Peu sûr de son audition en ces circonstances brumeuses, Till alluma la lampe de chevet pour constater qu'ils n'étaient plus les seuls éveillés. Posé à quatre pattes, Paul les regardait après s'être vivement redressé au bout du lit sans attirer leur attention. Richard étant à demi assis contre le torse de Till, il n'avait senti aucun mouvement près de ses pieds car son lit était grand. Voyant le guitariste encore faible mais les yeux bien ouverts, qui le regardait après avoir constaté la présence de tous les autres.
- Toi...
Il déposa un long et tendre baiser sur son front avant de murmurer :
- Espèce d'idiot !
Il lui déposa un autre baiser mais plus court, avant de l'étreindre avec une douce chaleur. Il ne put retenir ses larmes en sentant que Till posait les mains sur lui pour le soutenir. Bien que Paul avait eu peur de ses propres appréhensions quant à la nature camouflée de Richard, il n'avait pas eu moins peur de le perdre à jamais. Mais remarquant qu'il avait trop peur de lancer le sujet, Till le fit à sa place.
- Dis-moi si tout ça est vrai, Richard. Tu as changé, tu t'isoles du monde mais tu enchaînes les femmes dans notre dos. Et quand tu...
- Tu parles d'un reproche ! Et puis comment tu sais ça ? J'ai le droit de ressentir de la honte à vouloir baiser tout le temps à mon âge, non ?
Bien qu'il l'avait coupé, son mensonge fut palpable car il détournait le sujet.
- Reesh, laisse-moi finir. La honte n'a rien à voir là-dedans, ne mens pas. On le sait parce que Paul te surveille depuis qu'il a commencé à avoir des doutes.
À ces mots, le guitariste fusilla son ami du regard malgré son manque d'énergie mais ne résista pas lorsque Landers lui prit la main. Il n'était pas en état de discourir mais n'avait pas perdu sa volonté de râler dès que la situation le lui permettait. Paul était un des rares amis qui n'avait pas peur de se mettre en travers de son chemin dans ces moments-là.
- Certaines femmes à qui tu semblais t'attacher au début finissaient par disparaître. Ça m'a mis la puce à l'oreille alors j'ai commencé à t'espionner, mais tu as fini par les emmener dans d'autres endroits. Tu faisais en sorte de ne jamais nous les présenter pour être discret mais malgré ça, moi j'ai fini par te suivre dès qu'on se séparait tous. Je t'ai vu avec au moins cinq d'entre elles... Mais tu changes avec nous en ce moment, tu as des sautes d'humeur. On t'as vu faire des overdoses année après année et aujourd'hui, on arrive chez toi pour te trouver à moitié mort. Tu as essayé de te tuer et ce n'est pas pour rien.
Alors que Richard déglutit en essayant de se redresser, Till l'y aida en douceur et envoya un hochement de tête affirmatif à Paul. Même lorsque leur ami n'était pas en état de s'énerver, il y avait des risques qu'il se passe quelque chose avec lui. Mais Paul avait apparemment trouvé les mots pour maintenir sa stabilité. Évoquer sa famille et lui prendre la main avait peut-être contribué à le garder calme aussi.
- Les autres et moi avons fait le lien à cause de ta lettre, alors on ne se pose plus la question.
- Moi, je m'en veux de ne pas avoir essayé de t'arrêter il y a longtemps ! conclut Paul.
Après un court silence, Till lui prit l'autre main.
- Dis-toi que ça fait longtemps que Paul se doutait de quelque chose, alors tu as juste à confirmer. Que tu as vraiment fait des choses mauvaises...
Comme seule réponse, le plus jeune baissa les yeux vers ses outils de mort : ses mains. Puis il hocha la tête sans aucune expression sur le visage. Bien que les tragiques faits étaient désormais confirmés par sa lettre d'adieu, les deux autres n'en demeurèrent pas moins secoués de l'intérieur. Pour preuve, la sensibilité de Lindemann ne put rester cachée et il repensa à toutes les femmes qui avaient du y passer. Restait à savoir combien.
- Pourquoi ? pleura Till.
- Ne cherche pas ce genre de réponses, Till. C'est en moi, c'est tout, ça y a toujours été. Je regrette seulement que ça me prenne n'importe quand, avec n'importe qui. Si c'était le genre de critères que je pouvais définir moi-même, j'aurai sûrement pu me retenir de temps à autres.
- Mais on était là, nous aussi ! continua le chanteur.
Le regard que Richard lui adressa en lui caressant la joue en dit long pour eux. Il avait arrêté de ressentir tout remord envers ses propres actes depuis longtemps. Si bien qu'il ne souhaitait pas que les autres ne partagent des émotions évoquant une quelconque culpabilité de leur part.
- Je n'ai jamais pu m'en empêcher, j'en ressens trop le besoin pour m'arrêter. J'ai cru pouvoir à plusieurs reprises, mais c'est impossible. Pourquoi tu crois que j'ai voulu en finir ? Hé ! Ne pleure pas, ça va aller, c'est plutôt moi qui devrais. Ne t'en prends pas à toi-même.
- Tu ne comprends pas que je suis responsable ? On est comme des frères, on a toujours été ensemble et je n'ai rien vu venir. C'est comme si je t'avais laissé faire, comme si j'avais laissé ces femmes entre tes mains. Comment j'ai pu ne rien voir ?
- Richard ?
Schneider sortit de l'ombre et alluma la lumière, et Oliver se mit à remuer avant d'ouvrir les yeux sur lui. Bien qu'ému et stupéfait de les voir, Richard ne souhaita pas faire comme s'il demandait à être entouré en cet instant. Étant donné qu'il leur devait autant la vérité qu'à Till et Paul, il poursuivit sur le même ton en regardant son meilleur ami :
- Parce que j'ai toujours tout fait pour être discret.
- Ne te reproche rien, Till, on est tous mêlés à ça ! ajouta Ollie.
Kruspe leva les yeux au plafond face à l'entêtement de ses pairs qui contrairement à lui, avaient une âme pure.
- Je suis le seul responsable. J'en avais peur au tout début mais j'ai appris à aimer ça, désolé de le dire. C'est pire que ce que tu peux imaginer, Paul, tu es loin des cinq. J'ai commencé à avoir ces pulsions alors que le groupe n'était même pas encore formé.
Horrifiés, tous eurent le souffle coupé et Paul retint sa folle envie de lui envoyer son poing dans la figure.
- Quand j'ai remarqué que la plupart des filles me faisaient facilement confiance, j'en ai profité. Quand ces crises ont commencé à se manifester, c'était à chaque fois dans des circonstances diverses et inattendues. Je n'avais aucun moyen de prévoir comment j'allais procéder alors ma façon d'agir étaient plutôt rudimentaire. Le plus souvent, je ne faisais rien parce qu'il y avait du monde autour. Mais putain... j'avais les mains qui tremblaient.
Schneider décida de sortir de la chambre pour aller vérifier si Flake dormait ou non, auquel cas il le préviendrait du réveil de leur ami. En attendant, Till lui détailla de quelle façon il avait vraiment su par leur ami. Lorsque Paul lui en avait fait part, il n'y avait pas cru une seconde. Pour lui, Richard avait juste "baisé les mauvaises femmes au mauvais moment". Paul s'est alors énervé en énumérant justement une dizaine de ces femmes avec qui il l'avait vu, et qui avaient toutes disparu depuis. Cela faisait beaucoup trop de coïncidences pour que leur ami n'y soit pas mêlé. Malgré ça, Lindemann avait gardé sa propre logique en pensant qu'un homme devait épier le guitariste et s'en prendre aux femmes qui l'approchaient, rien que pour lui attirer des ennuis. Ou alors qu'une groupie amoureuse et jalouse tuait toutes les femmes avec qui il osait coucher.
Ses yeux fixés par l'appréhension, Till chercha à savoir ce qu'il en était de la dernière. Il s'agissait d'une femme avec qui Richard avait vécu une histoire courte, mais qui avait alors plusieurs fois fréquenté les autres au point de se lier à eux.
- Mira est encore en vie ? Je t'en prie, dis-moi parce que la dernière fois que je l'ai vue c'était en vous déposant chez toi. Nous on est tous partis mais elle est restée alors...
- Till ! coupa Richard.
À son grand soulagement, Richard acquiesça avant de lui conseiller le numéro qu'elle avait laissé dans sa table de chevet pour pouvoir la joindre, au cas où il ne l'aurait pas cru. Maintenant que ses amis savaient pour lui, cela les surprit grandement car même après ce qui était arrivé entre Richard et Mira, elle s'était suffisamment attachée à lui au point de vouloir le revoir. En effet, Kruspe s'était très mal conduit avec elle lors d'une soirée au point que les autres avaient du intervenir en pleine intimité. Bien que Till avait la langue brûlante à l'idée de lui poser des questions pour savoir si oui ou non il la revoyait, il s'attaqua tout d'abord à l'origine de son problème.
- Qu'est-ce qui a pu te passer par la tête la première fois que ça t'a pris ? Le monde t'a blessé avant qu'on t'ait connu ? Tu ressens de la haine envers les femmes ? Autre que ta mère, je veux dire.
- Oh non... c'est parti pour les clichés !
Oliver souffla :
- Rien ne dit que la réponse ne se trouve pas à l'intérieur. Clichés ou non, tu as vraiment besoin d'aide.
- Tu le dois, et par tous les moyens.
Regardant Paul qui avait semblé lui donner un ordre, Richard haussa les sourcils alors que Doom revenait avec Lorenz.
- On n'aide pas quelqu'un comme moi...
Une violente toux le coupa. En sueur et s'agitant contre le corps de Till qui tenta de le stabiliser, Richard fronça les sourcils alors que Paul venait pratiquement de lui conseiller de se faire enfermer lui-même.
- Il faut que tu en parles. Tu as tué combien de femmes, Richard ? C'étaient des copines à toi ou il y avait des femmes de passages ?
- Je ne fais pas attention à ce genre de détails, je ne suis pas un collectionneur. Je te trouve bien curieux, Paul.
Malgré son massage de ventre sur son ami, Lindemann se montra sévère.
- N'empêche que c'est sa curiosité qui t'a sauvé la vie, petit con.
- Ce n'est pas comme si je l'avais demandé ! rétorqua Kruspe.
Voyant l'air malheureux de son meilleur ami face à son dépit d'être encore en vie, Richard lui déposa tout de même un baiser sur la joue puis repassa à Paul.
- Comment tu as su ? Pour de bon, je veux dire.
- Je l'ai su de façon certaine la fois où on dormait tous chez Till, après avoir mangé au restaurant du port. À cause de la façon don tu as traité Mira, tu te doutes bien !
Voyant Richard soupirer en fermant les yeux, Paul continua pour l'empêcher de parler.
- C'est moi qui ai insisté pour qu'on intervienne dans ta chambre quand tu étais avec elle. Ça a confirmé ce que je sentais depuis longtemps. Tu as changé mais pas juste avec nous. Les femmes en ont fait les frais bien avant. Je m'en suis rendu compte avant les autres parce que tu as perdu la tête plus d'une fois avec des copines, tu ne faisais plus attention à ta façon de te conduire avec certaines d'entre elles. Tu décrochais complètement de la réalité, Richard. Mais Mira a été le coup de trop. Je n'ai appelé que Till, pour éviter que ce soit la folie si j'appelais tout le monde. Désolé les mecs !
Bien que suspicieux car il ne connaissait pas les détails concernant ce moment dans la chambre, Schneider l'accepta mais tendit l'oreille.
- C'est rien.
Au moins, Till était soulagé que Paul ne lui facilite les choses en abordant le sujet lui-même.
- Tu ne peux pas le nier, il fallait que quelqu'un t'arrête.
- Vous avez déconné cette nuit-là, elle était juste en train de me faire une fellation ! grogna Richard.
Oliver, Flake et Doom restèrent silencieux, mais nerveux après cet élément gênant. Quant à Paul et Till, ils échangèrent un regard empreint de malaise et de colère. Till hocha la tête et avoua aux trois autres qu'avec Paul, ils avaient interrompu Richard qui était en train de "forcer" Mira dans la chambre. Réduits au silence par le choc, les musiciens jetèrent des regards meurtriers à celui qui se terra contre ses genoux. Till lui tapota les épaules.
- Richard, ne nous prends pas pour des brêles. J'ai du installer une caméra dans cette chambre depuis que tu te l'es appropriée. Elle est sur le haut de l'armoire.
Richard tourna la tête vers lui, outré.
- Quoi ? Mais t'es qu'un putain de pervers ! s'outra Kruspe.
- La faute à qui, hein ? Après que tu nous aies fait ton cirque, je n'ai plus hésité. Au moins, je me disais que même si je ne pouvais pas t'avoir à l'œil dehors, ici ce serait possible. Et puis je fais ce que je veux dans ma maison, estime-toi heureux qu'il n'y en ait pas ici aussi. Pourtant, je suis sûr que j'aurai pu éviter des drames si je l'avais fait.
Voyant le regard de son meilleur ami briller, le guitariste le déchargea de toute culpabilité en reconnaissant son problème.
- Pour en revenir à ce soir-là, Rick, j'ai d'abord parlé à Mira. C'est parce qu'elle a été adorable au point de te pardonner que j'ai évité de regarder l'enregistrement de la caméra le lendemain. On a eu peur Paul et moi, mais on l'a laissée retourner dans la chambre avec toi parce que c'était son choix. Mais crois-moi, les vidéos te concernant, je les conserve toutes alors n'essaie pas de nier que tu lui as fait du mal sinon j'y jetterai un œil. Autant avant qu'après avoir ouvert la porte, j'en ai suffisamment vu et entendu pour savoir que tu lui faisais bouffer ta bite plus qu'autre chose. On l'entendait carrément étouffer, ça s'appelait une gorge profonde non consentie. Ce n'est pas à d'autres hommes que tu vas apprendre comment on se fait faire une fellation, et encore moins comment on respecte une femme.
- Ça va, ça va...
- Non, ça ne va pas. Pourquoi tu l'as maltraitée comme ça ?
Paul prit le relais.
- Et vu qu'elle est encore vivante, c'est parce que tu as eu pitié d'elle ou parce qu'elle n'est pas ton type de proie ?
- Ce n'est pas ce que tu crois. Je ne ressens pas ces envies avec chaque femme que je croise, sinon je ne pourrais plus avoir de vie sociale normale. J'étais énervé contre elle depuis qu'elle m'avait envoyé balader en début de soirée.
Tentant de réunir les bribes de souvenirs lui restant de ce soir-là, Till lui tapota le bras sans s'en rendre compte. Il n'avait aucun souvenir d'un quelconque moment où cette pauvre femme se serait mal comportée avec Richard au point de devoir subir un retour de bâton aussi irrespectueux et choquant.
- Tu parles de quel moment là ?
À leur grande surprise, Richard se redressa un peu sans pour autant se dégager, et sembla mal à l'aise.
- Quand j'ai voulu l'embrasser, elle m'a rejeté.
Réalisant qu'il se souvenait de ce moment, Paul fut scandalisé et lui tint le visage assez durement.
- Rick ! Elle était juste intimidée. Intimidée, tu comprends ?
- Non, pas du tout !
- Si ! défendit Doom.
Tous les autres semblant du même avis, Richard préféra ne rien ajouter, ce qui n'empêcha pas Landers de lui faire la morale.
- Richard, ça se voyait. On a tous vu que ça la gênait que tu l'embrasses devant nous. En public, les gens peuvent faire preuve de pudeur alors il ne fallait pas péter un fusible pour si peu. Elle avait l'air de s'attacher à toi en plus.
Après quelques secondes de silence, le chanteur repassa les bras autour de lui et balança sans possibilité d'opposition :
- Crois-moi que tu seras surveillé de près à partir d'aujourd'hui.
- Dans ce cas, vous auriez du me laisser crever comme un rat.
- Pourquoi tu dis ça ? demanda Paul, les yeux encore humides.
Que ce fut par honnêteté ou pour faire disparaître cette tristesse exacerbée à son égard, Richard s'avança doucement de son visage avant de murmurer avec un sourire trop ambigu pour être bon.
- Ne le prends pas comme une menace parce que je n'ai personne sous les yeux pour le moment, et je ne vous ferai jamais de mal à vous. Mais vous n'êtes pas constamment avec moi et il y a d'autres personnes que vous qui vont m'approcher. Qui dit approche dit tentation et comme je l'ai dit, j'en ai besoin.
N'appréciant pas du tout le regard qui accompagna ces mots trop francs, Paul changea d'émotion et chercha à l'avertir. Il adopta un regard aussi froid que le sien visant à lui demander implicitement de faire disparaître ce sourire mauvais.
- Alors quoi ? On révèle à Margaux et les autres ce que tu es vraiment, et on les oblige à te surveiller quand tu seras avec eux ?
- Inutile ! Margaux aurait plus de conscience, elle serait moins coulante que vous et me dénoncerait immédiatement.
- Comment tu peux en être sûr ? demanda Oliver.
Richard haussa les sourcils et regarda la couverture en pensant au sujet.
- Parce qu'on a une fille et que plus jamais elle ne me laisserait l'approcher. Et que ce soit un groupe ou l'autre, vous n'êtes pas constamment autour de moi.
Malheureusement, Kruspe avait raison et ils en avaient tous conscience. Ils allaient devoir trouver une solution pour faire taire sa nature, si possible. Dans l'éventualité où ils n'y parviendraient pas, ils étaient prêts à le séquestrer à chaque fois qu'une mauvaise pulsion le saisirait ou au moindre changement dans ses habitudes. Till et Paul échangèrent de nouveau un regard entendu avant que l'aîné ne murmure à son meilleur ami :
- Paul voudrait te parler un peu alors on va vous laisser.
Surpris, Richard croisa le regard du concerné, mais réagit tout de même au passage de ceux le saluant en lui conseillant de se reposer. Regardant ensuite Till qui se levait, il demanda :
- Vous allez me surveiller à tour de rôle, hein ? Pourquoi m'avoir sauvé si c'est pour vous imposer une tâche pareille ? Vous aussi vous avez besoin de dormir.
Till se pencha vers lui car il avait une chose à ajouter, et il lui plaqua une main derrière la tête pour l'empêcher de se défiler.
- Tu ne comprendras peut-être jamais l'étendue de la raison, mais c'est une décision collective et instinctive. On applique notre règle de base, "nous tous ou personne". Malgré les horreurs qu'on a apprises sur toi, on t'aime quand même.
Alors qu'il se redressa, le chanteur sentit ses joues se réchauffer et souffla. Il décida d'ouvrir la fenêtre afin de laisser la pièce se rafraîchir un peu, mais surtout s'aérer pour laisser partir les odeurs nauséabondes qui se dégageaient de la salle de bain. Alors que Paul s'assit face à Kruspe en le repositionnant de façon à ne pas se sentir mal, un bruit lointain mais facilement reconnaissable se fit entendre par la fenêtre : une sirène de véhicule, qui ne tarda pas à mettre le guitariste en alerte et à le faire douter des intentions de ses amis.
- Vous m'avez dénoncé ? En fait Paul gagnait du temps pendant que... espèce de...
- Mais non !
Till s'était défendu immédiatement et ils durent l'empêcher de s'agiter inutilement. Les larmes aux yeux à fixer son ami et frère, Richard demanda :
- Tu voulais à tout prix que je sois enfermé à vie ?
- Tu délires, arrête ! tenta Paul.
- Je préfère encore mourir.
- Maintenant ça suffit.
Estimant en avoir suffisamment entendu, Landers passa dans son dos pour l'immobiliser avec l'aide de Lindemann. Ce dernier le stoppa par devant pour l'empêcher de se faire du mal à lui-même. En effet, Richard avait tenté de s'élancer vers lui dans un état de faiblesse qui l'aurait aussitôt fait tomber du lit.
- Personne n'a appelé personne. Ils ne sont pas là pour toi, ils doivent intervenir ailleurs. On ne t'a pas sauvé pour t'envoyer en taule.
Le coup de panique de Richard lui ayant infligé un haut-le-cœur, il se redressa avec des réflexes annonçant un rejet à venir. Remarquant cela, les deux autres le mirent debout afin de le traîner jusqu'aux toilettes. Ils eurent tout juste le temps de se retourner une fois arrivée, Richard vomissant bruyamment dans la cuvette. Déglutissant, Paul croisa le regard de Till. Un regard partagé à propos du fait que leur ami serait très difficile à contenir une fois sa forme revenue. Ils allaient devoir faire en sorte qu'il ne leur "échappe pas". Landers se tourna de nouveau vers l'autre guitariste, lui massa délicatement le dos en grimaçant à cause de l'odeur puis sans s'en rendre compte, il posa son front contre lui. Nombreuses furent les émotions à se livrer bataille en lui à cet instant. Désespoir ? Peur ? Solidarité ? Amour ? Il n'en savait rien. Tout à la fois figurait dans sa liste mais lequel dominait ?
Lorsque Kruspe eut terminé de rendre, il voulut se mouiller le visage dans le lavabo à côté mais sentit que Paul l'entourait encore. Son regarda croisa alors celui de Till, qui lui donna un coup de main en éloignant leur ami. Après s'être occupé de son visage, Richard se tourna vers Paul dont le regard l'étonna.
- Paul, dis-moi ce que tu as à me dire.
Bien qu'il le regarda au début, le concerné ne put prononcer un mot et se tourna vers le meuble pour lui prendre une serviette.
- Tu n'as pas peur quand même ? Quoi que... tu as plus l'air d'hésiter à me parler qu'à me regarder. Tu n'as pas peur de moi sinon tu ne me tournerais pas le dos. Tu as un truc à me dire ?
Ne sachant qu'en penser ni comment réagir, son ami lui tendit un essuie-mains traînant sur la corbeille à linge, puis ressortit. Attendant d'entendre la porte de la chambre se fermer, Till lui posa une main sur l'épaule.
- C'est de la déception qu'il ressent, pas de la peur.
Son meilleur ami baissa les yeux pour signifier sa compréhension, puis il se tourna vers la douche dans l'idée de se nettoyer. Mais lorsque Till le vit chanceler, il douta que ce fut une bonne idée.
- Reesh, tu n'as pas assez d'énergie. Regarde-toi !
Ce dernier tourna un regard blasé.
- Si je dois être forcé de vivre, j'aimerais que ce soit en restant propre.
- Oui ! Mais tu vas d'abord dormir et tu te laveras demain, parce que là tu risques de t'effondrer.
- Hé, qu'est-ce qu'il se passe ?
Paul étant revenu aussi vite que discrètement, il devait avoir une ouïe très fine. Il regarda Till empêcher son ami de se déshabiller, et Richard insister. Le chanteur commença à s'opposer plus sévèrement à lui, mais Paul savait ce que donnait les concours d'ego entre eux. Il s'approcha et pria Till de le laisser faire, sous sa surveillance à lui bien entendu.
- Paul, il ne tient pas debout. Il va se casser la gueule dans sa douche, c'est tout ce qu'il va se passer et tu n'arriveras pas à le remettre debout.
Il leva les yeux au plafond lorsque le guitariste insista mais finit par céder, soutenant le fait que Paul aurait du mal. Néanmoins, il lui proposa de l'appeler en cas de "résistance" ou de difficulté pour aider Richard à se sécher ou s'habiller. À ces mots, Richard sembla outré.
- Je ne vais pas me casser la figure en me lavant, les mecs.
- Tout comme tu ne marches pas droit, tu ne lis pas l'avenir ! répondit Paul.
Contre son gré, le plus jeune accepta et Till les laissa en laissant la porte entrouverte pour continuer d'aérer. Bien qu'intimidé de le voir commencer à ôter ses vêtements, Landers s'occupa à ranger le peu se trouvant à une place inapproprié afin de détourner le regard. Lorsqu'il entendit le jet du plafonnier, il s'adossa au mur et "surveilla" Richard en restant à l'écoute. Tout sembla se dérouler parfaitement lorsque le jet s'arrêta et que des bruits de lavage se firent entendre. Paul se perdit donc dans ses pensées, allant et venant dans ses plus lointains souvenirs, cherchant des comportements déviants qu'il aurait pu observer chez son ami. Mais en dehors de ce qu'il savait déjà, rien ne lui vint. Peut-être que Kruspe avait été de moins en moins prudent avec les années ! Décidant d'arrêter de se torturer, il tendit à nouveau l'oreille. Étrangement, Richard était silencieux. Par obligation et sécurité, Paul se permit d'ouvrir le rideau et ne fut pas surpris de voir son ami appuyé dans un coin de la douche, la tête baissée et les yeux fermés. Il n'était que partiellement lavé et semblait sur le point de s'écrouler d'épuisement. Ne sachant comment agir sans lui provoquer une saute d'humeur, Paul lui plaça doucement une main sous le menton. Son ami rouvrit doucement les yeux sans afficher d'émotion négative.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Richard.
Il reçut un baiser sur la joue.
- Shht... laisse-toi faire, tu n'y arriveras pas tout seul.
Paul commença par retirer ses vêtements et referma le rideau, Richard inclinant doucement la tête sans exprimer de refus. Le premier geste de Landers fut de le serrer contre lui, heureux de le sentir y répondre immédiatement.
à suivre...
