Pourtant, l'idée ne me quitte pas. Et deux jours plus tard, me voilà dans l'immeuble de la NHA, à user de mon statut de héros pour rentrer comme si de rien n'était.

Je n'ai pas poussé le vice à retourner voir Hawks, j'ai cette fois eu l'info que votre interview était aujourd'hui par Yaoyorozu. Autant poussé par mon besoin de vous revoir enfin en chair et en os que par la certitude que cette discussion serait mieux en face à face, je tente le tout pour le tout à essayer de vous attraper à la sortie de l'interview.

Vous allez probablement être plus que surpris. Peut-être que je vais encore plus passer pour un érotomane stalker. Mais je ne me vois pas faire autrement.

Je dois vous parler en face. Pour vous supplier de m'accepter à nouveau dans votre vie au mieux, pour le bonheur simple de vous voir une ultime fois au pire. Je ne sais pas trop ce qui m'attend, je ne sais pas si je vais au-devant d'une nouvelle catastrophe ou d'une amélioration, mais je passe outre la raison et le bon sens et je vous cherche.

J'arrive finalement à trouver le bon étage et me sens un peu plus comme un vilain ridicule qui prévoirait de kidnapper son idole.

Mon cœur se gonfle tellement de bonheur et de soulagement lorsque je vous aperçois enfin que je vais peut-être réellement péter un boulon et le faire, finalement ?

Je vous vois tel que vous êtes au moment présent - et non pas à travers des images sur internet ou d'anciennes vidéos -, pour la première fois depuis que j'ai pris conscience de mes sentiments pour vous. Et revoilà la vérité qui me heurte de plein fouet : je vous retrouve avec votre immense taille, votre allure si rachitique comparée à la montagne de muscles qui symbolisait la paix jadis, vos cheveux blonds en pagaille et votre sourire toujours en place sur votre visage anguleux... Et pourtant, évidemment, je ne peux pas m'empêcher de vous trouver beau.

Tellement, tellement beau.

Vous avez repris du poids et du muscle, j'ai l'impression. Éloigné du squelette qui m'a formé à Yuei, votre visage a retrouvé des couleurs et paraît bien moins creusé. Vos yeux bleus pétillants sont bien moins déformés par les cernes, vous bombez à nouveau le torse, votre sourire est presque aussi immense que celui qui décorait ma chambre d'adolescent.

Vous rayonnez. Et si ça me fait un plaisir infini, j'en viens à me demander si mon absence dans votre vie aurait pu participer à cette incroyable évolution positive.

Le fait qu'aux dernières nouvelles que vous m'avez donné, vous commenciez un nouveau traitement très prometteur ne me revient en mémoire que plusieurs minutes après. Oui, votre monde ne tourne pas autour de moi. Ce n'est pas parce que le contraire est faux qu'il faut que j'oublie cet important détail.

En attendant, je suis attentivement l'interview de loin, le cœur battant à tout rompre et l'excitation me noyant en entier. Je suis si heureux de retrouver votre voix, votre façon de parler, vos anglicismes idiots. Vos expressions, vos manies gestuelles, vos sourires. Je réalise à quel point je vous connais par cœur. Chaque mimique, chaque tic. Je vous ai beaucoup trop observé pour votre propre bien, vous plus que n'importe quel autre héros. Vous avez pourtant fait un passage éclair dans ma vie, mais vous y avez apposé une marque tellement indélébile qu'à cet instant, je doute sérieusement de pouvoir être capable d'arrêter de vous aimer un jour.

En réalité, j'en ai la certitude. J'aime tout de vous. J'aime autant votre personnalité que ce que vous représentez. J'aime autant l'influence incroyable que vous avez eu dans ma vie que votre être en lui-même. Et pour la première fois, je me surprends à me dire que j'aimerais tellement, tellement apprendre à connaître tout le reste.

Apprendre à connaître mieux non pas All Might, mais Toshinori Yagi.

Mais je redescends de mon nuage de rêveries insensées lorsque l'interview se termine enfin. C'est ma chance, je ne dois pas la rater.

J'attends donc que l'ovation sur le plateau se termine et tente de me faufiler parmi la foule pour vous attraper. Je redoute votre réaction, pour être honnête. Peut-être que vous allez me rabrouer d'être ici. Peut-être que vous allez me rappeler qu'un tel comportement n'est pas digne d'un héros, et vous auriez raison. Peut-être que vous allez me rappeler douloureusement que la décision que nous avons prise l'année dernière était la meilleure et ne pas me laisser la moindre chance d'ouvrir la bouche.

Vous auriez définitivement raison.

Et pourtant... Il semble que vous arrivez à faire pire.

Moi qui suis pourtant un minimum stratège et qui avait envisagé beaucoup de possibilités sur cette rencontre, vous arrivez à me surprendre.

Car lorsque nos regards se croisent enfin, je vois clairement l'étonnement habiller vos traits. Vous avez un véritable raté, vous pilez net et oubliez de répondre à la personne avec qui vous discutiez. Vos yeux crient à la stupéfaction, se fixant intensément sur moi durant des secondes qui paraissent s'étirer à l'infini. Un infini qui nourrit mon âme avide de vous comme jamais. Mes pensées fusent à une telle vitesse que j'ai le temps de me demander si vous êtes heureux de me voir, si vous me trouvez changé, quelle est la première chose que vous allez me dire…

Mais je n'avais pas envisagé un seul instant la possibilité que vous ne m'ignoriez tout bonnement. Que vous vous contenteriez de vous détourner de moi. De faire rapidement volte-face et de continuer votre chemin pour vous éloigner de moi.

Mon sourire fond. Comme tous mes espoirs.

La sensation glacée qui m'était tombée dessus il y a un an revient m'achever. Violente, cuisante, assommante.

Elle est encore plus douloureuse. Cette fois, je n'essuie pas un commun accord entre nous, horrible mais raisonnable... Non, cette fois, j'essuie votre rejet pur et simple.

Vous me rejetez. Et je crois que j'aurais préféré mille fois que vous me le disiez en face plutôt que cette ignorance. J'ai l'impression d'être devenu un étranger. Un simple fan trop dérangeant.

Quelqu'un me parle mais je suis incapable de recoller les morceaux et me reconnecter à la réalité. Je devrais pourtant me secouer et tenter d'insister. Si ça se trouve, ce n'était tout simplement pas le bon moment et vous comptez m'attraper plus tard ? Si ça se trouve, je vous ai pris au dépourvu trop rapidement derrière la sortie de votre interview et vous n'avez pas cru que c'était vraiment moi... ?

Non.

Assez d'illusions et de rêves fous.

Vous m'avez reconnu et vous avez fait le choix de me rejeter. Et j'ai beau haïr ça de toute mon âme, c'est certainement ce qu'il y avait de mieux à faire.

Pour vous... Peut-être même pour moi. Même si à cet instant, je n'y crois absolument pas. Ça fait beaucoup trop mal.

J'ai tellement mal que tout me paraît vain. J'ai tellement mal que j'aimerais peut-être mieux mourir plutôt que de subir ça encore quelques secondes de plus.