J'ai pensé que Thomas pourrait te rendre heureuse.
- Tu n'as aucune idée de ce que tu as fais ! Tu as mis en danger ma sécurité. Tu as fait entrer un étranger dans mon intimité !
- Parker, ressaisis-toi ! On parle de Thomas, là. Je m'étais renseigné sur lui, j'ai vérifié son passé. Je n'aurais jamais pris le risque de te mettre en danger. Crois-moi. »
Cupidon, lui ? Dans son for intérieur, Jarod se compara plus à Cyrano de Bergerac, l'éternel romantique, l'amoureux secret qu'à un espèce d'ange avec des ailes, un arc, un carquois et une fleur, ce n'était pas vraiment son truc. Ce qu'il voulait, c'était que son amie d'enfance jouisse un peu de bonheur, malheureusement, Mlle Parker était bornée et il était impossible de lui faire entendre raison. Puis petit à petit, elle se calma. C'est vrai, Thomas n'était pas comme tous les autres et avec lui, pas une seule fois, elle ne s'était sentie en danger. Elle s'avança vers lui, Jarod avait des palpitations, elle posa sa main sur la marque de la gifle. « Je ne t'ai pas trop fait mal, j'espère ? Je suis désolée. » Il lui fit non d'un signe de tête. Embarrassée et pour se faire pardonner, elle déposa un baiser sur la trace de ses doigts. Il réalisa que l'attraction qu'il y avait entre eux depuis le tout début les poussait à bout, intensifiant leur désir d'être physiquement plus proches. Leurs regards se croisèrent furtivement. Elle lui demanda une chose dont il ne s'attendait pas à entendre. Sa question le prit de court, Jarod réfléchit avant de répondre. Elle répéta sa question.
« Jarod, crois-tu qu'il soit possible d'aimer deux personnes en même temps ? elle s'appuya contre le mur.
- Parker, il est difficile de contrôler nos sentiments, il lui attrapa ses mains. En fin de compte, nous devons faire des choix et prendre les bonnes décisions. Si tu es en train de te demander si tu aimes deux personnes en même temps, alors peut-être est-il temps pour toi de faire un choix.
- Et toi, Jarod, crois-tu que tu pourrais aimer deux femmes en même temps ? lui chuchota Mlle Parker.
- Non. Je ne crois pas que je puisse aimer deux femmes en même temps. L'amour est puissant, mais il est exclusif. Il ne peut y avoir de place pour deux êtres dans un même cœur.
- Mais tu es déjà tombé amoureux ? Tu as aimé ces femmes, non ?
- Oui, je suis tombé amoureux, Parker, il y a eu des moments où j'ai ressenti des choses pour l'une d'entre elles. Mais il n'y a qu'une seule femme qui occupe une place particulière dans mon cœur, pour qui mon amour est indéfectible.
- Et qui est-elle, Jarod ? Qui occupe cette place si particulière dans ton cœur ?
- C'est celle qui fait partie de moi, il fuyait son regard.
- Tu ne me diras pas son nom, hein ?
- Non, il lui souriait presque tristement.
- Tu es le seul qui se soit toujours montré honnête avec moi. Dis-moi, que ressens-tu vraiment ? Pour moi.
- Parker, tu sais ce que je ressens pour toi. Tu es mon amie et ma meilleure ennemie, tu me traques pour le compte de ton père, il n'y a pas de place pour d'autres sentiments.
- N'éprouveras-tu jamais autre chose pour moi, Jarod ? Après toutes ces années, il doit y avoir un moment où tu as dû envisager cette possibilité, non ? Toi et moi, elle passa ses bras autour de son cou.
- Toi et moi ? Je m'imagine très souvent qu'un jour, tu te décides à tout quitter pour enfin avoir la chance de poursuivre tes rêves… Et moi, je suis là à tes côtés comme aujourd'hui. Nous sommes tous les deux enchaînés par nos passés, nos obligations. Nous ne pouvons pas nous permettre d'entamer ce genre de relation, Parker. C'est interdit, il s'écarta d'elle.
- Interdit. Il y a beaucoup trop de choses qui me sont interdites.
- Parker, il y a Thomas, il est amoureux de toi. Il est prêt à tout pour toi. Il est même venu jusqu'ici pour toi. Ne gâche pas tout entre vous parce que tu doutes ou que tu as peur.
- Et nous ? Qu'en est-il de nous ?
- La souris et le chat. C'est la seule chose qu'il reste entre nous. Il n'y a plus d'espoir pour nous. Il n'y en a plus aucun depuis le jour où tu es tombé amoureuse de lui. Je pensais que tu l'aurais compris depuis longtemps. Pars retrouver Thomas, il t'attends.
- Oui... Thomas, c'est un homme merveilleux, il ferait n'importe quoi pour moi. Il m'aime vraiment et je ne veux pas lui faire de mal en le laissant croire que... elle s'arrêta avant de poursuivre, je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai été égoïste, stupide. J'ai pensé que peut-être, pour une fois, tu me verrais autrement. Que tu pourrais... Je me sens tellement idiote… Je t'ai donné une opportunité que tu n'as pas voulu saisir. Je me suis laissé emporter par mes pulsions… Je me suis trompée, c'était une erreur, cria-t-elle en marchant à une vitesse folle.
- Tu n'es pas idiote. Tu es seulement perdue. Depuis que tu as emménagé avec Thomas, tu ne sais plus trop où tu en es. Mais fais-toi confiance et tout finira par s'arranger.
- J'ai tout gâché, n'est-ce pas ? J'ai fait souffrir Thomas pour rien. Et pourquoi ? Pour une illusion que je me suis créée. Tu as toujours été clair… Je n'aurais jamais dû penser que ça pourrait être différent. Comment ai-je pu imaginer une seule minute que tu éprouvais, ne serait-ce que le moindre sentiment pour moi. J'ai dû perdre la raison, je ne vois pas d'autres explications plausibles. Je vais rentrer chez moi maintenant… Auprès de Thomas.
- Tes vêtements sont secs si tu les veux. Ils sont là.
- Tu sais, tout se passait bien avant que tu ne reviennes ici. J'étais heureuse avec Thomas. Et depuis que tu es là tout à changer. Pourquoi es-tu revenu ? Tout ça, c'est de ta faute et il est désormais temps pour toi de quitter Blue Cove. »
La chambre d'hôtel vibrait d'une tension quasi intenable. Mlle Parker enveloppée dans un peignoir de bain laissait apparaître ses épaules nues et ses jambes parfaitement galbées. Ses cheveux mouillés descendaient en cascade pour venir se poser sur sa peau satinée. Jarod, respectueusement, lui rendit ses habits. Elle enfila d'abord ses sous-vêtements. Et avec les mêmes gestes gracieux, elle passa ses bras dans les bretelles de son soutien-gorge avant de l'attacher dans son dos. Une fois, celui-ci réajusté, ses doigts, fin, glissèrent le long de la dentelle, remontant doucement sa culotte jusque vers le haut de ses cuisses. Ensuite, la robe si élégante s'enroula tout autour de sa silhouette, soulignant ses formes avec une précision remarquable. Puis se revêtit de sa veste en cuir noire, complétant ainsi son ensemble. Quelques minutes plus tard, elle était prête à partir, mais avant elle se tourna vers Jarod qui malgré lui n'avait pu s'empêcher de l'observer, retraçant chacune de ses courbes. Elle avait son sourire charmeur qui embellissait sa jolie petite frimousse, tandis qu'il la raccompagnait vers la sortie, elle se rapprocha davantage de lui. Chaque regard, chaque sourire, chaque mouvement étaient faits pour le séduire. Jarod se détourna d'elle. Lui résister demandait trop d'effort et bien que sa respiration s'accélérait en réponse à la tentation qui s'offrait à lui, son attirance pour elle le rendait vulnérable. C'était comme une bataille de volontés, de désirs réprimés et de sentiments cachés. Ils se connaissaient, se comprenaient que trop bien, se complétaient si parfaitement que la frontière entre leur amour et leur amitié était sur le point d'être franchie. Les règles ne devaient pas être transgressés « Je t'appelle, demain. J'arrangerai la situation avec Thomas. Ensuite, je quitterai Blue Cove. Je vous laisserai tranquille. » De son côté, elle tenta de nouveau d'expliquer ce qu'elle ressentait, mais le caméléon secoua la tête. Il ne voulait pas savoir. Elle tourna la poignée et s'en alla. Ils se retrouvèrent tous deux de part et d'autre. Ils s'effondrèrent chacun du côté de la porte. Une fois de plus, les circonstances les avaient éloignés, les ramenant à la dure réalité, les détournant ainsi de leur destin.
Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991
La nuit était sombre et tranquille, le ciel était dégagé, lorsqu'elle rentra chez elle, la fatigue la gagnait. Les rues de la ville de Blue Cove étaient dépeuplées, à l'exception de quelques lumières qui brillaient faiblement. Les étoiles scintillaient au-dessus d'elle, mais leur éclat avait disparu comme elle. En passant la porte, elle fut alors accueillie par un silence et une petite lueur provenant du salon, éclairant la pièce. Et là, sur le canapé, elle y découvrit son jeune amant, assis, le visage dans ses mains, trempé de larmes, attendant patiemment son retour. Mlle Parker resta immobile un instant, ne sachant pas quoi dire ou quoi faire. Elle allait à son encontre, s'agenouilla devant lui, posa ses mains sur ses bras qu'elle frictionnait tendrement. Elle devait maintenant affronter les conséquences de ses actes. C'est alors qu'il releva la tête pour la regarder. Sur le moment, il ne cherchait pas de réponses ni d'explications, le seul fait qu'elle soit revenue chez eux lui suffisait à le rendre heureux. Elle s'installa sur ses genoux, caressa ses joues puis l'embrassa.
« Thomas, je suis désolée pour ce qui s'est passé. J'ai surréagi, je le reconnais. Je n'aurais pas dû partir comme je l'ai fait. Je t'ai fait du mal. Pardonne-moi, elle se blottit contre lui.
- C'est oublié, tu es à la maison maintenant, c'est tout ce qui compte. Je veux que tu saches que moi aussi, je m'excuse, Parker. J'aurais dû savoir que tu avais tes raisons de garder certaines choses pour toi. Je n'aurai jamais dû agir comme ça, il l'embrassa à son tour.
- Thomas, il y a quelque chose que tu dois savoir. Je suis retournée voir Jarod. J'étais à son hôtel, dans sa chambre avec lui quand tu es venu, elle baissa les yeux.
- Tu n'as pas besoin de te justifier, Parker. Je le savais déjà. J'ai reconnu ta voiture en bas de l'hôtel, il lui releva le menton. Et ta voix !
- Pourquoi n'avoir rien dit quand tu as su que j'étais là avec lui ?
- J'ai bien essayé. Et vous pourquoi n'avoir rien dit ?
- C'est moi. Ne lui en veut pas. Je lui ai demandé de se taire et de ne pas t'ouvrir. Je crois qu'inconsciemment, je voulais te punir et te faire souffrir. Comme je regrette. Si tu savais Thomas, comme je m'en veux. Je suis sincèrement désolée.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé dans cette chambre, Parker ?
- Je voulais avoir des réponses que Jarod lui seul pouvait me donner. Non, en fait, j'étais complètement à l'ouest. Thomas, essaye de me comprendre, en une soirée, j'ai appris que toi et Jarod étaient amis, qu'il a fait en sorte que nos chemins se croisent et pour terminer tes découvertes sur le Centre. J'étais égarée et j'avais besoin de me confier.
- Pourquoi lui ? Pourquoi ne pas t'être confié à moi ? Thomas la regarda longuement. Je sais écouter.
- On venait de se disputer et Jarod… Il me connaît mieux que personne, mieux que ma propre famille. Je peux lui dire absolument tout ce que je veux, sans crainte d'être catalogué, je sais que jamais il ne me jugera. Thomas, il y a des choses que tu ignores sur moi. Il y a des zones d'ombres en moi. Cette partie-là de moi, je ne veux pas que tu la voies. Jamais !
- Tu sais que tu peux tout me dire, jamais je ne te jugerais, Parker. Et quoiqu'il arrive, on y fera face ensemble, toi et moi. Je suis doué pour les réparations, tu te souviens ?
- Oui, elle lui souriait. Mon amour, il ne s'est rien passé dans cette chambre d'hôtel. Il n'y a rien entre Jarod et moi. Je te le jure. Il n'y a personne d'autre que toi. Thomas, c'est toi que je veux.
- Parker, tu es sûre ? Parce que je ne sais pas ce qui s'est réellement passé entre vous avant notre rencontre et je ne veux pas être celui qui te retient si tu as des sentiments pour lui.
- Thomas, il n'y a jamais rien eu entre Jarod et moi et il n'y aura jamais rien ni aujourd'hui ni demain. Nous sommes de bons amis et tu es le seul pour qui j'ai de vrais sentiments. C'est toi que je veux. Regarde-moi, c'est toi que je veux. Je veux être avec toi, mon amour et cette nuit, je veux te le prouver.
- Est-ce que ça veut dire que tu es prête à… ?
- On oublie tout. Jarod va bientôt quitter Blue Cove, il ne reviendra plus ici avant très très longtemps et nous on reprendra notre vie, là où elle s'est arrêtée. On recommence tout. »
Il était entièrement d'accord avec ses propos. Alors qu'ils scellaient leur réconciliation par de belles promesses, Mlle Parker se pencha vers Thomas, son sourire en disait long, son regard fixé sur ses lèvres. Ses doigts délicats parcouraient son cou l'effleurant de manière provocante. Sa bouche si tendre se baladait ici et là avant de retrouver celle de Thomas. Ce dernier, captivé par l'audace de Mlle Parker, sentit son cœur s'emballer et sans hésiter une seconde, il répondit à son baiser, l'attirant plus près de lui. Elle laissa échapper un petit son, un gémissement exprimant ainsi sa fougue et son envie évidente envers son amant. Ses mains fébriles se promenèrent sur son corps musclé, explorant chaque centimètre de peau. Le sofa devint tout à coup leur terrain de jeu, le lieu de leur désir. Leurs vêtements s'envolèrent à tour de rôle dans toute la pièce, leurs corps, eux, se rejoignirent avec empressement pour ne faire plus qu'un. Et pourtant, malgré cette passion dévorante, elle ne pouvait, cependant, pas chasser le caméléon de son esprit. Les images de Jarod, son sourire si sincère, ses yeux si espiègles, venaient hanter ses pensées. Elle se sentait déchirée entre le passé et le présent, entre un homme qu'elle avait toujours connu et secrètement aimé et un homme qui pour elle était devenu une part importante de son existence. Tandis qu'elle se perdait dans les bras de Thomas, des larmes jaillirent de ses grands yeux, elle savait que ce n'était pas seulement son corps qu'elle cherchait à satisfaire, mais aussi son cœur et son âme. Et cette nuit-là, dans la chaleur de leurs étreintes, elle s'était prise au piège, emprisonnée dans ses propres sentiments pour une seule et unique personne. Et emportée par son amour pour lui, elle était incapable de le laisser partir...
