𝘜𝘯 𝘴𝘪𝘭𝘦𝘯𝘤𝘦 𝘪𝘯𝘲𝘶𝘪é𝘵𝘢𝘯𝘵 𝘳é𝘨𝘯𝘢𝘪𝘵 𝘴𝘶𝘳 𝘭 𝘦 𝘱𝘰𝘳𝘵 𝘥𝘦 𝘍𝘶𝘴𝘩𝘪𝘨𝘪. Une brume épaisse et inquiétante enveloppait la ville, engloutissant les bateaux et estompant leurs silhouettes gigantesques. On entendait au loin le tourbillon des navires, qui semblaient flotter dans les airs. La lumière diffuse des lampadaires brillait faiblement. Des silhouettes apparaissaient de temps à autre, leurs contours se rapprochaient lentement, petit à petit, avant de s'éloigner brusquement.
L'ombre d'un vaisseau se rapproche. Aussi immense qu'un requin au milieu d'un banc de poissons, son ombre s'étendait autour de lui, menaçante et absorbant tous les bateaux autour de lui.
Un homme sauta du pont pour atterrir souplement sur le quai. Deux autres le rejoignirent et l'aidèrent à amarrer le navire. Ils firent un signe à une silhouette sur le bateau. Cette dernière leur a répondu avant de disparaître de leur vue.
Les hommes parcouraient les rues brumeuses. Ils arrivèrent face à l'enseigne d'une boutique de vêtement. Le panneau qui affichait son nom était écaillé et illisible. Des mannequins vêtus d'habitudes sales et déchirés se dressaient, entassés dans la devanture. Il manquait une tête ou des membres à certains.
Le premier homme s'engouffra dans la boutique tandis que les deux autres gardaient la porte. Elle était plongée dans l'obscurité, mais Eijiro parvenait à distinguer les toiles d'araignée qui étaient accrochées au plafond et les rats qui se faufilaient furtivement entre les étalages de vêtements poussiéreux. L'air était chargé d'une odeur écoeurante de moisi.
— Je vois que vous n'avez pas renoncé à votre vengeance, après toutes ces années.
La voix rauque du vieil homme était si basse qu'Eijiro eut du mal à l'entendre. Il se retourne pour faire face au point d'un fusil, visant directement son crâne. Un vieil homme au visage de crapaud ridé, au corps maigre et aux mouvements fébriles le tenait en joue. Mais il ne fallait pas se laisser tromper par cette faiblesse apparente : et ça, Eijiro le comprit parfaitement en voyant ses yeux, froids et calculateurs, qui assureraient qu'il n'hésiterait jamais à appuyer sur la détente s'il en avait besoin.
— Nous ne sommes pas revenus pour nous venger, affirma Eijiro en décalant l'arme, tentant un sourire. Nous venons vous proposer un compromis.
— Ne me fais pas rire. Mourir, ou vivre en ayant une dette considérable sur les bras, que je lèguerai à mon frère, puis à mes neveux, et à mes petits-neveux ? Puis à toute ma descendance, qui maudira son ancêtre pour avoir fait d'eux des êtres maudits, condamnés à la paie éternelle d'un crime qu'ils n'ont pas commis ? Je préfère me raccrocher jusqu'aux dernières secondes à la vie, pour tous vous tuer. Rétorqua-t-il en en la braquant à nouveau sur Eijiro.
— Inutile d'en arriver là, grand père. On a beaucoup mieux que de l'argent, comme monnaie d'échange : des informations. Dis-nous ce que tu sais, aide-nous, et nous sommes prêts à excuser tes fautes.
— Quelles informations ? Demanda, suspect, Turin.
— Nous souhaiterions bénéficier de vos qualités de stratégie. Vous êtes celui qui avait été choisi par le roi pour enseigner à ses enfants, après tout...
— Je n'ai pas été choisi par le roi ; j'ai choisi le roi. Va droit au but.
— Nous avons besoin d'aide pour capturer l'une des princesses du Grand Royaume. Avoua Eijiro.
S'il fut surprise, Torino n'en montra pas le moindre signe. Impassible, il encourage Eijiro à poursuivre.
— Nous comptons l'utiliser comme arme pour faire du chantage au roi.
Turin l'évalue.
— Qu'ai-je à y gagner ? Précisément ?
Eijiro sourit.
— Tu n'auras plus à te soucier de la rancune de notre Chef. Il sait désormais qui sont les vrais coupables. Mais si tu refuses... Tu risques d'en redevenir un à ses yeux. Et tu sais ce que ça implique.
Turin baissa les yeux. Le sol était jonché de débris et de morceaux de verre brisé. Il balaya le magasin du regard. Des vêtements aux couleurs incertaines, au style douteux et à l'état pitoyable s'étalaient sur les étagères poussiéreuses et branlantes. Le papier peint, éraflé et taché révélait une peinture jaunâtre écaillée.
Il se souvenait du palais royal, avec ses colossales colonnes de marbre, ses peintures splendides et ses jardins somptueux. Plus précisément, il se rappelait des chuchotements des servantes, des sourires des marchands, des leçons qu'il donnait aux enfants de nobles. Dans ce port, il était un pestiféré à cause des ennuis qu'il traînait derrière lui. S'il arrêtait de le poursuivre, il serait enfin libre de quitter cette vie minable de fugitif.
— Quelles sont les informations que vous souhaitez obtenir, exactement ?
À cet instant précis, Eijiro sut qu'il avait gagné.
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Les deux hommes rejoignent ceux qui avaient gardé l'entrée et après qu'Eijiro ait expliqué que Torino avait accepté le marché, leurs silhouettes s'enfoncèrent dans la brume. Ils atteignirent leur navire et remontèrent à l'aide de corde sur le pont. Torino lut, en dessous d'une statue de sirène aux yeux scrutateurs ; Ulterna . Eijiro salue les membres de l'équipage qui lui répondent par des marmonnements inaudibles, les yeux mi-clos, avant de descendre dans la loge du capitaine, suivi par Torino.
L'air frais et humide fut remplacé par une chaleur réconfortante. Eijiro la sentit traverser ses os, parcourir sa peau et réchauffer son corps frigorifié.
—Bakugo ? Appela-t-il.
Il entre dans le bureau. Spacieux, une table trônait en son centre, sur laquelle s'éparpillaient un amoncellement de parchemins, de cartes, d'outils de géographie, de livres ouverts. Une sphère de verre enfermait une flamme vacillante, qui projetait sur les parois une lueur dorée.
Le capitaine était nonchalamment assis. Il était grand et musclé, avec des épaules carrées et une peau dorée. Ses cheveux, d'un blond cendré, se hérissaient sur son crâne. Ses yeux perçants, rouges comme deux rubis, les fixèrent froidement.
— Katsuki... Murmura Turin.
— Ne m'appelle plus jamais ainsi, siffla Bakugo. Il se redresse.
— Que nous soyons clairs : rien ne te permettra de te racheter, à mes yeux. Mais pour une vengeance plus complète, je n'ai d'autres choix que de t'offrir un compromis.
Turin hocha la tête.
— Ce que tu dois faire est simple. Eijiro te l'a déjà expliqué.
— Vous indiquez de quelle manière capturer l'un des princes du royaume et comment extorquer le plus de choses possibles au roi, en gros, récita Torino.
— On a juste besoin de tes conseils, rectifie Eijiro. Le roi s'est constitué de nombreux harems, aussi n'est-il plus vraiment considéré comme un titre de noblesse d'être un enfant du roi. C'est même très mal vu.
— Pas exactement. Il s'agit encore d'un titre de noblesse pour le véritable enfant, celui engendré par l'épouse du roi. Annonça Torino, analysant rapidement la situation.
Le roi, malgré ses déboires, avait une épouse. La douce et généreuse Inko Midoriya, issue d'une famille pauvre mais ancienne et noble, qui avait beaucoup aidé la famille royale lors des guerres. Elle avait eu une fille, mais avait préféré l'élever à l'écart de la capitale.
— Qui est-ce ? Exigez Eijiro.
— Je l'ignore. C'est à peine si j'en ai entendu parler. Je sais simplement que c'est une fille et qu'elle ne s'est jamais rendue au royaume.
Katsuki, qui était resté silencieux jusqu'alors, grommela : — Dans ce cas, c'est toi qui va nous aider à la capturer. Tu vas nous suivre jusqu'à la capitale et tu obtiendras des renseignements là-bas avec l'aide de l'équipage.
Turin acquiesce. Il n'avait pas le choix, de toute façon.
— Il dormira avec nous ? S'enquit Eijiro, chantant déjà aux protestations des matelots s'il prenait trop de place.
— Où veux-tu qu'il dorme, sinon ? Réplique Katsuki. Dégagez. Demain, nous partons aux aurores.
