J'ai appelé Katchan pour lui dire que j'étais malade, aujourd'hui. C'est la première fois de ma vie que je fais ça. Et je ne parle même pas du fait que la raison n'est pas juste la déprime intense qui me frappe, mais bien aussi la sévère gueule de bois que j'éponge.
J'ai honte. Mais sans personne à qui pouvoir parler de ça, hier soir, après être rentré de la NHA, je ne savais pas quoi faire d'autre pour tenter d'apaiser un minimum mon âme.
Je n'arrive même pas à m'accrocher au simple fait d'être content de vous avoir revu, et surtout en forme. Cette satisfaction est tout de même présente au fond de moi, j'ai même conscience que je suis sincèrement heureux si vous l'êtes dans votre vie et que vous allez mieux. Mais je revois votre regard surpris en boucle, je revis le poids monstrueusement lourd qui me tombe dessus lorsque vous vous détournez. Je sens encore ma gorge aussi serrée que lorsque je me suis enfin décidé à vous chercher partout dans les locaux de la chaine et que j'ai fini par apprendre que vous étiez parti sitôt que vous avez quitté le plateau, soi-disant car vous aviez une urgence.
Si je doutais encore que vous m'aviez fui, j'en ai eu la preuve concrète avec cette information.
Vous m'avez rejeté, je suis en train de l'accepter. Le fait que vous l'ayez fait de cette manière horrible est déjà un peu plus difficile à avaler. Et je ne parle même pas de la pensée persistante que parti de cette manière, je ne vous reverrais peut-être jamais. Pour de bon. L'espoir et l'exaltation qui m'ont habité toute la semaine depuis la nouvelle d'Ochako n'ont probablement fait qu'amplifier la déception qui m'habite aujourd'hui.
Je dois faire une croix sur vous. Je le sais, pourtant. Shôto me l'a martelé et me le rappelle encore parfois, quand nous nous voyons. Je suis certain qu'il serait écœuré de me voir dans cet état aujourd'hui. Et, cause perdue que je suis, peut-être même qu'il me rejetterait définitivement aussi.
Je suis fatigué.
Je suis épuisé de n'avoir que votre seule image à laquelle me raccrocher lorsque je vais mal. Je suis usé de continuer de rêver de vous, de fantasmer parfois sur vous, d'aller même inconsciemment vers des hommes d'âge mûr quand je me tente à chercher de la chaleur, et à regretter le lendemain car c'était forcément décevant et si éloigné de vous. Je suis harassé de ne pas parvenir à profiter pleinement de mon rêve atteint au jour le jour, tellement le vide de votre absence dans ma vie me terrasse.
Je suis tellement fatigué que j'ignore comment je vais me relever de ça. Alors même que ma carrière de héros ne peut pas attendre : la vie continue dehors et je n'ai pas envie de perdre mon temps à me laisser mourir mentalement sur mon canapé car je suis incapable de penser à autre-chose qu'à vous qui me fuyez.
Heureusement, la vie me rappelle avec bonheur qu'aussi seul me crois-je, je suis bien entouré. Je reçois la visite surprise de Katchan et d'Eijirô au soir. Je suis évidemment incapable d'affronter leurs deux têtes dures et de les chasser : ils s'incrustent chez moi par la force. Ils constatent par eux-mêmes que je ne suis pas malade mais bien juste au fond du trou. Et ils veulent évidemment savoir pourquoi.
Je ne me sens pas capable de le leur dire. Comme je le fais depuis des années avec Katchan, je me mure dans le silence. Je n'arrive qu'à leur offrir que des pauvres sourires sans joie, mais qui tentent de leur faire comprendre que ce n'est rien. Que je gère.
Ils savent très bien que ce n'est pas rien et que je ne gère rien du tout.
Ils n'insistent pas, pour mon plus grand bonheur. En revanche, une demi-heure plus tard, je suis lavé, habillé, et traîné dehors par la force sans vraiment comprendre comment c'est arrivé. Ils disent qu'ils m'emmènent au restaurant et je ne suis pas certain que ça soit une bonne idée...
Mais c'est probablement mieux que de rester seul à pleurer mon désespoir de vous avoir définitivement perdu.
