Flashback

Paul avait invité Till et Richard à passer la journée chez lui. Il était accompagné par sa petite amie, Rose, avec qui il était depuis deux semaines. Brune et plus grande, adepte de littérature, elle possédait la même gentillesse bien qu'étant un peu plus exubérante. Peu porté sur les relations à long terme à cause du nombre de ruptures dans sa vie, le guitariste ne se faisait plus aucune illusion et veillait juste à être heureux au jour le jour. Il n'avait pas hésité à en parler avec Rose, qui s'était montrée tout à fait compréhensive. Elle ne s'en était pas du tout sentie repoussée. Au contraire, elle appliquait elle-même cette façon de vivre et bien qu'elle aimait être avec Paul, ils avaient convenu que s'ils venaient à se lasser un jour, chacun serait apte à l'entendre et à en parler. L'honnêteté avant tout !

Après avoir terminé de dîner sur la terrasse par une belle soirée d'été, ils se détendirent. Le soleil n'était même pas encore baissé. Voyant Richard allumer sa neuvième cigarette de la journée, Paul servit un verre au seul qui ne conduisait pas : Till. Mais Paul et Rose buvant aussi, la boisson bouscula les événements.

Voyant à quel point Paul se rapprochait de plus en plus de Rose dès qu'ils commençaient à se retrouver seuls, pour l'embrasser ou tenter d'autres contacts intimes, Till sourit et estima qu'il était temps pour Richard et lui de les laisser tranquilles. Se servant subtilement d'un bâillement de Richard comme excuse pour le prévenir d'un imminent départ, il lui proposa d'abord de débarrasser verres et bouteilles avec Kruspe, comme remerciement pour son invitation. Il fut fier de son don d'observation lorsqu'il se retourna après avoir passé la porte d'entrée avec Richard. Par pulsion, Paul avait assis Rose sur le bord de la table et l'embrassait goulûment. Till ne l'avait pas vu aussi détendu et heureux depuis longtemps. Trop fatigué et ailleurs pour partager sa joie, Richard n'avait qu'une hâte : rentrer chez lui. Lorsqu'ils ressortirent, Till dit devant l'air empressé que Paul venait de masquer :

- Allez Paul, on se voit dans une semaine. Inutile de nous raccompagner, on connaît la route.

- Ben non, ce ne serait pas poli de ma part ! avoua Paul.

Pourtant, Till insista en venant lui donner une accolade et il salua Rose avant de prendre de l'avance vers la voiture. Ce fut ensuite au tour de Richard de s'approcher. Son étreinte à lui fut encore plus longe et plus rapprochée, et il déposa en prime un énorme baiser sur la tempe de Landers.

- Allez, éclate-toi bien. Au revoir Rose !

Souriante devant la force de leur amitié, celle-ci répondit avec chaleur :

- Salut Richard, à la prochaine !

Ce dernier embrassa une nouvelle fois son ami, sur le front cette fois et encore plus longtemps. Surpris alors qu'il sentait en plus sa main dans son cou, Landers lui rendit son affection en murmurant :

- Je t'adore toi.

- Moi aussi.

Rompant enfin le contact, Richard les salua une dernière fois puis rejoignit Lindemann qui l'attendait contre la voiture.

- Allez mon petit Richard, grouille, je t'attends moi...

- Je m'en fous, t'as qu'à conduire ! Quoi que... Réflexion faite, je tiens à ma voiture.

Écoutant avec impatience le bruit du moteur s'éloigner, Paul sentit son corps bouillir et lorgna celui de Rose à s'en mordre les lèvres. Dès que le silence se fit, il se jeta sur elle pour lui enlever son débardeur sans ménagement.

- Tu m'excuseras, mais j'ai trop envie de toi.

S'empressant de tester cette envie, Rose frotta énergiquement la bosse de son pantalon pour le titiller sachant que l'impatience sexuelle pouvait rendre Landers grincheux. En fait, elle adorait le voir agressif sexuellement car cela l'excitait elle-même. Sentant Paul lui pincer les tétons, Rose vint murmurer contre ses lèvres :

- Monsieur veut à ce point faire l'amour ?

- Oh non !

Lui ouvrant la bouche de sa langue pour caresser la sienne avidement, Paul trancha :

- J'ai envie de te sauter.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il vit ce sourire provocateur sur les lèvres fines que sa copine humidifia, puis se jeta dessus. Les mots crûs les excitaient tous les deux et avaient pour but de rendre leurs rapports sexuels brutaux à souhait. En effet, tout comme leurs gestes, les mots témoignaient toujours du type et de la puissance de leurs envies. Plongeant une main dans le pantalon de l'homme pour le masturber sans douceur, Rose susurra :

- Je te veux.

Comprenant son envie, Landers baissa son cargo de façon à ne découvrir que sa puissante érection et la laissa la prendre en bouche. Immédiatement saisi par une bouffée de chaleur, il ferma les yeux en savourant les rapides mouvements sur son sexe.

- Vas-y, ouai !

Il déboutonna sa chemise, l'enleva et la jeta sur la table avant de frapper brutalement la bouche de Rose. Celle-ci l'encouragea en grognant de plaisir, mais cela n'empêcha pas Landers de s'arrêter au premier signe de suffocation. Par courtoisie, il se retira et la laissa tousser. Rose en profita pour ôter son jean et son shorty en dentelle, avant de s'allonger dans l'herbe. Écartant les jambes, elle le réclama avec des yeux brillants.

- Prends-moi !

Fixant cette zone qu'il désirait envahir, Paul gémit d'envie. Il s'allongea sur Rose et la pénétra avant de la prendre comme une bête, rapidement et brutalement. Depuis qu'ils avaient testé cet endroit le soir de leur premier rencard, ils n'avaient qu'une envie : recommencer. L'extase de faire l'amour en plein air avait été leur plus surprenant point commun. Et le faire sous le coucher de soleil en savourant la caresse de l'herbe était une aubaine. Ôtant son t-shirt à la hâte, Paul le laissa près d'eux et embrassa sa compagne en grognant. Malgré sa taille, il savait autant infliger de la douleur que donner du plaisir et c'était une chose que Rose adorait. Alors qu'elle commençait à hurler sans retenue, l'excitation de Landers augmenta et il serra une main autour de sa gorge.

- Rose, tu m'excites trop...

Emportés par leurs sensations physiques, ils ne réalisèrent pas un retour imprévu qui allait faire voler leur intimité en éclats.

- Paul, arrête vite !

Malheureusement pour Lindemann, la sauvagerie de son guitariste en pleine action ne lui permit pas de se rendre compte tout de suite de sa venue. De même que pour Rose, qui hurlait tout en ayant dans les oreilles les sons caverneux émis par Paul.

- PAUL !

Surpris cette fois, le couple ne put qu'entendre et relever la tête vers la source.

- Putain, mais qu'est-ce que...

Paul s'énerva évidemment, d'autant qu'il ne pouvait se retirer sans s'exposer et que l'aîné ne détournait pas le regard.

- Till, espèce de voyeur ! Continue de mater surtout...

- Calme-toi, vous avez un problème. D'un côté, laisse-moi te dire que je ne t'imaginais pas du tout comme ça. Bon sang mais t'es une brute...

- Till !

- Enlève ta main de sa gorge, chaud lapin sadique. Vous vous livrez au bondage ?

Exaspéré et impatient alors que le chanteur continuait d'approcher sans la moindre gêne, Paul ôta tout de même sa main en échangeant un regard amusé avec Rose, tout en lui murmurant qu'il savait à quel point cela l'excitait.

- Tu veux bien te retourner pour qu'on puisse se rhabiller ?

Se retournant tout en adoptant une posture étrange, Till s'excusa deux fois en entendant son ami grogner.

- Je m'en veux d'interrompre un moment pareil tous les deux, mais je suis là pour vous couvrir. Bien que tu la couvrais très bien toi-même.

Peu amusé dans un tel moment, Paul préféra l'ironie à aux injures.

- Ah ah très drôle ! C'est quoi cette connerie ? Tu sors d'un côté et tu reviens par mon talus. Si tu avais oublié de me dire quelque chose, tu aurais pu téléphoner. C'est bon, tu peux venir.

Mal à l'aise, le chanteur s'approcha d'eux en écoutant le guitariste rassurer sa copine sur le fait qu'il n'était pas un pervers.

- Tu veux bien me laisser en placer une maintenant ? Un pervers, justement, était en train de vous observer tous les deux avec son appareil photo un peu plus loin de l'endroit par lequel je viens d'arriver.

- Quoi ?

Les amants avaient paniqué d'une même voix et regardèrent l'endroit indiqué, mais Till leva les mains pour les rassurer.

- Tout là-bas, derrière le talus et planqué entre les arbres. Un appareil du genre professionnel qui offre un zoom de grande qualité. Sûrement un enfoiré de paparazzi en mal de sensations. Ou de cul, étant donné ce qu'il matait. En tout cas... il a été gâté parce que tu as une putain de réserve de sauvagerie dont j'ignorais l'existence ! conclut Till non sans un rire satisfait.

- Vas-y, marre-toi.

- Non mais sérieux, je suis fier de toi ! rit Till.

- Arrête de te foutre de ma gueule.

Lorsque Paul dut rassurer Rose sur le déroulement des prochaines minutes, Till s'en mêla afin de lui donner sa parole qu'aucun détail de leur soirée ne sortirait de la propriété, ni de la bouche de ce photographe trop curieux. Elle paniquait de peur que des photos ou vidéos ne circulent sur internet, ou ne fassent la une de la presse à scandale. Décidant de régler le problème de façon à laisser ses nerfs et ses poings s'exprimer, Landers s'avança vers son ami.

- Il est où ce connard pour que je lui fasse la peau ?

- Il y est toujours, je vais vous y conduire. Richard l'a maîtrisé avec une superbe démonstration de lutte. Tu te doutes bien qu'on ne l'aurait pas laissé repartir avec de telles images. Autant te le dire, j'ai appelé les flics alors il faut les attendre. Pas question que ce mec retourne en liberté et recommence une chose pareille.

- Entièrement d'accord avec toi ! dit Rose.

En chemin, Paul jura à voix basse :

- Putain d'enfoiré, je vais te faire bouffer ton appareil.

Impressionné par sa fureur alors que Paul le dépassait en serrant les poings, Till lui attrapa le bras mais sut que toute tentative d'apaisement énerverait davantage son ami. De toute façon, c'était justifié.

- C'est déjà fait pour l'appareil, Rick l'a claqué contre un arbre.

- Ah oui ? demanda Paul, fier de leur ami.

- S'il fonctionne encore avec le choc, c'est un miracle. C'est Richard qui l'a vu. Il conduisait et tout à coup, il a donné un coup de volant pour mettre la voiture sur le bas-côté. Il est sorti sans m'expliquer quoi que que ce soit et il a couru. Ah il avait l'air vraiment enragé. Son appareil, il en a sûrement fait des miettes ! rigola Till.

- Je vais quand lui mettre mon poing dans sa gueule.

- Comme tu le sens, il le mérite ! approuva Till.

Surpris, Paul accéléra la marche en prévoyant de fouiller le malpoli, et de le menacer d'une imminente plainte pour violation de propriété et voyeurisme. Lindemann le conduisit donc vers l'intrus. Malheureusement, plus ils approchèrent et plus ils entendirent des plaintes de douleur accompagnées de bruits de coups. Y avait-il une bagarre si l'homme avait attaqué Richard ? Arrivés au talus, ils réalisèrent s'être trompés. Le curieux était au sol et Richard était en train de lui donner coup sur coup. Ne voyant la scène que de dos, les autres restèrent pantois.

- Tu vas faire quoi, t'as dit ? Tu vas faire quoi ? T'as aucun droit, connard d'obsédé ! menaça Richard.

Till décida de se faire entendre en le voyant donner encore un coup.

- Allez arrête, il a compris la leçon.

Ils commencèrent à descendre du talus chacun leur tour en s'aidant des branches, mais Richard continua.

- Il est borné celui-là ! pesta Till.

"Je ne connais pas ce Richard-là" pensa Paul, se sentant devenir nerveux. Il aida ensuite Rose à descendre en lui tendant la main. Sans se tourner vers Till lorsqu'il le ceintura par derrière, Richard cessa de cogner mais attrapa le col de l'intrus. Ce fut à cet instant que le chanteur réalisa dans quel piteux état était le visage de cet homme. Richard s'était tellement déchaîné sur son visage qu'il avait une pommette gonflée et probablement fracturée. De plus, son œil gauche était à moitié fermé et changeait de couleur. Sur ordre de Till, l'inconnu révéla que l'arbre n'ayant pas donné un résultat suffisant pour Richard, il avait littéralement explosé l'appareil du journaliste sur son visage deux fois avant de le frapper, d'où la boursouflure. Sous l'adrénaline et la rage, Kruspe hurla :

- TU N'AVAIS QU'À Y RÉFLÉCHIR AVANT DE VIOLER L'INTIMITÉ DE MES AMIS. SALE PERVERS !

- C'est bien fait pour vous ! approuva Rose.

- Tout le monde se calme ! conseilla Lindemann.

Lorsque Till décida enfin que son ami pouvait être relâché sans risque, Paul se planta face à lui pour le regarder dans les yeux. Richard avait un regard inhabituel, à la fois mauvais et en dehors de la réalité. Il allait rester énervé longtemps s'ils ne faisaient rien pour le rasséréner et Landers le savait, il connaissait cet homme depuis longtemps.

- Rick, regarde-moi.

- Mais qu'est-ce que tu avais besoin de le fracasser comme ça alors qu'on a déjà appelé les flics ? demanda Till.

Cette fois, le plus jeune revint à lui et lorsque Till l'eut éloigné, il resta étrangement focalisé sur Paul et le serra contre lui.

- Tu vas bien, Paul ?

Grandement surpris, ce dernier écarquilla les yeux avant de regarder Till, tout aussi dubitatif que lui.

- Moi ? Mais oui, ça ne peut qu'aller bien maintenant... mais c'est surtout à toi qu'il faut le demander, je ne t'ai jamais vu comme ça.

Paul prit les mains dans les siennes.

- Je ne sais pas trop, j'ai eu peur pour toi je crois ! murmura Richard.

Touché, l'aîné lui sourit et au moment où il le remercia, Rose aperçut la voiture de police arriver par la colline. Bien que ça le démangeait, Paul ne rajouta pas de coup au photographe car son ami l'avait bien assez vengé. Il était déjà embarrassé de devoir révéler qu'un voyeur avait pris des clichés de lui en train de faire l'amour comme un animal sur sa terrasse. D'autant qu'après les dires, il allait y avoir la vérification de l'appareil comme preuve. Il espéra seulement que son ami ne serait pas poursuivi en justice.

- Plus d'appareil, un cassage de gueule gratuit et ce mec va sûrement perdre son boulot...

- Oui, il a gagné sa journée celui-là ! ironisa Paul.

- Pargon ! articule l'homme à la joue enflée.

- Le mal est fait. Vous y réfléchirez à deux fois avant d'espionner les gens la prochaine fois ! conclut Rose.

Ils l'assirent près de l'arbre mais de toute façon, il n'irait pas bien loin s'il tentait de s'enfuir. Les deux hommes ainsi que Rose ne comprirent pas réellement ce qui avait pu pousser le guitariste à infliger autant de souffrance physique pour une histoire aussi banale malheureusement, et qui ne le concernait pas lui-même. Mais une chose était sûre, Till avait compris que Paul comptait bien plus pour Richard qu'il ne le paraissait. Ce penchant découvert étant jeune lors du sommeil de son meilleur ami n'était pas une passade.

Fin flashback

Après avoir ressassé ce jour en profondeur, Paul ne fut toujours pas convaincu.

- Ce n'est pas parce que Richard a cassé la gueule à quelqu'un que ça avait forcément un rapport avec moi.

- Richard a défoncé ce photographe parce qu'il ne voulait pas que tu sois humilié. Tu l'as dit toi-même ce jour-là, il n'avait jamais été comme ça.

Paul contra aussi cet argument en prétendant que cette attaque, Richard n'aurait pas hésité à la répéter pour défendre Till ou un des autres. Bien qu'il savait qu'il avait raison, Lindemann tint à lui exposer son point de vue avec détermination.

- Ce n'était peut-être pas complètement clair mais j'ai senti qu'il y avait quelque chose ce jour-là. Tu le sais bien, j'en avais déjà eu un aperçu pendant de nombreuses nuits. Chez toi, quand je lui ai dit qu'il valait mieux partir parce que tu avais envie de tirer ton coup, il a dit "tant mieux". Il s'est servi de sa fatigue pour rentrer, mais ça lui faisait mal de te voir avec Rose. À cause de sa présence, il était énervé et c'est pour ça qu'il n'a pas pu se contrôler. L'écart de temps entre ce jour-là et ses fantasmes nocturnes est assez grand, alors je ne sais pas ce qu'il te faut. Je ne l'ai pas remarqué à l'époque parce que vous aviez tellement de gonzesses chacun de votre côté, que j'ai cru qu'il avait arrêté de penser à toi. Mais ce n'est jamais vraiment parti et il en souffre. Tu sais que Richard n'est pas un homme qui se confie. Depuis ce jour, il est différent. Il n'arrête plus de te regarder, il n'a plus aucune discrétion. Ça n'a rien de bizarre puisque vous l'avez toujours plus ou moins fait tous les deux. Mais un jour, il l'a fait pendant une célébration alors que vous étiez tous les deux accompagnés d'une femme. Et ce n'était pas un regard amical, juste le regard d'un homme qui a envie de se jeter sur quelqu'un pour le baiser à mort, pardonne-moi l'expression ! Et ce n'était pas à sa gonzesse qu'il l'avait lancé parce qu'elle était entre lui et moi. Je l'ai surveillé quelques minutes pour être sûr, mais il a fini par regarder ailleurs. Alors je me suis dit qu'il avait juste du se perdre dans des pensées inappropriées, comme d'habitude. Mais quand les copines se sont éloignées pour rester entre elles, j'ai trouvé bizarre qu'il te colle autant. Il te suivait et te fixait sans relâche, c'était fou.

Épuisé mentalement par le discours de Till, Landers trouva la force de sourire.

- Tout comme toi avec lui !

- Oui, je devais aussi avoir l'air d'un toutou. Mais bon, je voulais savoir ! rit Till.

- Je crois me souvenir de cette soirée, j'avais pris une sévère cuite vers la fin. La honte !

Acquiesçant, Lindemann supposa que l'état de Paul était ce qui l'avait empêché de se rendre compte à quel point son ami n'avait cessé de poser les yeux sur lui toute la soirée. Pour une fois, le guitariste fut du même avis.

- Toujours est-il qu'une fois les gonzesses ailleurs, il n'a plus été le même. Je l'ai trouvé en train de faire quelque chose de vraiment louche... mais décisif.

Rieur, Paul demanda :

- Plus louche que de me regarder au microscope ?

Till regarda à nouveau autour d'eux avant de parler plus bas.

- Oui, je l'ai vu se masturber pendant qu'il t'observait.

Le rire de Paul s'estompa aussi rapidement qu'il était apparu. La négativité soudaine de son expression ne fut en rien rassurante pour Till, mais ce dernier sut qu'il lui devait la suite maintenant qu'il avait confié un tel détail.

- Écoute, c'est...

- Stop ! coupa Landers avec froideur.

Hésitant avec étonnement après cette brutale interruption, Till pensa que son ami avait seulement besoin de digérer cette information choquante.

- C'est bizarre ton histoire, je n'y crois pas. Tu vas un peu loin cette fois, Till. Richard n'a jamais été un voyeur avec les femmes alors avec les hommes...

- Tu m'accuses de mentir ? se vexa Till.

- Je ne dis pas que tu mens. Mais peut-être que tu as cru qu'il se... tu as peut-être cru ça alors qu'en fait, il avait rajusté sa ceinture ou autre chose. C'est possible, non ?

Cette fois, le chanteur perdit patience. Lui qui avait mis tant d'années avant de se faire un avis certain sur ce que ressentait son meilleur ami, il lui sembla que Paul cherchait à le briser uniquement par refus et dégoût de la vérité.

- Tu peux te conduire comme un petit con quand tu t'y mets, Paul. Je t'ai dit que je l'ai suivi toute la soirée après l'avoir vu te regarder alors qu'est-ce qu'il te faut de plus ? Il n'y avait pas de W.C. là où vous vous trouviez alors il n'était pas en train de rajuster quoi que ce soit. Surtout en gémissant ! Laisse-moi résumer, tu me cracheras dessus ensuite.

Les sourcils froncés alors qu'il encaissait mal l'insulte depuis le début, Paul se retint de lui renvoyer le bâton et attendit avec mauvaise foi.

- J'ai vu Rick derrière une des plantes et toi, tu étais au téléphone sur le toit-terrasse. La porte vitrée était fermée et la lumière du couloir éteinte, mais j'ai parfaitement vu sa main qui bougeait dans son jean. Et ça m'étonnerait qu'il ait été en train de pisser dans la plante. Il se branlait et c'est comme ça. Paul, je suis navré si ça te dégoûte mais je ne me voyais pas intervenir pour lui dire que ce qu'il faisait était mal. Il savait ce qu'il faisait et pourquoi, et moi aussi à partir de là. Je savais qu'il en souffrait mais je me voyais mal aller le sermonner pour lui dire qu'il n'avait pas le droit d'aimer son ami. Observer en se tripotant n'est peut-être pas la meilleure preuve, mais bon... Je suis reparti et c'est tout. Richard n'a jamais arrêté de t'avoir dans le crâne, il est dingue de toi et c'est obsessionnel.

Réduit au silence par cet amoncellement écrasant d'informations, Paul ne cacha pas sa lassitude à ce sujet. Pour sa part, Till fut soulagé d'avoir vidé son sac sans voir en retour d'expression de haine. De cette façon, même s'il en voulait à Richard pour avoir agi ainsi, Paul n'irait pas jusqu'à l'insulter pour avoir éventuellement fantasmé sur lui.

- Je... je ne sais pas, Till, c'est... c'est peut-être passager !

Sauf si évidemment, Paul continuait de nier. Fermant les yeux en soupirant devant son refus de voir les choses en face, Till grogna et menaça de s'emporter.

- Mais merde, Paul...

Il avait haussé le ton sur Paul, forçant ce dernier à se renfermer. Till le remarqua assez facilement : son ami avait peur. Il aurait ressenti la même chose à sa place, mais la conjoncture y mêlant également son meilleur ami le forçait à bousculer les choses.

- On est amis, Richard et moi.

Sa voix avait tremblé et ses yeux se voilaient.

- C'est invraisemblable.

- Mais il se branlait, qu'est-ce que tu veux de plus ? Si un homme - aussi hétéro et viril soit-il - se branle en regardant un autre homme, c'est qu'il ressent de l'attirance pour lui et qu'il soit son ami n'y change rien. Malgré le nombre de femmes qu'il a baisées dans ce bas-monde, Richard Kruspe ne fait pas exception à cette règle. C'est un être humain qui a le droit de ressentir des choses qui lui sont inconnues.

Alors que Landers commença à tourner en rond en réunissant chaque élément de ce jour lié à Richard, aucune des réactions qui en découlèrent ne parut positive aux yeux du chanteur. Son guitariste resterait intraitable.

- Tu extrapoles. Je veux bien accepter le fait qu'il se branlait, mais il cherchait un coin tranquille et comme il savait que j'étais dehors, il surveillait que je ne revienne pas au même moment et c'est tout. Richard est un baiseur de femmes maladif alors tu délires complètement, sans te manquer de respect. On passe à autre chose.

Till le regarda tourner les talons en soufflant, maudissant la soirée à venir si ses amis restaient dans leurs chambres comme des enfants punis par leur père. "Oh les gars, les gars" pensa t-il avec tristesse. Il décida tout de même de passer le plus de temps possible avec Richard avant d'aller se coucher, ce dernier ayant gravement besoin d'oublier Paul pour cette soirée. Cette fois, il regretta réellement d'avoir invité Paul avec cette femme.

ooOOoo

Enfermé dans sa chambre, Richard fixait son sac de voyage avec l'envie de le remplir depuis plusieurs minutes. Mais pour son meilleur ami, il avait décidé de rester. Il ne pouvait pas laisser Till en plan après ce qu'il avait fait pour lui. Hormis se lamenter sur les origines folles de sa bagarre avec Paul, il ne pouvait rien faire en cet instant. Paul ! Ils en étaient venus aux mains tous les deux, et cela le rongeait. À deux doigts de hurler, Richard se couvrit la bouche de ses poings en jurant sur cette phobie qu'il plaçait à l'origine de cette échauffourée. Paul ne se serait jamais moqué s'il s'était montré plus courageux, il se l'était ancré dans la tête durant sa réflexion. Mais ces bêtes...

Dès lors que sa phobie avait commencé à s'accroître, il s'était davantage accroché au chanteur pour passer de meilleures nuits et ce, au détriment des passe-temps de celui-ci. Il y avait eu des "afters" après leurs concerts auxquels Till s'était abstenu de participer, se privant ainsi d'alcool et de nuits torrides avec des groupies qui ne demandaient que lui. Le plus difficile était de convaincre les quatre autres qu'il ne se sentait pas bien dans ces moments-là, mais cela éveillait toujours leurs soupçons puisque Richard disparaissait en même temps que lui. Tout cela pour rester près de lui lorsqu'il le sentait perturbé. Après avoir aperçu un de ces cauchemars à huit pattes, une simple toile, ou même avoir eu la sensation que quelque chose frôlait sa peau. Richard pensait lui avoir fait perdre ses soirées, alors qu'en fait Till aurait tout fait pour lui sans qu'il ne lui demande. Les groupies n'étaient pas ce qui leur manquait, mais Richard savait avoir privé son meilleur ami d'amusements ces soirs-là. Un autre jour, Paul avait convié le groupe chez lui et ils avaient relaté les meilleurs façons de décompresser avant les concerts. Mais son fils Emil était passé lui dire bonjour après être allé dans une animalerie. Il n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'exhiber sa petite acquisition en la sortant de sa boîte. Petite mais surprenante : une mygale. Bien évidemment, le sursaut de Richard avait été violent mais une mygale n'étant pas n'importe quelle araignée, tous avaient eu une grosse frayeur à en trembler. Paul avait grondé son fils en lui demandant de ranger cette "chose". Seul le jeune garçon s'était amusé. Par contre, Richard avait ensuite trouvé une excuse pour rentrer chez lui.

- Petit frère, ça va ?

Sorti de ses mauvais souvenirs, Kruspe entendit son meilleur ami derrière la porte de la chambre. Il resta silencieux dans l'espoir que Till le croirait endormi, mais il était encore trop tôt. Il se leva en l'entendant insister et lui ouvrit. Till entra et plutôt que de déblatérer sur ce qu'il venait d'arriver, il l'attira dans ses bras.

- Je crois qu'ils sont bien partis pour rester dans la chambre toute la soirée. Tu veux qu'on se prenne quelques verres tous les deux ? Ça te fera oublier !

Bien que le guitariste sembla sur le point de réfléchir, il finit par accepter et Till sourit doucement avant de l'entraîner au salon.

à suivre...