Disclaimer : L'univers de Kuroko no Basket que vous reconnaitrez aisément appartient à Tadatoshi Fujimaki. L'auteur de cette fanfiction ne retire aucun profit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.
Note de l'auteur
- Des soucis de santé ont fait fuir ma muse depuis plusieurs années. J'ai mis à jour ma fic Saint Seiya l'an dernier parce que j'avais fini la première partie bien avant ces problèmes. L'inspiration semble revenir timidement depuis quelques semaines d'où mon retour sur le site avec cette nouvelle plutôt qu'elle prenait la poussière dans les tréfonds de mon disque dur depuis longtemps. J'espère que mon style n'aura pas trop souffert de cette pause forcée, soyez indulgent(e)s.
- Les personnages risquent de vous paraitre OOC par moment et c'est un peu normal. Gardez à l'esprit qu'ils ont plus de trente ans pour la plupart. La maturité change quelque peu leur façon d'être.
- On pourra aussi me reprocher d'utiliser beaucoup de personnages de moindre importance du manga, mais c'est pour éviter de créer des OC tout simplement et tout le monde saura de qui il s'agit.
- J'ignore également comment fonctionne certains organismes dont je me sers. J'ai imaginé bien sûr, mais j'ai surtout simplifié sans entrer dans les détails.
- Cette histoire n'est pas terminée. D'ordinaire, je ne publie jamais au fur et à mesure que j'écris pour ne pas frustrer les personnes qui la suivent et qui pourraient se retrouver le bec dans l'eau si je n'arrive pas à la finir pour une quelconque raison. Ayant trop souvent attendu une suite et une fin qui ne sont jamais venues, je ne veux pas l'infliger à mes lecteurs. Là, je fais une exception. J'ai été longtemps loin des fandoms et j'ai envie de savoir si je suis encore capable d'écrire une histoire qui plaira.
- Encore une petite chose. Je mets les choses en place sur plusieurs chapitres. Alors ne soyez pas trop pressé(e)s. Prenez le temps de découvrir le contexte de l'histoire qui ne se résume pas uniquement à des scènes érotiques.
- Certaines notes numérotées dans le texte ne seront pas visibles car il s'agit de photos que ce site ne tolère pas. C'est d'ailleurs fort regrettable.
- Et pour finir, le plus important, je dis un énorme MERCI à ma béta-lectrice, Futae qui s'est servie de son "Eagle Eye" (fallait que j'la case celle-là !) pour corriger cette histoire et me conseiller. C'est grâce à son enthousiasme, ses encouragements et son sens de l'analyse et de la critique sans détour, que cette histoire a pu voir le jour.
J'espère que vous aimerez. Bonne lecture.
Le roman de notre histoire
Chapitre 01
Fin.
Un mot qui faisait s'envoler toutes les tensions comme par magie. En particulier pour un romancier. Pas que l'écrivain n'aime pas écrire, sinon il ne le ferait pas, mais parce que cela mettait un terme à une histoire et qu'il pouvait en commencer une nouvelle. Et quand l'esprit était en ébullition, qu'il avait une propension certaine à se tourner de plus en plus souvent vers une idée neuve, se concentrer sur celle en cours devenait plus compliqué. Ils avaient tous, un jour ou l'autre, expérimenté ce phénomène. Pour se prémunir de ce genre de distractions, Mori Tora prenait des notes afin de ne pas oublier ce qui avait germé dans sa tête. C'était sa façon de travailler et elle lui avait plutôt bien réussi jusqu'à présent. Il sauvegarda son fichier et s'étira sur son fauteuil. Il allait devoir maintenant attendre quelques jours avant de revenir sur le texte et commencer les corrections qui lui paraitraient nécessaires puis il l'enverrait à son éditeur avec le reste de son manuscrit.
L'écrivain se leva tout en continuant à s'étirer pour faire disparaitre de son corps la lourdeur indue par la position assise même si l'ergonomie de son poste de travail était excellente. Il prit une bière dans le réfrigérateur, la décapsula et alla s'asseoir sur le canapé de cuir noir en posant les pieds sur le plateau en verre de la table basse. Il but une gorgée et ferma les yeux. La tête renversée en arrière, il apprécia le sentiment de vide qu'il ressentait à présent dans son esprit. Ce roman qu'il venait de finir était certainement celui qui lui avait demandé le plus de recherches. L'action se déroulait sur l'ile de Sado au large de la ville côtière de Niigata durant l'ère Edo. L'ile avait servi, pendant de nombreuses années, à exiler les opposants au régime et avait une histoire remarquable. Il avait évité le piège de la facilité en faisant trop confiance à ses propres connaissances ou à son imagination. Il avait passé un nombre incalculable d'heures dans les bibliothèques et les archives nationales, car malgré ses études d'histoire, il avait conscience de ses lacunes. Il était même allé séjourner sur l'ile. Et cela avait achevé de le convaincre que c'était le lieu parfait pour son roman.
Il fit glisser la bouteille fraiche sur son front et sa nuque. C'était agréable. Il sentait la somnolence le gagner lorsque son téléphone sonna. Il tâtonna maladroitement dans la poche de son survêtement et regarda qui l'appelait. Il poussa un soupir et laissa la messagerie prendre le relai. Tout ce qu'il voulait, c'était du calme, se retrouver seul avec lui-même sans avoir ses personnages en squat permanent dans sa tête. Il les aimait, mais maintenant qu'il avait fini de créer leur vie, il était temps qu'il reprenne la sienne. Il alluma la télévision et chercha la chaine de la NBA. Bien qu'il ait arrêté le basket après le lycée, il adorait ce sport. Il avait même écrit des articles sur le basket lycéen pendant la période où il avait été journaliste sportif. Ça n'avait duré que deux ans, puis il s'était tourné vers l'écriture.
Et il ne l'avait pas regretté un seul instant. Ses livres avaient trouvé leur lectorat et aujourd'hui, il vivait très confortablement. Ajouter un peu de sexe à ses histoires avait été une excellente idée. Dans son deuxième roman, il l'avait fait sans vraiment s'en rendre compte et c'était venu soutenir l'intrigue. Immédiatement les ventes s'en ressentirent et s'accrurent de manière significative. Son éditeur lui avait alors suggéré de réitérer l'expérience avec un érotisme plus explicite et là le nombre d'exemplaires vendus avait explosé. Il touchait tout autant les fans d'histoire médiévale que les hétérosexuels et les homosexuels plus intéressés par la romance grâce au réalisme de ces récits. Son style subtil et riche faisait passer les scènes d'amour tout en douceur tout comme les scènes de combats où parfois le sang coulait à flots. La précision des descriptions plongeait immanquablement le lecteur à l'époque où se déroulait l'intrigue. Et ça plaisait beaucoup. S'évader devenait particulièrement facile et agréable. Le succès fut au rendez-vous.
Au début, il avait eu le sentiment de s'être transformé en auteur pour lecteurs et lectrices en manque de fantasmes. Mais finalement les critiques étaient excellentes et il fut surpris lorsqu'il réalisa qu'il aimait écrire ce genre-là. L'avait-il fait de manière inconsciente pour combler un vide dans sa propre existence ? Depuis qu'il était devenu romancier, sa vie privée était pour ainsi dire inexistante. Oh ! il n'était pas un moine non plus, mais il n'avait pas encore rencontré quelqu'un avec qui il aurait ressenti l'envie de faire un bout de chemin. Mais comme il l'écrivait dans ces livres, l'amour pouvait vous tomber dessus au moment où vous vous y attendiez le moins. Et s'il voulait être entièrement honnête, il n'était pas facile à vivre non plus. Il s'emportait vite, était boudeur et démarrait au quart de tour quand on le défiait. Quel que soit le défi. Mais d'un autre côté, il était fidèle en amitié et d'une ténacité à toute épreuve. Il n'abandonnait jamais quoiqu'il fasse. Dès lors qu'il se fixait un objectif, il faisait tout pour l'atteindre.
Il éteignit la télévision. Il remplit un sac avec des vêtements de rechange et une trousse de toilette, enfila une tenue de sport, chaussa ses lunettes de soleil et attrapa son porte-clefs. Il monta dans sa voiture et se dirigea vers le club de fitness où il était abonné. Il s'y rendait au moins trois fois par semaine pour se maintenir en forme. Et grâce à cette discipline qu'il s'était imposée, il n'avait pas pris de poids depuis qu'il avait arrêté le basket. Si un peu, mais c'était du muscle. Et puis, il était un homme, plus un adolescent. La jeune femme de l'accueil lui dit bonjour avec un magnifique sourire. Ah ! elle en voyait passer des spécimens tout à fait à son goût, mais comme lui, ils étaient rares. Il se dirigea vers son vestiaire et se changea. Il enfila un short long et plutôt large, un débardeur, mit une serviette éponge autour de son cou et glissa son lecteur MP3 dans sa poche. Il attacha ses cheveux écarlates sur sa nuque et se rendit dans la salle où se trouvaient toutes les machines. Il s'échauffa en effectuant quelques étirements et monta sur un tapis de course. Il débuta doucement, inutile non plus de faire un sprint. Il commença à courir au rythme de la musique de Muse qui s'accordait bien avec le sien.
Il n'avait plus la même endurance qu'au lycée aussi après vingt minutes, il passa sur un autre appareil pour travailler les épaules et les pectoraux. Il termina par les dorsaux et les abdominaux. Le but n'était pas de prendre du volume, mais juste de garder une musculature harmonieuse et bien dessinée sans être agressive. Mais surtout solide. C'était elle qui tenait le squelette et le protégeait des blessures après tout.
Au bout de presque deux heures d'efforts, il mit un terme à sa séance. Il resta un moment assis sur un banc en buvant régulièrement pour laisser sortir la transpiration. Inutile de se doucher s'il devait encore suer dans ses habits propres. Il fit d'autres étirements pour éviter les courbatures autant que possible et fila au vestiaire.
De retour chez lui, il se sentait bien. Vidé dans son corps et sa tête, mais bien. Il mit ses vêtements de sport dans la machine à laver et alla à la cuisine pour se préparer à diner. Des lamelles de bœuf grillées et des légumes sautés au wok déglacés avec de la sauce de soja. Une bouteille d'eau et une pêche en dessert. Il finissait de ranger quand le carillon de la porte retentit. Il était presque vingt heures. Qui cela pouvait-il bien être ? Seules trois personnes connaissaient son adresse. Deux d'entre elles ne se déplaceraient pas à cette heure-ci. Donc ça ne pouvait être que lui. Une grimace de contrariété déforma son visage.
— Eh bien, j'ai cru que tu allais me laisser dehors, fit le visiteur en pénétrant dans l'appartement. Oh ! C'est grand ! Je n'étais encore jamais venu.
L'homme avait une élégance naturelle qui frappait au premier regard. Toujours vêtu de blanc, il jouait de son charme comme un virtuose et ses manières empruntées étaient à la limite de l'exagération. Mais Kagami, de son vrai nom, y était totalement insensible. Les yeux verts perçant ne l'avait jamais déstabilisé.
— Fais comme chez toi, Mibuchi.
— T'as pas répondu à mes appels, le gronda gentiment celui-ci en se vautrant sur le canapé.
— J'étais à la salle de sport. Qu'est-ce que tu fais là ?
— Tu as fini ton histoire ?
— Oui.
— Et tu ne pouvais pas le dire ! s'écria le dénommé Mibuchi. Kagami ! Tu sais qu'Akashi veut être informé à la seconde où tu termines.
— Eh bien, il attendra jusqu'à demain matin à moins que tu ne préfères le déranger tout de suite, sourit malicieusement l'écrivain.
Akashi Seijuro était le PDG des Éditions Rakuzan. Il avait une personnalité assez étrange. Son charisme en imposait tellement qu'à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, ses paroles, quelles qu'elles soient, étaient toujours perçues tels des ordres absolus. Mais Kagami n'était pas impressionné. Au début oui, comme tous ceux qui rencontraient Akashi pour la première fois. Mais avec le temps, il avait appris à ne pas le craindre. Après tout il faisait partie du top cinq des romanciers de la maison d'édition et le patron n'était pas stupide au point de prendre le risque qu'il aille se faire publier par la concurrence.
— Non, je ne suis pas suicidaire, sourit Mibuchi. Mais en tant que superviseur, c'est normal que je m'inquiète de ce genre de chose.
— C'est vrai, c'est ton job. Tu veux boire quelque chose ?
— Non merci. Je sors du restaurant. Bien. Appelle-le demain à la première heure sinon il pourrait bien mettre un coup de ciseau dans tes beaux cheveux, le chambra Mibuchi.
— Je le ferai, rassure-toi. Je connais les règles.
— Je te laisse. J'ai couru après trois auteurs aujourd'hui pour qu'ils se dépêchent un peu. Je suis crevé.
— Le harcèlement n'est pas une bonne motivation. Raison pour laquelle je n'ai jamais respecté aucun délai. L'inspiration n'obéit pas au doigt et à l'œil d'Akashi. Il ne l'a toujours pas compris ?
— Mmh… Bon, j'y vais. On se voit bientôt au bureau.
— Sûrement, bonne soirée.
Kagami Taiga se retrouva seul et soupira. Il allait enfin être tranquille. Mori Tora était le nom sous lequel il publiait ses livres. Son nom de plume.
Akashi Seijuro, mégalomane au dernier degré, avait pris la tête du groupe du même nom créé par son grand-père, mais sa passion pour la littérature l'avait amené à gérer en personne la maison d'édition Rakuzan.
Après avoir mis un terme à sa carrière de journaliste et avoir travaillé dans la publication de mangas, Mibuchi avait postulé pour un emploi de superviseur fort de son expérience. Akashi décida de lui donner une chance en littérature classique. Pari gagné. Mibuchi savait repérer une bonne histoire et il était le meilleur quand il fallait mettre la pression sur les auteurs afin qu'ils rendent leurs manuscrits dans les temps. Pour quelques-uns que ça ne marchait pas et Kagami Taiga en faisait partie. Mais au vu des ventes, il pouvait bien être un peu moins exigeant.
Après avoir regardé deux matchs de la NBA, il avait fini par aller se coucher en songeant à son prochain roman. La trame se mettait doucement en place et il se laissa emporter par le sommeil.
Il s'éveilla vers sept heures trente et se prépara un solide petit-déjeuner parce qu'il fallait bien ça pour affronter Akashi. Après une douche rapide, il s'habilla d'un jean, un t-shirt blanc, d'une veste et se rendit au siège des éditions Rakuzan. Bien caché derrière ses lunettes de soleil, il gagna le dernier étage. La secrétaire le salua et prévint son patron qu'il avait un visiteur. Moins de dix minutes plus tard, il fut invité à entrer dans le Saint des Saints. L'immensité des bureaux des patrons, quels qu'ils soient, l'avait toujours étonné. On voyait souvent ce stéréotype dans les films ou les séries télévisées. C'était une notion qu'il lui échappait. Un chef pouvait être tout aussi efficace dans une pièce plus petite. C'était juste du tape à l'œil. Ou bien compensaient-ils une faiblesse ?
La grande baie vitrée s'ouvrait sur une vue du centre-ville de Tokyo et le bureau d'Akashi était perpendiculaire à la fenêtre pour ne pas avoir la lumière directement sur l'écran de son ordinateur. Il y avait deux fauteuils devant et un peu plus loin derrière, deux canapés se faisaient face, séparés par une table basse. Dans un coin trônait une table de réunion ronde juste à côté d'un bar. Et devant le dernier mur, sur une estrade, un Shogi Ban (1) d'une facture magnifique démontrait, s'il le fallait, qu'Akashi adorait ce jeu.
— Bonjour Kagami. Assieds-toi, je t'en prie, fit l'occupant des lieux.
— Merci.
— Mibuchi m'a envoyé un mail pour me dire que tu avais fini ton roman.
— Tout juste hier. Je vais laisser passer quelques jours avant de le reprendre.
— Ne puis-je avoir le fichier pour le lire ?
— Tu sais bien que non. Je décide qui lit et quand, tu le sais.
Les deux hommes s'adonnaient systématiquement à cette joute verbale, histoire de voir si les positions de chacun avaient évolué, mais Kagami ne lâchait jamais rien. Akashi devait s'incliner à chaque fois et il détestait ça. Sauf qu'il s'agissait d'un auteur phare de la maison, alors il se forçait à mettre sa fierté dans sa poche avec le mouchoir par-dessus.
— Tu l'auras dans une dizaine de jours, je pense.
— Il devra passer le comité de lecture et tu travailleras avec les correcteurs. Tu viendras ici ou préfères-tu le faire par mail ?
— Ici, si ça ne te dérange pas. Ça me permettra de sortir de chez moi et de prendre l'air, sourit Kagami.
— Que peux-tu me dire sur ce roman ? Même si je connais l'histoire dans les grandes lignes, j'aimerais que tu me donnes des détails.
— J'ai fait beaucoup de recherches et je me suis rendu sur l'ile de Sado. C'est magnifique avec un tourisme bien développé.
— Tu es allé là-bas ? Tu t'es vraiment investi cette fois.
— Dois-je comprendre que ce n'est pas le cas des autres livres ? grinça l'écrivain.
— Non, mais c'est la première fois que tu rends sur les lieux de ton histoire.
— C'était nécessaire. Tout n'est pas relaté dans les archives ou les livres. Certaines informations dont j'avais besoin ne se trouvaient que sur place.
— Je comprends… Bien… Je sais que je peux compter sur toi. La qualité de ton travail n'est plus à démontrer.
— Eh bien ! Je rêve ou tu viens d'me faire un compliment ? J'espère que tu n'es pas malade.
— Tes sarcasmes sont injustifiés. Je ne le dis peut-être pas, mais j'aime ce que tu fais. Si ce n'était pas le cas, je ne t'éditerais pas et tu le sais.
— Tu marques un point. Mais s'entendre dire de temps en temps que son travail est apprécié, c'est motivant.
— Je te complimenterai plus souvent alors, si ça peut te permettre de tenir tes délais.
— Ne recommence pas avec ça, Akashi. J'écris quand l'inspiration est là, pas quand tu le décides toi.
— Nous avons cette discussion à chaque fois que nous nous voyons, n'est-ce pas ? sourit le PDG des Éditions Rakuzan.
— Parce que tu t'obstines à ne pas vouloir comprendre. C'est pourtant une évidence. Le processus de création n'obéit qu'à lui-même. Et c'est ainsi pour tous les écrivains que ça te plaise ou non.
— Puisque tu le dis… J'ai un rendez-vous dans quelques minutes. Passe au service comptable avant de partir pour prendre un autre chèque d'acompte sur tes ventes.
— Merci. Et ne t'inquiète pas. J'ai dit une dizaine de jours et ce sera le cas.
— Alors j'attendrai. À bientôt.
— Bonne journée.
Kagami déplia son mètre quatre-vingt-onze (2) avec souplesse et sortit du bureau. Il alla récupérer son chèque, le déposa à la banque et rentra chez lui. Il alluma son ordinateur et créa un nouveau dossier qui contiendrait tous les éléments de son prochain roman. Il commença par écrire les idées qui lui passaient par la tête pour ne pas les oublier en cours de route. Le temps fila et au bout de trois heures, il s'aperçut qu'il avait rempli six pages. Il était content de lui. C'était un bon début. Il s'apprêtait à préparer son déjeuner quand son téléphone sonna. Un rapide coup d'œil sur le contact et il décrocha en souriant.
— Salut Kuroko. Ça va ?
— Oui, très bien. Et toi ?
— On ne peut mieux. J'ai fini mon roman.
— Un bonheur n'arrive jamais seul comme on dit. J'ai une bonne nouvelle pour toi.
— Tu m'intrigues !
— Ta banque m'a appelé pour dire que ton dossier de crédit immobilier était accepté. Tu engages la presque totalité de tes liquidités comme garantie.
— C'est génial ça ! Il faudra que je me déplace pour signer le contrat de prêt ?
— Tout à fait. Je t'accompagnerai si tu veux.
— Volontiers. Je ne suis pas complètement idiot, mais j'avoue que certaines subtilités bancaires m'échappent.
— Appelle-moi quand tu te seras décidé. Je te laisse, je déjeune avec Ogiwara.
— Vous filez toujours le parfait amour tous les deux, plaisanta Kagami.
— Tu comprendras quand ça t'arrivera.
— Si tu l'dis… Passe-lui le bonjour. On se rappelle.
— Ce sera fait. À bientôt.
Kuroko Tetsuya était un ami de longue date. Ils s'étaient rencontrés à leur entrée au lycée. Passionnés de basket, ils avaient intégré l'équipe de leur école et étaient devenus coéquipiers. Puis des amis. Si Kuroko s'intéressait aux chiffres et Kagami aux lettres, ça n'avait pas perturbé leur amitié qui se consolida avec le temps. Quand l'écrivain commença à être un peu dépassé par sa comptabilité, il avait tout naturellement pensé à son ami qui n'hésita pas une seule seconde à lui apporter son aide. Lorsqu'il décida d'acheter une maison, Tetsuya s'était chargé de tout le dossier. Ils avaient négocié le montant de sa rémunération et même si Kagami estimait qu'elle n'était pas à la hauteur du travail qu'effectuait son ami, celui-ci n'avait rien voulu savoir. Et Kuroko était plus têtu qu'une mule.
Kagami déjeuna et continua à mettre ses idées par écrit. Il y passa quasiment tout l'après-midi. Il vérifia ses mails, mais rien de bien intéressant ne retint son attention. Puis il songea que c'était vendredi et que ce soir les discothèques allaient faire le plein. Un brusque désir de chaleur humaine le traversa. Il eut un petit rire et décida de sortir. Il commanda une pizza qu'il dévora. Ça faisait longtemps qu'il n'en avait pas mangé. À la suite de quoi, il prit une douche et s'habilla. Rien de voyant ou de trop chic. Un jean noir, une chemise d'un rouge bordeaux comme ses cheveux, une veste de la même couleur que le pantalon. Il glissa son portefeuille dans la poche arrière de son jean et son téléphone dans l'autre.
Il opta finalement pour un bar-lounge. Il laissa son véhicule au soin du voiturier et entra. Il s'assit au comptoir et commanda un Bacardi Cocktail (3). Dans le miroir qui courait le long du mur derrière le barman, il croisa le regard d'une jeune femme. Elle était tout à fait ravissante et lui fit un petit sourire auquel il répondit en levant à peine son verre. De là où il était, il pouvait voir qu'elle n'était pas vêtue de manière provocante. Elle portait un tailleur d'un bleu électrique et avait de longs cheveux noirs et très raides. Voyant qu'il ne semblait pas vouloir bouger, elle vint s'asseoir sur le tabouret libre à côté de lui.
— Oh, il n'y a personne j'espère ? demanda-t-elle d'un air faussement innocent.
— Eh bien… maintenant il y a quelqu'un, sourit-il. Je m'appelle Kagami Taiga.
— Nakamura Katsumi, répondit-elle en serrant la main qu'il lui tendait. C'est la première fois que je vous vois ici.
— J'en déduis que vous venez souvent.
— Pas vraiment… de temps à autre. J'aime l'atmosphère calme et feutrée de ce lieu.
— C'est vrai que c'est paisible. Et leurs cocktails sont excellents. Qu'est-ce que vous buvez ?
— Une simple flute de champagne. Et vous ?
— Un Bacardi Cocktail. Vous voulez goûter ? C'est un peu fort.
— J'aime ce qui est fort, rétorqua-t-elle en plantant ses yeux noirs dans ceux de l'écrivain. C'est délicieux, déclara-t-elle après avoir bu une toute petite gorgée.
— Et vous faites quoi dans la vie ? s'enquit-il le plus naturellement du monde.
— Je suis une modeste secrétaire dans le service de voirie de la ville.
— Je présume que vous êtes célibataire sinon vous ne seriez pas ici.
— C'est exact. Et vous, que faites-vous ?
— Je suis journaliste sportif. J'écris des articles sur le sport au lycée. En particulier, sur les équipes de basket.
Ils continuèrent à parler de tout et de rien pendant encore quelques instants avant de dévier sur des sujets plus privés. Ils jouèrent au chat et à la souris pendant un bon moment et ça les amusait. La jeune femme fit le premier pas en déposant un baiser léger sur les lèvres de Kagami. Elle alla même jusqu'à lui dire qu'il y avait un hôtel pas très loin. L'écrivain paya les consommations et le couple sortit du bar. Une activité plus plaisante l'attendait. Trois heures plus tard, Kagami proposa à la jeune femme de la raccompagner, mais elle était également venue en voiture. Ils rentrèrent chacun de leur côté. Ils étaient des adultes, ils avaient passé un très agréable moment ensemble, ils ne s'étaient rien promis, ils n'avaient pas échangé leur numéro de téléphone et tout était très bien ainsi. Son réveil indiquait une heure moins dix quand l'écrivain se laissa tomber sur son lit. Il s'endormit du sommeil du juste.
Il se réveilla d'humeur morose. Mélancolique serait plus juste. Il se sentait gagné par une sorte de lassitude et les idées qu'il avait soigneusement mises par écrit la veille lui paraissaient insipides maintenant qu'il y repensait. Il fut tenté par un changement de registre. Il décida d'appeler Akashi pour lui demander son avis. Il s'agissait surtout d'un geste de respect envers celui qui avait été le premier à l'éditer. Parce que quoi qu'il dise, rien n'empêcherait Kagami d'écrire ce qu'il avait décidé d'écrire.
— Nous n'avons pas l'habitude de publier ce genre, répondit l'éditeur de toute évidence fort peu emballé.
— Tu publies bien Mitobe Rinnosuke ! Et il écrit du fantastique !
— Ses histoires sont bien ancrées dans la réalité. C'est ce qui les rend particulières. Ce n'est pas le cas de la Science-Fiction.
— Voilà ce que je te propose, reprit Kagami pas très convaincu par l'argument et ne souhaitant pas s'engager dans une polémique. Je mets une histoire au point, une trame et je te soumets le projet. À force d'écrire sur des choses qui ont été, j'ai besoin de savoir si je suis capable d'inventer ce qui pourrait être un jour. La Science-Fiction laisse une plus grande marge de manœuvre tout en s'appuyant sur le passé auquel on peut se référer pour expliquer l'émergence d'une nouvelle société par exemple. On crée ce que l'on veut, ce qui est nécessaire. Et je n'abandonne pas l'érotisme pour autant, argumenta l'écrivain.
— Je t'avoue que je ne suis pas convaincu… très bien, faisons ainsi, capitula Akashi après un long silence pendant lequel il pesa le pour et le contre. Mais n'oublie pas que tu me dois un manuscrit dans dix jours.
— Je sais, tu l'auras. À bientôt.
En raccrochant, il eut un rire étrange. Celui de quelqu'un qui vient de jouer un mauvais tour. Akashi l'avait peut-être oublié — bien qu'il en doutât —, mais il n'y avait aucune clause d'exclusivité dans le contrat qui le liait à la maison d'édition. Il était libre d'écrire ce qu'il voulait et de soumettre ses manuscrits à qui il désirait. Son engagement consistait juste à travailler avec Rakuzan à partir du moment où il avait reçu un acompte sur les ventes. Mais comme Rakuzan faisait bien son travail, il n'avait aucune raison d'aller ailleurs.
Pour l'instant.
Il constata que sa morosité s'était envolée. Est-ce que ça pouvait être aussi facile que ça ? Simplement l'envie de changer de registre ? Pourtant, il était passionné d'histoire. Alors ? Il n'avait pas exploré tout le vécu du Japon. Il y avait encore tellement d'époques, de personnages, d'aspect à exploiter avec des récits, ce n'était pas possible qu'il se soit lassé. À moins que ça ne soit que passager. Un besoin temporaire de s'essayer à autre chose pour voir s'il était capable de tout créer d sans s'appuyer sur l'Histoire avec un grand H ou à peine. Pour le coup, ses notes reprirent tout leur intérêt.
Il s'assit à son bureau, alluma son ordinateur, ouvrit le fichier et continua à écrire ses idées en modifiant simplement l'environnement. La fin du XXVe siècle ou le début du XXVIe était un compromis raisonnable. Ni trop proche du présent pour influencer de manière excessive son histoire, mais assez éloigné pour faire et inventer ce qu'il voulait. De toute façon, il serait toujours temps d'en changer. Avant tout, il devait s'immerger dans cet univers de Science-Fiction avec des livres ou des films. Il opta pour des romans de maitres en la matière comme le "Cycle de Fondation" ou le "Cycle des Robots" d'Asimov, la saga de "Dune" d'Herbert, "Le Neuromancer" de Gibson ou des œuvres de Dan Simmons. Leurs univers étaient complètement différents les uns des autres et leur imagination pour les créer semblait n'avoir aucune limite dans le sens où l'on pouvait aisément concevoir qu'ils puissent exister un jour. Leur crédibilité frisait la perfection. Finalement il opta pour le début du XXVIe siècle.
Il savait déjà plus ou moins ce qu'il voulait écrire, mais pour fignoler son propre univers, il fallait qu'il s'imprègne des meilleurs, qu'il étudie leurs formes et leur structure. Il commença par Herbert. Même si l'histoire se déroulait très loin dans le futur, la construction de la trame pouvait se révéler riche d'enseignement. Il attrapa le premier volume (4), posa un calepin et un stylo sur la table basse pour prendre des notes et s'installa confortablement dans le canapé pour entamer sa lecture. Il l'avait lu il ya bien longtemps pour le plaisir, mais il ne l'avait pas étudié, décortiqué, analysé. Au bout de quelques heures, il avait lu la moitié du roman, pris trois pages de notes et son estomac se rappela à son bon souvenir. Une pause serait la bienvenue. À travers les grandes fenêtres, la lumière du soleil couchant illuminait d'une couleur orangée le salon et indiquait que les jours rallongeaient, que l'été approchait. Après un repas rapide, mais délicieux, il choisit un film. "Matrix" réalisé par Lana et Lilly Wachowski avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne et Carrie-Anne Moss entre autres. Le premier était sorti en 1999 et faisait partie d'une trilogie. Un incontournable de la SF qui n'avait pas pris une ride.
Le lendemain, il s'attela aux corrections de "Sur les plages de Sado". Plus vite il en aurait fini avec ce roman, plus vite il pourrait se consacrer au nouveau. Il ne bâclerait pas son travail, mais il avait une envie terrible de commencer cette nouvelle histoire. L'excitation de l'innovation certainement. Il corrigeait rapidement, utilisant tous les programmes qu'il avait sur son ordinateur. Il accordait entre cinq et six heures par jour à celui-ci et au moins deux heures à mettre en forme la trame et la structure de son nouveau projet. Il s'immergeait dans l'univers de la Science-Fiction en dévorant des romans et en regardant des films et des séries. Certains avaient mal vieilli, mais d'autres étaient encore très captivants.
Les dix jours passèrent à une vitesse folle et c'est en vainqueur qu'il entra dans le bureau d'Akashi en fin d'après-midi. Celui-ci l'observa, un rictus goguenard aux lèvres, parfaitement conscient qu'une fois de plus il avait perdu contre ce diable aux cheveux rouges.
— Tu as tenu le délai pour une fois, déclara-t-il en posant son stylo.
— C'est un délai que je me suis fixé. Tu ne me l'as pas imposé, rétorqua Kagami avec le même genre de sourire tout en laissant sur la table basse, un carton qui paraissait assez lourd.
— Le comité de lecture se réunira aussi vite que possible pour que tu puisses travailler ensuite avec Mibuchi.
— Tiens-moi au courant. Je suis en train de mettre en place la trame dont je t'ai parlé. Dès que j'aurai une ébauche qui tient la route, je te le ferai passer.
— Très bien, mais comme je te l'ai dit, la SF n'est pas le genre de la maison. De plus, je serais curieux de connaitre la réaction de tes lecteurs.
— Il n'y a qu'un moyen de le découvrir et tu le sais. Je vous mets ça ici. J'en ai une copie chez moi alors vous pouvez faire toutes les annotations que vous voulez. Je vous laisse.
Il sortit du bureau fier comme un paon. Il adorait couper l'herbe sous le pied de son éditeur. Ça lui procurait un sentiment inouï de plénitude intellectuelle. Une fois dans sa voiture, il appela son ami Kuroko pour l'inviter à dîner avec son compagnon. Il était d'humeur joyeuse et voulait la partager.
Quand les deux hommes entrèrent dans le restaurant, il leur fit signe de la main. Ils se saluèrent et s'assirent autour de la table.
— Tu as les yeux qui brillent, Kagami, sourit Kuroko en buvant une gorgée de l'apéritif qu'ils avaient commandé.
— J'adore battre Akashi sur son terrain. C'est jubilatoire !
— Et un tour de force, rajouta Ogiwara qui connaissait un peu le personnage à travers ce qu'il en avait entendu dire par l'écrivain.
— Ton crédit, tu veux aller le signer quand ?
— Justement… Est-ce que demain après-midi tu serais libre pour m'accompagner à la banque ?
— Je dois pouvoir m'arranger.
— Où se trouve la maison que tu comptes acheter ? s'enquit Shigehiro.
— En banlieue. C'est une demeure traditionnelle avec un mur d'enceinte, une cour et un grand jardin. Je vais le faire aménager dans le style ancien. Je veux du calme et de la tranquillité. Je devrai aussi embaucher une femme de ménage.
— J'avoue qu'après l'avoir vu, tu as fait une sacrée affaire, fit Kuroko en souriant à son compagnon qui avait caressé sa main.
— L'agence immobilière n'arrivait pas à la vendre, j'ai fait tomber le prix autant que j'ai pu. Bien messieurs, à notre santé et à notre réussite ! s'exclama Kagami en levant son verre imité par ses deux invités.
Ils passèrent une très agréable soirée et ils se séparèrent non sans se rappeler leur rendez-vous du lendemain après-midi pour Kagami et Kuroko. L'écrivain rentra chez lui satisfait et serein. Il entrevoyait déjà son divorce d'avec les Éditions Rakuzan et ça le mettait d'excellente humeur. Quand il y réfléchissait un peu, sa collaboration avec Akashi commençait à lui peser. Il lui était très reconnaissant d'avoir accepté de l'éditer et sans lui peut-être que sa carrière ne serait encore qu'un rêve. Mais maintenant que d'autres maisons lui faisaient les yeux doux, pourquoi ne pas aller voir chez le voisin si l'herbe poussait verte aussi ? Ses romans n'avaient jamais été imprimés en format de poche. Qui sait si ça n'augmenterait pas le nombre de ses lecteurs au vu du prix moins élevé que le format de Rakuzan ? Akashi pourrait en faire un gros caprice et à cette idée, Kagami se mit à rire tout seul.
Il retrouva Kuroko devant l'agence bancaire où il avait son compte, ou plutôt ses comptes, et le directeur les accueillit avec un grand sourire. Quand on a un client qui a plus de deux cent trente et un millions cinq cent mille yens (5), on ne le fait pas attendre. L'homme reconnut Kuroko qui s'était occupé avec lui du dossier de crédit et les invita à le suivre dans son bureau.
— Désirez-vous un café ou un thé ? demanda-t-il poliment.
— Un café, si ça ne vous dérange pas, répondit Kagami. Kuroko ?
— Rien pour moi, merci.
— Monsieur Kagami, votre demande de crédit n'a été qu'une simple formalité. Votre café.
— Merci.
— Tout est en règle, poursuivit le directeur en s'asseyant derrière son bureau. Il vous engage pour vingt ans et il ne reste plus qu'à signer le contrat. Les mensualités commenceront lorsque vous aurez emménagé.
— D'ici un an donc, quand les travaux de rénovation seront terminés. Parfait, s'exclama l'écrivain.
Il termina son café et prit un stylo-plume dans sa poche. Il signa et parapha toutes les feuilles du contrat de crédit qui le liait à la banque, le rendit en souriant au directeur et en garda un exemplaire pour lui.
— Vous pouvez désormais signer l'acte propriété avec l'agence immobilière. Une fois que nous en aurons une copie, les fonds seront virés sur leur compte.
— J'aime quand les choses se passent sans problème, déclara Kagami en serrant la main du banquier.
— C'est grâce à l'efficacité de votre comptable, répondit l'homme en regardant Kuroko qui inclina la tête en remerciement. Et je dois avouer, poursuivit-il, que j'aurais vraiment été désolé de devoir vous le refuser. J'ai lu tous vos livres, ma femme également et nous aimons beaucoup ce que vous écrivez.
— Vous m'en voyez ravi. J'espère que vous achèterez aussi le prochain.
— Quand sera-t-il en librairie ?
— Eh bien, le manuscrit est entre les mains de mon éditeur. Il reste encore un gros travail de correction à faire, mais je pense que d'ici six mois, peut-être moins, vous le trouverez à la vente.
— C'est formidable ! J'en garderai un exemplaire ici pour que vous me le dédicaciez à l'occasion, osa le directeur de l'agence bancaire.
— Je m'en ferais un devoir, sourit le romancier. Merci pour tout.
L'homme les raccompagna jusqu'au sas de sécurité et ils prirent congé de lui. Ils gagnèrent le parking en sous-sol où Kagami était garé et s'assirent à l'intérieur.
— T'es venu comment ?
— En bus. Ce n'est pas très loin de mon bureau.
— Tu veux que je te ramène ?
— Non, vu l'heure inutile que j'y retourne. Tu me laisses chez moi ?
— Bien sûr. Merci de m'avoir accompagné.
— Je n'ai pas fait grand-chose, répondit Kuroko sur ce ton monocorde qui le caractérisait.
— Tu as monté tout le dossier quand même. C'était rassurant de te savoir là.
— De toute évidence, tu avais ton banquier déjà dans la poche.
— Peut-être, mais il n'est pas le seul à étudier les demandes de crédit et le verdict final ne lui appartient pas. Il était peut-être de parti pris, mais il n'était pas l'unique décisionnaire.
— Je t'ai dit que je n'avais aucun doute qu'il soit accepté. Je ne me suis pas trompé.
— Ah ! Kuroko ! Qu'est-ce que je ferais sans toi ? sourit Kagami en démarrant la voiture.
— Pas mal de bêtises, je pense…, plaisanta son comptable avec un sourire fugace.
— Merci… Ta confiance fait plaisir à voir !
C'est en riant et en s'envoyant quelques vannes que les deux amis arrivèrent chez Kuroko. De retour à son domicile, l'écrivain songea à tout ce qui lui restait à faire. Il fallait qu'il se rende à l'agence immobilière qu'il appela d'ailleurs pour confirmer l'acceptation de son crédit, signer l'acte de vente et devenir ainsi propriétaire. Ensuite il devait faire établir des devis pour les différents travaux de rénovation et de mise aux normes de sécurité pour l'électricité, la tuyauterie, enfin tout ce genre de choses tout en gardant à la maison son cachet traditionnel. Et pour finir, mais ça se serait pour plus tard, déménager. Il avait encore quelques mois à passer dans cet appartement.
Presque un an s'était écoulé depuis que son crédit lui avait été accordé. Son roman était sorti en librairie cinq mois plus tôt et avait pulvérisé son record de ventes. Il se hissait au niveau des best-sellers. Et par effet de ricochet, cela remonta également les ventes des précédents. Les lecteurs qui avaient acheté "Sur les plages de Sado" voulaient connaitre ses autres œuvres s'ils ne les avaient pas encore lues. Les travaux de rénovations de sa maison étaient quasiment terminés et il envisageait d'y emménager avant la fin du mois. Quant à son projet de roman de Science-Fiction, Akashi l'avait refusé. Il n'avait pas aimé, avançant des arguments solides pour justifier sa décision. Kagami n'avait pas insisté, ravi de prendre du recul avec Rakuzan. Il avait déjà fait des recherches et trouvé des éditeurs qui publiaient de la SF. Ils n'étaient pas très nombreux ou bien le genre n'était qu'un des départements de leur structure, mais ils avaient le mérite d'exister.
Kagami s'était procuré quelques ouvrages qu'elles avaient lancés et certains étaient devenus de très gros succès. Tout cela le conforta dans son désir d'écrire ce roman qui prenait forme jour après jour dans sa tête et son ordinateur. Il avait détaillé toute la trame et l'univers où se déroulerait l'histoire, les personnages étaient créés avec leur description physique et psychologique, l'intrigue lui paraissait solide. Il attendait d'être chez lui, dans sa maison pour commencer le travail d'écriture proprement dit. Et quand l'idée d'une scène lui traversait l'esprit, il s'empressait de la mettre par écrit avant de l'oublier. Il en avait même écrit sur l'application QuickMemo+ de son téléphone portable. C'était dire à quel point il ne négligeait rien. Il voulait raconter cette histoire coûte que coûte.
Le grand jour arriva enfin. Un samedi. Accompagné de Kuroko et d'Ogiwara, il passa le portail et pénétra dans sa propriété. Les travaux étaient finis et les déménageurs avaient terminé leur tâche. Il avait embauché une femme de ménage ainsi qu'un jardinier qui avait fait une merveille de l'espace en plein air devant et sur le côté de la maison. Kagami prit une profonde inspiration qu'il relâcha longuement avec un sourire. Il ouvrit les yeux et regarda ses deux employés qui s'inclinèrent avec respect. Il avança sur les dalles en granit jusqu'à l'escalier en bois qui comportait deux marches. Il franchit le seuil, il était chez lui…
À suivre…
(1) Shogi Ban : table de Shogi
(2) Dans le manga, Kagami fait 1,90 m. Mais là il est adulte et je lui ai donné un centimètre de plus. Après tout au lycée, il n'avait pas fini sa croissance d'après sa coach.
(3) Bacardi Cocktail : 0,5 cl de sirop de grenadine, 2 cl de jus de citron, 4 cl de rhum cubain.
Réalisez la recette "Bacardi Cocktail" au shaker.
Frappez les ingrédients dans le shaker, puis passez dans le verre à cocktail rafraîchi.
Servir dans un verre de type "verre à martini"
Décor : Une rondelle de citron et une cerise confite.
On utilisera de préférence du rhum cubain Bacardi pour la réalisation de cette recette.
(4) "Le Cycle de Dune" de Franck Herbert comporte six volumes.
(5) Environ un million huit cent mille euros.
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