Résumé: "— Bordel mais qu'est-ce que je fous là, marmonna Tetsurō pour lui-même.

La question était légitime : comment s'était-il retrouvé, à moitié endormi sur le pont d'un ferry aux premières heures du jour ?"

note: le doc manager de FFnet (comme le reste) crash méchamment. Si vous voyez ce message, c'est que mes subterfuges ont fonctionné. J'espère que ce chapitre se postera sans problèmes (sinon il est cross post sur ao3)

Chapitre 61: les liens du sang

— Bordel, mais qu'est-ce que je fous là, marmonna Tetsurō pour lui-même.

La question était légitime : comment s'était-il retrouvé, à moitié endormi sur le pont d'un ferry aux premières heures du jour ?

Il avait été réveillé aux aurores par Kenma, qui avait l'air beaucoup trop en forme pour quelqu'un qui n'avait que deux pauvres heures de sommeil au compteur. Sans plus qu'explication, ils s'étaient retrouvés une heure plus tard sur le port de Takeshiba, embarquant sur un ferry pour une destination qui lui était encore inconnue.

Il tourna les yeux vers Kōtarō, qui avait l'air tout aussi désorienté que lui, recroquevillé sur une chaise en plastique, clignant des yeux telle une grenouille éberluée.

Il avait évidemment eu le poste au centre des cerisiers et avait commencé à y travailler dans la foulée. Le soudain retour à la vie active lui avait été difficile, mais malgré l'épuisement, quelque chose s'était réanimé dans son regard. Il avait retrouvé un moteur, il acceptait peu à peu ce qui lui était arrivé et allait de l'avant, et c'était le principal.

Pour sa part, Kuroo n'avait pas de raison d'être aussi exténué, étant donné qu'il passait le plus clair de ses journées à pioncer...

Il avait eu des nouvelles de Matsukawa et Hanamaki. Après les avoir rencontrés le soir du premier tour des élections de la CFGMAO, il s'était évidemment empressé de contacter le patron de la start-up dont ils lui avaient parlé. Son espoir s'était vite éventé lorsque son email, joliment rédigé et bien présenté, était resté sans réponse plusieurs jours. Un peu désarçonné, il en avait parlé à ses amis, qui lui avaient assuré qu'il n'avait pas à s'inquiéter. Apparemment, le patron en question était en vacances jusqu'à la fin du mois d'août, et ne donnerait pas de nouvelles avant cela, ce qui au final donnait un peu de répit à Tetsurō, et lui révélait également que ce dernier avait une éthique de travail plutôt saine, ce qui était incroyablement sur le marché du travail nippon. Hanamaki et Matsukawa l'avaient tout de même invité à leur rendre visite. Lorsqu'il avait parlé de start up, il s'était figuré un genre de laboratoire secret au fond d'un garage. Il avait été surpris de découvrir que ce n'était absolument pas le cas : il s'agissait d'une véritable entreprise, petite certes, mais tout de même, avec de vrais locaux tout neufs, des salles de manipulations avec tout le matériel de dernière génération, et des fenêtres. Des fenêtres ! Tetsurō ne pensait pas qu'il se retrouverait un jour au bord de l'évanouissement, en plein syndrome de Stendal, juste d'avoir vu une blouse blanche éclairée par la lumière du jour. Rien n'était sûr pour le moment, mais il était en bonne voie, et ses acolytes lui avaient assuré tout faire pour qu'ils les rejoignent. Dans tous les cas, il ne pouvait rien faire de plus pour le moment, autant qu'il profite de ses vacances.

C'était sans compter sur Kenma et ses réveils matinaux.

— Vous allez arrêter de faire la gueule au bout d'un moment ? râla le blond.

Kōtarō et Tetsurō soufflèrent.

— Mais on sait même pas où on va !

— Mais vous verrez bien !

Kōtarō retomba dans sa chaise en soufflant.

Tetsurō tourna les yeux vers Keiji, installé sur sa chaise, regardant la mer tel un gentleman parti en croisières. Il plissa les yeux. S'il n'était pas fou amoureux de cet homme, il lui aurait lancé des cailloux à la figure.

— On commence à voir la terre, on est bientôt arrivé.

Tetsurō se redressa. On pouvait effectivement apercevoir les bords d'une île au loin, ciselé par la brume. Au-dessus des nuages se dessinaient les courbes verdoyantes d'un cratère volcanique. Kuroo sortit son téléphone, pensant enfin à regarder sa position GPS pour voir où ils se dirigeaient :

— Izu Oshima ?

— Hmm, confirma le blond.

— Qu'est-ce qu'on va faire là-bas ?

— Bah tu verras bien !

Il se tut, comprenant bien qu'il n'aurait pas plus de réponses pour le moment.

Ils arrivèrent une vingtaine de minutes plus tard au port de Motomachi. L'endroit n'avait rien de bien exotique pour le moment, ressemblant à un village de campagne tout à fait banale qui n'avait pas beaucoup plus de charme que Shakotan. Kōtarō et Tetsurō avaient bien compris qu'ils n'auraient pas plus de réponses, alors ils se turent, Keiji suivait depuis le début sans rechigner. Ils remontèrent le village à pied, suivant Kenma qui semblait bien savoir où il les emmenait. Peu à peu, les maisons et les petits magasins se firent rares au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans l'île. Ils marchaient toujours au bord d'une route goudronnée, mais la végétation commençait à se densifier, les arbres s'étendant de plus en plus haut, les herbes folles de plus en plus denses. Les fleurs sauvages poussaient par touffes sur les bords de la route. L'air était plus frai, et plus pure qu'à Tokyo, empreint d'iode et de d'humus. Ils commencèrent à monter sur une pente, Tetsurō tourna instinctivement les yeux vers Kōtarō pour s'assurait qu'il suivait. Ce dernier regardait les alentours, lui aussi apaisé par l'atmosphère régnant tout autour d'eux. Ils finirent par s'engager sur un petit chemin, retrouvant les contours de quelques petites maisons construites sur le flanc de la colline. Kenma s'arrêta enfin face à un petit chemin en pierre grises, couvert de feuilles et de mousses, s'enfonçant dans la végétation. Ils suivirent. En constatant qu'il s'agissait d'une petite cour de jardin, Tetsurō intervint :

— Mais attends ça doit être chez quelqu'un là.

— Yep.

Ils arrivèrent finalement devant un petit cottage en bois surélevé, se mêlant à la végétation dense autour.

— Chez nous, déclara Kenma en souriant.

Tetsurō et Kōtarō en restèrent cois.

— De quoi ?!

Le blond sourit. Keiji passa devant eux, déposant une paire de clés dans les mains du blond, souriant également.

— Tu le savais toi ?

Le brun hocha la tête.

— Je peux pas exactement signer moi-même, bien sûr qu'il le sait.

— Et tu nous as rien dit !

— Cela n'aurait plus été une surprise si j'en avais parlé, non ?

Les deux autres ne surent que répondre.

— Mais quoi... d'où ?

— Oh allez, vous le saviez que je cherchais ! Bon, c'est pas encore totalement finalisé, mais c'est des broutilles. Et puis franchement, elle est chouette, et elle coûte presque rien. J'ai bien compris que le manoir ne vous disait rien.

Kōtarō et Tetsurō ne surent quoi répondre, clignant des yeux, incrédules.

— Vous venez voir ?

Ils acquièrent, remontant les quelques marches de bois menant à la porte d'entrée.

Kenma déverrouilla la porte en bois, et cette dernière s'ouvrit sur un espace de vie, le sol recouvert de tatami. La maison était construite en bois, suivant les codes esthétiques traditionnels, les shojis laissaient passer la lumière à travers le washi, diffusant tout autour. Il régnait à l'intérieur une odeur de bois ancien et de riz, créant une atmosphère apaisante et d'intemporelle. Tetsurō retira ses chaussures, retrouvant la sensation familière des nattes tressées. Kenma alla ouvrir les panneaux en grand, laissant voir la petite terrasse en bois s'étendant derrière, tendu face au jardin. Une petite table en fer était installée sous les arbres, surement laissée là par les anciens propriétaires. Au bout, les arbres laissaient place à une petite prairie d'herbes folles et de fleurs sauvages se jetant dans la colline, créant un puits de lumière se jetant vers l'horizon. On devinait la mer en contrebas. En tendant l'oreille, on pouvait entendre le bruit des vagues au loin.

Sur la gauche se tenait une cuisine, étroite certes, mais tout de même charmante, et relativement bien équipée. La fenêtre au-dessus de l'évier laissait voir les arbres entourant la maison. De l'autre côté, séparé par les panneaux coulissants, se trouvaient une petite chambre, elle aussi tapissée de tatami au sol, puis une petite salle d'eau à côté, construite sur du bois brun. Un ofuro en bois était installé sur le côté, et le sol avait été carrelé de l'autre côté pour abriter une douche dont le style moderne contrastait avec le reste des lieux.

— Oh ya un étage ! s'exclama Kōtarō.

En se retournant, Tetsurō constata effectivement la présence d'un escalier à côté de la cuisine qu'il n'avait pas remarqué plutôt. Son partenaire, tout excité, s'empressa de les monter, et les autres suivirent. L'étage était assez grand, reprenant la surface de la maison. Le plancher tout en bois brun en recouvrait la totalité. Deux panneaux donnaient accès à une grande chambre, laissant un petit espace entre la pièce et l'escalier. Kōtarō ouvrit en grand le panneau donnant sur le jardin, et se retourna aussitôt pour ouvrir celui à l'opposé, ce qui créa un couloir d'air, laissant s'engouffrer le vent balayant leurs cheveux. D'un côté, on pouvait voir la mer au loin, de l'autre les flancs du volcan endormi, ils étaient suspendus dans ce cocon de verdure, à l'abri du temps et des tourments, loin de tout, ensemble.

Kenma sourit, ravi de lire l'enthousiasme sur leur visage. Il alla s'assoir sur le bord de la fenêtre, laissant sa jambe droite reposer dans le vide.

— Alors ?

— Elle est chouette, répondit Kōtarō.

Keiji alla s'assoir à côté du blond, et les deux autres se joignirent à eux.

— Hmm, c'est pas hyper spacieux, mais je me suis dit que ça suffirait. Je sais pas, j'aime bien ici, dit Kenma.

Il tourna les yeux vers Tetsurō, attrapant son regard :

— Ça me rappelle mon enfance.

Ils se sourirent, les yeux pétillants d'euphorie enfantine et pétillante.

— J'avoue que c'est pas mal. Mais quand tu dis pas tant que ça, ça veut dire quoi au juste ? Parce qu'apparemment 8 millions c'est pas grand-chose non plus; du coup c'est comparé à quoi ? À un manoir californien ? dit Tetsurō.

— Non, vraiment rien.

— Combien ?

— 12 millions*.

— Oh woah... c'est vraiment que dalle.

— Non, tu vois.

Le silence retomba, apaisé, fait du murmure du vent, du bruissement des feuilles, du chant des oiseaux et du clapotis lointain des vagues. Kuroo sourit, et se laissa retomber sur Keiji assis à ses côtés, passant son bras autour du sien. Le brun se tourna pour poser un baiser au sommet de son crâne. Il se sentait bien ici, avec ses partenaires, au milieu de rien, à des centaines de kilomètres de Tokyo et de son agitation ; à des centaines de kilomètres de tout le tumulte régnant là-bas. Ses amoureux se remirent à discuter, mais il n'écouta que vaguement, bercé par la tendresse qui sentait naviguer entre leur lien.

Il reconnecta de nouveau lorsqu'il entendit Kōtarō jouer les designers, proposant l'idée de construire un bassin avec des carpes dans le jardin. Kuroo pouffa :

— C'est de famille l'obsession avec les carpes ?

— De quoi ? Pourquoi tu dis ça ?

— Chez ta grand-mère y'en a partout, c'est abusé !

— Mais non, c'est juste jolie !

— Pas on va pas foutre des êtres vivants là juste parce que c'est joli ? Tu vas venir tous les jours t'en occuper ?

— Pff, non, mais ça va, ça se débrouille les poissons, je vais pas m'occuper de tous les saumons de rivières et ils vont bien à ce que je sache !

— Hmm, la pollution, la surpêche, les composants radioactifs dans l'eau, je sais pas s'ils vont si bien, objecta le blond.

— Roh, mais toujours avec ton pessimisme là !

— C'est pas du pessimisme, c'est la réalité, j'y peux rien !

Kōtarō croisa les bras.

— Non, mais je vois bien que mon idée vous dit rien !

— On peut mettre des nénuphars sinon, c'est joli aussi, proposa Tetsurō.

— On va pas faire un bassin qu'avec des nénuphars ! s'emporta Kōtarō.

— Pour le moment on n'a même pas de meuble, on est loin d'avoir un bassin, intervint Kenma.

Kōtarō souffla :

— Je dis pas maintenant ! Je dis juste qu'avec des carpes, ce serait joli !

— Et je te demande c'est quoi ton obsession avec les carpes ? répliqua Kuroo.

— Tetsurō, ces animaux l'ont pratiquement élevé, il faut bien qu'ils leur rendent la pareille, dit Keiji, un rien de malice dans la voix.

Tetsurō et Kenma explosèrent de rire, ce qui ne fit que finir de vexer Kōtarō, qui tenta une fois encore de défendre son projet et de rationaliser son attachement aux carpes.

Après quelques prises de bec infantiles, le silence retomba, doux, contemplatif.

— Alors, c'est validé ? demanda le blond.

Les trois autres hochèrent vivement la tête.

-/-

Tetsurō était dans le sous-sol du CAPE, les voix et les rires gorgeaient l'atmosphère. A l'approche du deuxième tour des élections, ils avaient fini par se retrouver de plus en plus. Le sujet n'était pas franchement abordé, mais il régnait entre eux quelque chose tenant de la nervosité et de l'excitation, cristallisant, malgré tout, ces moments dans la mémoire de chacun. La saison des pluies touchait à sa fin, l'air était toujours humide et lourd, mais le ciel était dégagé et l'air Tokyoïte était redevenu respirable. Les portes menant vers les petits extérieurs étaient grandes ouvertes, de petits groupes s'étaient formés à l'extérieur, les voix ricochant sur les murs autour. La nuit commençait à tomber, la lumière dorée se moirant de reflets peu à peu.

— Bon mais Kuroo joue !

L'interpellé revint à lui, regardant les dernières cartes posées. Il posa nonchalamment une paire de deux, ce qui fit râler Oikawa qui se retint de ne pas balancer ses cartes.

Les parties de Daifugo avaient repris, Oikawa était toujours désagréable, ce qui amusait plus au moins tout le monde, surtout Chris, qui ne se laissait pas de lui dérober la victoire pour le voir fulminer sur place. C'était sans compter sur Keiji, qui savait se défendre et avait arraché la victoire plusieurs fois. Sous ses airs calmes et composés, se trouvait sans l'ombre d'un doute un compétiteur féroce. Kuroo posa un quatre, et Yamaguchi prit la suite. Ils s'étaient installés à même le sol, renonçant à s'assoir sur le canapé, dont le cuir collait désagréablement à la peau par cette chaleur.

Tsukishima et Keiji posèrent un roi, et Tetsurō échappa un sourire, posant ses deux derniers rois.

— Bom, allez, hop.

Oikawa s'emporta vocalement. Dieux comme il était mauvais perdant.

— Allez Tōru, arrête de râler, joue ! le réprimanda Sugawara.

Tetsurō sourit, ravi de lui avoir arraché la victoire. Il avait de bien loin devancé tout le monde, et il n'en était pas peu fier. Il regarda la suite de la partie, mais son attention finit peu à peu par s'en détacher. Son téléphone vibra, et il se détacha complètement de la partie pour regarder ses notifications. Il sourit en constant qu'il s'agissait d'une photo postée sur la conversation par Tanaka : apparemment Nishinoya s'était remis à la GRS, ayant entrainé son partenaire dans son aventure acrobatique, ce dernier regardant la caméra avec un désespoir profond dans les yeux.

"La détresse" avait commenté Tanaka. Tetsurō se tourna, constatant qu'en effet, l'activité gymnastique battait son plein dehors, Nishinoya tentant maintenant de se lever sur les mains d'Asahi, sous les acclamations de Tanaka. Kageyama se tenait sur le côté, malgré tout alarmé par le bancal de la situation. Le brun pouffa et tourna son attention vers son téléphone, envoyant un émoji en réaction à la photo. Voyant que la partie battait toujours son plein, il retourna son attention sur la conversation, la remontant pour lire de nouveau les derniers messages. Il fit la moue en retrouvant le dernier lien qu'il avait partagé. Personne n'y avait réagi.

Il avait trouvé il y a quelques jours, partagé par le compte privé de Miya, la présentation d'un événement. Il s'agissait d'une marche prévue pour le samedi avant les élections en faveur de la suppression de la TPO se voulant pacifique et bienveillante. Tetsurō avait été séduit par l'idée, et en avait parlé à ses partenaires, qui à sa grande surprise avaient bien accueilli l'idée. Kenma avait émis quelques réserves, n'étant pas un grand fan des foules, mais ne s'y était pas opposé non plus. Réjoui, il s'était empressé de partager l'événement au reste du CAPE, mais le manque de réactions semblait montrer un intérêt peu prononcé pour la chose. Il avait prévu d'en discuter dans la soirée, mais n'avait pas encore trouvé le moment de le faire. Voyant que la partie venait de se terminer, et que les cartes étaient en train d'être redistribuées, il tenta sa chance :

— Hey, hum, vous avez vu le lien que j'ai partagé la dernière fois ? Je... je sais pas je me disais que ça pouvait être intéressant, non ?

Il vit Yamaguchi, Sugawara et Oikawa se concentrer sur leurs cartes intensément, gênés. Il y eut un moment de battement, et Kuroo regretta presque d'avoir posé la question.

— Oh oui, j'ai vu, intervint Chris, peut-être que je viendrais.

Il hocha la tête, et tourna les yeux vers Sugawara, qui grimaçait devant ses cartes. En sentant son insistance, il releva les yeux.

— Euh, je sais pas... je suis pas sûr que...

— Oh allez ! On peut pas s'appeler le club des parias emmerdeurs et emmerder personne non ? C'est plutôt light, on n'en est pas à bruler des bagnoles !

— On a pas besoin d'en aller jusque-là, notre simple existence fait chier, répondit Yamaguchi, la colère à peine dissimulée dans sa voix.

Oh... Kuroo sentit la honte pointée en lui. Lui ne se mettait pas franchement en danger en y allant, il ne s'était pas arrêté sur ce que ses amis pouvaient en penser. Il trouvait cela dommage, mais en sentant la tension monter, il se décida à désamorcer la situation :

— Ok, ok, je proposais c'est tout...

— Ok, bah tient voilà président de merde, râla Oikawa en lui tendant deux de ses cartes.

Il pouffa, amusé de le voir si vexé de sa défaite. La partie reprit comme si de rien n'était. Il capta le regard de Keiji à un moment donné, qui lui sourit pour tenter de lui remonter le moral, ce qui fonctionna assez bien.

Son téléphone vibra une première fois, mais il n'y prêta pas attention, continuant de jouer. Il vibra une seconde fois. Cette fois il se décida à regarder.

Sa mère lui avait envoyé un sms et... son cœur rata un battement en lisant le nom de sa petite sœur. Natsume venait de lui envoyer un message. Il sentit l'anxiété monter, les mains commençant à trembler.

— Tout va bien ? demanda Keiji, constatant son état.

— Je... je sais pas, j'ai... Natsu vient de m'envoyer un message.

— Oh... que dit-elle ?

— Je sais pas je...

Il ouvrit le message, son cœur accélérant lorsque la conversation s'afficha.

— What ?

— Qu'est-ce que t'as ? demanda Yamaguchi.

— Je... je sais pas, ma sœur vient de m'envoyer "j'arrive dans quarante minutes à station central".

— Comment ça ?

— Bah j'en sais rien... elle... on a pas reparlé depuis... c'est quoi ce bordel ?!

Il ouvrit le message de sa mère, ce dernier lui demandant s'il avait déjà récupéré sa sœur.

— Apparemment ma mère est au courant, c'est quoi ce bordel.

Il avait décidément loupé un épisode.

— Elle était censée venir ?

— Bah non, je te dis qu'on s'est pas reparlé depuis, je sais pas d'où ça sort ! répondit Tetsurō à son partenaire, commençant à paniquer.

— Attends... je... désolé.

Il posa le reste de ses cartes sur le sol et se leva pour se mettre à l'écart. Il hésita à appeler directement Natsume, mais y renonça. Il n'avait pas franchement envie de lui parler, pas après la note sur laquelle ils s'étaient quittés... Mais c'est elle qui lui avait envoyé ce message de but en blanc. Il décida d'appeler sa mère, faisant comme si de rien n'était.

— Hey, mams, ça va ?

— Oui, oui ! Alors ta sœur ? Elle est déjà arrivée ?

— Euh non... pas encore...

— Oh oui, d'accord... Tu es en chemin déjà ?

— Euh... oui oui, mentit Kuroo.

— Parfait... ça me rassure que tu sois là-bas, tu lui montreras le chemin hein ?

— Le... chemin ?

— Oui, pour aller à l'université.

De quoi ?

— Je n'étais pas pour au début quand elle m'a dit qu'elle voulait partir toute seule pour les journées portes ouvertes... je serais bien venu avec elle, mais je ne peux pas partir comme ça... Elle m'a assuré que tu serais là, et puis elle est assez grande, je... c'est juste que c'est une grande ville, elle n'a pas l'habitude... Mais avec toi là-bas, je me suis dit que ça irait.

Qu'est-ce que c'était que cette histoire ?!

— Euh oui, oui, c'est normal... et puis... c'est cool qu'elle s'y intéresse déjà...

— Oui, oui... je... cela fait loin, mais avec le dossier excellent qu'elle a, ce serait dommage de ne pas saisir cette opportunité.

— Hmm, répondit vaguement Kuroo, regardant combien de temps il lui fallait pour rejoindre la gare d'où il était. S'il se dépêchait, il ne lui faudrait qu'une vingtaine de minutes.

— Oui, et puis tu pourras lui faire visiter ! Oh il faudrait que je vienne aussi te voir un jour, cela doit faire bien, oh, vingt ans que je n'ai pas remis les pieds là-bas.

Oh god, maintenant sa mère voulait venir ?! Quelle horreur ? Non pas que... il l'aimait beaucoup, mais il vivait un peu sous couverture, et … merde.

— Je... euh désolé Mams, je vais rentrer dans le métro, à plus.

— Oh, d'accord, envoie-moi un message quand elle arrive.

— Euh d'accord, à plus.

Il raccrocha avant d'avoir entendu la réponse.

— Merde, merde, mais quoi ?

Il tourna en rond, sentant l'anxiété monter.

Il sursauta en sentant une main se poser sur son épaule.

— Tout va bien ?

Il se détendit en trouvant le regard de Keiji.

— Je... je comprends rien... elle m'a rien dit... et puis ? Merde mais je vais en faire quoi ? Je... apparemment elle vient pour une histoire de porte ouverte, mais j'en savais rien ! Je... mais quoi ?

Son partenaire lui caressa gentiment le dos pour l'apaiser.

— Ça va, tout va bien.

— Non je sais pas si tout va bien ?! T'as vu comment elle était la dernière fois ?! Je vais pas la ramener à la maison !

— Peut-être qu'elle veut discuter, tu ne pourras pas savoir avant de l'avoir vu.

— Je... roh, ok... Hum, je vais y aller, je... merde.

— Tu veux que l'on vienne avec toi ?

— Non, je... je vais y aller seul, histoire de tâter le terrain déjà, m'attendez pas je... je vous tiens au courant... Tu... tu peux prévenir Kō et Kenma ? Je... je vais y aller.

— D'accord.

— Ok, ok hum...

Alors qu'il allait se tourner, Keiji le retint. Il passa un bras dans son dos pour l'amener à lui, leur front se rencontrant.

— Tout va bien se passer Tetsurō.

— Je sais pas.

— Quoi qu'il se passe, nous sommes là, d'accord ?

Il inspira profondément.

— Ok...

Keiji lui sourit et l'embrassa avant de se détacher de lui.

— Merci... je... ok j'y vais... Je... à tout à l'heure.

— À tout à l'heure.

Il tourna les talons et partit à toute vitesse.

Bordel mais qu'est-ce qu'il était en train de se passer au juste ?!

-/-

Tetsurō se décida à enfin rentrer à l'intérieur de la station. Il était arrivé une bonne dizaine de minutes au paravent, mais était directement sorti à l'extérieur, pensant qu'un peu d'air lui donnerait l'occasion de se calmer.

Il était en panique. Les questions se bousculaient dans sa tête, les scénarii de retrouvailles avec sa cadette, allant du plus "happy end" au plus terrible, ses pensées commençaient à pencher de plus en plus sur ces derniers. Il ne savait pas à quoi s'attendre, il ne savait pas pourquoi sa sœur avait décidé de débarquer à l'improviste comme cela, et il ne savait absolument pas comment y réagir. Voyant l'heure avancer, il décida de prendre son courage à deux mains pour rentrer dans la station, il verrait bien ce qui l'attendait. Il n'avait jamais trop mis les pieds dans cette gare, le lieu était gargantuesque, son style occidental lui donnait des aires de musée, les sons résonnaient tout autour, l'étouffant de cacophonie. Il releva les yeux, trouvant le sommet d'une des coupoles au-dessus de sa tête, regardant les oiseaux figés prendre leur envol vers un ciel inexistant.

Il inspira profondément, essayant de s'ancrer de nouveau. Il finit par trouver un panneau annonçant les arrivées. D'où exactement était-elle partie ? Le bullet train pour rejoindre Tokyo partait d'Hokodate, mais il ne savait même pas si Natsume était parti de cette gare-ci ? Il fixa le panneau jusqu'à ce que les lettres lumineuses se confondent les unes aux autres. Tetsurō finit par se résigner à envoyer un message à sa petite sœur.

" C'est quoi le numéro de ton train ?"

" Je sais pas."

Super, il allait loin avec ça.

" De Hakodate, arrivée 20h33"

Le brun releva de nouveau les yeux vers le panneau. Quai 12.

Il se dirigea vers le quai en question, son cœur tapant de plus en plus violemment dans sa cage thoracique. Une fois sur le quai il s'arrêta. 20h31. L'arrivée du train fut annoncée, et deux minutes plus tard, il entra en gare. Tetsurō regarda les premiers passagers descendre du train, essayant de trouver un visage familier à travers la foule. Enfin, il la reconnut. Il se sentit noyé d'un sentiment étrange, la panique était toujours là, mais elle était accompagnée d'une euphorie fourmillante, mêlée de colère et de trouble. Natsume releva les yeux, le trouvant à son tour. Son visage était fermé, mais pas hostile pour autant, et Kuroo se sentit malgré lui reprendre cette même expression. Il n'y eut pas de grands sourires, pas d'accolades, rien. Natsume hocha vaguement la tête en le voyant, et il en fit de même.

Ils restèrent plantés comme ça quelques instants, aucun d'eux deux décidés à parler en premier.

— T'as mangé ?

— Non.

Tetsurō hocha la tête.

— Ok, bah vient, passe-moi ton sac.

Natsume s'exécuta et son ainé prit son gros sac de voyage qu'il sécurisa sur son épaule. Il se tourna, ne donnant pas plus d'indications, n'étant pas bien sûr lui-même d'où se rendre. Ils marchèrent jusqu'à la station de métro en silence, Tetsurō ne reprit la parole que lorsqu'ils arrivèrent devant le distributeur de carte de transport.

— Tu restes combien de temps ?

— Je repars samedi en fin d'après-midi.

Le brun ne réagit pas particulièrement, il prit un pass pour le nombre de jours indiqué, paya, et lui tendit sa carte une fois cette dernière crachée par la machine.

— Merci, marmonna Natsume.

Quelque chose s'attendrit en lui. Il n'était toujours pas très à l'aise en sa présence, mais il avait oublié qu'il ne s'agissait que d'une gamine de dix-sept ans de la campagne.

— Allez vient, on va manger.

Elle hocha la tête et le suivit. Ils sortirent de terres un bon quart d'heure plus tard. La ville avait pris sa parure nocturne, faite de lumières et de bruit. Tetsurō marcha avec assurance, sa sœur le suivant de près, regardant tout autour d'elle, dissimulant à peine sa curiosité et son émerveillement. Au loin, on pouvait voir la tour de Tokyo illuminé. Tetsurō les guida jusqu'à une tour, et ils montèrent jusqu'au dixième étage. Y était installé un petit food court qu'il connaissait bien. Les deux ne parlèrent que pour choisir la nourriture, Tetsurō paya une fois encore, et ils repartirent avec leurs bols respectifs quelques minutes plus tard, s'installant à côté des fenêtres. On pouvait voir la ville s'étendre autour, percer la nuit de centaines de lumières multicolore. Le regard de Natsume se perdit au loin, ses yeux commençant à briller, émerveillée. Tetsurō se retint de sourire, et commença à manger. Ils restèrent en silence encore un long moment. Le brun se décida à reprendre la parole. Il avait abandonné l'idée de lui demander pourquoi elle avait débarqué comme ça sans rien lui dire, n'ayant pas décidé d'envenimer la situation.

— Maman m'a dit que tu venais pour les portes ouvertes.

— Hum...

— C'est quand ?

— Demain.

— Ok.

Silence.

Natsume le regarda du coin de l'œil, hésitant à parler, mais n'en fit rien.

— Tu... tu restes où ?

Sa sœur soupira.

— Je pensais rester chez toi.

Tetsurō haussa un sourcil.

— Tu sais où j'habite, non ?

Avec qui plutôt, c'était ce qu'il voulait dire.

Natsume croisa les bras.

— Oui je sais...

— Ok... hum, ça ne me dérange pas si ça te dérange pas mais... faut que je vois quand même s'ils sont d'accord. C'était pas franchement prévu.

— Ok.

Il termina son bol de ramen et sortit son téléphone pour écrire sur leur conversation, leur expliquant la situation. Son téléphone sonna moins d'une minute plus tard. Tetsurō décrocha :

— Yo.

Yo, lui répondit Kenma.

Il y eut quelques secondes de flottement.

Ya pas de soucis si elle veut rester, mais pas de cirque.

— Hum.

T'es sûr que ça lui va ?

— Je sais pas, j'imagine.

Hum... elle est avec toi ? Tu peux me mettre en haut-parleur ?

La demande le surprit, mais il s'exécuta.

— C'est Kenma, précisa le brun en posant l'appareil au milieu de la table.

Natsume se tendit, mais se contenta de hocher vaguement la tête.

Bonjour Natsume.

— Bonjour.

Diable que cette situation le mettait mal à l'aise ! Il tenta de ne rien y faire paraitre, surtout que sa cadette ne semblait pas non plus particulièrement à son aise non plus.

Tu peux rester à la maison autant que tu veux sans problèmes, j'espère que tu comprends ce que cela entend.

Sa maison, ses règles, pas de drama.

Sinon je peux également te prendre une chambre d'hôtel quelque part.

— Non, ça ira. Merci.

D'accord.

Tetsurō reprit le téléphone, retirant le haut-parleur.

Bon, bah à voir... dit le blond.

— Hum... On peut la mettre dans ma chambre, j'irais en bas.

Ok, tu veux que je prépare la chambre ?

— Ouais si tu peux c'est chouette, merci.

C'est rien.

— Vous êtes rentré là ?

Oui, on est à la maison. Vous rentrez quand ?

— Je sais pas encore... On est en train de finir de manger là.

Ok, tiens moi au courant, à tout à l'heure.

— À toute, t'aime.

Merde, il avait parlé par automatisme ! Il jeta un œil vers Natsume, qui ne semblait pas avoir particulièrement relevé.

Moi aussi, à tout à l'heure.

Et il raccrocha, le laissant seul avec le silence pesant entre lui et sa benjamine.

— Ok... t'as besoin de rien d'autre ? T'as tout ce qu'il te faut ?

— Je crois oui.

— Ok...

Le silence retomba de nouveau, moins électrique cette fois. Ils tournèrent tous les deux la tête vers la fenêtre, regardant la ville en silence.

— Hey, l'interpella finalement Natsume.

Sa voix avait repris des notes qu'il lui connaissait mieux.

— Hum ?

— Hum... la dernière fois.

— Oui ?

— Tu les appeler tes "partenaires", qu'est-ce que tu voulais dire ?

Tetsurō haussa un sourcil, surpris de la question. Ce n'était pas franchement ce à quoi il s'attendait, il y avait quand même un peu plus à décortiquer que cela ? Elle l'avait basiquement traité de putain, et c'était vraiment la seule chose qui en ressortait ? Il s'efforça de se calmer.

— Exactement ce que ça voulait dire.

Il n'avait pas réussi à totalement dissimuler la colère dans sa voix.

Natsume hocha la tête, évitant toujours son regard. Elle tourna son attention vers sa nourriture et finit de manger en silence.

Ils sortirent une bonne demi-heure plus tard. Tetsurō n'avait pas encore le courage de rentrer, appréhendant grandement l'arrivée de sa sœur chez lui. Alors il traina dans les rues, sa sœur suivant derrière. Elle s'était apaisée, et même si elle était toujours silencieuse, elle s'était rapprochée de lui, regardant tout autour d'elle curieusement. Voyant que l'heure commençait à tourner, Tetsurō se décida à les guider vers le métro. Ils ne dirent rien tout au long du trajet. Le brun se détendit en descendant la rue menant à sa maison, et il échappa un sourire en l'apercevant, la lumière du salon était allumée. Ils s'arrêtèrent devant le portail et Tetsu sortit les clés.

— T'habites là ?

Il tourna les yeux vers Natsume. Elle regardait la maison, sincèrement impressionnée.

— Oui.

— Oh... ok. C'est... c'est grand.

— Hum, ça m'a fait le même effet quand je l'ai vu la première fois.

Ils entrèrent, Natsume détaillant toujours la maison. En entrant dans le garage, Tetsurō entendit les rires de ses partenaires lui parvenir. Il sourit, sentant leur euphorie à travers leur lien. Qu'est-ce qu'ils étaient en train de foutre exactement ? Natsume retira ses chaussures, décomposant tous ses mouvements, presque timidement. Il lui donna une paire de chaussons. Ils étaient beaucoup trop grands pour elle, mais cela devrait faire l'affaire. Il monta les escaliers, Natsume sur les talons.

— Tadaima, dit-il en ouvrant la porte.

Il se figea. Ses partenaires en firent de même, tous les quatre se regardant comme une bande de chouettes effraie prise dans les phares d'une voiture. Oh... il aurait peut-être dû les prévenir qu'ils étaient en chemin.

Les trois étaient dans le salon, entouré d'un fouillis de vêtements, Kenma était affalé sur le canapé, téléphone en main, face à lui se tenait Keiji et Kōtarō qui avaient apparemment décidé de se lancer dans le transformisme. Kōtarō avait revêtu sa robe à fleurs, il avait des dizaines de barrettes dans les cheveux et des colliers de perles de toutes les couleurs autour du cou, Keiji à ses côtés était en robe de cocktail noire (qu'est-ce qu'une robe de cocktail noire foutait au juste dans cette baraque ?!) , deux petites couettes sur sa tête et des perles autour du cou. Ne vous méprenez pas, ils pouvaient bien faire ce qu'ils leur chantaient, et la situation l'aurait amusé en temps normal, mais le moment était très, très mal choisi.

Le sac de Natsume lui tomba des épaules.

— Okairi, répondit Kōtarō avec un sourire gêné.

Natsume passa le pas de la porte.

— Merci de me recevoir, dit-elle poliment en se penchant pour les saluer.

En se redressant, elle découvrit enfin le tableau improbable se tenant devant ses yeux. Elle écarquilla les yeux, se figeant.

Ses partenaires la saluèrent à leur tour silencieusement. Personne ne bougea.

— Hum, hum, Natsu, viens, je... vais te montrer où t'installer.

Cette dernière hocha lentement la tête, et le suivit. Elle ne fit aucun commentaire, et n'avait pas l'air particulièrement dans le jugement, elle était juste surprise. Tetsurō la guida à l'étage.

— Euh, voilà, tu peux t'installer ici... la salle de bain est juste en bas.

— Tu... c'est ta chambre ?

— Oui.

— Oh... tu vas dormir où ?

— En bas... ya encore trois chambres t'inquiètes.

Elle hocha vaguement la tête, détaillant son environnement.

— Euh... je... je vais redescendre. Tu peux rester là si tu veux, ou pas, on est en bas, comme tu veux.

— Ok.

— Ok.

Silence.

— Je te laisse t'installer.

Sur ce, il tourna les talons et referma la porte avant de redescendre les escaliers. Une fois dans le couloir, il le remonta en courant.

— Mais qu'est-ce que vous foutez ?!

Kenma pouffa.

— Désolé ! dit Kōtarō.

— On est sûr que c'était le bon moment ? Sérieux !

— Déso, déso, c'est juste... Les sœurs de Keiji sont à Séoul et elles nous ont envoyé des photos.

— Des photos ?

Keiji s'approcha de lui, téléphone en main.

— Elles ont mis la main sur les albums photo.

Il lui montra une première photo, prise il y a surement une bonne dizaine d'années, Himawari et Tsubaki adolescentes étaient en maillot de bain, installées sur des transats en plastique, tenant toutes les deux un bébé, qu'elles semblaient présenter au monde tel Simba dans le roi lion. Keiji défila pour lui montrer la photo suivante, et Tetsurō explosa de rire. Les sœurs ainées de Keiji, maintenant adultes, avaient décidé de refaire la même photo, tenant maintenant dans leur bras un Yu adolescent semblant très peu amusé par la situation.

— C'est excellent !

— Du coup on essaye de faire la même chose, expliqua Kōtarō.

— Hum, c'est quoi l'original ? demanda Kuroo qui c'était pris au jeu.

Keiji lui tendit de nouveau son téléphone. On y voyait Kōtarō et lui, âgé de quatre ou cinq ans. Les deux avaient été habillés en robe, Keiji se tenait droit comme un piquet, regardant droit vers la caméra, et Kōtarō jouait les divas, tenant les pans de sa robe comme une princesse. Tetsurō éclata de rire, attendrit.

— Vous étiez trop chou bordel... Ow... C'est tes sœurs qui voulaient vous faire jouer les top model ?

— Non, pas du tout, Keiji voulait jouer aux fées.

— Aux fées ?

— Ne me regarde pas comme cela ! J'aimais beaucoup les fées à l'époque.

— Hum, je vois, mais on est très loin de la fée là quand même non ?

— On a fait avec ce qu'on pouvait aussi.

— Hum hum, oui, je vois. Ah oui, pardon, dit Tetsurō en zoomant sur la photo, je n'avais pas vu la baguette magique, mes excuses.

— Un élément primordial, commenta Keiji, lui montrant fièrement la spatule qu'il avait dans les mains.

— Elle a perdu de sa magie la baguette là.

— On fait avec ce qu'on peut.

— Hum... je savais pas que tes sœurs étaient parties en Corée.

— Oui, la semaine dernière.

— Ta maman va bien ?

— Ça va... elle n'est pas forcément ravie de devoir rester au lit toute la journée, mais elle s'y fait.

— Oh, oui c'est vrai ! C'est bientôt non ?

— Oui, éminemment sous peu je dirais.

Tetsurō hocha la tête, il s'assit en tailleur au bord du canapé, juste à côté de Kenma.

— Tu voulais pas y aller aussi, être là pour ça ?

Keiji fronça sourcil

— Cet enfant ne va pas disparaitre, je n'ai pas besoin d'être là les premières minutes de sa vie !

Il avait froncé le nez, vexé, ce qui amusa le brun qui dut se retenir d'éclater de rire.

— T'énerves pas, je demande c'est tout.

Keiji fit la moue, si puérilement que Tetsurō ne put s'empêcher de rire cette fois. Il se dérida rapidement. Il récupéra un jogging abandonné sur le tas de vêtements, qu'il enfila sous sa robe avant de s'assoir à son tour en tailleur sur un coussin qui avait été abandonné au milieu de la pièce, puis continua de regarder les photos sur son téléphone. Kōtarō s'assit également à côté de son partenaire, tournant le regard vers son téléphone, commentant les photos en souriant.

Au bout d'un moment, Kōtarō releva les yeux, tournant le regard en direction du couloir. Il sourit avec bienveillance.

— Tu peux venir si tu veux tu sais. Ou tu cherches quelque chose ?

Sa question resta sans réponse, mais quelques instants plus tard Natsume apparut dans l'encadrement de la porte. Elle avait le dos légèrement courbé, et paraissait peu assurée. Elle se décida à pénétrer dans la pièce, mais s'arrêta après quelques pas, restant plantés là.

— Euh... tu veux boire quelque chose ? proposa Kōtarō.

L'interpellée fit non de la tête.

— Bonne idée ça, déclara Kenma, escaladant le canapé pour aller dans la cuisine.

Il passa derrière l'îlot et ouvrit le réfrigérateur pour en sortir une bière.

— Quelqu'un veut quelque chose ?

Ses trois partenaires lui répondirent positivement, et le blond hocha la tête, récupérant les bouteilles. Sans pour autant détourner les yeux du frigo, il demanda :

— Natsume t'es sûre que tu veux vraiment rien ? J'ai... de la limonade, du …, un whisky ?

— Dix-sept ans Kenma, intervint Kuroo un rien sévèrement.

— T'es pas drôle Ji.

— C'est pas drôle !

Kenma soupira. Il tourna enfin les yeux vers Natsume, toujours plantée au milieu de la pièce.

— Du coup rien ?

— Euh, un verre d'eau, s'il te plait.

— Va pour un verre d'eau... Ah, c'est quoi cette horreur ?!

Le blond sortit une bouteille en verre du frigo, la tenant du bout des doigts profondément dégouté. Le breuvage n'avait en effet rien de bien ragoutant, la bouteille étant pleine d'un liquide maronnasse au semblait nager de larges masses brunes.

— Kō ! C'est ton kambucha, jette-le !

— Non ! intervint ce dernier en voyant Kenma s'approcher de la poubelle.

Il se leva d'un bond pour se précipiter dans la cuisine afin de sauver son immondice.

— Mais quoi non ? Ya plus de levure que de thé dans ton machin, c'est dégueu.

— Mais non, c'est pour faire un scoubi, pour en faire maison.

Kenma fronça le nez, profondément dégouté.

— Ah, mais hors de question, t'as craqué toi !

— Quoi ! C'est très bon pour la santé !

— Tu vas pas faire un élevage de levure chez moi c'est mort !

Constatant que le débat n'était pas près de terminer, Tetsurō tourna de nouveau son attention vers Natsume. Il détaillait avec attention son langage corporel, restant malgré tout sur ses gardes. Sa sœur n'avait pas l'air pourtant particulièrement hostile, presque désorienté même. Elle fixa son attention vers Keiji, qui regardait toujours les photos envoyées par intervalle régulier par ses ainées. Le brun finit par s'apercevoir qu'elle le regardait, et il se décala. Natsume hésita, mais finalement s'installa à côté de Keiji, restant tout de même à distance. Après quelques secondes d'hésitation, et constatant que le brun avait baissé l'écran de son téléphone afin de l'inclure, elle tendit le cou pour regarder à son tour.

— C'est ta famille ?

Tetsurō vit son partenaire sourire tendrement.

— Oui. Mes sœurs ainées, dit-il en les désignant sur la photographie, mon petit frère, et mes parents.

Natsu parut surprise, elle releva les yeux sur Keiji pour sonder son expression, mais ne fit aucun commentaire. Finalement elle tourna de nouveau les yeux vers le téléphone.

— Elles sont... c'est un garçon ou une fille ? demanda Natsume, désignant surement le ventre très arrondi d'Atsuko.

Keiji n'aimait pas particulièrement cette question, Tetsurō le savait. Il avait également essayé de demander s'il connaissait le sexe du bébé, ce à quoi Keiji avait répondu " qu'il avait mieux à faire que se demander quels organes génitaux possédait ce bébé" . Keiji ne réagit pas particulièrement et répondit :

— Elles ne savent pas encore le sexe.

Natsume hocha la tête, l'ombre d'un sourire naquit sur ses lèvres.

Tetsurō détourna son attention d'elle en entendant Kenma pouffer derrière lui. Kōtarō et lui étaient toujours dans la cuisine. Le blond souriait jusqu'aux oreilles, les yeux brillant de malice, essayant de s'échapper de l'étreinte de Kōtarō qui le tenait fermement autour de la taille. Le blond pouffa de nouveau, amusé par les âneries argumentatives livrées par son partenaire pour tenter de sauver son élevage de miasme. Sans briser le contact visuel, Kenma avança vers la poubelle, menaçant d'y jeter la bouteille. Kōtarō s'y opposa vocalement, et détacha l'un de ses bras pour lui bloquer le sien.

— Mais non ! couina ce dernier.

— Mais si ! répondit Kenma en imitant son ton plaintif.

Kōtarō laissa sa tête retomber sur le torse de son amoureux, jouant les petits chiens battus.

Kenma roula des yeux, s'admettant enfin battu :

— Bon ok, ok ça va, garde-le ton mélange de sorcières là, mais sache que tu me dégoutes.

— Yeah ! s'exclama Kōtarō.

Il embrassa le blond sur la joue et le laissa enfin partir. Tetsurō sourit en regardant ses partenaires interagir. Il détourna le regard instinctivement en se sentant observer, tombant directement sur Natsume qui le regardait. Il cligna des yeux, sentant la panique monter, appréhendant la réaction de sa benjamine. Cependant, cette dernière ne sembla pas particulièrement réagir, et tourna de nouveau son attention vers Keiji.

— Bon je vais me changer, je reviens, annonça Kōtarō avant de disparaitre dans le couloir.

Kenma revint enfin de la cuisine pour leur donner leurs bières. Il dut faire un nouveau voyage pour le verre d'eau qu'il tendit à Natsume. Cette dernière le remercia d'un hochement de tête, évitant de croiser son regard.

Le blond ne s'en offusqua pas, et alla s'assoir près de Keiji, s'appuyant contre son épaule pour voir le téléphone. Tetsurō s'avança également.

— Nao m'a envoyé la photo, dit Kōtarō en faisant de nouveau son apparition. Il avait enfilé un t-shirt et un jogging, mais avait toujours ses barrettes dans les cheveux.

Il s'assit à côté de Natsume et tendit son téléphone à Keiji. Kenma et Natsume tendirent le cou pour voir l'écran eux aussi. Le blond pouffa et Keiji sourit en voyant la photographie.

— Keiji la terreur du bac à sable, commenta Kenma, amusé.

— Je sais même pas pourquoi j'étais dans cet état-là, dit Kōtarō.

— Parce que j'avais refusé de te prêter ma voiture, précisa le brun.

— Fait voir ? demanda Tetsurō.

Kōtarō récupéra le téléphone et le lui tendit. On y voyait Keiji et lui, âgé de cinq ans environ, dans ce qui s'apparentait être un bac à sable. Kōtarō était en larme, se tordant de douleur dans le sable, tandis que Keiji faisait face à la caméra, une petite voiture rouge à la main.

— En fait t'as toujours été dramatique, plaisanta le brun.

Son commentaire lui valut de se prendre un oreiller en pleine tête.

— Merci de confirmer mes dires, rétorqua-t-il en ricanant.

Kōtarō essaya de se défendre, tentant tant bien que mal de peindre Keiji comme le méchant de l'histoire pour avoir refusé de partager la garde de ses petites voitures. La discussion continua, explorant les petites anecdotes de leurs enfances respectives. Natsume ne parlait pas, mais elle écoutait attentivement, souriant parfois, prenant de petite gorgée d'eau de temps à autre. Après une bonne demi-heure, elle se releva, ce qui mit plus ou moins fin à la conversation en court. Elle alla déposer son verre et se tourna vers eux :

— Euh, je vais aller me coucher je pense.

— Ok, tu as tout ce qu'il te faut ? demanda Kenma.

Natsume hocha la tête. Elle tourna les yeux vers son frère.

— Euh, ok attends, j'arrive.

— Bonne nuit, lui dirent ses trois partenaires.

— Merci, bonne nuit, dit-elle avant de se retourner.

Elle hésita, mais se tourna de nouveau, se baissant pour les saluer afin de les remercier, puis tourna les talons pour remonter le couloir. Tetsurō échangea un regard avec ses partenaires avant de se lever à son tour pour aller la rejoindre. Elle attendait dans le couloir, encore incapable de naviguer à son aise dans la maison. Tetsurō la rejoignit, et lui montra la salle de bain, lui désignant tout ce dont elle pourrait avoir besoin et lui confiant deux serviettes. Natsume resta planté dans l'encadrement de la porte, attendant de capter l'attention de son frère.

— T'as tout ce qu'il te faut ?

— Euh... j'ai oublié de prendre un haut de pyjamas, avoua-t-elle à mi-voix.

— Oh, ok, pas de problème, je vais te prêter un t-shirt attend.

Il lui passa devant pour retourner dans le couloir. Alors qu'il allait remonter les escaliers vers la chambre, il s'aperçut que Natsu ne le suivait pas. Il la trouva plantée au milieu du couloir, les yeux écarquillés.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je... je savais pas que t'avais un chat.

Kuroo haussa un sourcil.

— J'ai pas de chat.

La réponse sembla profondément désarçonner sa sœur. Ce ne fut qu'alors qu'il comprit. Il s'était tellement habitué qu'il n'avait pas fait attention, mais on pouvait en effet entendre Kōtarō ronronner bruyamment.

— Ah, pff, non, c'est pas un chat, dit Tetsurō amusé, désignant le bout du couloir d'un mouvement de tête.

Natsume ne saisit pas tout de suite.

— Mais c'est quoi ?

— C'est Kōtarō, répondit simplement le brun avant de remonter les escaliers.

Sa sœur le suivit, semblant toujours troublée.

— Je... comment ça ?

— C'est lui qui ronronne.

Il pouffa malgré lui en constatant le trouble de sa benjamine. Il ne lui donna cependant pas plus d'explication et rentra dans la chambre, allant jusqu'à sa commode pour tenter d'y dénicher un t-shirt pour sa sœur. Il entendit ses pas sur le plancher.

— Je savais pas que... que les gens pouvaient ronronner.

Tetsurō sourit. Il déplia un premier t-shirt, beaucoup trop grand.

— Moi aussi ça m'a surpris au début, mais c'est nice.

— Oh...

Second t-shirt, parfait. Il se tourna et le tendit à Natsume.

— Mais... c'est les omégas qui peuvent faire ça ?

La question avait été posée innocemment, mais elle prit de court Kuroo. Il n'avait jamais précisé le secondaire de ses partenaires, comment avait-elle... ?

Oh... Il avait parlé de la maladie de Kōtarō à sa mère, peut-être qu'elle en avait tout simplement parlé... Il ne se souvenait plus bien quels détails il avait donné, mais...

Peu importe, il décida de passer sur la chose pour le moment.

— Euh, non les alphas aussi.

— Oh... ok... je vois.

Elle regarda le plancher. Le silence flotta encore quelques instants avant que le brun ne se relève finalement :

— Euh... ok, t'as une brosse à dents ?

— Oui.

— Ok, parfait... Si t'as tout ce qu'il te faut, je te laisse alors... bonne nuit.

— Bonne nuit.

Il sourit, un peu gêné, et partit, refermant la porte derrière lui en laissant tout de même un peu d'espace.

Il arriva en bas de l'escalier. Il... cela s'était... il ne s'attendait pas forcément à cela lorsqu'il avait reçu le message en fin d'après-midi, mais, il avait l'impression que cela s'était bien passé. Non ?

En tout cas cela était assez mon signe.

Il sourit pour lui-même et partit rejoindre ses partenaires.

-/-

Lorsque Tetsurō se réveilla le lendemain matin, ce fut la première fois depuis des semaines qui ouvrait les yeux en sentant son corps profondément reposé, calme. Il tâtonna les draps à ses côtés, vide. Il n'avait même pas entendu Kōtarō se lever. Ce dernier avait repris ses séances de jogging matinal, maintenant qu'il était assez rétabli. Tant pis pour lui, pas de câlins matinaux. Il traina encore quelques minutes, on entendait des sons venant de la cuisine, quelques cliquetis, le son de la radio et le frémissement de l'eau dans la bouilloire. Il se décida à se lever. Il s'étira comme un gros chat en passant le pas de la porte. Il se tourna en entendant des pas, et souris en trouvant Keiji à quelques pas de lui. Eh bien, il ne s'attendait pas à le trouver si élégamment habillé de si bon matin. Ce dernier avait revêtu un pantalon cintré marron foncé, une chemise blanche qu'il avait rentrée dans son pantalon, une ceinture noire autour de la taille, son sac en cuire noire sur l'épaule et ses lunettes rondes sur le nez. Il sourit, faisant un pas vers lui. Keiji, qui était en train de fermer le bouton de sa manche, ne capta pas de suite sa présence.

— Eh bien, et bien, mais qui vois-je ?

Keiji releva les yeux, mais avant qu'il n'ait pu répondre quoique ce soit, Tetsurō l'avait attrapé par la taille, lui faisant faire un quart de tour, le tenant comme s'ils allaient entamer un tango.

— Que vous êtes élégant, que nous vos cet honneur ? On vous attend dans une salle de cours à Oxford ?

Son amoureux lui sourit.

— J'ai mon interview ce matin.

— Avec la maison d'édition ?

Il n'était qu'à la moitié de sa première année de master, mais il s'était figuré que se bouger maintenant pour trouver où passer son stage de dernière année, et potentiellement un travail , était le plus judicieux. Il allait finir par rattraper Kōtarō et lui avec toutes ces histoires.

Keiji hocha la tête, passant ses bras derrière la nuque de Tetsurō.

— My, my, je ne sais comment ils pourraient vous résister.

Il resserra sa prise passant ses mains un peu plus haut dans son dos pour l'amener à lui.

— Vous êtes un homme tellement plein de ressources, drag queen la nuit et grand érudit le jour, il n'y a donc rien que vous ne savez pas faire Akaashi-sensei.

La remarque fit rire son partenaire et Tetsurō en profita pour poser un baiser dans sa nuque.

— Comme tu peux en dire des bêtises, échappa le brun, le sourire dans la voix.

— Des bêtises ? Baliverne, je ne fais que dire la simple vérité !

Keiji pouffa. Tetsurō sourit, satisfait d'avoir accompli sa mission. Alors qu'il s'approchait pour l'embrasser, il sentit le brun se tendre et le repousser en arrière. Surpris, il releva les yeux. Il sursauta et s'éloigna à son tour en découvrant que Natsume se tenait dans l'escalier face à eux.

— Oh, Natsu, hello... je t'avais pas vu.

Silence. Keiji baissa les yeux, mortifié. Il le vit hésiter à dire quelque chose, mais finalement, il réajusta son sac sur son épaule, tourna les talons, et remonta le couloir. Tetsurō quant à lui resta planté là, gêné, ne sachant pas trop comment en revenir.

— Euh... bien dormi ?

La jeune femme face à lui hocha vaguement la tête. Aucune émotion n'était décelable sur son visage, ce qui ne fit que perturber d'autant plus son ainé.

— Ok... hum... petit déj ?

Sa sœur acquiesça et descendit enfin les dernières marches. Kuroo quant à lui partit en direction de la cuisine, prenant de l'avance sur elle.

Tetsurō trouva Keiji et Kenma dans la salle à manger, il ne put s'empêcher de sourire une fois encore en voyant ses amoureux.

— T'es réveillé tôt, dit-il à l'adresse du blond.

Il jeta un regard furtif derrière lui. Constatant qu'il avait une ouverture, il s'approcha du blond, posant un baiser sur sa tête avant de s'assoir à ses côtés.

— Hum, lui répondit Kenma, je me suis couché tôt.

— 1h c'est tôt pour toi ?

— Étant donné que je me suis couché à 6h toute la semaine, oui.

— Wouah, c'est carrément une grasse mat' en fait.

— Bonjour.

Ils se tournèrent tous trois en entendant la voix de Natsume.

— Bonjour Natsume, répondit Kenma.

Il y avait toujours quelque chose d'assez distant dans sa voix. Il n'était pas totalement au-dessus du cirque que cette dernière leur avait fait à Shakotan, mais il lui donnait quand même le bénéfice du doute.

— Euh, tu peux t'installer, lui dit son ainé, tu veux boire quelque chose ? Du thé, du café du... je sais pas.

— Du thé, c'est bien.

— Ok.

Kuroo passa devant sa sœur, évitant soigneusement son regard. Il repartit dans la cuisine pour récupérer une tasse. Il tourna en rond quelques instants, ses fonctions exécutives l'ayant complètement abandonnées momentanément.

— Il en reste là, l'interpella Kenma.

— Oh, parfait euh...

Il ne continua pas et repartit dans la salle à manger, posant la tasse devant sa sœur qui s'était installée à deux chaises de Kenma.

— Tiens hum...

Il saisit la théière, servant la tasse de sa sœur. Cette dernière la remercia d'un hochement de tête.

— Merde, on a un truc à manger, j'ai plus l'habitude j'avoue, il nous reste quoi ?

— Pas grand-chose, mais j'ai demandé à Kōtarō de faire quelques courses, il devrait pas tardé.

Tetsurō hocha la tête. Il resta indécis quelques secondes, et finalement partit de nouveau dans la cuisine pour se servir un café. Il revint, s'installant en face de sa sœur, à ses côtés, Keiji et Kenma discutaient légèrement. Il n'écouta pas vraiment, se contentant de jeter des coups d'œil furtifs en direction de sa petite sœur. Le silence retomba finalement, et Kuroo se sentit soudainement un peu trop exposé.

— Ça va ? demanda le blond en tournant les yeux vers l'alpha.

Kuroo se tourna à son tour. Ce dernier grimaça, se caressant nerveusement son bras droit.

— Je commence à stresser, avoua le brun.

— Oh...

Kenma attrapa la main de son partenaire, embrassant ses phalanges du bout des lèvres.

— Ça va aller, j'en suis sûr.

— Hum...

— Ouais, je suis sûr que tu vas les éblouirent, dit Kuroo pour rassurer son partenaire.

Keiji lui sourit, pas particulièrement rassuré, mais apaisé tout de même.

— Merci.

Il s'éloigna d'eux pour partir en direction de la cuisine.

Le téléphone de Kenma vibra.

— Ah, j'ai la confirmation qu'on nous livre les meubles aujourd'hui pour la maison d'Oshima.

— Oh ? Quand ?

— Dans l'aprèm.

— Oh...

Il tourna les yeux vers sœur.

— Je pensais accompagner Natsume à l'université cette après-midi, mais...

— Non, t'en fait pas, je peux me débrouiller, intervint cette dernière.

— Non ça va... C'est un truc de déménagement spécial, ça m'a coûté bonbon, mais on n'a pas besoin d'y aller, ils installent pour nous.

— Bah, il faut bien qu'on leur ouvre ?!

— Non ça va, ya la nana de l'agence là-bas qui leur ouvre, je lui ai laissé des clés.

— Oh... ok, bah parfait alors. Du coup je pourrais venir avec toi Natsu.

Cette dernière hocha vaguement la tête.

En relevant les yeux, Tetsurō trouva Keiji, en train de tourner en rond dans le salon en parlant à voix basse, répétant certaines un scénario imaginaire pour son entretien. Il le chercha à travers leur lien, tentant de lui transmettre un peu de réconfort pour apaiser son stress. Un sentiment de tendresse lui revint en retour. Kenma le sentit également, souriant à son tour sans pour autant relever les yeux de son téléphone.

Une fois le silence retombé, la jeune femme tourna les yeux vers Kenma. Elle avait toujours du mal à lui adresser la parole directement. A juste titre surement : les regards noirs de ce dernier étaient dévastateurs, et tenter de passer sous le radar était parfois plus judicieux. Natsume décida tout de même de prendre son courage à deux mains.

— Hum, vous... vous avez une autre maison ?

Kenma releva les yeux, sondant l'expression de l'adolescente.

— Oui.

— Oh... wouah.

— J'ai gagné un peu d'argent récemment, je cherchais à le réinvestir de toute façon.

— Un peu d'argent ? 210 milliards de yen, t'appelles ça un peu ? intervint Tetsuro fièrement.

Natsume manqua de s'étrangler avec sa gorgée de thé.

— Quoi ?!

— Ji...

— Mais... wouah... je savais pas que... je savais que t'avais de la tune mais là... woah.

— Il a remporté un tournois de jeu vidéo, précisa Tetsurō.

— Waouh... je savais pas que geek ça gagné aussi bien... je... je crois que je me suis trompé de vocation.

Kenma pouffa, ce qui fit sourire Natsume, qui semblait s'être un peu détendu.

Ils entendirent la porte du bas claquer, suivit par des pas d'éléphant dans l'escalier, sans surprise pour personne, Kōtarō ouvrit la porte quelques secondes plus tard, brandissant fièrement deux tote bag plein à craquer :

— J'ai les victuailles.

— Merci pour les courses, lui dit le blond.

— Pas de soucis, hey vous !

Kōtarō s'était avancé vers Keiji qui tournait en rond dans le salon. Il voulut s'approcher pour l'embrasser, mais ce dernier le repoussa.

— Tu pues la transpiration, hors de question que tu t'approches de moi !

La remarque amusa son partenaire qui ne se laissa pas décourager pour autant.

— Oh, t'as peur que je froisse tes tout beaux habits, navré.

— Exactement, non!

Il ne put y échapper, Kōtarō l'attira à lui pour l'embrasser sur la joue. Keiji grogna, plus pour la forme qu'autre chose, ce qui ne fit qu'amuser Kōtarō. Ce dernier le laissa et se rapprocha de la cuisine.

— Oh, Natsume ! dit-il en la saluant de la main.

L'interpellée lui rendit son salut d'un mouvement de tête.

Kōtarō posa les sacs sur le comptoir de la cuisine.

— Je vais juste me doucher vite fait, je cuisine après.

— Tu veux que je fasse un truc ? demanda Tetsurō, se levant pour aller à sa rencontre.

— Non ça va babe, ya juste besoin de réchauffer.

Dans sa désinhibition totale, en grand maitre du PDA, Kōtarō l'attrapa par la taille pour l'embrasser. Tetsurō en resta tétanisé, n'osant plus bouger du tout, redoutant le regard de sa petite sœur. Sérieusement ?! Kōtarō ne s'en aperçut même pas.

— Ya du riz dans l'autocuiseur déjà, précisa Kenma.

— Ok, parfait, je reviens.

Sur ce, il sortit de la pièce.

Kuroo resta planté à l'entrée de la cuisine. Il finit par tourner les yeux vers Keiji. Ce dernier lui sourit, un rien amusé.

Tetsurō inspira profondément, et se décida enfin à retourner s'installer à table. Il sonda la posture de Natsume, qui n'avait pas particulièrement affecté par la situation, ou hostile, ce qui était le principal. Une dizaine de minutes s'écoulèrent, ponctuées de discussion triviale entre les trois.

— Je vais y aller, annonça Keiji en regardant l'heure sur la pendule dans la cuisine, je ne voudrais pas arriver en retard.

— Ok, courage, je suis sûr que ça va bien se passer, lui dit le brun.

Keiji hocha la tête, son stress transpirant dans sa posture.

— Yep, ça va aller, au pire t'en mourras pas, ajouta Kenma.

Son partenaire lui jeta un regard blasé:

— Merci pour ces mots ô combien rassurants...

— Quoi, c'est vrai ?! Tu prends la voiture ?

— Non, merci, ce sera plus simple en transport.

— Ok, à toute.

Keiji se dirigea vers la porte, mais avant qu'il n'ait eu le temps de l'ouvrir, des pas de course se firent entendre dans le couloir. Kōtarō en émergea à toute vitesse :

— Pars pas sans me dire au revoir ! Gambate, ça va aller.

Il l'embrassa et lui ouvrit la porte. Le brun lui sourit, salua tout le monde, et partit pour de bon. Kōtarō fit un demi-tour, tapa dans ses mains et annonça :

—Ok, bon au fourneau.

Tetsurō se leva pour l'assister dans sa tâche. Ils continuèrent à discuter avec Kenma, les trois se synchronisant naturellement pour préparer le petit déjeuner. Natsume se leva à un moment donné, ne sachant pas trop comment participer. Kenma lui donna de quoi mettre la table sans pour autant interrompre la discussion en cours. Moins de dix minutes plus tard, ils étaient tous à table. Kenma déposa un bol fumant de soupe miso devant Natsume, qui le remercia d'un hochement de tête.

— J'ai des onigiri aussi, bon c'est ceux du kombini quoi, mais ils ne sont pas dégueu, thon ça te va ? demanda Kotaro en s'adressant à la plus jeune.

Cette dernière acquiesça et ils reprirent le fil de la discussion, se laissant porter par le domestique réconfortant de la situation. Ils étaient en train de se mettre d'accord sur qui allait faire la lessive, lorsqu'ils entendirent Natsume hoqueter. Ils se turent.

Tetsurō tourna les yeux vers sa petite sœur. Cette dernière avait les yeux sur son bol, de grosses larmes dévalant ses joues.

— Natsu, ça va ? demanda-t-il, réellement préoccupé de la voir dans cet état.

La brune eut du mal à reprendre son souffle, elle essuya son visage d'un revers de main.

— Oui je... désolé je...

Sans plus d'explication, elle se leva et disparut dans le couloir. Les trois autres échangèrent un regard, surpris. Ils entendirent Natsume remonter les escaliers.

— Bah qu'est-ce qu'il lui prend ?

— J'en sais rien...

Personne ne dit plus rien, tous plus ou moins désarçonnés. Kuroo hésita un moment, mais finalement se décida à aller vérifier si elle allait bien. Il remonta lentement les escaliers.

— Natsu ?

Pas de réponse.

Tetsurō toqua à la porte.

— Je peux rentrer ?

Après quelques secondes de silence, la voix de sa benjamine lui parvint.

— Oui...

Il ouvrit doucement la porte, découvrant sa petite sœur, accroupie à côté du lit, tenant fortement ses genoux entre ses bras, toujours en larme.

— Oh, ça va pas ? Qu'est-ce qui se passe ?

Il vint s'assoir en face d'elle.

— Désolé... je suis désolé.

Tetsurō inclina la tête sur le côté.

— T'excuse pas, c'est rien, t'as le droit de pleuré si t'en as besoin.

— Non ! C'est pas ça... je... je suis désolé... pour ce que je t'ai dit.

— Ce que t'as dit ?

— Je... j'ai été affreuse je... désolé, c'est juste... rien, c'est juste rien...

Natsume reprit son souffle :

— Vous pourriez me détester, mais non, c'est comme si rien ne s'était passé, je mérite pas ça...

— Bien sûr que si Natsu, murmura son ainé.

— Non! Je... j'ai pensé des choses tellement... t'avais l'air si blessé, mais je... je comprenais pas. Même en venant, je voulais me prouver que j'avais raison quelque part, mais... je... en vous voyant comme ça... Je t'ai jamais vu aussi heureux, et je suis débile d'avoir réagi comme ça.

— Natsu ça va, c'est pas grave... je t'en veux pas... plus, c'est rien.

— Bah tu devrais !

Tetsurō se tut, il ne savait plus quoi dire pour la consoler.

— Honnêtement... je... j'avais tellement peur que tu veuilles plus me parler du tout, jamais. J'avais peur d'avoir perdu ma petite sœur.

Natsume releva les yeux.

— J'avais peur d'avoir perdu mon grand frère...

Tetsurō lui sourit faiblement, sa gorge le démangeait, écorché par le poids des larmes qu'il sentait monter.

— Jamais.

La plus jeune renifla bruyamment.

— Oh, attends, je vais te chercher des mouchoirs je reviens.

Sur ce, il se leva, et s'empressa de rejoindre la salle de bain au rez-de-chaussée. En cherchant un paquet de mouchoirs dans le cabinet sous levier, il croisa son regard dans le miroir. Il se sourit, profondément rassuré. Il avait eu tellement peur... Il inspira profondément et remonta à l'étage.

— Tiens, dit-il en tendant le paquet à sa sœur.

— Merci...

Natsume avait l'air de s'être calmée, les larmes avaient séché sur son visage. Elle se moucha bruyamment, et Kuroo récupéra sa poubelle de bureau pour qu'elle se débarrasse du kleenex.

Elle le remercia d'un hochement de tête, et le silence retomba. Il s'étira longtemps, aucun des deux ne savait comment reprendre la parole.

— J'ai parlé à Katsu, fini par dire Natsume.

— Oh... ok, et ?

— Je me suis même fait engueuler...

— Pff... comment ça ?

La brune réajusta sa position pour s'assoir en tailleur.

— Elle m'a dit cash que j'avais vraiment réagi comme une merde.

— Elle a pas super bien réagi non plus, tu sais.

— Hum... pas sûr qu'elle ait sous-entendu que tu vivais dans un bordel.

Tetsurō en fut soufflé. Il choisit de le prendre sur le ton de l'humour :

— Bah c'est juste que t'as plus d'imagination.

La remarque eut le mérite de la faire rigoler.

— On a juste... discuté longtemps... j'avais... y'avait plein de choses que j'avais pas considérées, que je... j'avais plein de préjugés nazes plein la tête... Et ça m'a vexé d'abord, parce que, je sais pas, je me suis toujours considérée comme assez intelligente, et ouverte... Bah on repassera.

— Natsu, tu es intelligente, ça a rien à faire là. Et puis, t'es toute jeune... J'en avais des idées préconçues naze à ton âge, et même pendant longtemps... Je me suis pas attiré le surnom de "bêta pommé" pour rien.

Sa sœur haussa un sourcil :

— Qui est-ce qui t'appelle comme ça ?

— Pff... mes potes, mes partenaires, c'est assez récurrent... bref, j'ai dû apprendre aussi... Même pour... afin, avant de me retrouver dans... dans cette situation, ça s'est pas fait naturellement de mon côté... Je, j'ai résisté, parce que j'avais peur, que je comprenais pas non plus... Moi j'ai dû y réfléchir parce que je me suis retrouvé en plein dedans, c'est normal que tu aies eu besoin d'un peu de temps aussi. Bon, je me serais passé de la remarque sur la prostitution, mais bon.

Bizarrement, cela fit éclater de rire Natsume.

— Hmm... Je me doute...

Silence.

— Elle m'a dit aussi pour sa copine... J'arrive pas à croire qu'elle m'ait rien dit non plus.

— Oh, elle te l'as dit ?

— Hum, la sœur de Bokuto.

Kuroo hocha la tête.

— Bah tu vois, j'ai été immonde avec Suki aussi quand je l'ai rencontré.

Sa benjamine releva les yeux :

— Vraiment ?!

— Ouais... j'ai... ça m'a rendu dingue ! Je pouvais pas la saquer... bon, ça a pas duré longtemps, mais quand même... Maintenant je l'adore.

— Ce serait chouette de la rencontrer... Bah, mais du coup chelou, vous avez genre les mêmes beaux-parents.

— Pff, oui... désolé je crois que ya plus grand monde de dispo dans la famille pour te caser aussi.

Natsume pouffa.

— Hmm, ça va, je vais vous laisser dans votre club privé.

— Pff... ok.

— Mon dieu, les réunions de famille improbable que ça va faire...

— Pff, ouais... après on en est quand même loin.

— Hum...

Le silence s'étira quelques secondes. Tetsurō n'y avait pas pensé plus tôt, mais parler de ses parents avait fait remonter ses craintes à la surface.

— Euh... d'ailleurs. Tu l'as dit aux parents ?

— Non, non j'ai rien dit. Je veux bien avoir mon côté garce, mais ya des limites.

Tetsurō soupira, soulagé.

— Merci.

— Tu vas pas pouvoir le cacher pour toujours tu sais.

— Pour le moment je vais faire comme ça, et on verra... Je suis pas prêt pour le moment... et les parents encore moins... Maman évite soigneusement le sujet et Paps est dans le déni...

— Hum... ouais... après tu sais, c'est probable qu'il ait juste oublié.

— Juste oublié ?

— Ouais, genre, il s'en souviens pas... Cet homme est à l'ouest Tetsu, il se souvient pas où il met ses chaussettes ou de la date de son propre anniversaire, ça serait pas étonnant.

Tetsurō haussa un sourcil, amusé.

— Hypothèse intéressante... J'en doute, mais... pourquoi pas. Quoi que ça se tiens... comme la fois où il avait oublié de fermer le robinet dehors.

— Oh bordel oui, c'était une pataugeoire putain, j'ai cru qu'on allait finir dans un marécage !

Ils éclatèrent de rire en chœur.

— Bon... hum... tu vas te préparer ? Je t'accompagne à la fac, c'est quelle heure ?

— 13h, mais ça va vraiment

— Non, ça me dérange pas... Si ça peut me permettre d'éviter d'étendre le linge, ça me va très bien.

Natsume pouffa.

— Ok, merci... Même si ta gentillesse n'est qu'une excuse pour te dérober aux corvées.

— Faut ce qu'il faut... Bon... je te laisse te préparer alors.

Natsume hocha la tête et son ainé se releva. Alors qu'il allait passer le pas de la porte, la brune l'interpella. Il se tourna.

Natsume lui sourit, et mit son poing en l'air. Tetsurō reconnut son geste, il sourit à son tour et leva son poing, les deux faisant mine de se checker à distance.

Tetsurō ressortit de la chambre, le cœur léger.

-Fin du chapitre-

Bah voilà, pas si terrifiante Natsu 😉 J'espère que ce chapitre vous aura plu!

*12 million de yen :environ 75.800 euros, pas cheros les maisons quand on sort de Tokyo (cf les maisons gratos pour essayer de repeupler les zones rurales. )

Prochain et dernier chapitre : "Le début de notre histoire"

"La nature anxieuse de Tetsurō Kuroo n'était jamais très loin. "Chassez le naturel, il revient au galop", disait-on, n'est-ce pas ? Une fois parti de la maison, loin de la protection qu'il trouvait derrière ces murs, Tetsurō avait rapidement perdu de son assurance. Dans le métro, ils s'attirèrent quelques regards en coin, et le brun finit par récupérer le sac de voyage de sa petite sœur pour le serrer contre lui. Personne ne sembla relever, ou si ce fut le cas, personne ne commenta."

See ya