Chapitre 9 :

Conseil blanc

Ressortant de l'entrevue avec Smaug, le groupe guidé par Nefrea ne put s'empêcher de s'arrêter à nouveau devant la galerie d'or où Ornel, l'arbre d'argent, trônait fièrement. L'istar y consentit, laissant les elfes l'admirer. Les hommes le faisaient aussi pour sa beauté mais cela avait une toute autre signification pour le peuple de Thranduil.

- Aurons-nous d'autres possibilités de venir le voir ? demanda le roi en passant dans sa langue.

- Ce n'est pas moi qui en décide, répondit Nefrea. Seul Smaug peut autoriser quelqu'un à entrer ici. Soignez vos relations avec lui et je pense qu'il vous laissera venir. Il sait ce que représente cet arbre pour vous et il en prend soin autant que moi.

- Le considère-t-il comme le sien ? questionna Thranduil.

- Non, comme le mien, sourit-il. Smaug ne prend pas les possessions des autres n'importe comment comme beaucoup le pensent. Je vie ici avec lui et ce qui est à moi reste à moi sans aucune discussion. Cet arbre est issue de ma magie et de mon âme. Il a toujours été à moi pour Smaug.

- Comment arrive-t-on à être en bon terme avec les dragons comme vous ? demanda Thranduil.

Nefrea sourit, devinant que la possibilité de venir voir cet arbre et peut-être d'avoir des célébrations autour de lui les pousseraient à faire des efforts. C'était une bonne motivation pour les elfes, une bonne raison.

- Être en bon terme avec les dragons n'est pas aussi compliqué que vous le pensez. Témoignez leur du respect, de la tolérance, de la considération… Traitez les en égal comme vous traiteriez un autre allié. Cela prendra un peu de temps mais si vous y mettez de la bonne foi, cela fonctionnera.

- Comment pouvez-vous être sûr qu'ils ne se retourneront plus contre nous ? questionna-t-il en se tournant vers lui.

- Parce que je les connais, parce que je leur fait confiance, parce que je sais pourquoi ils font ce qu'ils font, sous quelles conditions, parce que je sais pourquoi ils ont fait ce qu'ils ont fait dans le passé, pourquoi ça a changé et pourquoi ça ne se reproduira plus. Parce que je sais comment ils fonctionnent, quelle est leur nature… Apprenez à faire leur connaissance et vous comprendrez. Je suis certain que vous pourriez les apprécier. Les dragons ne sont pas de vulgaires bêtes cruelles et malfaisantes avides de trésors comme vous le pensez tous. Allons-y, poussa-t-il. S'il y a une chose que je sais c'est que la patience d'un dragon a ses limites, s'amusa-t-il.

Ils se remirent en route, quittant la Montagne dont les portes se refermèrent derrière eux. Ils reprirent le chemin du kiosque, le groupe regardant encore la forêt autour d'eux.

- Cet endroit est vraiment stupéfiant, remarqua Bard. Je pensais que rien ne poussait à cause du dragon.

- C'est à cause de Smaug que rien ne poussait et c'est grâce à Smaug si ces terres ont pu reprendre vie avec tant de vigueur, sourit-il. L'action des dragons, leur pouvoir, n'est pas aussi obscure que vous le pensez. Mais là encore, il faut les connaître pour le savoir. Je ne peux que vous encourager à entretenir de bonnes relations avec Smaug et avec les dragons qui vivent ici. C'est au bénéfice de tous croyez moi.

Ils furent de nouveau au kiosque géant après une magnifique balade. Bard et les siens saluèrent l'istar avant de reprendre leurs chevaux et de s'en aller, laissant les elfes derrière eux. Thranduil se tourna alors vers le magicien :

- Une nouvelle fête de la lumière des étoiles aura bientôt lieu chez nous, dit-il. Lors de la pleine lune qui arrive. J'aimerai vous y convier s'il vous plaît de venir y participer.

- Avec plaisir je vous remercie. Lors de la prochaine pleine lune ?

- Oui. Nos portes vous serons ouvertes pour la fête ainsi que pour la durée que vous souhaiterez passer chez nous.

- Je viendrai pour la fête, juste pour la fête, sourit-il.

- J'en suis heureux. Nous vous attendrons. Au revoir.

- Au revoir.

Les elfes s'en allèrent alors et il retourna dans son nid auprès de son compagnon. Souriant en trouvant Smaug étalé dans l'or, il fit disparaître son bâton et prit sa forme de dragon, sautillant presque pour aller se glisser sous l'aile du roi qui l'accueillit d'un doux grondement. Il se blottit contre lui et sa chaleur, le laissant resserrer son aile autour de lui et venir frotter son nez au sien.

- Finalement, tu avais raison, fit Smaug, c'était amusant. J'imagine que les petits elfes ont remarqué Ornel.

- Bien sûr. Je pense que rien que pour cela, ils feront en sorte d'avoir de bonnes relations avec toi.

- Avec nous, corrigea-t-il. Je suis le roi, tu es mon égal.

- Mais ce n'est pas mon rôle, s'amusa-t-il. Moi je suis juste là pour m'amuser pas pour diriger.

- Alors amuse toi autant que tu veux.

- Je suis invité à la prochaine fête de la lumière par Thranduil, signa-t-il alors.

- Iras-tu ?

- Oui, j'en ai envie et j'aimerai bien voir à quoi ressemble une demeure d'elfe.

- Partiras-tu longtemps ? demanda-t-il un peu bougonnant.

- Juste la nuit de la fête. Je peux transplaner aux abords de la Forêt Noire. J'y suis passé en venant à la Montagne la première fois. Et je transplanerai pour rentrer aussi.

- Tu feras attention ?

- Bien sûr et s'il devait y avoir quoi que ce soit, je transplanerai pour rentrer tout de suite.

- Tu vas me manquer.

- Ce n'est que pour une nuit. Quelques heures.

- Mais nous n'avons pas été séparé ainsi depuis très longtemps.

- C'est vrai, soupira-t-il. Tu me manqueras aussi.

- Il y a encore quelques jours avant cela, ronronna-t-il, nous pourrions prendre de l'avance.

- De l'avance pour quoi ? demanda-t-il innocemment.

- En temps de câlin perdu, répondit -il en mordillant ses cornes.

Nefrea le regardant malicieusement un moment avant de bondir hors de son emprise en riant, déclenchant l'une de leur courses poursuites passionnées.

Ce jour là, Nefrea s'activait à poursuivre ses modifications de la montagne. Il y avait encore beaucoup de travail mais les choses avançaient bien. Il était question de proposer quelque chose d'entièrement nouveau à la montagne. C'était une idée de Smaug et pour ce faire, il avait rejoint l'Arkenstone. Il allait toujours auprès d'elle désormais pour l'aider à se remodeler. Il pouvait lui transmettre sa magie avec plus de puissance et communiquer avec facilité en touchant directement la gemme. Smaug l'accompagnait, sur ses deux jambes ici. Il était toujours avec lui lorsqu'il faisait cela. Présentement, il se tenait derrière lui, ses bras enroulés avec force autour de son ventre, sa tête posée sur son épaule alors qu'il s'apprêtait à regarder, adorant le spectacle de sa magie. Il se mit à l'oeuvre, soumettant le projet à leur montagne. Il s'agissait d'un grand promontoire, d'une grande terrasse extérieure haut sur le pic. Un endroit où il pourrait s'installer pour prendre confortablement la lumière des étoiles et de la lune. Smaug y tenait, sachant que c'était un moment important et plaisant pour lui. Il le proposait donc et Erebor répondit avec joie.

Très haut sur la montagne, une vaste terrasse ronde s'était formée, plate et lisse sur sa surface. Les couloirs internes du pic avaient été allongé pour conduire jusqu'à elle par l'intérieur, une grande porte enchantée permettant d'entrer et de sortir. L'endroit n'était accessible que par les airs depuis l'extérieur et était bien assez grand pour l'accueillir lui et Smaug dans leur forme de dragon. Le promontoire de la lune fut le premier ajout véritable qu'il fit à la montagne avec son consentement, le reste n'ayant été que refaçonner. La nuit de son apparition, Nefrea la passa sous sa forme de dragon à prendre la lumière des astres nocturnes. Le ciel était clair et ce fut un véritable bain de lumière, bien installé sur son perchoir. Ses écailles de mithril, sa crinière, ses yeux, la membrane de ses ailes, ses griffes, ses cornes et ses incrustations se mirent à briller d'argent blanc éclatant sous le pouvoir des astres et il était certainement visible de loin, tel un diamant posé sur la montagne. Nefrea fut certain qu'il adorerait se prélasser là et il remercia la montagne de lui avoir accordé cet endroit. Et ce fut en passant sa nuit là a remercier que la Montagne lui fit savoir ce qu'elle désirait qu'il créé pour elle.

Quelques jours plus tard, il transplanait aux abords de la Forêt Noire, non loin d'Esgaroth par où il était passé lors de son chemin vers Erebor la première fois. Le soleil déclinait déjà à l'horizon. Il s'avança vers la forêt et il ne tarda pas à voir qu'on était venu l'accueillir. Une escorte était là, le saluant très respectueusement. Il fit disparaître son bâton, leur rendant pour marcher avec eux. Ils lui expliquèrent que le roi les avaient envoyé pour le conduire et le protéger, lui parlant des araignées géantes et autres créatures malfaisantes qui pouvaient encore rôder par ici. Cela n'était semble-t-il plus arrivé depuis que la colère de Smaug s'était déversée sur l'armée d'orcs mais Thranduil préférait être prudent. Il s'abstint de leur signaler qu'il n'avait pas besoin d'eux pour se protéger ou se diriger et il suivit de bonne grâce. Il fut bientôt aux portes du royaume des bois où Thranduil en personne l'accueillit.

Ils se saluèrent et le roi l'emmena d'abord visiter la ville en discutant tranquillement. Puis ils rejoignirent les lieux des festivités. Si Nefrea se sentit observé de toute part, il observa lui aussi. Que ce soit les elfes ou leur ville, leurs habitudes, leurs musiques, tout… Il regarda tout, découvrant, aimant cette découverte. Il adorait sa vie à Erebor avec Smaug mais quelques voyages semblaient attrayant aussi, quelques sorties. Il sentait qu'il en aurait l'occasion. Il en profita donc pour voir la vie des elfes, des elfes qui le regardaient comme une curiosité impressionnante. Présentement, il était assis non loin de Thranduil, un verre d'un excellent vin à la main, écoutant la musique alors que la nuit s'installait peu à peu. Il leva les yeux vers le ciel, découvrant qu'ici, les branchages s'écartaient pour laisser voir le ciel, un trou perçant visiblement les grottes.

- C'est le meilleur endroit de la ville pour profiter du ciel en toute sécurité, remarqua le roi près de lui.

- J'ai l'habitude de faire autrement, répondit-il.

- Comment faîte vous ? questionna-t-il avec curiosité.

Le magicien savait que tous écoutaient plus ou moins, les ouïe très fines des elfes entendant de loin.

- Habituellement, lorsque j'ai envie de profiter de la lune et des étoiles, soit je me perche très haut sur la Montagne Solitaire, soit je vais voler avec Smaug, dit-il en surprenant tout le monde.

- Vous allez voler avec lui ? s'étonna le roi.

- En effet. L'hiver, lorsque trop de jours passent sans que le ciel ne soit visible, nous allons voler très haut au dessus des nuages pour voir la lune et les étoiles. J'adore cela, fit-il avec douceur.

Smaug lui manquait déjà même s'il n'avait pas cru qu'il ressentirait cela si vite. Mais son compagnon lui manquait ainsi éloigné de leur maison et de leur royaume. Il aimerait sortir mais rentrer chez eux serait assurément encore mieux. Les elfes restèrent stupéfaits par sa déclaration, s'imaginant certainement que Smaug le portait sur son dos pour ce faire.

- Est-ce que vous vivez bien là bas ? demanda un seigneur assis près d'eux.

- Je sais ce que vous pouvez imaginer de la vie que je peux avoir à Erebor avec Smaug. Mais permettez moi de vous faire remarquer que vous ignorez absolument tout des uses et coutumes des dragons, de leur manière de vivre, de leurs façon de faire, de leurs habitudes…

- En ont-ils ? questionna un autre.

- Bien entendu. Leur peuple est bien plus riche que vous ne l'imaginez. Ce ne sont pas des animaux sans sentiments ni délicatesse ou élégance. Loin de là. J'ai là bas une vie que je ne laisserai pour rien au monde. J'y suis heureux comme jamais et j'espère bien que cela ne changera pas. Je conçois que cela puisse vous paraître étrange mais ma vie est parfaite à mes yeux aujourd'hui.

- Est-ce votre protecteur qui vous a demandé d'aller à la rencontre du dragon ? demanda Thranduil.

- Non. La seule consigne que j'ai eu est d'agir comme il me plaît. Mon protecteur, Mandos, estime que je suis aussi bon juge que lui et me fait confiance.

- Pourquoi être allé à Smaug avant d'autres ? Personne ne vous connaissez avant que vous n'apparaissiez à Erebor.

- Parce que personne ne me connaissait. Je n'avais pas pris contact avant Smaug. Quand à pourquoi lui ? Et bien il m'intriguait et je ne me suis pas trompé. C'est une personnalité profonde et incroyable lorsqu'on le connaît. Peut-être aurez vous la chance de mieux le connaître vous aussi ? Oubliez vos préjugés sur les dragons, en tout cas pour ceux de la Montagne Solitaire. Vous pourriez avoir de bonnes surprises.

- J'espère que vous appréciez néanmoins d'être ici, fit le roi.

- Bien sûr. Il est plaisant de voir le monde. J'aime cela. Et comme j'aime au moins autant que vous les étoiles et la lune, participer à cette célébration est un plaisir.

Thranduil lui sourit en réponse et on ne le questionna plus sur le sujet. Il put profiter de la fête battant son plein entre repas, musique et danse. Finalement, la nuit fut totalement tombée et il y eut un moment d'accalmie, tous levant les yeux pour voir les étoiles et la lune. De légers chants s'élevèrent, doux et délicats, louant la lumière d'argent du ciel de nuit. Ce fut solennelle et enchanteur, Nefrea fermant les yeux pour écouter ces musiques qui parlaient de Telperion, de l'origine de cette lumière que les elfes chérissaient parce qu'elle avait été la première à éclairer le monde, comme ils avaient été les premiers à s'y éveiller. Telperion, l'arbre d'argent, la lune, était aux elfes, Laurelin, l'arbre d'or, le soleil, étaient aux hommes nés en second comme la lumière dorée avait été la seconde.

Il écouta, l'ambiance presque mystique dans les chants magiques des elfes. Ce fut sans même y penser qu'il se mit à absorber la lumière des astres. Immédiatement, ses cheveux de mithril brillèrent, animés de vagues de lumières, comme les scintillement de sa peau, ses ongles ses incrustations sur le front et entre les clavicules. Il ne fit pas attention aux chants qui prenaient fin, souriant à cette énergie sauvage et fraîche qui courait en lui. C'était bien là la seule fraîcheur qu'il aimait, revigorante et pleine de vie.

- Seigneur Nefrea ? appela Thranduil.

- Oui ? répondit-il doucement en relevant ses paupières.

Tous purent ainsi voir ses iris de mithril lumineuses et la chose sembla subjuguer le roi qui le regardait. Il lui sourit avec amusement, le réveillant un peu.

- Vous êtes lumineux, remarqua-t-il très intelligemment.

- En effet.

- Comme les astres, ajouta-t-il.

- Oui. Comme Smaug vous l'a dit, je suis profondément lié à la lune et aux étoiles. C'était pure vérité. Leur magie est en phase avec la mienne. Je suis lié à elles et elles sont liées à moi. Donc, lorsque j'amplifie mon lien avec elles sous leur lumière, j'ai tendance à être lumineux comme elles, rit-il.

- C'est magnifique, s'émerveilla la roi.

Nefrea sourit en sentant qu'il était réellement émerveillé, comme bien des siens autour d'eux. Les chants et la fête reprirent et Nefrea se sentit traité comme quelqu'un de précieux et respecté, touché. Lui qui espérait avoir une bonne relation avec les elfes de la Forêt Noire était bien parti. La fête dura toute la nuit et il fit attention à ne pas trop boire de cet excellent vin qui était servis, ne voulant pas être saoul. Il rit et s'amusa, heureux d'être venu. S'il passa la majeure partie de son temps avec Thranduil, il discuta avec nombre d'autres elfes, aimable et souriant avec tous. Mais le matin fut finalement là et le levé du soleil mit fin à la fête. Le roi lui proposa l'hospitalité qu'il refusa, répondant qu'il rentrait chez lui. Thranduil lui fit amener un panier plein de diverses choses comme du vin et des mets de son royaume, en cadeau. Il le remercia et le roi insista pour le raccompagner lui même aux portes, marchant avec lui :

- Savez-vous ce qu'est le Conseil Blanc ? demanda l'elfe.

- Le conseil des sages, oui.

- Le Seigneur Elrond d'Imladris en convoque un à Caras Galadhon dans peu de temps. Au sujet de tout ce qu'il s'est passé à la Montagne, de Smaug, de vous… J'y suis convié comme témoin. Voudriez vous y assister ? Je vous emmènerai volontiers comme mon invité. Cela vous concerne après tout.

- Je doute que m'imposer de la sorte soit le meilleur des moyens, s'amusa-t-il. Beaucoup vont se méfier de moi et surtout de Smaug et de sa position. Gandalf le Gris se méfie de moi et il fait parti de ce conseil. Seulement, si le Conseil souhaite me parler pour éclaircir les choses, je suis tout disposé à venir le voir. Je suis un istar et les istari font traditionnellement parti du conseil même si je ne m'attend pas à être si facilement accepté alors que je suis un inconnu vivant avec les dragons.

- Je leur ferai savoir que vous êtes disposé à venir les rencontrer.

Nefrea sourit, faisant apparaître une perle grise d'un geste de la main pour la tendre au roi qui la prit avec délicatesse.

- S'ils désirent me parler et qu'ils acceptent que je me rende à Caras Galadhon pour les voir, utilisez ceci s'il vous plaît. Il vous suffira de la tenir dans votre paume et de souffler dessus avec l'intention de me prévenir. Elle se désagrégera et je saurai que je suis invité en Lorien. Je serai là dans la journée.

- Je le ferai, assura-t-il en rangeant précieusement le petit objet. Dans la journée ? C'est un long voyage entre Caras Galadhon et la Montagne.

- Je vie avec des dragons, s'amusa-t-il. Même le plus petit d'entre eux possédant des ailes pourrait rejoindre cette ville en une journée par les airs.

- C'est vrai, acquiesça-t-il. Cela devrait être divertissant de voir les expressions du Conseil en vous voyant arriver avec un dragon, s'amusa-t-il.

- Certainement, rit-il. Mais sachez que ce sera en paix tant que nous ne serons pas menacés.

- Je voulais vous demander : quel genre d'échange pouvons nous espérez avec le royaume de Smaug le Doré ?

- En voilà une bonne question, sourit-il. Êtes vous sérieux dans votre engagement avec eux ? Sachez que je serai de leur côté que cela plaise ou non et je n'accepterai pas qu'une initiative à laquelle j'ai pu participer d'une façon ou d'une autre leur nuise, remarqua-t-il sérieusement. Et je peux être atrocement dur lorsque je protège ce qui m'est cher.

- Je suis on ne peut plus sincère et sérieux, assura-t-il. Je préfère la paix à la guerre, je préfère les dragons aux nains comme voisins, je préfère savoir cette Montagne bien gardée avec ce qu'elle représente stratégiquement et j'ai confiance en vous. Je ne connais certes pas les dragons comme vous mais je l'aimerai si cela permet de nous offrir la paix et quelque chose de bien pour cette terre.

- Cela l'est assurément. Les dragons sont bien plus que vous ne le pensez. Pour répondre à votre question. Les échanges avec eux seront assurément différents. Pas de commerce au sens traditionnel du terme. Ils ne donneront pas une poussière de leurs richesses ni les fruits de leur terre. Et ils n'ont besoin de rien que vous pourriez leur offrir. Pour entretenir la paix avec eux, il vous suffit de respecter les règles que Smaug a donné. Vous n'aurez pas besoin d'avoir la moindre interaction avec eux. Les dragons tiennent parole. Donc le respect de l'accord suffira à la paix.

- Et si nous souhaitons développer cette relation ?

- Montrez leur un intérêt véritable et du respect, de la considération. Les dragons aiment converser, ils aiment les histoires, les énigmes, ils aiment l'intellect. Vous seriez surpris de tout ce qu'ils savent et de leur habilité à raconter. Ils aiment les richesses bien sûr. Ils aiment bien d'autres choses mais je n'en dirai pas plus, ce sera à vous de le découvrir. Proposez leur de discuter sans arrière pensée, sans forcer, en apprenant à les connaître. C'est ainsi que j'ai fait avec Smaug. J'ai parlé avec lui comme il voulait bien me parler, j'ai été honnête et curieux, respectueux et sincère. Nous avons parlé des heures, des jours, des semaines, des mois… Mais les dragons aiment cela et savent parfaitement cerner les esprits et les intentions. Si vous voulez avoir une bonne relation avec eux, faîte comme si vous vouliez vous en faire des amis véritables. Ils n'ont besoin de rien matériellement, ne donneront rien de cette sorte. Ils n'ont pas besoin d'aide pour se défendre ou pour quoi que ce soit, n'ont pas de besoin d'avoir des relations avec les autres. Les dragons sont furieusement indépendants comparés aux autres peuples de la Terre du Milieu. Il faudra aller plus loin et être patient si vous voulez établir une véritable relation avec eux.

- Je comprend.

- Réfléchissez-y soigneusement et lorsque vous saurez vraiment, prenez contact avec eux. Smaug vous écoutera.

Thranduil approuva alors qu'ils arrivaient aux portes. Ils se saluèrent et Nefrea s'amusa à détourner son attention et celle des gardes en désignant une chose supposément intéressante dans une autre direction. Ils détournèrent le regard et il disparut dans un craquement, les surprenant lorsqu'ils virent qu'il n'était plus là.

Nefrea fut touché lorsqu'il réapparut au grand kiosque de Dale et que tout les dragons de la vallée vinrent voir s'il allait bien, inquiets qu'il ait quitté leurs terres seul. Smaug le fut tout autant, s'enfermant avec lui dans leur nid, le calant d'office sous son aile pour qu'il lui raconte comment cela s'était passé. Et son compagnon ne lui cacha rien, Smaug impatient de voir ce que les elfes tenteraient à leur égard. Ils parlèrent du Conseil Blanc, le roi grondant à l'idée qu'il s'éloigne autant. Pourtant, il ne chercha pas un instant à l'en empêcher. Il était possessif et protecteur mais il ne l'enfermerait pas, lui faisant confiance. Seulement, il poussa autre chose :

- Tu iras avec Lokyn, Asgaldan et Irazole s'ils t'invitent. Ils t'escorteront et te protégeront en mon nom.

- Avec plaisir, accepta-t-il. Je n'ai pas envie de partir seul. Cela prendra certainement plus de quelques heures cette fois. Et toi tu dois rester garder notre nid.

- N'hésite pas à les faire venir ici s'ils ont besoin que j'éclaircisse moi même la situation. Je me ferai un plaisir de régler cela pour toi, dit-il avec force.

- Je le ferai. Il faudra bien ouvrir le dialogue un jour ou l'autre de toute façon si nous voulons que les choses évoluent dans notre sens. Cela prendra du temps.

- Quand doit avoir lieu le Conseil ?

- Bientôt. Je n'ai pas demandé la date. J'imagine qu'elle n'est pas fixe le temps qu'ils rassemblent tout le monde à Caras Galadhon. Il leur faudra du temps pour faire la route. Thranduil n'est pas encore partit alors il faut encore au moins deux semaines s'il part demain et voyage à cheval. Peut-être plus suivant leur organisation. Ce sera l'occasion de me présenter officiellement comme istar.

- Préviens les que s'ils t'importunent, je viens calciner leurs maisons, grogna-t-il en l'amusant.

- Je peux me défendre tu sais, rit-il.

- Je ne veux pas que tu aies à le faire. Toi tu fais ta belle magie, tu souris, tu profites des vents et de la terre, tu t'amuses, tu illumines notre maison et notre royaume… Et moi, je nous garde en sécurité, je me charge des ennuis et des résistances, des importuns.

Nefrea soupira de plaisir et d'émotion à cela, se blottissant autant qu'il le pouvait contre son compagnon, infiniment heureux de l'avoir avec lui. Dans les jours suivants, Nefrea passa beaucoup de temps à l'extérieur, profitant de la fin de la belle saison pour se promener dans la forêt qui était née tout autour de la Montagne, sur elle et dans sa région. De nombreuses plantes d'ici étaient revenues, en dormance dans le sol depuis longtemps ou amenée par Nefrea. L'istar y avait ajouté bien d'autre qu'il avait dans ses réserves de graines même s'il gardait les plus rares, précieuses et fragiles pour le jardin intérieur de la montagne. Il y avait là de nombreux arbres fruitiers, des plantes productrices de nourritures mais aussi bien d'autres, magiques ou non. Toutes n'étaient pas censées pousser à cet endroit mais la magie de l'istar arrangeait cela dans la vallée, en faisant un lieu luxuriant de vie et d'abondance, avec des arbres bien plus grands qu'ils ne devraient l'être. Les dragons avaient nommé la vallée : le jardin d'Akome. On y trouvait le kiosque de Dale, la place de la grande porte, la rivière y passait, formant ça et là de petits bassins d'eau pure. Le tout était dominé par le promontoire du gardien anciennement Ravenhill et la vallée, sous laquelle se trouvaient les maisons des dragons, était devenu le lieu de vie principal.

Nefrea aimait s'y promener, souvent accompagner d'autres dragons vivants ici et qui adoraient cet endroit luxuriant de vie. Après avoir été forcé de vivre dans des lieux sombres et désolés, le Royaume de la Montagne était un paradis pour eux et ils n'en remerciaient que plus Smaug et Nefrea. Ils veillaient sur leurs terres avec assiduité. Sortir de leurs grottes et laisser leurs trésor était devenu plus simple. L'istar avait doté chacune de leur maison d'une porte enchantée ne répondant qu'à son propriétaire et les dragons qui les avait testé en tout sens avaient désormais confiance. Ils savaient leurs biens en sécurité alors ils se permettaient de sortir davantage et de profiter de l'extérieur, de veiller à leur domaine devenu rapidement extrêmement précieux pour chacun d'eux.

Malgré la présence des dragons, beaucoup de petits animaux étaient venus et Nefrea avait découvert que les petites bêtes n'étaient pas effrayées par les dragons. Elles étaient bien trop petites pour être d'un intérêt pour les immenses créatures et sous leur aile, elles étaient protégés d'autres prédateurs n'osant venir. C'était une symbiose utile entre eux. Il y avait beaucoup d'oiseaux de toute sorte. Insectes et petites bestioles étaient donc partout et il aimait les observer. L'istar se promenait, récoltant de sa magie ce qui pouvait l'être pour ses réserves, veillant à ce que tout soit en santé ici. L'automne commençait et il avait hâte de voir les couleurs des arbres changer avec la saison.

Lorsqu'il rentra, il rejoignit Smaug dans leur nid, allant se reposer près de lui. Après tout ce remue ménage, il appréciait de pouvoir simplement dormir auprès de son compagnon, comme avant. Et cela lui permettait aussi de réfléchir à la demande que la montagne avait faîte en lui offrant son promontoire. Elle n'avait pas parlé évidemment mais elle lui avait ressentir et il avait parfaitement compris. La Montagne, la terre voulait quelque chose de bien précis et il avait bien l'intention de le réaliser au mieux de ses capacités. Mais cela demanderait énormément de magie et de précision. Aussi, il attendrait que le Conseil Blanc soit passé pour pouvoir y consacrer toutes ses forces sans interruption.

Le Conseil Blanc se tint comme prévu quelques temps plus tard, à Caras Galadhon. S'y étaient réunis Elrond, Galadriel, Gandalf, Sarouman, Radagast ainsi que Glorfindel et les autres sages qui y siégeaient habituellement. Cette fois, Celeborn, l'époux de Galadriel s'y était ajouté, comme Thranduil venu de son royaume avec deux de ses seigneurs. Tous s'étaient réunis sur une vaste terrasse isolée, un cercle de fauteuils encerclant une grande table blanche. On venait de raconter à nouveau en détail ce qu'il s'était passé à la Montagne Solitaire.

- Il est impossible qu'il s'agisse réellement de Smaug le Doré, fit Saruman. Sa mort a été confirmé, son cadavre a été vu plusieurs jours durant sur le lac avant qu'il ne coule. Ce dragon devait être un autre ou une illusion de ce sorcier des ténèbres afin de conserver la Montagne pour l'ennemi.

- Il s'agissait bien de Smaug le Doré, intervint Thranduil agacé d'être remis en doute. Je ne sais comment mais il a dit revenir des Salles de Mandos à la manière des elfes.

- Balivernes ! Les dragons sont des êtres malfaisants qui ne peuvent accéder aux Salles du Gardien des Morts.

- Et pourtant, il est revenu et il s'agit bien de lui. Il n'y a aucun doute sur la question. Il n'est pas une illusion comme les autres dragons présents à Erebor ne sont pas des illusions, répondit-il. Quand à Nefrea le Noir, il est istar et j'ai eu suffisamment de preuves de cela pour ne pas en douter. Jusqu'à présent aucun n'a commis la moindre faute et n'a ne serait-ce que survolé nos terres. Les accords passés par l'intermédiaire du seigneur Nefrea ont été respectés scrupuleusement.

- Erebor devrait être aux nains, à Thorin Écu de Chêne, remarqua Gandalf.

- Mais ce n'est pas le cas, fit Thranduil. Les dragons ne laisseront pas leur royaume.

- Un royaume pour les dragons ? releva Celeborn interloqué.

- Ils ne nous demandent pas notre avis, s'amusa le Roi de la Forêt Noire. Nous n'avons que deux choix : l'accepter ou leur faire la guerre à eux et à l'istar qui les soutien.

- Ce ne peut être un istar, fit Radagast. Les istari ne sont pas du côté du mal.

- Personne n'a dit qu'il l'était, posa Glorfindel. Peut-être pense-t-il réellement que les dragons pourraient changer ? Ne serait-ce pas une perspective intéressante ?

- Aucune créature des ténèbres ne change jamais. Ce n'est que roublardise, fit Saroumane.

- J'en ai vu et entendu assez pour donner une chance à cette possibilité de faire ses preuves, posa Thranduil. Sachez également que le Seigneur Nefrea a proposé de venir ici devant vous répondre à vos questions, dit-il en surprenant les autres.

- Qu'en savez vous ? demanda Gandalf.

- Comme je l'ai dit, je le crois et je m'efforce de stabiliser la paix pour mon royaume. Nefrea le Noir est quelqu'un de très intelligent et éclairé. Je lui ai fait part de la tenue de ce conseil dont-il devrait faire parti en tant qu'istar. Il m'a alors demandé de transmettre cette proposition. Il est d'accord pour venir sur le champs.

- Il faudrait des semaines pour le prévenir et le faire venir, posa Elrond très attentif.

- Pas nécessairement, sourit Thranduil. C'est un grand magicien, fit-il avec un petit air moqueur pour les autres istari. Le Conseil souhait-il ou non le rencontrer ? C'est la seule question.

- Il semble vous avoir convaincu, remarqua Galadriel avec un sourire doux.

- La vérité est souvent convaincante et il m'a prouvé qu'il était quelqu'un de bien. Quelqu'un qui n'est pas pour le mal. Il n'est ni stupide ni influençable alors je suis prêt à laisser une chance à ses paroles au sujet des dragons d'être prouvées. Et je crois sincèrement qu'il pourrait être un bien pour la Terre du Milieu.

- J'aimerai le rencontrer, fit Galadriel dit-elle en échangeant un regard avec son époux.

- Moi aussi, ajouta Elrond. Qu'en est-il du Conseil ? Lui parler directement serait certainement la plus simple des manières d'éclaircir les choses.

Un à un, tout les membres du conseil approuvèrent et Thranduil sourit. Il glissa sa main dans ses robes pour en ressortir la perle donnée par Nefrea. Sous les regards de tous, il la tint dans sa paume et souffla délicatement dessus. Aussitôt, elle s'illumina et se désagrégea en une fine poussière d'argent scintillante qui disparut dans le vent.

- Il sera là avant ce soir, assura ensuite le roi.

- Qu'était-ce ? demanda Elrond.

- Un moyen de le prévenir. Je vous l'ai dit, c'est un grand magicien.

- Savez-vous combien de dragons il peut y avoir autour de la Montagne ? demanda Celeborn.

- Les guetteurs en ont vu au moins une trentaine distincts, répondit-il en effrayant quelques uns. Cela sans compter ceux qui peuvent voler de nuit, qui dorment ou qui n'ont pas d'aile et que nous ne pouvons voir de loin.

- C'est impossible, contra de nouveau Sarouman. Autant de dragons ne peuvent cohabiter sur un seul territoire sans s'écharper.

- C'est pourtant ce qu'il se passe, remarqua Thranduil doucement agacé une fois encore.

- Êtes-vous sûr de ne pas exagérer seigneur Thranduil ? demanda le Blanc.

- Je vous demande pardon ? répondit-il froidement. Pour qui me prenez vous ? Si vous désirez le confirmer vous même, venez donc le voir de vos yeux. Je suis retourné à la Montagne en personne depuis et j'ai vu de mes yeux tout cela, j'ai parlé à Smaug. J'ai vu ce qu'il s'est passé. Je suis entré dans la Montagne.

- Smaug vous a laissé entrer ? s'étonna Glorfindel.

- Oui, moi, plusieurs des miens et une délégation d'Esgaroth afin de mettre au clair les termes de la paix que nous voulions tous.

- Et il a accepté de parlementer ? demanda un autre.

- Non. Il a posé ses conditions mais il a discuté calmement et plus diplomatiquement que je ne l'aurai jamais cru possible pour un dragon. Rien que cela remet en cause bien des choses.

- Quelles sont ses conditions ? voulu savoir Elrond.

- Que nous n'entrions pas sur ses terres sans permission, que rien n'y soit cueilli, chassé ou prit, qu'on ne les agresse pas et qu'on respecte leurs lois chez eux, que l'on reconnaisse leur royaume. En échange, ils nous promettent la paix et ne survoleront même pas nos terres. Ils ne seront ni de notre côté, ni de celui du mal.

- Les dragons sont la création de Morgoth, bien sûr qu'ils sont du mal, fit quelqu'un.

- Le Seigneur Nefrea n'est pas de cet avis. Il dit que la vérité n'est pas si simple et s'il ne m'a pas encore dit cette vérité, je le crois.

- Cette vérité n'existe pas. Nous savons tous quelle est la nature de ces créatures. Nous ne pouvons les laisser prospérer sous l'aile d'un sorcier malfaisant.

- Aucune armée de ce temps n'était déjà assez pour affronter Smaug, posa Thranduil. Comment voudriez vous faire avec encore plus de dragons et un magicien à ses côtés ? Sans compter que je ne suis pas d'accord, dit-il en les surprenant à nouveau. Tant que les accords seront tenus et que je n'aurai pas de raison de soupçonner quoi que ce soit de négatif ou malfaisant, je tiendrai parole. Et je crois savoir que le roi Bard d'Esgaroth en pense tout autant. Lui comme moi sommes d'avis qu'il vaut mieux tenter la paix, voir l'alliance avec Smaug et les siens. Nous avons bien plus à gagner ainsi.

Toute la journée durant, ils discutèrent de cela mais aussi des évènements de Dol Guldur, faisant une pause pour déjeuner. Ce fut le soir venu, alors que leurs discussions tournaient en rond, que les cors d'alarmes de la ville raisonnèrent. Rapidement, Haldir, le capitaine de la garde arriva à grands pas :

- Veuillez m'excusez, commença-t-il en s'inclinant légèrement.

- Que se passe-t-il ? demanda Celeborn.

- Trois dragons approchent par le ciel mon seigneur, annonça-t-il en les alertant.

- Et bien, sourit Thranduil, j'imagine que Smaug aura fait escorter Nefrea. Ne les attaquez pas et ils n'attaqueront pas, fit-il tranquillement.

Il était le seul à être vraiment calme, les autres agités. Mais personne n'eut vraiment le temps de faire quoi que ce soit que trois ombres passaient au dessus des arbres, coupant la lumière de la lune. Les yeux perçant des elfes purent les voir faire demi tour et brusquement, une brume d'argent clair légère tomba entre les arbres géants, envoûtante. Docilement, de manière incroyable, le toit de branchages s'écarta de lui même, comme s'il pouvait soudain bouger de sa propre volonté. Une large ouverture sur le ciel fut bientôt là et l'on vit trois dragons ailés, un noir, un vert sapin et un bleu sombre descendre à travers, déclenchant de puissants vents alors qu'une garde en arme arrivait en trombe. Les elfes bandèrent leurs arcs, les trois istari présents resserrant leur prise sur leurs bâtons.

Seul Thranduil resta de marbre, s'amusant de la réaction générale alors qu'il distinguait l'istar noir sur le dos du dragon ébène. Les dragons vert et bleu allèrent se percher non loin dans les arbres géants, ricanant allégrement à l'accueil qu'ils recevaient. Quand au dernier, il vint faire du surplace face à la terrasse du Conseil. Il les balaya du regard :

- Petites créatures, se moqua-t-il. Il me semble que maître Nefrea a été invité en ces lieux. Est-ce là la légendaire courtoisie dont vous vous vantez ?

- Je crois que c'est un peu de notre faute, fit une autre voix mélodieuse semblant venir du dos du dragon. Nous aurions dû, comme je l'ai dit, prendre le chemin ordinaire, s'amusa-t-elle.

- Veuillez m'excuser maître Nefrea mais il s'agit du chemin ordinaire des dragons, répondit-il sur le même ton. Il en faut si peu pour les effrayer. Et le Roi nous a demandé de ne pas vous quitter des yeux.

Il y eut un léger rire et du mouvement sur le dos du dragon, tous virent une silhouette s'y dresser, comme se mettant debout. Nefrea le Noir tel qu'on leur avait décris, son bâton à la main. Mais il était encore plus incroyable de voir cet être unique et nouveau de leurs yeux. Il se tenait sur le dragon, sa grande cape volant autour de lui, comme si cela était tout à fait normal. Le dragon ne s'en montrait pas du tout dérangé alors qu'il était connu qu'ils détestaient qu'on ose même penser les chevaucher.

- Veuillez m'excuser pour cette entrée cavalière, fit l'istar à l'attention du Conseil, mais cela semblait plus simple que de se poser en bordure de forêt pour venir à pied et je vous ai déjà fait attendre de nombreuses heures.

- C'est à eux d'attendre, grommela le dragon faisant toujours du sur place, pas à vous de vous presser.

Nefrea sourit et fit mine d'avancer. Le dragon vint poser l'une de ses pattes avant sur le bord de la terrasse, lui fournissant un pont par lequel il descendit.

- Merci Asgaldan, fit-il pour le dragon. Vous avez volé vite, va te reposer, pria Nefrea.

Sa monture balaya les présents d'un regard perçant :

- Le Roi Smaug a promis de venir brûler cette forêt toute entière si le moindre désagrément devait être causé à maître Nefrea, prévint-il dangereusement. Nous mettrons le feu à cette forêt si vous lui causez du tord, fit-il avec un grondement approbateur de ses congénères.

- Va, pria Nefrea.

Le dragon grogna et s'éloigna, allant se trouver une place dans les arbres non loin, de manière à pouvoir surveiller. L'istar se tourna vers les autres figés, leur souriant aimablement.

- Veuillez m'excuser, j'ai fait aussi vite que nous l'avons pu, dit-il en les saluant ensuite respectueusement.

- Vous avez fait plus vite que n'importe lequel d'entre nous, s'amusa Thranduil en s'approchant. C'est un plaisir Seigneur Nefrea.

- Roi Thranduil, rendit-il.

Tous se reprenant, Celeborn congédia les gardes qui hésitèrent un moment mais qui finirent par obéir. Tous observèrent Nefrea qui en fit de même, détendu. Il arrêta son regard de mithril sur Galadriel :

- Madame, j'aimerai autant que vous ne tentiez pas d'entrer dans mon esprit, pria-t-il gravement. Premièrement, vous n'y arriverez pas, deuxièmement, je déteste cela.

Les trois dragons grondèrent durement en entendant ça, s'attirant quelques regards.

- Veuillez m'excuser, dit-elle. C'est un plaisir de vous accueillir ici.

- Et je vous remercie pour l'invitation. Je me doute que le Conseil a de nombreuses questions à la fois sur moi, sur la Montagne, sur Smaug et sur les dragons. Je ferai de mon mieux pour y répondre. Mais avant toute chose, dit-il en s'avançant vers la table trônant au centre.

Il y déposa son bâton de manière à ce que la tête de dragon pointe le centre. Le signal était clair pour tout ceux qui connaissaient les istari et les elfes attendirent la réaction de ces derniers :

- Je sais parfaitement que le roi Thranduil mis à part, tous ici doutent de ce que je suis, remarqua-t-il. Alors réglons la question voulez-vous ?

- Pourquoi devrions nous consentir à cela ? demanda Sarouman pincé.

- Parce que je refuse d'être remis en doute ou traité de sorcier malfaisant alors que la preuve peut être facilement faîte ainsi, rétorqua-t-il pas du tout impressionné.

Radagast fut le premier à s'avancer et à déposer son bâton de la même manière, son extrémité touchant celle de l'outil de Nefrea. Aussitôt, tout deux s'illuminèrent d'une lueur blanche pulsant doucement. Gandalf en fit de même et cela se répéta de la même manière, faisant grommeler Sarouman.

- Bien preuve est faîte vous êtes un istar, fit-il sans les imiter.

- Je suis ravi que vous le reconnaissiez même si je suis attristé que cela soit nécessaire quand la chose est flagrante d'un coup d'œil entre nous, remarqua-t-il.

- Vous êtes peut-être istar mais vous êtes fort jeune et au tout début de votre mission, remarqua le Blanc, ne soyez pas arrogant.

Le trio de dragons gronda méchamment, s'attirant un regard anxieux du chef du conseil.

- J'ai été beaucoup de chose mais arrogant ? Jamais Sarouman.

- Soyez le bienvenu, trancha Elrond pour couper leur petit affrontement. Reprenons place je vous prie, fit-il à l'attention de tous.

Seulement, il manquait un siège pour le nouvel arrivant. Nefrea rappela son bâton qui vola vers lui et d'un geste de la main, il fit apparaître un siège près de Thranduil, prenant place en laissant les autres se remettre de sa démonstration de magie.

- Le point de mon statu étant réglé, je vous propose de répondre à vos questions, reprit l'istar. Mais avant, permettez moi de poser une chose au nom de Smaug : le Royaume de la Montagne Solitaire appartient à Smaug le Doré et est et restera un Royaume de dragons désormais.

- Ce n'est pas à vous d'en décider, fit Sarouman.

- Je n'en décide pas. Je suis un istar. Mon rôle se cantonne à conseiller, guider, protéger, enseigner. Cela est le message de Smaug. Il tenait a être clair et j'ai accepté de passer le message.

- Les dragons n'ont aucun droit, fit le Blanc. Ce sont des serviteurs des ténèbres, des créations de Morgoth qui ont répandu tellement de malfaisance et de morts en ce monde.

- Pourtant les Valar ont reconnu les dragons comme peuple libre de cette terre, posa-t-il en ahurissant tout le monde.

Il laissa le silence planer avant de reprendre :

- Croyez moi ou non mais c'est la vérité, assura-t-il. Mon protecteur, Mandos, m'a encouragé au nom de tout les Valar à rester à leur côté comme je suis au côté de Smaug depuis longtemps. Ils sont un peuple libre qui a trop longtemps été privé de sa liberté.

- Vous êtes fou, fit Sarouman.

- Je préfère être fou qu'enfermé dans des certitudes et des préjugés qui pourrissent ce monde, rétorqua-t-il. Aucun de vous ne sait ce que sont les dragons. Aucun de vous ne peux juger.

- Que sont-ils selon vous ? demanda Celeborn.

- Si vous souhaitez le savoir, apprenez à les connaître sincèrement, répondit-il. Depuis le temps qu'ils existent, un seul d'entre vous s'est-il déjà réellement intéressé à eux en dehors des moyens de les abattre ? Si vous voulez savoir, intéressez vous et allez leur poser la question. C'est ce que j'ai fait. En revanche, ne comptez pas sur moi pour parlez d'eux ainsi à leur place. Ce qu'ils sont selon moi ? Précieux, irremplaçables, importants et vitaux à ce monde. Pour le reste, Smaug et les siens ne serviront plus jamais les ténèbres. Si vous souhaitez la paix avec eux, il vous suffit de le vouloir. Smaug m'a également demandé de vous faire savoir qu'il était disposé à vous recevoir pour en discuter, répondre à vos questions si nécessaire, en garantissant votre sécurité comme il l'a fait pour le roi Thranduil et le roi Bard lors de leur visite.

- La Montagne Solitaire sera-t-elle en sécurité d'après vous ? demanda Glorfindel. Stratégiquement ?

- Oui. Rien ne remontera du sud ou ne descendra du nord, répondit-il. Nous nous en assurerons. Rien ne passera le territoire de la Montagne. Smaug ne laissera rien passer et se servir de ses terres.

- S'agit-il réellement de Smaug ? demanda Radagast. Je veux dire… Il était…

- Mort ? Oui, approuva-t-il. Mais les dragons ont aussi accès aux Salles de Mandos à l'image des elfes et peuvent se réincarner sur terre. C'est ce que Smaug a fait et avant de dénier que cela soit possible comme je suis certain que cela a été fait, tentez de comprendre pourquoi cela serait possible. Smaug est le premier dragon à le faire pour une bonne raison. Son retour est la meilleure preuve qui puisse être donnée que cela est possible.

- Cela pourrait être magie noire de votre part, fit Sarouman.

- Espèce de vieil aigri insolent, gronda le dragon vert hors de lui en attirant toute l'attention. Tu ne sais rien. Comment oses tu ?! Tous ici nous savons que si maître Nefrea usait d'une telle magie, il n'aurait plus son bâton et ne serait plus reconnu comme istar. La magie de maître Nefrea est plus éclatante et plus belle que n'importe quelle autre. Elle est grande et merveilleuse à un point que tu n'es même pas capable d'imaginer. Vous n'êtes que des enfants malhabiles et maladroits en magie comparé à lui. Maître Nefrea aime la magie, jamais il ne l'empoisonnerait en usant de telles pratiques basses et répugnantes. Les Salles du Seigneur Mandos nous sont ouvertes. Ne soyez pas arrogants à croire que vous êtes les seuls ou que vous savez tout, vous ne savez rien. Et le seigneur Mandos à la reconnaissance des dragons pour nous avoir offert son istar. Alors veille à tes paroles vieil homme, parce que les dragons protègent leurs trésor et que maître Nefrea en est le sommet pour nous, grogna-t-il furieux.

- Merci Lokyn, sourit l'istar. Inutile de t'énerver de la sorte, ce n'est rien.

- C'est grave, renchérit Irazole. Vous n'avez pas à être insulté de la sorte. Vous ne devriez même pas être ici et leur faire grâce de votre temps.

- Je suis certain que Smaug vous expliquera pourquoi cela est si vous vous y intéressez vraiment, sourit-il.

- Et maintenant ? Allez vous restez à Erebor ? demanda Gandalf.

- Bien sûr. Erebor est ma maison depuis un bon moment et les dragons sont mon peuple aussi étrange que cela puisse vous paraître. Je n'ai aucune intention de les quitter.

- Qu'êtes vous au juste ? demanda Elrond. Veuillez m'excusez, cela sonne très indiscret mais je n'ai jamais vu quelqu'un comme vous.

- Je suis unique, répondit-il en lui souriant. Ce corps fut fait pour moi par Mandos pour servir mon âme et ma magie au mieux, puis il fit béni par Ilùvatar. Je suis le seul ainsi.

Bien sûr, Smaug était comme lui, ils étaient Dragnir bien que différents sur leur magie et leur nature première. Mais il laisserait à son compagnon le loisir de se révéler quand il le souhaiterait.

- Pourquoi est-ce ? demanda Galadriel très curieuse.

- Pourquoi cela ne pourrait-il pas être ? répondit-il.