Vous êtes rentré au Japon.
C'est Ochako qui m'a annoncé joyeusement la nouvelle par message, croyant bien faire.
J'ai eu un mélange déroutant d'émotions contradictoires, en réaction. De la joie, tellement de joie, mais également de la peur, du doute, de l'incertitude. De l'exaltation, aussi.
Je ne sais pas ce que vous faites, je ne sais pas si vous restez. Je ne peux pas m'empêcher de chercher des infos à droite à gauche, demandées à la volée, l'air de rien, à des héros que je croise et qui seraient susceptibles de savoir.
Au bout de quelques jours, je ne me contente même plus de ça et pousse le vice à prétexter une visite à Yuei pour le demander, sur le ton de la curiosité, à nos anciens professeurs.
Si Aizawa et d'autres professeurs ne sont pas étonnés de ma question mais me répondent qu'ils n'en savent rien, la réaction de Hawks est déjà un peu plus troublante. Il se contente de me sonder, armé d'un sourire malicieux qui me fait frissonner. Je réalise mon erreur trop tard : Hawks s'est drastiquement rapproché de Tôya à présent. Tôya qui a réussi à obtenir une simple assignation à domicile, étroitement surveillée, grâce aux efforts acharnés de Hawks lui-même, des Todoroki, et même de certains autres héros qui ont jugé qu'il méritait une chance. Hawks fait partie de ses responsables légaux, au même titre qu'Endeavor et que Shôto.
Sans compter le fait qu'ils sortent carrément ensemble. Information bien évidemment confidentielle, mais ça aide d'être l'ex du frère du concerné direct.
Il a tout de même fini par me répondre que vous êtes rentré pour différentes choses, mais surtout pour accorder une interview au journal de la NHA et qu'il paraît que vous ne vous attardez pas. Évidemment, cette deuxième information me plombe l'estomac mais je préfère tenter de ne rien montrer. Bien que je continue de croire que c'est peine perdue d'essayer de cacher quelque chose à Hawks : il paraît de plus en plus redoutable pour lire à travers les gens.
Je préfère donc le quitter rapidement après avoir obtenu ce que je voulais. Malgré moi, parler à quelqu'un qui connaît mon plus terrible secret me donne des frissons d'appréhension.
Passé la honte de m'être exposé involontairement ainsi au regard incisif du héros faucon, je me retrouve à patrouiller dans la ville, la tête ailleurs.
Vous êtes donc seulement de passage. Si ça me déçoit énormément, ça ne m'étonne pas plus que ça. Je sais que les États-Unis sont une partie de votre vie. Vous m'avez assez répété que vous appréciez le calme que vous avez trouvé là-bas, planqué au fin-fond des Rocheuses, loin des responsabilités et de la célébrité. Mais vous me disiez aussi parfois que le Japon vous manquait. Que les gens vous manquaient.
Est-ce que je vous manque comme vous me l'avez annoncé le jour de nos au revoir, All Might ? Au point que vous pensiez peut-être à venir me trouver... ?
Me concernant, la question ne se pose même pas.
Me concernant, vous me manquez beaucoup trop. Et j'ai le cœur qui bat la chamade sans arriver à le calmer depuis des jours. Vous savoir peut-être à quelques kilomètres seulement d'ici me met dans un état d'excitation terrible. Une fois encore, j'ai l'impression d'être revenu des années en arrière, quand j'étais ce fan qui hurlait derrière sa télévision lorsque vous interveniez pour sauver les gens, armé de votre classe monstrueuse et de vos sourires infaillibles. Je sens que mes palpitations actuelles sont les mêmes qui me gagnaient à l'époque, quand je vous entendais annoncer fièrement que « la cavalerie est arrivée ».
Même si je n'ai plus votre numéro, si je le voulais vraiment, je pourrais probablement essayer de vous trouver. Je pourrais forcer le destin. Ça ne serait pas très étonnant venant du successeur du One for All que je suis pour vous.
Mais ça serait probablement terrible venant de ce fan aussi cringe que hardcore qui est toujours follement amoureux de vous après tout ce temps, pas vrai... ?
Je sais que c'est pour ça que vous ne pensez probablement pas à me trouver. Je le sais. C'est certain. Vous avez beau avoir été maladroit le jour de nos au revoir, vous avez agi comme il le fallait depuis. Vous avez joué votre rôle d'adulte raisonné.
Pourtant, lorsque je rentre à l'agence tard dans la soirée et que Katchan et Denki m'annoncent que vous êtes passé, que vous ne vous êtes pas éternisé, que vous étiez très heureux pour nous, fier de notre réussite, et que vous me « passiez le bonjour »... Mon cœur se brise.
« Vous me passez le bonjour ». C'est tout.
Bien sûr, que c'est tout. Vous êtes l'adulte. Vous êtes celui qui est raisonnable pour nous deux. Vous savez que c'est la meilleure chose à faire. Vous savez que pour espérer que je n'oublie ces foutus sentiments un jour, nous sommes obligés de passer par là.
Et aussi violent soit déjà ce fait, je me surprends tout de même à espérer que c'est réellement ça. Car ça pourrait aussi être le fait que je vous répugne, avec mes sentiments inappropriés.
Je n'ai jamais autant eu envie de pleurer de toute ma vie, mais en me changeant dans les vestiaires de l'agence, les mouvements aussi lents que tremblants, je bataille pour me retenir. Au moins jusqu'à ce que Katchan soit loin de moi.
Pourtant, comme d'habitude, mon plus vieil ami ressent mon mal-être et ne pensant probablement pas à mal, il me demande si c'est toujours aussi pourri entre nous. Il me demande à nouveau pourquoi c'est devenu aussi pourri. Ce que j'ai « encore fait pour niquer cette relation-là ».
Il me connaît trop bien, décidément. Mais si d'habitude j'arrive à passer outre ses paroles tranchantes, cette fois, elles sont beaucoup trop incisives. Je fonds en larmes.
Je sens sa main se poser sur mon épaule, il râle mais il s'excuse. Il me demande ce qui me prend. Et derrière mon manque de réponse, il finit par me dire que si je vis si mal que ça d'être loin de vous, je n'ai qu'à aller à votre rencontre et percer l'abcès pour de bon.
Il me somme d'arrêter de juste me lamenter sur mon sort.
Il est si loin de la vérité, mais... Finalement, même si je sais que c'est la chose la plus stupide à faire, je finis par me dire qu'il n'a pas tort.
Percer l'abcès.
Un an a passé. Arrêter de vous parler n'a rien changé. Si par miracle vous ne m'en voulez pas, si je ne vous répugne pas, si moi aussi, je vous manque... Peut-être que je devrais revenir vers vous avec toute mon honnêteté et vous demander si nous pourrions nous reparler un peu. Un tout petit peu. Le strict minimum pour que je retrouve un semblant d'air. Peut-être que vous l'envisageriez. Peut-être que vous pourriez passer outre.
C'est encore un caprice. Je vous en demande beaucoup trop.
Je suis horrible, j'ai ruiné notre relation, et voilà que je tente une ultime danse sur ses cendres.
