Et voilà un deuxième texte, cette fois-ci sur le thème Frisson :) Sans dire qu'il s'agit d'une suite directe de l'OS précédent, il se passe dans le même univers et je voulais qu'ils aillent de pair (le point de vue de Rin juste avant, celui de Sae cette fois-ci), donc les mêmes avertissements s'appliquent.
Encore une fois, c'est à classer dans la catégorie "je sais très bien ce que j'ai voulu faire, mais il y a de fortes chances pour que ça ne parle qu'à moi" /bam/
Personnages/Pairings : fem!Sae Itoshi, mentions de Ryusei Shidô et de fem!Rin Itoshi
Rating : T
Avertissements : Gender bending, sexisme et misogynie, sous-entendu de violences/agressions/harcèlement
07 : Ouvrir la voie
La première fois que Sae s'est retrouvée face à un garçon sur un terrain de football, ils étaient tous deux trop jeunes pour se poser la moindre question – et le seul frisson qu'elle a ressenti, ça a été celui du vent contre ses bras lorsqu'elle s'est mise à courir. Celui du challenge dans tout son corps, du bout de ses orteils à chacun de ses doigts, lorsqu'il a tenté de lui prendre la balle. Puis, enfin, celui de la victoire sur sa peau et dans son cœur ; lorsqu'il n'a pas réussi, lorsqu'elle a continué d'avancer et qu'elle a marqué.
Ce n'était qu'un jeu d'enfants en colonie de vacances, mais son équipe a gagné, ce jour-là. Grâce à elle, bien sûr. Elle a oublié leurs voix et leurs visages depuis longtemps, mais elle se rappelle encore que plusieurs des autres joueurs l'ont félicitée ensuite, des filles comme des garçons-
Avec le recul, elle ne sait pas si elle aurait préféré que les choses restent les mêmes, mais peut-être. Peut-être que ça aurait été plus simple.
Plus simple que toutes les fois d'après – quand ils ont commencé à lui dire qu'elle ne pouvait pas jouer avec eux, qu'elle devait jouer avec les fiiilles, beurk !, et que son estomac s'est noué malgré elle, sans qu'elle ne comprenne encore pourquoi. Quand ils ont voulu qu'elle quitte le terrain, quand l'un d'eux l'a poussée et que le corps de Sae a réagi tout seul ; à chaque fois que c'est l'incompréhension, la colère, l'instinct de survie qui l'a fait frémir, en même temps que les coups pleuvaient puis, plus tard, que les répliques acerbes s'enchaînaient. Et lorsque Rin l'a rejointe, toutes les fois où elles ont dû se surpasser pour leur prouver qu'ils avaient tort- L'adrénaline dans chacune de ses veines, dans les moments où de sa victoire dépendaient son droit de continuer le football comme elle l'entendait, ce qui était devenu sa raison d'être, de faire perdurer la flamme d'admiration qui étincelait dans le regard de sa petite sœur-
C'est à peu près à cette époque-là, il lui semble, qu'est advenue la première menace.
Presque rien, maintenant qu'elle y repense. Une main sur son épaule qui lui a paru grande et forte, parce qu'elle l'avait prise par surprise et poussée jusqu'à ce que son dos heurte le mur ; et un visage à quelques centimètres du sien, des doigts larges plantés dans son flanc, mais rien de plus. Rien de grave. Aujourd'hui, c'est risible- La vitesse des battements de son cœur à l'époque, et le tremblement froid, glacial, le long de sa colonne vertébrale-
(Rien n'a plus été pareil, ensuite.)
Quatre ans en Espagne n'y ont rien changé, au final.
Quatre ans censés l'approcher de son rêve, mais en fin de compte – quatre ans à confirmer, plutôt, ce qu'au fond d'elle elle savait déjà. Se retrouver face à des garçons sur un terrain de football, ce n'est grisant que tant qu'on se trouve sur le terrain de football, pour autant qu'on ne songe pas à ce qu'il se passera ensuite. Dans le cas contraire, il suffit d'une seconde aux frissons d'adrénaline et de défi pour devenir sueurs froides – et cette sensation insoutenable dans son ventre lorsqu'ils regardent un peu trop fixement dans sa direction. Le rejet. Le dégoût. (La peur.)
Voilà ce que lui inspirent les garçons sur le terrain de football, désormais. Ce n'est pas une complainte mais un constat, elle aurait beau lutter contre que ça n'y changerait rien…
… Ou du moins, c'est ce qu'elle croyait.
Mais ce petit démon de Ryusei Shidô ne peut décidément rien faire comme tout le monde, hein ?
C'est un garçon au même titre que les autres, pourtant. Aussi chaotique et peu compatible avec ses petits camarades soit-il ; dans sa propension à tout régler par la violence, c'est même le pire. Dans ses paroles, il n'y aucune comparaison possible. Et malgré ça…
Ce n'est pas le mépris qui illumine son regard, mais la curiosité. Pas l'envie de soumettre ou de posséder qui anime ses gestes, mais celle- celle de s'exprimer. Tout bêtement. Et à partir de là, il a suffi d'une opportunité, au bout de quelques minutes de jeu, il a suffi d'un but pour que-
Ouah, c'était trop bon, Sae-chan ! C'est décidé, je veux jouer au foot avec toi toute ma vie !
C'était il y a des jours, mais bien malgré elle, Sae y repense. Encore. À la façon dont il s'est jeté sur son dos comme si c'était la chose la plus naturelle au monde – et elle l'a étendu tout de suite après, bien sûr. Mais aussi, aux clins d'œil satisfaits, aux coups de coude ou d'épaule… amicaux ? elle suppose ? que ça ne l'a pas empêché de lui lancer tout au long de la suite du match, à chacune de leurs actions en commun ; et force est de reconnaître qu'ils jouent bien, tous les deux. Pas l'un contre l'autre, pas à contrecœur et sous la contrainte, mais… de concert. Presque… en symbiose…
Non.
Seule dans son appartement, Sae secoue la tête jusqu'à chasser de son esprit cette idée grotesque.
Mais à la seconde d'après, sur la petite table du salon, son téléphone vibre – et lorsqu'elle pose les yeux sur le nom de l'auteur du message qui s'affiche à l'écran, le démon, elle n'a pas besoin de chercher à donner sens au frisson qui parcourt aussitôt sa peau.
Ryusei Shidô a beau être un garçon-
Même au-delà du terrain de foot, il est ce qu'il y a de plus loin de la repousser ou de la dégoûter ; et ce n'est certainement pas la peur qui fait trembler son cœur.
