Bonjour à tous!
Et oui, je suis encore vivante ! Vraiment navrée pour l'attente, la vie va à cent à l'heure en ce moment et entre la rentrée, un projet de déménagement et une santé mentale parfois difficile à préserver, les heures d'écriture se font malheureusement difficiles à trouver :(
Mais je suis très heureuse de vous proposer ce nouveau chapitre ! Attention on entre dans une partie plus sombre et, pour répondre à une question qui m'a été posée, il se peut qu'un personnage horrible du comic soit évoqué...
Bonne lecture !
Lorsque Peter se réveilla, son cœur battait la chamade et la sueur s'agglutinait sur ses sourcils. Il l'essuya distraitement, essayant de se souvenir du rêve qui avait planté ses griffes glacées dans son estomac et répandu une onde de terreur mêlée de colère dans ses veines — mais la seule chose dont il parvenait à se rappeler, c'était la vivacité des sentiments qui l'avaient transpercé.
Encore déboussolé, il jeta un regard à sa table de chevet et jura tout bas.
Il était quatre heures du matin. Et il n'avait aucune envie de se rendormir : son cœur battait trop fort, il tremblait de façon incontrôlable contre ses oreillers sans pour autant ressentir ni chaud ni froid.
Après quelques instants d'hésitation, il repoussa ses draps, enfila son sweat-shirt noir et sortit de sa chambre en essayant d'être discret, bien décidé à ne pas réveiller toute la Tour. Son plan tomba presque immédiatement à l'eau lorsqu'il se prit les pieds dans un chausson et se rattrapa lourdement à quelque chose qui s'avéra être un porte-manteau, lequel retomba bruyamment contre le mur, y rebondit et s'écrasa au sol dans un vacarme à peine amorti par l'étoffe des vestes.
Peter jura de nouveau, avant de s'immobiliser et de tendre l'oreille. A travers les martèlements de son cœur, il crut reconnaître la musique lointaine et familière des ronflements de Tony et étouffa un soupir de soulagement. Prenant garde, cette fois-ci, à marcher sur la pointe des pieds, il esquiva un lego jaune et se rendit dans la cuisine, se servant de la torche de son téléphone pour éclairer son chemin.
⁂
Il avait la tête plongée dans le frigo, entre une bouteille de jus d'orange et une bouteille de jus d'ananas, lorsqu'il entendit la voix de Tony dans son dos.
— Je me disais bien que j'avais entendu quelque chose. D'après le bruit, c'était soit un éléphant, soit mon fils. Ravi de constater que tu n'as ni trompe, ni grandes oreilles, ça nous évitera les questions gênantes.
— Désolé Tony, je t'ai réveillé ? demanda Peter en jetant son dévolu sur le jus d'ananas.
Son père haussa les épaules. Toutefois et malgré la faible luminosité ambiante, Peter remarqua ses cernes, ses mèches décoiffées, la crispation de sa mâchoire qui trahissait les bâillements ravalés, et le remord creusa sa poitrine.
— Désolé, répéta-t-il plus sérieusement. Je ne voulais pas te déranger.
— Tu ne me déranges pas, rétorqua Tony si rapidement que Peter douta de son honnêteté. Je me demandais simplement ce que tu trifouillais dans la cuisine au beau milieu de la nuit et dans le noir. J'ai eu peur que tu nous fasses une crise de somnambulisme et que tu te sois mis en tête de dévorer un poulet congelé. Friday, allume la lumière, je te prie.
Peter eut l'impression qu'on venait de braquer une lampe-torche sur ses yeux.
— Aïeuh ! Moins fort ! Je suis sensible, tu sais, geignit-il en se frottant les paupières. Je te rappelle que moi, je ne me promène pas avec des lunettes de soleil sur le nez au beau milieu de la nuit.
— Navré. Friday, baisse la luminosité de vingt pour cent.
— Cinquante, corrigea Peter.
L'IA obéit. Dans la lumière tamisée qui baignait désormais la cuisine, Peter vit que Tony l'observait avec une pointe d'inquiétude.
— Sérieusement, Pete. Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure-ci ? Tu avais faim ?
— Euh… pas vraiment. C'est juste que, euh, je n'arrivais pas à dormir, répondit l'adolescent.
— Oh.
Un éclair de compréhension traversa le visage de Tony.
— Mauvais rêves ?
— En quelque sorte, admit Peter. Je dormais profondément et d'un coup, je me suis réveillé avec une sensation, juste là… comme si j'avais avalé un truc qui n'est pas passé, mais au lieu d'être dans mon estomac, il serait resté coincé dans ma poitrine, tu vois ?
Pour illustrer ses propos, il plaqua la main contre sa cage thoracique, ne trouvant pas les mots qui auraient pu décrire le poids qui s'était accroché à son cœur durant la nuit.
— Oh, fit de nouveau Tony. Oui, bien sûr. Je… je vois.
Il parut hésiter puis, avec douceur, posa la main sur l'épaule de Peter. De près, il semblait encore plus fatigué. Peter baissa les yeux :
— Je suis vraiment désolé de t'avoir réveillé, murmura-t-il, mais Tony secoua la tête :
— Non, je suis heureux de t'avoir entendu et d'être venu voir ce qu'il se passait. Je… je connais bien les cauchemars, Pete. Je les connais même trop bien.
— Oh… tu… tu en fais souvent ? s'enquit l'adolescent, à la fois curieux et soulagé que son père ne soit pas en colère d'avoir été réveillé par son insomnie.
— Malheureusement. Ils ont commencé quand j'avais à peu près ton âge… et je peux t'assurer que la nuit, lorsque j'étais incapable de me rendormir, ce n'était pas du jus de pommes que j'allais chercher dans la cuisine de mes parents.
Peter s'autorisa un mince sourire :
— Pour tout dire, je ne savais pas où tu cachais le whisky.
Tony émit un léger rire et sa main pressa gentiment son épaule.
— Ah, tu n'imagines pas à quel point je suis heureux que tu n'aies pas encore seize ans et que je ne doive pas prendre ce genre de blague au sérieux.
Puis ses yeux se posèrent sur la bouteille que Peter serrait toujours contre lui :
— Ceci dit, j'ai une meilleure idée pour toi que le jus de pommes. Avant qu'elle ne parte, Pep avait acheté cette poudre chocolatée à la cannelle avec des gros morceaux de guimauve, elle était conservée dans une sorte de coque au chocolat à faire fondre… je n'y ai jamais touché, elle doit toujours être au fond d'un placard. Ça te dirait ? Avec ça, je suis sûr que même les pires cauchemars te laisseront tranquille.
Peter en avait l'eau à la bouche.
— Ouais, carrément ! Merci Tony !
⁂
Tony attendit qu'il ait la bouche pleine de marshmallows à la fraise pour demander à nouveau, non sans une certaine gravité :
— Tu ne te souviens vraiment pas de quoi parlais ton rêve, bambino ?
Peter prit le temps de déglutir le sucre qui obstruait sa gorge avant de répondre, pensif :
— N-non, vraiment pas. Je sais juste que quand je me suis réveillé, je me sentais… bizarre. Vraiment bizarre. Comme s'il s'était passé quelque chose de grave, mais que j'étais incapable de mettre le doigt dessus…
A ces mots, un sentiment de malaise s'éveilla au fond de sa poitrine. Il s'efforça de le repousser en avalant une grande rasade réconfortante de chocolat brûlant.
Les yeux de Tony étaient deux puits indéchiffrables.
— Tu n'en as vraiment aucun souvenir ? Pas de flash-back ou… je ne sais pas, moi… une image, une voix dont tu te rappellerais ?
Ses sourcils se froncèrent, soupçonneux :
— Ce n'est pas ce Eugene qui serait revenu à la charge, au moins ?
— Non, il n'a rien à voir avec…
Peter s'interrompit. Sans qu'il ne puisse expliquer pourquoi, plusieurs visages s'étaient soudainement imposés à son esprit, comme si on avait enfoncé un hameçon dans son cerveau pour les en extraire avec une certaine brutalité. Les deux premiers étaient désagréablement familiers : les années avaient flouté leurs traits, mais il reconnaissait sans peine les parents de Ben — et leurs yeux plein de douleur et haine…
Le troisième visage, en revanche, était insaisissable. Peter ne se souvenait que de sa blondeur presque blanche, de sa voix de velours et de ses mains fines, arachnéennes, qui exécutaient un ballet inquiétant sous son regard pétrifié.
Un frisson glacé remonta le long de sa colonne vertébrale. Tony le remarqua aussitôt :
— Hey, Pete, tu as froid ?
Et, sans attendre sa réponse :
— Friday, allume le chauffage.
— Nous sommes au mois de juin, boss. Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée, répondit nonchalamment l'IA.
Un étrange sifflement s'échappa des narines de Tony.
— Okay, Fri chérie. Peux-tu me rappeler qui, dans cette pièce, a le pouvoir de désactiver l'autre ?
— S'il vous plaît, ne vous disputez pas pour moi, protesta Peter. Et je n'ai pas froid, Tony. Fri a raison, il fait même super chaud !
Il s'éventa avec sa main, essayant de noyer son malaise derrière une insouciance factice :
— Bientôt, on pourra tous se promener en maillot de bain dans les couloirs. Ce serait super drôle, non, de voir Steve et tous les autres en maillots ?
— Non. Non, vraiment. Je t'en prie, Pete, n'impose pas à mon esprit de telles images. Et tu es sûr que tu n'as pas froid ? On dirait que tu trembles.
— C'est la fatigue, éluda-t-il. Merci beaucoup pour le chocolat, Tony, c'était super bon. Je crois que je vais aller me recoucher.
Il gratifia son père de son plus beau sourire, priant pour qu'il ne lui pose pas d'autres questions.
— D'accord, répondit Tony d'un air toutefois soucieux. Tu as besoin que je vienne avec toi, pour, euh, te border ou euh… te lire une histoire ?
Cette seule perspective semblait le mettre au supplice. Malgré le malaise qui empoissait ses nerfs, Peter ne put s'empêcher d'en rire.
— Nan, t'en fais pas, c'est pas la peine ! Je réussirais bien à me rendormir. A demain, Tones !
— Okay, grimaça son père. Depuis quand est-ce que tu m'appelles comme ça ?!
Peter ne répondit pas. Après avoir bondi sur ses pieds et posé sa tasse en équilibre précaire dans l'évier, il quitta rapidement la cuisine, bien décidé à ne pas laisser l'étrange sentiment qui gonflait dans sa poitrine prendre le dessus.
⁂
C'était peine perdue : le malaise s'était transformé en nausée, les souvenirs ébranlaient la muraille imaginaire qu'il avait bâtie des années auparavant afin de ne pas se laisser consumer.
Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait aussi mal. Sa vie n'avait pourtant jamais été aussi parfaite ! Il avait retrouvé un père avec lequel il s'entendait de mieux en mieux, les Avengers le traitaient comme s'il était leur petit frère préféré, Flash avait totalement cessé de le harceler et MJ lui avait même souri, lors de leur dernier entraînement pour le Décathlon ! Il aurait dû être heureux, insouciant — et pourtant, il y avait ce sentiment niché près de son cœur et qu'il se représentait comme un amas noir, visqueux et malsain…
Il se rappelait à la perfection du sentiment de satisfaction qui l'avait envahi après avoir balancé son poing sur le visage de Flash. Il n'aurait su expliquer pourquoi, mais il avait la certitude qu'il avait besoin de laisser de nouveau s'exprimer la violence qui battait dans ses veines pour se débarrasser de ce voile écœurant de langueur qui obscurcissait ses pensées.
Alors lorsque la fin de sa journée de cours arriva, il s'installa, fébrile, derrière son ordinateur — avec, sur les genoux, un plateau sur lequel Tony avait disposé à son attention un verre de lait et une pile de cookies — et ouvrit Google. Il tapa quelques noms mais, frustré, constata qu'il ne trouvait aucun résultat probant.
Il croquait pensivement un morceau de cookie, faisant éclater une pépite de chocolat sous sa dent, lorsqu'il eut soudainement une idée.
— Friday, est-ce que par le plus grand des hasards, tu aurais ton propre moteur de recherche ? s'enquit-il à voix haute, le cœur battant d'espoir.
— Bien sûr. Que souhaites-tu rechercher, Peter ?
Il crut déceler une pointe de défiance dans la voix de l'IA, mais ce devait être son imagination ; après tout et malgré tout le talent de Tony, elle n'était pas vraiment humaine.
— Je voudrais que tu fasses une recherche sur… euh… Martin et Rosemary Reilly.
Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas prononcé leurs noms qu'ils eurent comme un goût de poussière sur ses lèvres. Et un arrière-goût de bile.
— Que veux-tu savoir sur eux ?
— C'était mes premiers p… parents adoptifs, dit Peter, détestant aussitôt la façon dont les mots butaient contre sa langue. Je.. Je voudrais juste savoir où ils habitent aujourd'hui. S'il te plaît.
— Puis-je savoir pourquoi ?
Il releva les yeux, surpris. Il s'attendait presque à voir l'IA se matérialiser au-dessus sa tête, le regard inquisiteur et les poings nichés contre les hanches, dans une posture qui lui aurait rappelé celle de M. Stacy lorsque Gwen rentrait tard, le soir, sans lui avoir dit où elle se trouvait.
— Pour rien. Juste par curiosité, prétendit Peter.
L'IA demeura silencieuse.
— Fri ? hasarda finalement Peter. Tu… tu es toujours là ?
— Je suis toujours là.
— Alors, euh…tu as trouvé leur adresse ? S-s'il te plaît ?
— Ils vivent toujours à New-York. Dans le Queens. Je t'envoie leurs coordonnées sur ton adresse mail.
— Super, merci Fri !
— Je t'en prie.
L'IA semblait toujours dubitative mais au moins, elle avait accepté de lui donner ce qu'il voulait. Peter ouvrit sa boîte mail et constata qu'elle n'avait pas fait les choses à moitié : outre l'adresse des Reilly, elle lui avait également fourni leurs postes actuels, des photos récentes d'eux — Peter eut un coup au cœur en voyant leurs visages souriants — ainsi que leurs numéros de téléphone.
— C'est quand même assez flippant que tu aies accès à toutes ces infos, non ? interrogea-t-il en levant mécaniquement les yeux vers le plafond.
— Je ne te donne rien de plus que des informations qu'eux-mêmes ont partagé sur Internet. Mon seul travail a été de les authentifier et de les rassembler.
— Ah ouais, je comprends mieux pourquoi Tony est aussi parano avec ce que je poste sur Internet…
Après avoir soigneusement recopié leur adresse dans les brouillons de son téléphone, Peter éteignit son ordinateur et alla enfiler ses chaussures. Le malaise qu'il ressentait depuis son réveil avait été relégué à l'arrière-plan de son esprit, supplanté par un nouveau sentiment qu'il avait un peu de mal à appréhender : une sorte de soif de régler quelque chose, de se laisser envahir par l'émotion qui avait guidé ses gestes lorsqu'il avait frappé Flash, de noyer ses doutes et ses peurs sous la colère dont il devinait les prémisses à la périphérie de son cœur.
Un mot, en particulier, battait dans sa tête avec un rythme militaire : vengeance, vengeance, vengeance…
Ils ne t'ont jamais aimé, ni l'un ni l'autre, ils t'ont privé de ton enfance et malgré l'arrivée de Tony Stark dans ta vie, il est trop tard pour réparer le mal qu'ils t'ont fait…
Il avait l'impression qu'une voix susurrait dans le creux de son oreille et il était si simple de se laisser guider par elle, plutôt que par sa propre conscience qui essayait désespérément de lui rappeler que si les Reilly l'avait chassé de chez eux, c'était de sa faute — parce qu'il avait laissé mourir Ben…
Il appuya sur le bouton de l'ascenseur. En attendant que celui-ci rejoigne l'étage où se trouvaient sa chambre et celle de Tony, il vérifia une nouvelle fois qu'il avait correctement recopié l'adresse des Reilly sur son téléphone.
Vengeance, vengeance, vengeance…
Il allait les retrouver, les confronter — et s'il fallait qu'il use de ses poings, alors…
— Hey, Spidey. Où est-ce que tu vas comme ça ?
Peter sursauta et fit brusquement volte-face. Il s'attendait à affronter le regard suspicieux de son père mais, à sa grande surprise, il se retrouva face à un tout autre super-héros.
— Hey, Steve ! lança-il d'un ton que lui-même trouva louche, tant son enthousiasme sonnait faux. Toi aussi, tu descends ?
Steve Rogers hocha la tête. Malgré le sourire qui illuminait son visage, Peter eut la certitude qu'il soupçonnait quelque chose.
— Tu as l'air pressé, fiston. Tu as rendez-vous quelque part ?
— Oh, non, j-je sors juste prendre un peu l'air, prétendit Peter alors qu'ils s'engouffraient dans l'ascenseur (il prit garde à ne pas marcher sur ses pieds).
Steve haussa un sourcil, ce qui, d'une certaine manière, le faisait tout à coup beaucoup ressembler à Tony.
— Vraiment ? C'est parfait, alors, j'allais justement au café d'à côté prendre un petit remontant. Tu m'accompagnes ?
Peter chercha désespérément une excuse pour se dérober mais rien ne lui vint à l'esprit. Il éprouva soudainement une frustration si vive, si intense, que l'espace d'un battement de cœur il fut tenté d'utiliser ses pouvoirs contre Steve pour se débarrasser de lui.
— Pete ? insista Steve plus doucement.
— Ouais, okay, répondit l'adolescent après avoir dégluti. Si… si tu veux.
Le café de Steve était en réalité un salon de thé qui proposait des boissons chaudes, des pâtisseries et des milk-shakes. Peter jeta son dévolu sur un milk-shake à la fraise qu'il sirota distraitement, participant tant bien que mal à la conversation menée par Steve — celui-ci parlait de Tony, du lycée de Peter et des dernières nouvelles qu'il avait reçu du Wakanda (Peter n'était pas certain d'avoir tout compris mais visiblement, les Avengers avaient été invités à un évènement que Tony avait décliné, arguant d'obligations personnelles qui l'empêchaient de voyager ; Peter croyait comprendre qu'en vérité, il ne voulait pas s'éloigner de lui).
— Tu n'as pas toujours pas dit ce que tu espérais faire dehors, ce soir, dit brusquement Steve. Et qui sont Martin et Rosemary Reilly ?
Peter fut si surpris d'entendre ces noms sortir de la bouche de Captain America qu'il manqua d'en avaler sa paille.
— Q-Quoi ? Fri a vendu la mèche ? Enfin je veux dire, je… je ne sais pas, bégaya-t-après avoir recraché une partie de son milk-shake dans une petite serviette en papier.
Steve eut un nouveau haussement de sourcil très Tony-esque.
— Friday m'a alerté de ta recherche, effectivement, comme cela est requis par l'un des quinze mille protocoles que ton père lui a installé. Il juge cela plus prudent d'avoir un certain droit de regard sur ton historique internet.
— Ça veut dire que dès que je demande à Friday de chercher un truc, la Terre entière est au courant ?!
— Pas la Terre entière, corrigea Steve d'un air amusé. Seulement l'adulte de confiance le plus proche de toi. D'ailleurs, je suis très touché que Tony m'ait inclus dedans.
— Normal, il t'adore, marmonna Peter sans se départir de son indignation.
— Merci de le reconnaître. Mais tout ceci ne répond pas à ma question. Qui sont ces Reilly ? Et pourquoi as-tu noté leur adresse ?
Peter haussa les épaules, fixant son regard sur la Chantilly qui avait commencé à fondre à la surface de son milke-shake, s'étirant en arabesques vaporeuses parmi les morceaux de fraise.
— Pete, je ne cherche pas à te piéger. Je veux juste savoir qui sont ces gens et si ton père et moi devons nous inquiéter à leur sujet.
— Ce sont mes premiers… les gens qui m'ont adopté après la mort de mes parents, enfin je veux dire, après la mort de ma m-mère et de son… son mari, répondit difficilement Peter. Je… Je ne suis pas resté très longtemps chez eux. Ils m'ont remis à l'orphelinat quand ils ont compris quel… quel genre de personne j'étais.
A ces mots, une nouveau vague de violence s'éleva sous sa peau et il serra si fort sa petite cuillère qu'elle ploya sous la pression — avant d'émettre un petit bruit métallique en se rompant.
— Hey, doucement, fiston…
Une main se posa contre ses doigts, douce mais ferme, et le força à rouvrir la main. Un petit morceau de la cuillère avait entaillé sa paume mais Peter sentait à peine la douleur — et loin d'être désagréable, celle-ci avait quelque chose d'étrangement libérateur.
— Ça va, Pete, murmura Steve en épongeant le sang avec l'une des serviettes du salon de thé. C'est superficiel, ça va se refermer en quelques minutes.
Puis, lorsque la plaie cessa de saigner :
— Tony nous a vaguement parlé de tes anciennes familles. Et pas en de très bons termes. Je pense même pouvoir affirmer qu'il ne les porte pas dans son cœur. Mais quoi qu'ils aient fait ou dit, tu n'y es pour rien, Pete.
Peter secoua la tête mais Steve insista :
— Tu n'étais qu'un enfant. Et je sais que tu prends cette histoire de super-héros très à cœur mais même aujourd'hui, tu n'es encore qu'un enfant, tu as juste quelques centimètres de plus. Tu te souviens de notre rencontre ?
— Ouais… admit Peter, refusant toujours obstinément de regarder Steve dans les yeux. Ouais, je m'en souviens un peu…
— Je n'en ai parlé à personne, pas même à ton père. Mais cette façon que tu as eu de te jeter dans l'eau pour venir en aide à cette femme… tu aurais pu mourir, Pete.
Sa main serra la sienne plus fort.
— Si j'avais su que tu n'étais qu'un enfant de quatorze ans, j'en aurais aussitôt parlé à ton responsable légal. Mais à l'époque, je croyais que tu étais majeur et lorsque j'ai compris que tu étais le fils de Tony… il était trop tard pour aborder ce genre de sujet. Mais je n'ai pas oublié, Pete.
Sa main cueillit son menton et encore une fois, Peter ne put s'empêcher de penser à Tony — mais quoi qu'inquiet, le regard de Steve Rogers lui apparaissait bien plus serein que celui de son père.
— Je comprends ce que tu ressens. Je comprends que tu aies envie d'en découdre mais, Pete, rien de ce que tu aurais pu faire à l'époque n'aurait changé quoi que ce soit. Et risquer ta vie aujourd'hui ne modifiera pas le passé.
— Je ne sais pas, murmura Peter.
— Moi, je le sais. Je sais que tu as fait de mon mieux et qu'aujourd'hui, il est temps que tu te pardonne ce qu'il s'est passé à l'époque. Et que tu leur pardonnes leur horrible façon de se comporter à ton égard. Ils ne méritent ni ta colère, ni ta tristesse, Peter. D'accord ?
— Je… je peux essayer, admit Peter du bout des lèvres.
— Je suis sûr que tu y arriveras. Tu es un bon garçon, dit Steve et un léger sourire se dessina sur son visage alors qu'il lui administrait une bourrade affectueuse sur l'épaule (le genre de bourrade qui aurait déboîté les os d'un humain normalement constitué).
Peter se força à sourire à son tour et à hocher la tête mais au fond de lui, le malaise continuait de s'épanouir, glacial et sirupeux.
Ils terminèrent leurs boissons et retournèrent à la Tour. Steve semblait satisfait de la tournure de leur conversation et Peter fit de son mieux pour paraître léger, débarrassé des doutes qui obscurcissaient son esprit.
Toutefois, dès qu'il fut de retour de sa chambre, il alluma son vieil ordinateur — que Tony n'avait jamais pensé à connecter à Friday — et ouvrit Google. Pour plus de sûreté, il se mit en navigation privée.
Il fixa un long moment son écran, grattant pensivement la petite plaie qu'il s'était infligée en brisant la cuillère du salon de thé. Elle ne tarda pas à se rouvrir, mais il ne prit pas garde au sang qui s'accrochait à ses ongles ; il avait l'étrange sensation que la pointe de douleur qui mordait sa paume l'aidait à se concentrer.
D'une certaine façon, Steve avait raison : il devait pardonner aux parents de Ben. Ils avaient perdu leur fils unique dans d'horribles circonstances, ils avaient eu une excellente raison de le chasser de leur foyer. Ils n'étaient pas totalement responsables de leurs actes. Et de toute façon, maintenant que Steve avait découvert qu'il connaissait leur adresse, il ferait probablement tout pour l'empêcher de s'y rendre.
En revanche, il y avait un autre nom, un nom que Peter avait tout fait pour oublier, pour enterrer au plus profond de son inconscient… un nom auquel s'attachaient des actes injustifiables et impardonnables...
Vengeance, vengeance, vengeance, susurrait la voix dans le creux de son oreille.
Friday ne lui avait-elle pas dit qu'il suffisait de savoir chercher, pour trouver les informations qu'il souhaitait ?
Ses doigts coururent tout seul sur le clavier, son cœur cognait si fort qu'il n'entendait plus ce qu'il se passait autour de lui. Tout son être était concentré sur le nom qu'il avait écrit, ce nom qui faisait frémir d'horreur chaque fibre de son corps…
Steven Wescott.
