Tout ceci est bien sûr fictif et les membres du groupe n'en sont jamais (enfin j'espère) arrivés là. Fanfic très sombre, vous êtes avertis.
Ils avaient tergiversé pendant des heures à propos de possibles monstruosités entourant l'âme de cet homme, qu'ils avaient toujours crue pure. Mais suite à son insistance, le groupe s'était réuni chez Till et avait écouté Paul cette nuit-là avant de se rendre chez Richard en pleine nuit, quitte à le surprendre. Bien que toujours rongés par l'incertitude, ils tenaient à délivrer leur ami de ses pulsions diaboliques si les dires de Landers s'avéraient vrais.
À la suite d'un trajet silencieux et angoissant, ils arrivèrent et tapèrent le code d'entrée. Occupant l'unique appartement du dernier étage d'un immeuble ultra sécurisé, Richard bénéficiait d'une tranquillité enviée par tous étages inférieurs. Ayant d'ailleurs fréquenté la propriétaire, il avait sa confiance et donc un accès illimité au toit-terrasse. Ce dernier avait été interdit au fil des années pour cause de dégradations. Outre ce privilège, pas le moindre voisin pour entendre un cri, c'était ce qui avait conforté Paul dans sa persuasion. Ses amis tenaient donc à en avoir le cœur net en vérifiant partout, cherchant des salles qui pouvaient être dissimulées car après tout, ils ne connaissaient que les pièces communes de Richard et son appartement était très grand. Prenant l'ascenseur jusqu'au dernier étage, ils se rendirent devant la porte et se regardèrent. Sentant une peur collective grimper, Till hurla le prénom du guitariste avant de menacer d'enfoncer sa porte, mais Paul le devança en abaissant la poignée au cas où... puis les autres rirent légèrement de l'indiscrétion inutile du chanteur.
Fixant la poignée, Till pesta :
- Alors soit il est défoncé, soit il ne prend plus la peine de veiller à sa propre sécurité.
- Il y a une troisième possibilité. Il pourrait être en train de s'en prendre à une femme en ce moment même ! paniqua Oliver.
- Oui mais on en revient au même dans ce cas, il aurait laissé ouvert et ce ne serait pas prudent pour lui.
- Un tueur finit toujours par baisser sa garde.
Dans un râle d'impatience, Schneider doubla Till, poussa durement la porte à l'en faire cogner la butée et ils entrèrent en trombe en allumant toutes les lumières. À l'instant où ils se préparèrent à aller lui apprendre le respect de la vie, ils constatèrent malheureusement qu'une vie était déjà détruite. Pas une vie innocente qui avait été cruellement arrachée, mais celle de Richard qui était étendu sur la moquette de sa chambre, inconscient après ce qui leur apparut comme étant un suicide. Aucun n'osa s'avancer car pour eux, il était évident que Richard était désormais en paix et loin de ses tourments. Son corps habituellement robuste avait perdu tout éclat. Nu et livide, il était en plus tailladé à deux endroits sur le ventre, de façon suffisamment profonde pour avoir saigné mais sans gravité vis-à-vis du reste. Oliver s'occupa du chanteur qui était en état de choc et s'était mis à prononcer à répétition le prénom de son meilleur ami en fixant son corps.
- Viens là et ne regarde que moi. Till !
Il se plaça devant pour couper cette vision morbide et lui ferma les yeux. Par égard pour son ami, Paul défit son blouson et le posa avec respect sur son intimité exposée. Abattu, il s'agenouilla devant Richard pendant que les autres analysaient tristement l'environnement. Une ligne entière de cocaïne trônait sur sa commode à côté des restes d'une première, sniffée négligemment à tel point que Richard en avait encore sous le nez. Un flacon d'antidépresseurs était renversé à côté de sa main, et un verre rejetant une forte odeur d'un alcool méconnaissable et nauséabond était posé sur la table de chevet. Paul sentit ses joues être inondées et se pencha sur le visage de son ami en serrant une de ses mains. Essuyant avec douceur la poudre de son nez, il sentit sur son doigt ce qui lui redonna de l'espoir et releva la tête pour appeler les siens.
- Les mecs ! Il est encore avec nous, il... il respire doucement.
Bien qu'il l'espérait, Flake s'avança d'un pas mais hocha négativement la tête.
- Paul, on le voudrait tous. Mais Richard est...
- Non, je sais ce que je dis. J'ai senti un souffle sous son nez, Richard est vivant.
Sa constatation fit l'effet d'une tornade et Till accourut immédiatement. En effet, son pouls fut lent lorsque Schneider vint le prendre et alors qu'il débattit rapidement avec Till sur les solutions possibles, Flake tenta de calmer Paul qui paniqua davantage. Après avoir cru à sa perte, il avait désormais peur que le guitariste ne soit à la limite et qu'ils ne puissent le sauver à temps. Ne pouvant deviner le nombre de comprimés avalés, ils firent tout ce qu'ils purent sans perdre de temps. Étant les plus forts physiquement, Till et Christoph le soulevèrent jusqu'à la salle de bain et optèrent pour la solution proposée par Oliver, qui se trouva être la meilleure. Pendant que lui allait remplir un verre d'eau salée, ils lui mouillèrent le visage jusqu'à percevoir un léger clignement d'yeux, puis d'autres. Ils devaient réveiller ses réflexes un maximum. Se mettant à lui parler jusqu'à lui faire reprendre le plus conscience possible, ils le penchèrent au-dessus de la cuvette dès lors que Kruspe eut gémi. Pour finir, Doom utilisa ses doigts qu'il enfonça dans la bouche afin de lui faire recracher autant de comprimés que possible.
- Allez mon vieux, recrache.
Malheureusement, ses doigts s'avérèrent trop larges et le batteur ne put les enfoncer assez loin pour le faire vomir. Impatient et ne supportant pas de rester inactif alors que leur ami risquait de mourir, Paul se proposa.
- Je vais essayer, mes doigts sont plus fins. Contentez-vous de le maintenir bien penché.
Et ils commencèrent tous les trois. Les doigts de Landers s'avérèrent plus productifs et il parvint à provoquer un rejet immédiat. Dégoûtés après un interminable déversement médicamenteux, ils virent avec soulagement Richard revenir à lui petit à petit. Soufflant, Till déposa un long baiser sur sa tempe et l'encouragea en lui massant le dos.
- C'est bien, tu y es ! dit doucement Schneider.
Paul termina en lui faisant avaler une gorgée d'eau salée, regardant Kruspe se remettre à vomir ensuite. Désespéré par sa détérioration physique et mentale, Till demanda :
- Richard, pourquoi ?
Il savait bien que son ami n'était pas du tout en état de répondre, ni même de comprendre une question aussi simple. De toute façon, Schneider lui fit comprendre du regard que tous les deux savaient parfaitement quelles étaient les raisons qui avaient poussé leur ami à en arriver là. Le relâcher tant qu'il n'aurait pas récupéré ses esprits ne fut pas une option envisageable. Ils lui repassèrent donc de l'eau sur le visage mais furent interpellés par Oliver. Ce dernier leur exhibait un papier depuis l'entrée de la salle de bain. Il fut inutile pour eux de se poser la question sur l'objet mais ils se lancèrent un regard entendu. Richard ayant tenté de se supprimer, alors ce n'était ni plus ni moins qu'une lettre d'adieu et à en voir l'expression neutre de Riedel, il n'avait encore rien lu.
Gémissant une nouvelle fois, Richard se mit à tousser mais garda les yeux fermés. Soulagé, Paul posa sa tête contre la sienne pour exprimer sa peur ainsi que sa joie. Le maintenant toujours, Doom lui fit remarquer que Richard était toujours nu contre lui et qu'il fallait le remettre au lit pour le recouvrir. De toute façon, tout tissu supplémentaire aurait été superflu avec la douche l'attendant au réveil. Ayant fait tout ce qu'ils avaient pu, ils décidèrent de passer le reste de la nuit chez le guitariste en attendant son réveil douloureux mais total. Après avoir posé une bassine à côté du lit en cas de besoin, Till l'allongea soigneusement avec l'aide de Flake et Paul. Pour finir, il se plaça juste derrière lui afin de prévenir d'autres vomissements. Placé entre le mur et son ami, il pourrait ainsi lui soulever les épaules pour l'incliner vers la bassine. Paul remonta la couverture le long de ses jambes et s'arrêta en bas du ventre.
- Ne le recouvre pas plus. Je reviens, je vais chercher un tissu à mouiller pour nettoyer les coupures. Je verrai si je trouve des compresses aussi ! informa t-il.
Après avoir nettoyé la salle de bain, Schneider alla s'asseoir au bout du lit en gardant un silence morbide. Adossé au mur à regarder le visage sous lui, Till lui caressa la gorge et déglutit en voyant son visage meurtri. Il repensa à cette terreur éprouvée à l'idée de perdre celui qui était comme son frère. Paul revint sur le bord près de Richard, ne cessant de le regarder et de vérifier sa respiration tout en commençant à le nettoyer. Oliver se posa dans le fauteuil sous la fenêtre et croisa les jambes en se perdant dans les mots écrits par le guitariste, illisibles à cause de la chambre plongée dans une semi-obscurité. Afin de ne pas voir l'état de leur ami, aucun n'avait daigné allumer la chambre depuis leur entrée. Oliver orienta donc le papier vers la gauche, là où il reçut le peu de clarté provenant de la salle de bain encore allumée. Quant à Flake, il resta debout, si pétrifié de voir Kruspe dans cet état que Paul dut l'encourager à s'asseoir avec eux.
Mes amis,
Quand vous trouverez cette lettre, vous pourrez la garder pour vous ou la brûler. De toute façon, c'est ce que je suis en train de faire aussi... brûler en enfer. Et pourquoi ? Parce que je suis mauvais comme la peste, j'ai assassiné des personnes. Mais je crois savoir que l'un de nous s'est déjà un peu renseigné sur le sujet, pas vrai ? Trop de questions qui traitent de telle ou telle personne que tu n'es pas censé connaître, c'est trop louche pour être dû au hasard.
J'ai longuement hésité à tout vous avouer afin de vous encourager à me dénoncer mais d'une, il n'y aurait aucune justice pour les proches puisque je suis mort (et les aveux d'un mort ne signifient plus grand chose de nos jours). De deux, je ne veux pas qu'un seul de mes enfants soit au courant de ce que j'ai pu faire. Ils n'ont pas à vivre avec le poids des crimes d'un père indigne. Et trois, je ne veux pas que les médias et la police vous harcèlent, vous n'avez pas à souffrir à cause de moi. J'ai toujours eu ce grave problème, sans pouvoir en saisir l'origine. J'ai découvert il y a longtemps que j'étais capable de faire du mal sans ressentir le moindre remord. J'ai tué d'innocentes femmes et j'ai commencé jeune, à peu près quand on s'est mis à voyager tous les six. N'y voyez là aucune responsabilité de votre part car c'est venu par ma faute. J'ai ôté des vies mais pire encore, j'ai du attiser une honte éternelle en vous et j'en suis désolé. Je vous conseillerais bien de vivre en m'oubliant mais même si vous y parveniez un jour, vous auriez la culpabilité d'avoir fréquenté un monstre sans le savoir. Sans oublier que vous risqueriez de continuer à voir mes enfants. J'ai trahi notre groupe et notre esprit de fraternité. J'ai tué. Je m'abstiens de détails cruels car vous avez un cœur. Je ne veux pas vous salir, vous êtes bons. Vous n'avez rien à vous reprocher. Même si je vous adore tous et que je vous dois l'explication la plus claire possible, je n'estime pas avoir le droit de m'adresser à des hommes dignes et droits comme vous. Je m'arrête donc ici. Libre à vous d'accepter de faire passer mon suicide pour une overdose ou de me laisser pourrir comme l'ordure que je suis.
Till, ces bagarres qu'on a eues à cause de mon ego n'auraient jamais du arriver. Doom, nos concours de mauvais caractères devenaient monnaie courante parce que tu savais que me rabaisser était la seule solution. Paul, envers toi j'ai été jaloux pour rien comme un gosse capricieux. Flake, tu as trop souvent écouté mes râles sans répondre parce que ta sagesse vaut tout l'or du monde. Et Ollie, jour après jour tu m'as vu criser et attaquer les autres en restant maître de toi-même pour calmer le jeu. Chacun de vous, vous êtes uniques. J'ai énormément de regrets et je vous aime tous.
Bien que je n'en ai aucun droit, je vous demande de veiller sur mes trois enfants et surtout ma petite puce. Je n'en reviens pas de n'avoir pas su retrouver le droit chemin en me focalisant sur eux.
Celui qui vous a déçus, R. Kruspe !
Les larmes silencieuses de Till tombèrent sur le visage de son meilleur ami alors qu'il lui remettait les cheveux en ordre. Relevant la tête vers Paul, Oliver chercha quant à lui à satisfaire sa curiosité en lui demandant depuis quand il était au courant. Ahuri par sa demande, ce dernier souffla tant faire appel à sa réflexion en cet instant lui fut difficile.
- C'est trop dur à estimer, je l'ai toujours trouvé un peu rude en manières quand il est sur le point de tirer son coup.
Oliver haussa les sourcils.
- Parce que tu es avec lui dans ces moments-là ?
- Bien sûr que non ! Mais on est souvent ensemble quand on va se dégoter des femmes pour un soir alors j'ai fini par le remarquer. Dès qu'il s'éloigne, qu'il se retrouve seul avec elle et qu'il sent qu'il va pouvoir se la faire, il devient beaucoup moins galant.
Malgré la tournure trop intime que prenait la conversation, Flake pensa à sa manière.
- Il est peut-être sexuellement agressif mais rien de plus, il ne faut pas parler trop vite. L'un n'est pas forcément lié à l'autre. Depuis qu'on le connaît, il ne peut pas avoir tué autant de femmes qu'il en a baisées !
- Il n'a pas tenté de se tuer pour rien, Chris. Ses fréquentations sont devenues inexistantes et le peu de femmes avec qui il s'est affiché ces dernières années, il veille à ce qu'on ne les surprenne jamais tous les deux. Comme s'il ne voulait pas qu'on les croit ensemble pour mieux agir à notre insu, histoire de ne pas être mis en cause. Bien berner ses amis pour faire de même avec ses ennemis, tu connais ? Depuis que j'ai remarqué ces bizarreries, je me lie à ces femmes qu'il rencontre dès qu'il a le dos tourné et je veille à avoir leur numéro. C'est comme ça que j'ai remarqué que la plupart ne donnaient plus signe de vie à leurs proches. En tout cas, la première disparition "liée à nous" qui m'a intéressé était justement de chez nous. D'Allemagne, je veux dire. Mais c'était il y a plus de vingt ans alors rien n'est sûr et pourtant, je me rappelle très bien de ce soir-là. On était dans un pub de Berlin en train d'arroser une fin de concert, et je m'amusais à écouter les gens autour de moi. Certains parlaient d'une fille disparue, d'à peu près quinze ans. Bon, Berlin est grande et ce n'est pas rare malheureusement mais là où j'ai préféré éviter de ramener ma gueule, c'est quand je les ai entendus parler d'un "concert" avant sa disparition. D'après l'endroit décrit, c'était le nôtre alors je voulais éviter qu'ils nous repèrent et viennent nous coller pour nous questionner.
Flake fit la moue.
- Oui mais à nos débuts, on n'avait pas encore des têtes trop reconnaissables. En plus, on était sur scène.
- Je me méfiais quand même. Quand ils sont sortis devant pour fumer, j'ai continué de les regarder et avec Till, on s'est mis à dire des conneries. Lui disait qu'elle faisait sa crise d'adolescence ou une fugue parce que son mec ne plaisait pas aux parents. Moi, j'ai rigolé en disant qu'elle était peut-être vraiment venue au concert mais qu'elle avait du se perdre dans la fosse.
À ce souvenir, un léger sourire illumina le teint de Lindemann alors que ses mains protégeaient encore son meilleur ami. Le repérant, Paul lui posa une main sur le bras avant de poursuivre.
- Quelques minutes plus tard, Christoph est revenu de dehors et m'a engueulé en disant que cette fille avait justement été retrouvée morte il y a moins d'une heure.
Il vit ses amis en proie au doute.
- Ah ! Mais comment tu as su si eux-mêmes ne parlaient que d'une disparition ?
Schneider prit le relais car lui seul avait entendu ce soir-là.
- Ils le savaient. Ils ont juste eu un fil de conversation lent, et nous on a pensé trop vite. Je les ai entendus parler du corps retrouvé en passant à côté d'eux. Elle avait été étranglée, son crâne fracassé et elle portait des... des traces d'agression sexuelle...
- Arrêtez, taisez-vous ! les coupa Till.
Son visage était redevenu livide. Plus que les autres, le chanteur était à bout. Tous savaient que leur amitié ayant traversé des décennies en affrontant bien des bas, la solidarité entre Till et Richard était si forte qu'elle pouvait malheureusement les aveugler tous les deux. Pour preuve, en dépit des aveux écrits de son ami, Till le défendait encore sur des choses dont il ignorait tout élément réel.
- Tout ça ne prouve rien, Richard n'aurait jamais violé et tué une gamine.
- Qu'est-ce qu'on en sait ? Tu vois bien qu'il est devenu fou ! On ne l'aurait jamais cru capable de tuer et regarde à quoi on fait face aujourd'hui.
- Il a raison. Et c'est une question de préférences quand on y pense. Reesh était encore très jeune à ce moment-là et vu qu'il a toujours aimé les filles et les femmes plus jeunes que lui... Peut-être que celle-ci ne faisait pas son âge et qu'elle en a profité ! Ou alors il n'a pas su contrôler ses pulsions avec elle ! Ou les deux !
Regardant tous leur ami avec des sentiments mitigés, un seul osa poser la question qui les torturait tous.
- Toi aussi tu penses que c'est vrai ? Cette gosse ?
Paul sembla plus choqué que les autres du fait qu'une adolescente soit impliquée dans l'histoire et comme Till était le meilleur ami de Richard, son opinion serait sienne également car il le connaissait comme un jumeau et que Paul aurait confiance en son jugement. Pourtant, voyant que l'aîné troublé à en garder le silence, Schneider s'avança et dit ce qui lui passa par la tête.
- Il y a encore quelques heures, je t'aurai dit que Richard était l'innocence pure. Mais cette lettre... alors peut-être qu'une de tes hypothèses est la bonne...
Une quinte de toux les coupa brusquement et Paul sursauta avant de se tourner vers Richard. Par sécurité, il attrapa la bassine et Till le releva pour incliner Richard au-dessus.
- On arrête pour ce soir, il doit se reposer et nous aussi.
Chacun opta pour un endroit approprié après avoir tous décidé de rester. Tous laissèrent la seconde place du lit à Oliver pour qu'il soit à l'aise. Schneider resta dans le fauteuil près de la fenêtre et Lorenz partit occuper le canapé, allumant la télé en attendant de pouvoir fermer les yeux. Till savait qu'il ne trouverait jamais le sommeil et resta contre son ami à veiller sur lui, soutenu par Paul qui préféra rester avec lui au cas où Richard devrait être bougé du lit.
Aux alentours de quatre heures du matin, Till regarda Paul qui était parvenu à s'endormir comme un chat au bout du lit à cause du manque de place. Lindemann aimait énormément Richard car il était son meilleur ami et comme un frère pour lui, mais il admirait particulièrement le soutien de tous les autres. Malgré les conflits qui avaient parfois fragilisé leur entente avec cet homme en plus de vingt ans, ils étaient pourtant là pour lui. Tous ! Et cela, c'était en partie parce que le guitariste avait fini par ouvrir les yeux avec le temps, à la fois sur le groupe et sur sa personne. "Tu n'es ni le centre du groupe, ni le centre du monde" avait été la dernière phrase que Schneider lui avait dite avant que Richard n'en arrive aux mains avec Till, causant son départ pour New-York. La fondation de son groupe Emigrate avait été bénéfique et l'avait aidé à revoir ses intérêts et ceux des autres, mais surtout il avait fini par accepter l'aspect collectif d'un groupe. Malgré les changements opérés de son côté, il avait été terrifié à son retour à Berlin. Il avait cru que les autres l'auraient définitivement remplacé et oublié. De plus, son retour avait été précipité par les attentats du World Trade Center bien que le trafic avait été réduit suite à ça. Cette confession venait tout droit de Khira, Richard étant resté muet là-dessus alors que de là où il était, il avait eu la plus dégagée des vues. Jamais il n'avait eu autant envie de revenir auprès des siens.
Lorsque Till décida de fermer les yeux pour s'accorder un repos même infime, il passa à peine une minute avant qu'il n'entende un faible gémissement. Il rouvrit les yeux et délaissa sa fatigue pour voir enfin son meilleur ami revenir à lui, remuant contre lui. Cette fois, il sembla totalement réveillé malgré son peu de mouvements.
- Je suis mort ?
Le son de sa voix était extrêmement faible, mais il ne valait mieux pas le brusquer. Rassuré de constater que sa voix n'était pas altérée par un mauvais état de santé en dehors de sa reprise de conscience, Till garda un contact doux entre eux autant physiquement qu'oralement.
- Loin de là !
Avec douceur, il lui caressa la joue et se pencha pour être vu. Il n'y avait pas de clarté dans la pièce, mais il ne voulut pas réveiller les autres en allumant la lampe de chevet. Lorsqu'il comprit que Richard avait cerné sa présence, il lui coupa tout élan verbal.
- Tu bénéficies d'une seconde chance.
Son ami passa quelques secondes dans le silence le plus total à se questionner sur sa vie et sa mort, ainsi que sa présence contre lui.
- Till ? C'est vraiment toi ?
- C'est bien moi. Et toi, tu l'as échappé belle.
Après avoir accepté le "fardeau" d'être toujours en vie, le musicien prit la main de Till mais son visage dépité fut loin d'être un témoignage de reconnaissance. Il réalisait à peine la présence de son meilleur ami alors qu'il lui avait écrit ses adieux.
- Alors tu as fais une erreur, tu n'aurais pas du me sauver.
- Tu crois, petit frère ?
Till n'avait pas cherché une réelle réponse en lui, et il n'en n'aurait pas demandé. Il voulait juste sa présence, son meilleur ami près de lui pour lui montrer qu'il était là. Il voulait cet homme avec qui lui et les autres avaient mûri et traversé de dures épreuves, et il savait qu'il était toujours dans cet esprit torturé malgré les horreurs qu'il avait commises.
- Tes sombres secrets sont aux antipodes de ce qu'on a toujours dénoncé, Richard. Mais comme tu peux le constater, ça ne m'empêche pas d'être là.
Digérant ses mots difficiles émotionnellement, Richard mit le temps nécessaire mais demanda en retour :
- Tu m'en veux.
Bien que ce fut une affirmation, il ne put voir la mine outrée et peinée de Till.
- Rick, évidemment ! Mais on en parlera plus tard, il faut que tu te reposes pour l'instant. Tout ce qui compte, c'est que tu sois en vie. Alors jusqu'à ce que le temps ne me prouve que j'ai fait une erreur, je compte bien te garder auprès de moi.
- Je ne mérite pas que tu sois là.
- C'est à moi d'en juger. On a vu ton mot et même si ça nous...
- "On" ? répéta Richard.
Alors qu'il allait le questionner à propos de l'autre personne - ou des -, une petite voix fatiguée s'éleva et les surprit.
- Reesh ?
à suivre...
