Shôto m'a parlé de fiançailles.
Il ne m'a pas fait de demande, il m'en a parlé. Entre le lever et le petit-déjeuner, l'air de rien, comme on parle du temps qu'il fait dehors.
J'ai compris après coup qu'il me testait.
Mon étonnement et ma courte hésitation ont suffi à le convaincre, je crois. Nous sommes tous les deux arrivés en retard au travail car nous avons finalement parlé. Longuement, trop longuement. Pour tout poser à plat une bonne fois pour toute.
Il me dit qu'il arrive au bout de sa patience. Il me dit qu'il a beau aimer ce qu'on a, il souffre de plus en plus de ne pas me sentir sincère quand je tente des pitoyables « Je t'aime » timides. Il me dit que malgré lui, il vit mal mes ratés quand votre nom est cité, quand votre image apparaît. Il me rappelle amèrement qu'il n'y a pas que moi qui vis dans votre ombre, mais lui aussi sans qu'il ne puisse rien y faire. Il m'explique qu'il n'est pas aveugle et qu'il sent bien que parfois, je me force. Que ça soit pour des gestes d'affection simples, mais surtout dans l'intimité. Qu'il espérait que l'emménagement change la donne, mais finalement, ça ne fait que lui étaler un peu plus douloureusement la réalité des choses devant les yeux.
Ça va faire deux ans que nous sommes ensemble. Pratiquement un an que je vous ai dit au revoir. Et si mon affection pour Shôto est bien réelle et grandiose, mes sentiments ne fleurissent pas. Pire que ça : il ne voit dans mes yeux que ceux que j'ai pour vous.
Je me sens horrible.
J'ai essayé, pourtant. Je me suis battu pour donner à Shôto ce qu'il voulait, et surtout ce qu'il méritait. Je voulais nous construire un avenir, quelque chose de beau et de sain. Quelque chose d'aussi fort que Katchan et Eijirô qui semblent être à l'épreuve du temps, là où Denki a échoué avec Jirô ; où Kendo a échoué avec Tetsutetsu. Là où j'ai déjà échoué avec Ochako.
J'échoue encore aujourd'hui lamentablement avec Shôto.
Et je m'en veux tellement.
Katchan m'accueille à notre agence en me hurlant dessus malgré mes yeux rougis et fidèle à lui-même, il hurle de plus belle quand je lui annonce que c'est fini entre Shôto et moi.
Il ne connaît pas la vérité, mais il sait que c'est ma faute.
Il me l'a répété plusieurs fois, pourtant. Qu'il ne savait pas exactement ce que nous avions comme problème, mais que je ne l'arrangeais pas avec mon comportement. Que j'étais froid avec Shôto. Que je n'étais pas avenant. Que je ne paraissais pas si investi que ça. Et que Shôto a beau être ce qu'il est - un exemple incroyable d'indépendance -, une telle distance entre nous ne pourrait pas lui convenir sur la longueur.
Ça n'aurait convenu à personne.
J'ai vraiment tout foiré.
J'ai sacrifié ma relation avec vous pour Shôto, et j'ai quand même tout fait capoter. À présent, me voilà seul dans notre apparemment neuf et soudainement trop silencieux. Seul face à ce vide dans mon cœur. Seul face à votre absence qui pèse plus lourd que n'importe quoi.
J'ai envie de vous rappeler. J'en crève d'envie.
Mais je sais ce qui m'attend. Un rire hautain, un refus catégorique, une nouvelle panique surprenante, qu'importe : c'est voué à l'échec.
Ces sentiments n'ont pas lieu d'être. Je le sais.
Mais je continue à crever d'amour pour vous sans savoir si je saurais comment arrêter un jour.
