18h30. Toujours sans nouvelles de Candice, Antoine s'inquiétait, s'interrogeant presque sur les raisons de son mutisme. Son activité préférée était dernièrement devenue le déverrouillage frénétique de son portable… qui ne laissait jamais apparaître la notification espérée. Agacé de poireauter, il craqua et s'empara de son petit boitier noir avant de le greffer à son oreille.

« Antoine ? s'étonna-t-elle.

- Ouais ! Salut Emma… Euh dis voir… t'aurais pas des nouvelles de ta mère par hasard ?

- Euh non. Je pensais qu'elle était avec toi…

- Elle est partie à son rendez-vous chez le psy en fin de journée mais ça fait plus de deux heures maintenant et j'ai pas de nouvelles. Elle répond pas à son téléphone...

- En général, quand elle fait ça, c'est qu'elle a besoin d'être seule…

- Ok… répondit-il déçu. Non parce qu'on s'est un peu pris la tête tout à l'heure alors je… je voudrais pas que ce soit à cause de ça quoi…

- Dès que j'ai des nouvelles, je te préviens !

- Merci… »

Il raccrocha, rongé par l'angoisse. Et d'une évidence implacable, Antoine le savait finalement, son mutisme s'expliquait par sa séance chez Froissart. Lui qui aurait tant voulu la serrer dans ses bras pour la rassurer devait se contenter de cette distance et de son impuissance. Il souffla, résigné, et reposa machinalement son téléphone sur le bureau lorsque la porte devant lui s'ouvrit doucement.

« Je te dérange ? demanda gentiment Élodie.

- Euh… Non…

- Ça a pas l'air d'aller…

- Si ! Ça va… mentit-il en souriant faussement.

- J'ai fini le PV d'audition que tu voulais… continua-t-elle en le déposant sur le bureau. Tu veux aller faire un tour ?

- Euh… Pourquoi faire ?

- Se changer les idées… Fin' j'vois bien que ça va pas et… j'avoue que ça me fait chier de te voir comme ça ! On peut juste aller se balader… »

Antoine la fixa, hésitant. La proposition était tentante… Après tout, l'occupation était clairement le remède contre les tergiversations. Puis sa collègue n'était pas méchante et sa volonté de bien-faire l'encourageait presque à accepter. Il zyeuta le dossier en cours avant de le refermer et d'acquiescer.

Intérieurement, Élodie jubilait, se délectant d'enfin passer un moment en sa compagnie hors du commissariat. Alors elle l'observa éteindre l'ordinateur et tous deux quittèrent le bureau dans un silence pesant. Rapidement, leurs pas les conduisirent jusqu'au bord de mer, où le soleil de fin de journée rendait l'air encore agréable.

« Tu veux boire un verre ? proposa-t-elle en montrant la paillotte devant eux.

- Rapidement alors, parce que Suzanne m'attend.

- C'est ta fille ?

- Ouais… confirma-t-il en souriant avant de montrer une photo sur son portable.

- Eh beh… Elle a hérité du charme des Dumas donc… lança-t-elle volontairement ambiguë.

- Hum… se contenta-t-il de répondre avant de s'installer sur un fauteuil les pieds dans le sable.

- Et… C'est Candice qui te met dans cet état… ?

- Je suis pas certain d'avoir envie d'en parler… avoua-t-il sérieusement.

- Je comprends… C'est jamais facile la collaboration avec son ex… acquiesça-t-elle en caressant sa main. »

Gêné, le commissaire fixa son doigt palper sa main. Peut-être que Nathalie avait raison finalement… Et peut-être même que la jalousie de Candice n'était pas totalement infondée… Perplexe, il ôta brusquement ses doigts de sa paume et la fixa durement.

« Euh… J'ai l'impression que t'attends quelque chose de moi que… que je pourrais pas te donner, Élodie…

- Ah… Moi qui pensais que y avait un feeling entre nous…

- Oui, c'est vrai... On s'entend bien mais… en tant que bons collègues… en tant qu'amis…

- Nan mais en même temps, vu ce qu'il s'est passé avec Candice… Je comprends que tu veuilles plus mêler pro et perso… C'est légitime...

- Mais y a pas que ça… Je… T'es une fille super hein, vraiment ! Mais…

- Mais tu l'aimes encore, c'est ça ?

Gêné, Antoine baissa la tête avant d'acquiescer.

- Ouais je… J'suis désolé… Si j'ai pu te laisser penser que t'avais une chance je... Fin' mon intention n'était pas de te blesser...

- T'inquiète pas... J'vais m'en remettre... Mais bon... C'est juste que j'ai du mal à comprendre...

- Candice et moi ça a toujours été compliqué... Et même si on est "séparés"... on s'aime et... voilà...

- Eh bah j'espère qu'elle te mérite vraiment alors… parce qu'en tout cas, crois-moi qu'elle ne se soucie absolument pas de toi… annonça-t-elle en fixant l'horizon.

- De quoi tu parles ? s'étonna-t-il.

- Bah c'est pas elle là-bas ? »

Étonné, le policier se retourna et tomba sur sa blonde préférée en compagnie d'un quarantenaire aux muscles bien dessinés. Il ravala sa salive et se remit bien droit avant d'hausser les épaules.

« Elle fait ce qu'elle veut en même temps… maugréa-t-il en tentant de ne rien laisser paraître.

- Quand même… C'est chaud…

- Hum…

- Allez... Avec de l'alcool ça va aller… tenta-t-elle pour le faire rire.

- Ouais… »

Pensif, il sortit son téléphone de sa poche. Toujours aucun message. Aucunes nouvelles d'elle donc. Même après ses appels manqués et son sms d'inquiétude. Déçu, il le rangea à nouveau et tenta de faire semblant d'écouter l'histoire de sa collègue qui ne l'intéressait visiblement pas beaucoup.

22h00. Allongé dans son canapé, le commissaire regardait sans conviction sa télévision. L'air ailleurs, il parvenait à peine à se concentrer sur les images qui défilaient devant ses yeux. Et pour la énième fois de la soirée, il déverrouilla son téléphone, de sorte à s'assurer qu'il n'avait loupé aucun message. Et comme à chaque fois, l'écran restait intact. Résigné, il s'apprêtait à éteindre la télé lorsque son portable vibra avant de s'illuminer. Antoine se jeta dessus.

Emma…

« C'est bon. Maman est rentrée y a trente minutes. Tout va bien… »

Soulagement, songea-t-il en soufflant doucement avant de réaliser. Candice était rentrée chez elle trente minutes plus tôt et avait forcément dû lire ses appels manqués et ses messages. Pourtant, elle ne lui avait toujours donné aucunes nouvelles… Déçu, il décida finalement de monter se coucher, continuant d'espérer recevoir quelques mots de sa part.

. . . . .

Le lendemain matin, Antoine sirotait son café en salle de repos. L'heure était encore bien précoce et le commissaire en était déjà à son deuxième… Faut dire que la nuit d'insomnie qu'il venait de passer n'arrangeait en rien la situation… alors la caféine s'était posée comme son ultime recours pour survivre aux prochaines 24h…

« Salut… entendit-il alors qu'une main se posait doucement dans son dos.

- Bonjour… répondit-il froidement avant d'éviter son regard.

- Euh… je suis désolée pour hier soir je… j'ai…

- Non mais t'inquiète pas, j'ai bien compris que t'avais pas besoin de moi. J'espère que t'as passé une bonne soirée en tout cas…

- Antoine… chuchota-t-elle émue en s'approchant doucement.

- Quoi ? J'étais inquiet, mais c'est pas grave ! Heureusement qu'Emma était là…

- D'accord, j'aurais dû te répondre, je suis désolée. C'est juste que j'avais besoin d'être seule…

- Seule… répéta-t-il sarcastique.

- La séance d'hier était compliquée… J'suis allée me vider la tête sur la plage… Et j'ai fait du sport pour me détendre… se justifia-t-elle doucement.

- Si tu préfères l'appeler lui quand t'es pas bien fallait me le dire hein… cracha-t-il amer.

- De quoi tu parles ?

- Je vous ai vu…

- Ah bon ?

- Ouais… J'étais avec Élodie mais… j'ai pas voulu vous déranger.

- Avec Élodie ? releva-t-elle surprise.

- Oui. J'ai mis les choses au clair parce que t'avais raison, elle s'attendait probablement à autre chose qu'une simple relation de collègues…

- En même temps, y avait que toi qui le voyait pas ça, Antoine…

- Peut-être que j'étais trop occupé à regarder quelqu'un d'autre alors… répondit-il agacé. Puis c'est pas le sujet.

- Oui alors d'accord, j'ai fait cette séance chez le psy et d'accord, j'étais pas bien après. Donc j'ai appelé Simon parce que j'avais besoin de me défouler et me libérer…

- Et moi… ? M'appeler ? Non ? Je compte pas… ?

- Dis pas n'importe quoi… C'est juste que c'est un peu compliqué… On se retrouve à peine tous les deux et en même temps j'ai encore besoin de temps et… bien sûr que j'ai besoin de toi… chuchota-t-elle émue, Mais… Ça peut pas redevenir comme avant en un claquement de doigt…

Ému à son tour, le commissaire se contenta d'acquiescer.

- Donc je suppose que pour demain on annule ?

- Si Suzanne veut voir les enfants, elle peut venir… Ça me ferait plaisir et à eux aussi… mais…

- Je suis pas le bienvenu…

- C'est pas contre toi…

- Je la déposerai en fin de matinée et je viendrai la récupérer avant de la déposer chez sa mère alors, expliqua-t-il froidement avant de s'apprêter à faire demi-tour.

- Attends... J'te promets qu'on va en reparler… osa-t-elle après avoir agrippé son poignet. Mais pas ici… s'il-te-plaît…

- Ok. »

La blonde se retrouva rapidement seule dans cette salle bien silencieuse. Antoine semblait fâché mais Candice le comprenait… Alors elle finit par se convaincre que la discussion était la seule solution pour éviter les quiproquos de ce genre… Mais ce n'était ni le lieu, ni le moment. Maintenant, il fallait plutôt se concentrer sur l'enquête qui s'apprêtait enfin à s'achever...