Bonjour à tous, et bienvenue !

Je sais que cette note d'auteur va être longue. Pour autant, je vous demanderai de la lire jusqu'au bout, s'il vous plaît. Les informations données sont importantes.

Tout d'abord, je tiens à saluer les anciens et les nouveaux... Sombres rêves est le tome 5 de la série Une Lueur dans l'Ombre, qui commence avec Les Pièces Secrètes. Il paraît difficile de prendre la lecture en cours de route, même pour donner une chance à cette histoire. En raison du tournant des Chemins Perdus, il faudrait au moins avoir lu ce quatrième tome.

Ensuite, je vous annonce que, à l'instar des Chemins Perdus, Sombres Rêves sera mis à jour toutes les deux semaines en alternance avec une autre histoire. Pour le moment, le premier chapitre de celle-ci n'est pas publiée, aussi vous en parlerais-je plus la prochaine fois. Nous resterons cette fois ci dans le domaine de Harry Potter, avec au programme un voyage dans le temps. Et toujours autant d'exploration de personnages.


Je termine par le plus important, la partie que je veux absolument que vous lisiez.

J'ai longuement hésité sur le rating du tome 5. J'ai décidé de le garder en T, mais si vous me conseillez de le modifier, je reconsidèrerai. L'histoire ne contient pas plus de violence ni de relation sexuelles que les précédents tomes.

Mais, le fait est que nous retrouvons Lucifer, vous le verrez dans quelques lignes, dans un état déplorable. Traumatisé par l'année précédente, soumis aux conséquences des négligences de son enfance.

Je voudrais donner plusieurs avertissements.

1 - Lucifer consulte un thérapeute. Ce thérapeute l'aide à se reconstruire, fait des analyses sur sa vie, sur les faits qui l'entourent. Je n'ai aucune formation en psychologie, simplement une expérience de la thérapie en tant que patient-e. Les propositions du thérapeute à Lucifer sont uniquement valables dans son cas.

2 - Certaines scènes sont dures, car Lucifer n'est pas au meilleur de sa forme mentale. On y évoque des pensées de suicide, de mutilations, des souvenirs de maltraitance.

3 - Je sais, pour en avoir fait l'expérience, que lire un texte ou regarder une vidéo avec un héros suicidaire, déprimé lorsqu'on est soi-même au moins à la limite du mal-être ne soulage pas. Ca n'a aucun effet cathartique : ca empire l'humeur, fait naître encore plus de pensées sombres. Alors, je sais que parmi mes lecteurs se trouvent des personnes qui s'identifient à ce que vit Lucifer, et je n'ai aucune envie de vous empêcher de lire ce tome 5. Mais, je vous en conjure, ne le lisez pas si vous vous sentez déjà mal. Attendez d'être aux côtés de quelqu'un de confiance, attendez d'avoir envie de sourire. C'est important.

4 - Echanger avec vous est très important pour moi, et vous devez vous sentir libre de m'écrire ce que vous désirez. Mais, si vous avez besoin d'aide, raccrochez vous à des professionnels. Je peux uniquement écrire mon histoire, donner de vagues conseils. Je ne suis qu'un-e auteur-e.


Sur cette longue et un peu déprimante note d'information, je vous laisse découvrir le premier chapitre ! Et, pas d'inquiétudes. Des moments heureux, Lucifer en connaîtra ! Dès le second paragraphe, me semble-t-il !


Les grands yeux gris et vides de Cedric le hantaient. Lucifer rouvrit les paupières, les lèvres entrouvertes, et sentit l'air s'accrocher à sa gorge.

-J'y pense chaque jour. Parfois, j'ai l'impression que ne plus y penser serait oublier d'y penser, que ce serait oublier qu'il est mort alors qu'il n'aurait jamais dû l'être, et que je suis vivant. Oublier de penser à Cedric... c'est comme si je n'avais pas le droit de le faire. Ce serait un outrage à sa mémoire.

Le psychologue acquiesça lentement.

-Eh oui. Mais continuer à raviver le souvenir de sa mort ne le rendra pas vivant.

-Je ne peux pas penser à Cedric sans revoir le cimetière !

Il se souvenait du sourire gêné sur les lèvres de son préfet lorsque ses camarades ignoraient ou raillaient Harry, de sa détermination à gagner et de son fair-play inestimable. Il se souvenait de son offre répété de les aider, Noah et lui, avec l'Ancienne Salle Commune sans même savoir de quoi il retournait.

-Harry m'a un jour dit que rien de tout ce qui arrivait n'était ma faute, que Voldemort était responsable des blessures de Noah et de la dissolution de notre famille.

-C'est vrai.

L'homme qui le suivait était entre deux âges, avec des cheveux poivre et sel et une agréable voix chaude et calmante. Il avait deux enfants, qu'il évoquait parfois à titre d'exemple, et une intransigeance surprenante. Mais déjà, les cauchemars de Lucifer s'espaçaient et ses sensations de vide s'estompaient. En raison de l'impossibilité pour l'adolescent d'être suivi durant l'année scolaire, le psychologue avait porté les séances au nombre de trois par semaines.

-Il va bientôt être l'heure, Lucifer. Est-ce que tu penses à ce que je t'ai dit ?

Un travail à faire sur lui-même pour endiguer les crises d'angoisse qui avaient pris une trop grande proportion durant sa quatrième année. Des émotions qu'il refoulait et qui ne trouvaient d'autre moyen de s'exprimer qu'à travers son corps, ou tout du moins une manifestation physique d'un mal-être constant.

-Je n'ai pas eu une vie malheureuse, décréta le garçon. Je n'ai pas été très heureux... vraiment heureux, et j'ai toujours eu la sensation d'être invisible. Mais j'ai toujours été moi-même et j'ai trouvé ma place quand je suis rentré à l'internat, ainsi que l'apaisement réel.

-Je sais que tu es heureux en pensionnat mais tu fais l'impasse sur les moments les plus difficile. Tu as fait une tentative de suicide à onze ans, et tes camarades t'ont harcelé à peu près chaque année. J'entends que tu y es heureux, et c'est excellent si l'évocation du pensionnat est belle pour toi, mais tu as tout de même vécu des choses difficiles.

-J'ai eu Noah avec moi.

L'une des premières questions posées par son thérapeute avait porté sur les envies de vivre, de mettre fin à ses jours, de se faire du mal. Honnête et déterminé à avancer, Lucifer avait évoqué ce que seul son meilleur ami savait. Les psys demeuraient neutres mais ils n'en étaient pas moins humains, et il avait vu le choc passer dans les yeux de l'homme tandis qu'il l'âge de sa tentative de suicide. Les enfants ne devraient pas savoir faire ça.

-Tu as eu Noah, convint l'homme. Mais tu dois aussi pouvoir te reposer sur toi. Je sais, je sais, ajouta-t-il les mains levés, tu détestes cette phrase.

Soulagé que leur entretien se termine sur des souvenirs plus agréables, Lucifer sourit autant à la réaction de son thérapeute qu'à l'évocation de son meilleur ami.

-J'ai pensé à... tout ce que ça implique, admit-il. Je ne sais juste pas...

-On en parlera jeudi, promit l'adulte.

Lucifer hocha la tête et quitta la pièce qui était devenu une sorte de refuge après avoir salué l'homme. Dehors, le soleil était éblouissant et il fut en sueur avant même d'avoir atteint la voiture de sa tante.


Faire la cuisine en compagnie de Pétunia était toujours un moment que Lucifer appréciait. Ses doigts coupaient, épluchaient, dispersaient, et les bruits et sensations de viandes et de légumes l'enchantaient toujours. Il se sentait plus proche de sa tante dans ces moments là, et ils parlaient désormais quotidiennement lorsqu'ils préparaient déjeuner et dîner. La fenêtre, ouverte dans la matinée pour laisser entrer la fraîcheur, était désormais fermée et l'alerte canicule avait été lancée la veille. Vêtu d'un jean et d'un t-shirt Iron Maiden, l'adolescent transpirait mais il forçait son esprit à se focaliser sur les rondelles de carottes que son couteau découpait. Il se sentait agité, et en connaissait pertinemment la raison. Ses pensées dérivèrent vers Noah, vers leur brève étreinte après qu'il ait reçu la lettre de sa tante et il cilla pour se concentrer de nouveau, songeant aux potions qu'il rendait trop légères.

Il tournait en rond dans sa petite chambre, à ressasser les propos de son thérapeute en caressant un Korrigan qui recherchait de l'ombre par tous les moyens. Les mains moites, il se redressa et sortit de la pièce. Dudley se trouvait dans le quartier, sans doute à se battre contre des plus petits quand sa mère feignait de le croire à des thés. Son côté boxeur enchantait Vernon.

-Tante Pétunia ?

Elle nettoyait les plaques de cuisson et Lucifer déglutit. Les yeux posés sur son dos, elle ne répondit pas mais il savait qu'elle avait entendu, et qu'elle écoutait.

-Je ne sais pas quoi faire, commença-t-il. Je suis... perdu. Je me demande...

Ses mots s'empêtrèrent comme trop souvent face à cette femme qui l'avait élevé avec tant de distance. Elle était la seule à qui il puisse se confier, qui puisse comprendre ses doutes sans l'obliger à se retrouver face à lui même. Il désirait cette conversation, ses conseils.

-Noah et moi avons toujours été proches. Nos amis, notre directrice de maison, nous qualifient de fusionnels. Et... je redoute le moment ou nous allons nous revoir.

Il tordait ses mains, mordait sa lèvre, ne sachant comment vocaliser ce qu'il parvenait à peine à organiser en pensée.

-Avant les vacances... Je crois que je suis homosexuel. Je ne sais pas. J'aime Noah, il n'y a que Noah, il n'y aura toujours que Noah. Je ne sais pas ce qui va se passer l'année prochaine, si nous resterons comme nous l'avons toujours été, ou si nous en parlerons. Je l'aime autant qu'il m'aime, mais nous n'en avons jamais parlé.

Sa tante fit volte face et désigna une chaise.

-Assied-toi, ordonna-t-elle.

Le rouquin obéit, anxieux, et elle se plaça face à lui.

-Je vais demander le divorce.

Il leva deux yeux affolés vers elle.

-Je suis ta responsable légale et ta tante. Je dois vous traiter toi et Dudley avec égalité, et je ne pourrais jamais le faire tant que Vernon et moi vous élevons. Je ne l'ai pas fait dans ton enfance, je voulais que Dudley prime sur tout.

Muet, stupéfait, Lucifer écarquillait ses grands yeux bruns. Il entrouvrit la bouche, articulant un « Ne » silencieux.

-J'ai été ravie d'épouser Vernon. Il était délicieusement normal, et détestait tout ce qui était un peu trop excentrique. Il était parfait, méprisait autant que moi la magie, tes parents, ma sœur qui avait brillé toute son enfance et que je n'aurais jamais pu égaler. Et tu es arrivé.

Il secoua la tête, incapable de parler, et tenta un « Je » inaudible.

-Je n'aime plus Vernon. La vie que je mène ne me rend pas heureuse, et si je désire être heureuse, je dois commencer une nouvelle vie.

Elle le fixa et il déglutit, très agité, trop agité.

-Tu es le seul à le savoir. Lorsque tu reviendras, je ne vivrai plus avec Vernon. J'emmènerai Dudley chez un psychologue également, pour qu'il ne me haïsse pas ni ne me méprise sous l'influence de son père. Il doit apprendre à canaliser sa violence et comprendre qu'il n'est pas le centre du monde, et tu dois apprendre à faire confiance et à comprendre que tu ne peux pas sauver... l'univers.

La femme se leva tandis que son neveu demeurait assis et elle appuya son regard.

-Tu seras toujours le bienvenu sous mon toit, et tu y seras toujours chez toi. Tu es le bienvenu à Noël, et même après ta majorité, tu auras une chambre dans ma maison.

Pétunia ne lui avait jamais parlé à cœur ouvert, et il réalisait ce qu'elle lui donnait. Emu au delà des mots, il se leva à son tour, hésitant. Ses questions, ses propres doutes n'avaient pas obtenu de réponses. Elle se retourna, comme en écho.

-Tu connais Noah bien mieux que moi et vous en parlerez. Je l'accueillerai toujours également.

Elle lui offrait ce qu'elle aurait réservé à la femme de Dudley, à l'une de ses petites amies qu'il n'avait pas encore.

Lentement, Lucifer réalisa ce que signifiait être aimé, se sentir aimé. La chaleur sécurisante qui s'en dégageait se mêlait à son bouleversement caractéristique.


Lucifer se tordait les doigts en regardant ses genoux. Il massa index et majeur à l'aide de ses pouces, fit crisser ses ongles sur sa peau sans laisser de marquer. Il sentait le poids du regard chaud de son psychologue sur lui mais ne parvenait pas à relever la tête.

-Je sais que Tante Pétunia...

Les mots s'étranglèrent dans sa gorge sans passer la barrière de ses lèvres. Ils ne paraissaient pas réels. Il tenta vainement d'ordonner ses pensées, s'emmêlant et commença à paniquer. Son souffle erratique alerta le thérapeute.

-Qu'est-ce qui te viens à l'esprit ? Comme ça, même désordonné ?

-Je... Elle... m'aime. On dirait. Je sais pas. Elle ne l'a pas dit. Si elle ne l'a pas dit, je ne peux pas en être sûr, pas après... tout ça.

Ses doigts tordirent un peu trop violemment ses poignets, laissant des marques rouges. Le psychologue ne commenta pas ce fait.

-Lucifer, certaines personnes sont incapable d'exprimer leur amour par des mots. Ce sont leurs actes qui comptent.

-Je sais, gémit-il, au bord des larmes. Mais...

-Laisse moi finir. Tu as du mal à reconnaître l'amour parce que tu en as longtemps été privé, ce qui a créé chez toi un manque affectif à combler par tous les moyens. Je suis très heureux que Noah ait été là pour y pallier, mais l'amour d'une mère, d'un père, est très différent. James ne t'a jamais montré qu'il t'aimait inconditionnellement, tu as eu l'impression que tu n'étais pas digne de son amour, et qu'il dépendait de ta capacité à égaler ou protéger ton frère, voir même à ne jamais le surpasser. Il faut que tu acceptes que James ne te donnera pas l'amour dont tu as besoin, du moins pas dans l'immédiat. En revanche, comme tu tentais de le dire, ta tante...

Il suspendit ses mots et adressa un regard sérieux à l'adolescent qui leva rapidement les yeux avant de les baisser de nouveau.

-Ma tante... m'aime. Me traite comme son fils, et je l'aime. Si James me fait de nouveau souffrir, elle ne le laissera pas passer.

L'homme en face de lui esquissa un réel sourire, et Lucifer essuya vaguement les larmes qui avaient coulé sur ses joues avant de se redresser pour le regarder.

-Te sens-tu prêt à appréhender la suite de l'été ?

-Je suis heureux de revoir Noah, Harry et Sirius, mais je n'ai reçu que quelques lettres vagues. Je pense être prêt à voir mon père, mais je ne puis garantir que je ne serais pas de nouveau blessé, ou peiné.

-Moi non plus. Tu as fait des progrès, Lucifer, mais tu n'iras mieux qu'après une longue thérapie. Si ça ne tenait qu'à moi, je te ferais venir toutes les semaines. Tu as vécu de difficiles épreuves et je ne penses pas que te laisser ainsi sans soutien soit une bonne chose.

Le rouquin hocha la tête sans mot dire.

-Je peux t'adresser à des confrères en Ecosse, si tu me donnes l'adresse de ton pensionnat.

Lucifer se tendit et passa une main nerveuse sur son t-shirt.

-Les sorties ne sont pas autorisées. En cas de problème, j'irais voir ma responsable de dortoir.

Son thérapeute hocha la tête avec gravité et l'adolescent regretta de ne pouvoir être entièrement honnête. Il ressortait parfois de l'endroit plus désespéré qu'il n'y était entré, mais il s'agissait d'un espace sécurisé où il pouvait exprimer toutes ses angoisses.


James se présenta le 31 Juillet à dix heures piles à Privet Drive, comme à son habitude. Harry l'accompagnait, et il attira son frère dans une étreinte d'une force surprenante. Lucifer la lui rendit, et lorsqu'ils se séparèrent, leur père et Pétunia se jaugeaient silencieusement dans une atmosphère vibrante de tension.

-L'Ordre a veillé sur Lucifer, annonça l'homme, mais à présent qu'il n'est plus là, je vais poser des sortilèges d'alarme sur votre maison. Le sang de Lily vous protège mais nous ne prenons aucun risque.

Pétunia hocha sèchement la tête alors que l'homme partait faire le tour du propriétaire et Harry la dévisagea.

-Vous êtes ma tante, déclara-t-il soudain. Je... ne l'avais jamais réellement pris en compte. Je suis désolé.

Un nouveau hochement de tête sec lui répondit, et Lucifer se concentra sur Korrigan qui feulait depuis son panier, ébranlé par l'animosité qui régnait dans la pièce.

-Ecris moi si tu as besoin de quoi que ce soit, ordonna la femme à son pupille.

-C'est promis, répondit-il d'une voix étranglée.

James revint, essuya ses mains sur le jean moldu noir qu'il avait enfilé pour l'occasion, et empoigna la valise de son fils.

-Si Lucifer manque une seule heure de thérapie, je viendrais le chercher moi même, avertit Pétunia. Et s'il exprime, par n'importe quel moyen, un malaise face à son séjour chez toi, si tu le rend malheureux, je le ramène ici jusqu'au cinq septembre.

L'Auror la fusilla du regard, mais une lueur de respect et de reconnaissance s'alluma dans le regard vert d'Harry, dont les épaules se détendirent soudainement.

-Ces allers-retours sont de la folie, gronda leur père. Nous sommes sous Fidelitas, dont le Gardien du Secret est le sorcier le plus fiable et le plus puissant de notre siècle. Vous risquez une attaque de Mangemorts !

-Lucifer a besoin de ces soins, je les lui fournis.

Le ton était sans appel, et l'adolescent recula légèrement vers sa tante, la remerciant silencieusement. Son cœur battait la chamade et il sentait la sueur coller sa chemise sans manche. L'attention qu'elle lui prodiguait le bouleversait toujours, bien qu'elle soit devenue habituelle ces dernières semaines.

-Tu auras du mal à venir, grinça James. Tu ne sais pas où nous sommes. Je m'occupe correctement de mon fils.

Les yeux perçant de leur tante se glacèrent et son expression se figea. Lucifer inspira profondément. Il avait conclu avec son thérapeute un accord qu'il lui faudrait honorer, mais l'idée même le rendait si nerveux que ses jambes en tremblaient. Il attrapa la cage de Korrigan dans une main, posa l'autre sur le bras de Pétunia, et déposa un baiser furtif sur sa joue.

-A bientôt, Tante Pétunia.

Les joues et les lèvres brûlantes, il attrapa la main de son père et fut emporté par le transplanage d'escorte, laissant une femme tout aussi bouleversée derrière lui.


Le 12, Square Grimmaud comprenait suffisamment de chambres pour que l'Ordre puisse y être accueilli. Sirius logeait de fait les Weasley, qui tant que les vacances n'étaient pas terminées se trouvaient ainsi sur place en cas d'urgence, les Potter pour les mêmes raisons, Remus et Hermione. Au repas s'ajoutaient souvent des visages dont Lucifer peinait à retenir les noms : Tonks, Kingsley, Maugrey, mais également un petit truand et deux sorciers très complices. L'agitation n'était pas sans rappeler celle de la salle commune des Poufsouffles.

-Les courriers pouvaient être interceptés, Dumbledore refusait que nous y mettions trop d'informations, s'excusa Sirius après l'avoir pris dans ses bras un long moment. Comment vas-tu ?

-Je ne sais pas, admit Lucifer de cette même réponse triste qu'il offrait souvent à son psychologue. Je rêve de Cedric toutes les nuits, et Noah me manque... mais je suis ici, à présent. Je regrette l'absence de ma tante, de toutes les personnes auxquelles je tiens réunies en un même lieu. J'éprouve l'impression que seul cela me permettrait d'être complet.

-Pétunia ? releva Sirius avant de grimacer sous un coup de coude de Remus. Je ne l'ai jamais rencontrée, mais Lily en parlait souvent. La réunion va commencer, Lucifer, mais ce soir, nous fêtons votre anniversaire !

Il offrit un sourire éclatant à l'adolescent, qui sentit ses commissures de lèvres se relever. Il se réfugia en haut en compagnie des autres étudiants non conviés à la réunion de l'Ordre du Phénix, et apprit que Percy avait rompu les liens avec sa famille et que Fred et Georges fulminaient de ne pouvoir être intégrés car majeurs.

Dans sa courte existence, Lucifer n'avait eu que trois anniversaires qui lui avaient été réellement consacrés : le premier dont il ne pouvait se souvenir, le treizième, à la Demeure Weber, et le fugace précédent. Le Square Grimmaud, pour l'occasion, avait été recouvert de banderoles et deux gâteaux confectionnés par Molly Weasley à l'effigie de Poufsouffle et Gryffondor firent saliver les convives.

-J'étais à Poufsouffle moi aussi, commenta joyeusement Tonks devant le blaireau au chocolat blanc et noir. Nous sommes ceux ayant les lits les plus confortables et les plus grands !

-Il est dit dans l'Histoire de Poudlard que Serpentard pensait que la vie à la dure forgeait de meilleurs étudiants, plus féroces, agréa Hermione, et que Poufsouffle a fait de sa maison un confortable cocon où l'amour aiderait les étudiants à s'épanouir.

Lucifer cilla, surpris, puis des images de sorts écarlates et noirs surgirent dans son esprit, des murs humains et des corps qui tombaient. La tristesse l'enveloppa. Les premiers jets de la Nuit n'étaient pas encore terminé, et ils manquaient d'innombrables informations, tels que certains noms de famille et des dates précises. Lui et Noah n'avaient toujours pas trouvé d'informations sur le déroulement du procès.

-Lucifer ? s'inquiéta Harry.

-Je pensais... à ce dont j'ai discuté avec Bathilda Tourdesac.

-Les bougies fondent, fit remarquer son jumeau. A trois ?

Ils soufflèrent ensemble, et leurs doigts se frôlèrent et s'entrelacèrent. Les applaudissement crépitèrent puis ce fut la distribution des cadeaux. Malgré la tempête au dehors, Lucifer se sentait à sa place.

La présence de Mondingus Fletcher, l'escroc si loyal à Dumbledore, jouait avec les nerfs de Molly Weasley autant que ses relations tendues avec James et Sirius.

-Elle leur reproche de me tenir bien trop informé à son goût du contenu des réunions de l'Ordre, expliqua Harry à son frère alors qu'ils s'acharnaient à décrocher des doxys de rideaux miteux. Selon elle, un enfant n'a pas à être impliqué dans d'aussi dangereuses missions.

Il éclata d'un rire amer et sans joie avant de bombarder un nid de doxycide.

-Nous devrions racheter des rideaux et brûler ceux-ci, commenta Lucifer. Une couleur plus vive et de la nouveauté transformerait la maison et aiderait Sirius à ne plus s'y sentir piégé. Que sais-tu sur l'Ordre ? Que font-ils ? En fais-tu partie ?

Son cœur se serra et il sentit la panique l'envahir mais son jumeau lui envoya un regard noir.

-Papa refuse, et Dumbledore, à condition qu'il daigne prêter attention à moi, l'appuie. Excuse moi. Il ne me doit rien, mais il nous a toujours aidés, chaque année, et il ne m'adresse pas un regard aujourd'hui. Si j'en avais fait partie, Lucifer... Tu en aurais fait partie également.

Le rouquin hocha la tête, ni oui, ni non, perdu entre ce que signifiait réellement la prophétie qui pesait sur son jumeau et lui, la protection de Lily et leur cicatrice et le statut de Survivant. Harry était une personnalité publique, un emblème qui rassurait le peuple de Grande Bretagne dans la guerre contre Voldemort.

-La prochaine fois que je vois Fred et Georges, je leur demanderait d'incendier ces rideaux, maugréa de nouveau le Gryffondor. Sirius... ne veut rien entendre. Il déteste être coincé ici, déteste être forcé à ne pas sortir pour sa propre sécurité, déteste le fait de devoir parler à Papa chaque jour sans qu'il ne reconnaisse ses torts.

Le temps parut se suspendre et pour la première fois depuis que Lucifer était arrivé, les deux frères ancrèrent leurs regards dans une atmosphère tendue de non-dits. James et Lucifer échangeaient des paroles badines, mais aucune réelle discussion n'avait encore eu lieu entre eux, et Harry se dérobait chaque fois que son père tentait de le toucher. La fureur alluma ses yeux émeraudes.

-Il désire t'entraîner dans des sessions individuelles à présent que tu as le statut de Survivant, gronda-t-il. Sirius s'y est opposé, appuyé par Molly, et Remus refuse de prendre partie !

-Qu'en penses-tu ? demanda doucement le rouquin.

La colère bomba le torse de l'adolescent, dont les cheveux avaient été raccourcis depuis juin, et dont la silhouette finement musclée s'affinait tandis que Lucifer demeurait légèrement plus trapu.

-Pour l'amour de Merlin, Lucifer ! Peu importe ce que je pense ! Qu'est-ce que toi, tu veux ? Tu réfléchis et analyse avec une telle précision que tu as été aussi efficace que moi ces quatre dernières années. As-tu envie d'un entraînement martial ?

-Tu en serais rassuré, commenta son frère, mais en réalité, Ron, Hermione et Noah sont toujours avec nous. Ils devraient être pris en charge également.

Harry flanqua un coup de bombe insecticide rageur à un doxy encore un peu vivace puis se tourna vers son jumeau, les poings serrés. Instinctivement, Lucifer se tendit et s'apprêta à encaisser une douloureuse tirade.

-Prends un peu soin de toi ! Je refuse que tu meures, Lucifer, ni en me protégeant, ni face à Voldemort. Mais Papa ne veut t'entraîner que parce que tu as désormais le même statut que moi, et non parce que tu es son fils. Il t'a abandonné, sous aucun critère. C'aurait pu être moi, et c'est tellement absurde ! Il t'a abandonné juste parce que tu n'avais pas accompli le même exploit que moi !

-Je sais ! cria Lucifer. Mais aujourd'hui, tu es réellement son fils et il t'aime. Il ne m'aimera jamais autant qu'il t'aime, je suis son fils mais je ne serais jamais réellement son enfant. Et peut-être... Peut-être qu'il y a plus dans mon abandon que simplement...

Des larmes roulèrent sur ses joues. Il prit vaguement conscience des cris de Walburga Black, au bout du couloir, et du fait que le reste des habitants pouvaient certainement attraper quelques mots, mais il n'en avait cure. Harry et lui ne se disputaient pas plus qu'ils ne mettaient au point de douloureux ressentis : ils hurlaient leurs frustrations ensemble.

-Je ne lui pardonnerai jamais, grinça Harry entre ses dents. Des années durant, il m'a répété que tu ne voulais que ma gloire, malgré mes protestations. Avant... même que nous nous rencontrions, il m'a averti que ce serait dur... que tu serais jaloux... Il n'a jamais prétendu qu'il... Il m'a privé de treize années avec toi, et il ne s'excusera jamais, persuadé que ses méthodes d'éducations sont indiscutables. Je suis certain que Barty Croupton Senior pensait la même chose !

La violence de son jumeau fit tressaillir Lucifer, mais Harry leva la main alors qu'il ouvrait la bouche.

-Je suis tout autant un petit crétin arrogant que lui. Rogue avait raison, en un sens -et-ne-t-avise-pas-de-répéter-cela-à-qui-que-ce-soit. Je ne me pavane pas dans le château en pensant qu'il m'appartient, mais je t'ai repoussé, ignoré, malmené, alors que si par pur hasard les rôles avaient été inversés, tu aurais cherché à m'atteindre et peut-être aurais-je réellement été jaloux de toi.

-Tu ne peux pas le savoir, coupa Lucifer. L'Histoire ne peut être réécrite et nul ne peut jamais être certain de la manière dont il aurait réagi en une situation donnée. Tu es quelqu'un d'exceptionnel, Harry, brillant, altruiste, courageux, et prêt à tout sacrifier pour sauver le monde, tes amis ou ceux qu'ils aiment.

Son frère soupira et passa une main dans ses cheveux. Le rouquin se promit à cet instant qu'il ne saurait jamais que le jeune Poufsouffle avait attenté à ses jours durant leur première année. Il posa une main maladroite sur son épaule, et l'adolescent ne se dégagea pas.

-Et tu sais quoi, Lucifer ? Je ne vaux pas mieux que n'importe qui. Je suis juste Harry, et j'ai à chaque fois eu de la chance, je n'ai jamais été seul. Je ne suis juste Harry, je n'ai rien de plus que les autres sinon une prophétie sur mes épaules que tu partages. Il s'agit de la seule raison pour laquelle je refuse que d'autres se battent contre Voldemort. Ils n'y sont pas moins aptes, mais ils y mourraient inutilement car nous sommes les seuls qui pourront le vaincre. La prophétie est en marche, comme te l'expliquerait Noah. Chaque fois... j'ai fais ce que j'avais eu à faire.

-Je sais, murmura Lucifer. Tout comme moi.

Harry agrippa sa main, et ils contemplèrent les rideaux infectés de doxys en songeant à Sirius, à leur passé, et à l'imbroglio qu'était leur vie.


Lucifer,

Tu me manques tant que j'en souffre physiquement. Je te savais en sécurité auprès de ta tante, aimé et loin de Voldemort.

A présent, tu es de retour dans le monde sorcier, et je cauchemarde chaque nuit de ce qui s'est produit dans le cimetière. Pardonne m'en, je t'en prie, car je sais que tu en culpabiliseras quand tu n'en es en réalité pas responsable. J'ai toujours su que cela se produirait, Lucifer, toujours su ce qu'être proche de toi impliquait.

A présent que tu es de retour dans le monde sorcier, crois-tu que nous pourrions nous revoir ? Ton père et ses amis craignent sans doute pour ta sécurité, mais mes parents peuvent se porter garant des protections de la Demeure Weber.

Je passes de nombreuses heures auprès de Cygnus, ainsi que tu le sais, et j'explore les greniers. Un vieil artefact a mordu ma main et elle est devenue noire. Mes parents sont aussitôt intervenus et quelques minutes de plus m'auraient conduit à Sainte Mangouste. Je porte la trace des crocs en cicatrice, mais Papa m'a affirmé qu'en tant qu'explorateur, il avait écopé de quelques marques personnelles. Lydia doit désormais m'accompagner dans les greniers, et puisque je ne désire pas qu'elle travaille trop, j'étudie désormais la bibliothèque familiale.

Je semble bien occupé, et Sally-Ann m'a plus ou moins discrètement indiqué que j'oeuvrais pour ne pas penser. Je crains qu'elle n'ait raison.

Les doxys périront si tu brûles les rideaux, sans aucune conséquence. Je suis furieux que le Ministère n'ait toujours pas programmé le procès de Sirius. Le dossier a été rouvert plus d'un an auparavant. Notre cinquième année est celle des BUSE et celle où nous commençons à décider de notre orientation professionnelle. J'hésite entre fuir à tous prix le Ministère et m'infiltrer dans le Département de la Justice Magique afin de faire une différence.

Ils ne tiendront pas le procès de Sirius, Lucifer, avant que la guerre ne soit terminée au moins. Voldemort est de retour, et ils sont trop aveuglés par le pouvoir pour faire ce qui est le mieux pour le pays. Le pouvoir corrompt et pourrit de l'intérieur, et le Ministère sera personnellement responsable des morts à venir.

Tu me manques, Lucifer

Noah

Les hiboux pouvaient être interceptés par le Ministère ou les Mangemorts, et tous ceux ayant connaissance de l'Ordre du Phénix avaient pour consigne de n'apposer aucune information sensible par écrit. De fait, Lucifer et Noah s'en tenaient prudemment à une lettre par semaine depuis qu'ils étaient rentrés, mais l'absence de l'autre leur pesait mutuellement. Les mots de son meilleur ami déchirèrent l'adolescent, qui s'en ouvrit à Sirius, lui demandant s'il pensait possible que Noah le rejoigne, ou qu'il passe quelques jours chez les Weber.

-Tu serais mieux là bas, grommela Sirius. L'endroit est lumineux, plein d'histoire, et au grand air. Mes très cher parents ne cessaient de regretter que les Weber refusent de se joindre à Voldemort ou de conclure des mariages d'alliances avec les autres familles sacrées. Ma tante aurait beaucoup aimé voir Andromeda ou Bellatrix mariée à Ebenezer, et je sais qu'elle avait approché Prunille pour Regulus.

Ses yeux brillaient et le rouquin ne sut dire si c'étaient de larmes ou de souvenirs.

-Mon petit frère, expliqua Sirius. Il s'est enrôlé chez les Mangemorts à seize ans, l'imbécile, et lorsqu'il s'est rendu compte de ce que cela impliquait réellement, il a voulu déserter. J'ai appris sa mort par la Gazette et je crois bien que la vieille harpie également.

Lucifer se retint prudemment de tout commentaire, restant sagement assis en tailleurs sur sa chaise, brûlant de curiosité pour l'histoire de Sirius et l'Histoire de la Première Guerre. Il devinait que l'homme n'en parlait jamais, et qu'il le choisisse pour entendre ces mots le touchait profondément.

-Tu devrais aller voir la tapisserie de la Noble et Très Ancienne Maison des Blacks, conseilla Sirius. Tu y trouveras de nombreux noms, de nombreuses alliances qui t'intéresseront, mais aucun Weber. Prunille aurait pu être intéressée par Regulus avant qu'il ne soit intégré dans les Mangemorts, mais il partageait certain points communs avec toi, que nul n'a sans doute jamais soupçonnés, à part moi et ce maudit elfe. J'ai été renié et effacé de l'arbre généalogique, et je suis allé chez James. Leurs parents m'ont accueilli comme leur propre fils, ton père et moi étions aussi proches que des frères... Et j'avais laissé tomber le mien. J'ai tenté d'emmener Regulus avec moi, mais il était trop endoctriné pour m'écouter.

Sirius secoua la tête pour s'extraire de ses mauvais souvenirs et adressa un sourire sans joie à Lucifer.

-Je parlerais à James. Noah et toi avez besoin de vous voir. N'importe qui pourrait deviner qu'il ne s'est pas remis de l'année dernière.

Le garçon hocha la tête, une boule dans la gorge et sentit l'air s'accrocher à sa trachée. Il inspira profondément mais déjà les larmes lui montaient aux yeux et il sentait ses muscles le lâcher. Sirius le rattrapa aussitôt.

-Ce n'était pas ta faute, lui assura-t-il.

-Si. Si. Si. Si. Si. Si. Si. Bien sûr que si. Si. Oui. Noah.

Ses pieds se mirent à tremblée de façon incontrôlée, ses mains s'agitèrent et il respira de plus en plus fort. Sirius s'assit par terre et attira le garçon contre son torse, le serrant avec une force qui rasséréna l'enfant.

-Lucifer, Lucifer, je suis ton parrain et je t'aime. Calme toi.

La porte de la pièce claqua violemment et une personne s'agenouilla auprès de lui.

-Lucifer !

Harry. La main de son jumeau s'enroula avec force autour de la sienne et il le prit dans ses bras à son tour.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

-Je ne sais pas, admit Sirius. Harry, ce qui s'est passé l'année dernière n'était pas votre faute.

-Je n'aurais jamais dû laisser Cedric se faire tuer, cingla l'adolescent.

L'adulte démuni se contenta d'une accolade puissante pour ses deux filleuls, devant attendre que la crise d'angoisse passe sans savoir quoi dire.


Les plats concoctés par Molly Weasley étaient toujours délicieux et Lucifer la remerciait à chaque fin de repas. En cette chaude soirée de mi-août, Tonks et Shacklebot étaient restés dîner, et les adolescents s'estimaient heureux que le Square Grimmaud soit aussi humide, de sorte qu'ils étaient à l'abri de la canicule.

-Tu sais Lucifer, je suis surpris que tu aies posé aussi peu de questions concernant l'Ordre et Voldemort, commenta Sirius. Je me doute que Harry t'a transmis tout ce qu'il sait, mais tu aurais pu avoir d'autres interrogations.

Tous les regards se tournèrent vers le rouquin, qui sentit ses joues devenir aussi écarlates que ses cheveux non teints. James s'était tendu, Molly paraissait furieuse, Maugrey le dévisagea, Tonks et le reste des Weasleys paraissaient intéressés, et Harry le regardait, l'encourageant du menton à poser des questions.

-J'aurais voulu savoir en quoi consistait exactement la prophétie afin de pouvoir l'étudier, dit enfin le Poufsouffle après un silence, cependant Harry ignore son contenu et je doute que vous acceptiez de nous la communiquer.

-En effet, répliqua vertement James. Il est inutile que vous l'entendiez et, après les événements de Juin, nous ignorons à quel point elle est fiable.

-Ce n'est pas une conversation à avoir en présence des enfants ! S'écria Molly. Que je ne puisse pas empêcher James d'en parler à ses fils, soit, mais en ce qui concerne les nôtres...

-Nous sommes majeurs ! se récrièrent Fred et Georges.

-Harry nous racontera tout, répliqua Ron tandis qu'Hermione approuvait vigoureusement.

Après un débat relativement houleux, Ginny fut sommée d'aller dans sa chambre sitôt son assiette terminée, et la jeune fille s'appliqua à terminer de dîner très lentement.

-Il me semble que j'ai eu toutes les informations... déclara lentement Lucifer. Si jamais il m'en viens d'autres, je les demanderai. Merci, Sirius. J'aurais simplement voulu savoir... ce qui a été dit à l'Ordre en ce qui concerne... le cimetière.

Sirius et Remus échangèrent aussitôt un regard entendu, et la main d'Harry vint se poser sur l'épaule de son jumeau.

-L'Ordre doit lutter au mieux contre Voldemort, expliqua calmement Kinsgley de sa voix profonde. Nous savons que tu es, au même titre que Harry, celui qui doit vaincre Voldemort, et que le combat sera mené par vous deux.

-QUOI ? s'écrièrent violemment Fred et Georges.

Lucifer comprit qu'Harry avait respecté son vœu de garder l'information secrète : elle n'avait été transmise qu'à Ron et Hermione comme lui l'avait transmise à Noah.

-Pourquoi est-ce qu'on ne savait pas ça ? s'indignèrent les plus vieux Gryffondors.

-Parce que cela regarde Lucifer, répondit rapidement Sirius. Il a passé des années dans l'ombre, à être ignoré de la population quand il n'était pas incendié ou utilisé pour être le frère du Survivant. Vous avez interdiction de dévoiler cette information sans son consentement. S'il fait le choix d'être toujours dans l'ombre de façon à pouvoir mieux gérer son rôle, alors il doit être respecté.

Le silence tomba. Ginny croisa le regard du Poufsouffle. Elle lui adressa un doux sourire sincère, et il hocha la tête avec reconnaissance.

-En parlant de ça, ajouta James, tu es ici depuis une semaine et nous n'avons toujours pas eu de séance d'entraînement seul à seul. Nous commençons demain.

Lucifer se tendit malgré lui. La perspective de se retrouver seul avec son père le tétanisait : il craignait les remontrances de l'homme, les remarques sur le fait qu'Harry était bien plus doué que lui, les mots acerbes et cruels qui pouvaient sortir de sa bouche. Ils ne s'étaient jamais retrouvés tous les deux seuls et il ignorait si l'Auror n'allait pas bouleverser ses émotions et tenter de lui faire endosser le statut de Survivant, ainsi qu'obtenir sa garde.

-Super, lança Harry. Comme ça tu vas pouvoir savoir quels sorts il est capable de lancer, et peut-être enfin la forme de son patronus ! Par contre, en ce qui concerne ses goûts, ses sentiments et son besoin d'amour, tu continueras de rester ignorant et cela t'ira très bien puisque tu connais les miens !

James fusilla son fils du regard.

-Ecoutes moi bien, Harry, j'ai toléré tes remarques ironiques et ton comportement durant tout juillet, mais tu vas t'arrêter immédiatement. Même si tu as l'impression que je t'ai menti et que j'ai fait une erreur en éloignant ton frère de toi, rien ne t'autorise à me parler sur ce ton.

-Tu ne répares même pas ton erreur, cingla l'adolescent entre ses dents. Tu décides de t'occuper de lui comme tu veux, sans s'intéresser à ce qu'il ressent.

Le reste de l'assemblée était silencieuse, et avait détourné le regard, à l'exception de Sirius qui fixait son filleul avec une fierté palpable et Remus, sur le qui-vive, prêt à intervenir.

-Lucifer veut visiblement être laissé tranquille, répliqua son père, et il viendra me voir quand il sera prêt. Je l'aime, et rien n'a jamais changé, ni ne changera, ça.

-Il ETAIT PRÊT ! hurla soudain Harry, hors de contrôle. IL ETAIT PRÊT LE JOUR OU TU L'AS RECUPERE CHEZ LES DURSLEYS POUR LA PREMIERE FOIS ! PRÊT A TE DONNER TOUT L'AMOUR DONT IL DISPOSAIT, PRÊT A TOUT POUR ÊTRE TON FILS, VIVRE AVEC TOI, SANS MÊME S'APESANTIR SUR LE FAIT QUE TU L'AI AVANDONNE DIX ANS !

-Harry... gronda James.

L'adolescent se leva, poings sur la table, irradiant de fureur, et toute la frustration éprouvée par Lucifer ces dernières années, qu'il avait tenté d'exprimer sans jamais être entendu, passait par la rage de son jumeau.

-TU L'AS REPOUSSE UNE FOIS, DEUX FOIS, CHAQUE FOIS ! TU NE T'ES APESANTI QUE SUR MES SUCCES QUAND IL AVAIT LES MÊMES, EXACTEMENT LES MÊMES, MAIS QUAND TU NE LUI REPROCHAIS PAS D'ÊTRE UN FARDEAU QUI VOULAIT MA GLOIRE TU LES IGNORAIS ! TU ES VENU A POUDLARD, TU M'AS EMMENE DEJEUNER A PRE-AU-LARD SANS JAMAIS LUI PROPOSER DE VENIR !

-Ca suffit, siffla James. Sors de table.

Il avait bombé le torse et se leva également, sa baguette dans une main.

-IL ETAIT PRÊT ! ET IL NE REVIENDRA PAS VERS TOI SI TU NE VAS PAS VERS LUI. C'EST A TOI D'ALLER VERS LUI ! A TOI DE T'INTERESSER A LUI ET PAS SEULEMENT AU FAIT QU'IL AIT VAINCU VOLDEMORT !

Dans la poigne de fer qui liait les deux jumeaux, l'énergie déployée par Harry qui parlait pour son frère épuisait également Lucifer. L'adolescent fini par se taire, puis éclata d'un rire amer secoué de sanglots.

-Tu sais quoi, Papa ? Je n'en veux pas moi-même de cette gloire, pourquoi en aurait-il voulu ? Je me suis dressé contre Voldemort parce que je n'avais pas le choix, mais je ne tire aucune fierté de tout ce qui s'est produit. Sans Ron et Hermione, je ne serais jamais arrivé face à Quirrell, sans Hagrid je n'aurais jamais compris ce que renfermait la chambre des secrets, sans mes amis, Noah et Lucifer, Sirius aurait été embrassé par un Détraqueur et je n'aurai pas survécu cinq minutes dans le Tournoi des Trois Sorciers.

Il s'extirpa de l'étreinte des doigts de son frère et quitta la pièce sous un silence de plomb. Hermione pleurait et Ron lui tapotait maladroitement le dos, Molly s'était détournée pour cacher son émoi et les membres de l'Ordre restaient figés de stupeur.

-Je t'ai dis, James, commença Remus, ce que je pensais de ton comportement envers Lucifer, mais mon avis ne t'a jamais arrêté quand tu étais persuadé d'avoir raison.

-Ne te mêle pas...

-Si tu veux réellement une relation avec Lucifer tu as du chemin à faire, le coupa Sirius. Tu vas devoir apprendre, et ça commence par lui demander ce qu'il aime, comment s'est passé sa journée, comment vont ses amis, si tu peux l'aider,... Par des banalités. Si tu t'inquiètes pour son entraînement, Remus et moi nous en chargerons.

-C'est comme ça, hein ? siffla James entre ses dents avant de prendre le même chemin que son fils.

La porte d'entrée claqua et Walburga Black se mit à hurler de plus belle. Lucifer tremblait et l'air s'accrocha à sa gorge.

-Ca va aller, mon chéri, lui promit Molly. Ca prendra du temps, mais ça s'arrangera.

Elle l'attira dans une étreinte maternelle et il fondit en larmes malgré lui dans ses bras si chaleureux.


Remus déposa Lucifer quelques minutes avant l'heure de son rendez-vous chez son thérapeute, comme à l'accoutumée. Il montait ensuite la garde durant les quarante-cinq minutes que durait le rendez-vous, et laissait le temps à l'adolescent le temps de se remettre de la séance en l'emmenant se promener dans le parc non loin du cabinet. La porte s'ouvrit sur le psychologue, qui serra la main de son patient.

-Bonjours Lucifer. Comment-vas tu ?

-Je ne sais pas.

Les larmes commencèrent aussitôt à couler, et l'homme se pencha en avant.

-Je ne sais pas, répéta-t-il. Je ne sais pas. Je me sens atrocement mal.

Il gémit et resserra ses jambes contre lui en position foetale.

-Tout est de ma faute.

-Quoi exactement ?

-Tout ! Toute la situation, tout, la mort de Cedric, la réapparition de Voldemort, et j'ai fait souffrir Noah au delà de l'imaginable. Harry ne parle plus à James. Si je n'avais pas été là, Harry serait heureux avec no... son père, et Noah n'aurait pas eu à souffrir autant.

Il sentit le regard clair de son thérapeute se poser sur lui et le jauger.

-As-tu envie de mourir, Lucifer ?

-Non, gémit-il. Non parce que ce serait encore pire pour Noah qui mourrait aussi, pour Harry, pour les combats contre Voldemort... Je voudrais juste ne jamais être né. Tout irait mieux si je n'étais pas né.

La douleur augmenta encore d'un cran et il sanglota, les yeux fermés, se sentant aussi méprisable que pitoyable.

-Tu ne peux pas regretter d'être né, Lucifer. Il n'y a rien que tu puisses faire contre cela. Tu le sais parfaitement : nul ne peut réécrire l'Histoire, et il ne sert à rien de passer sa vie à se demander ce qui serait passé si untel avait agi autrement.

-Mais ça reste de ma faute. Si je n'avais pas été là, Voldemort n'aurait pas été aussi fort. J'ai permis qu'il revienne faire du mal aux nôtres.

Le psychologue soupira et se rassit au fond de son siège.

-Tu n'es pas responsable des morts, ni du fait que cet homme soit un meurtrier ou que la police de la ville où il se trouve soit trop corrompue pour l'arrêter. Je peux t'aider, Lucifer, mais ces choses prennent du temps.

Il inspira profondément.

-Regarde moi, s'il te plaît. Ainsi que je te l'ai dit lors de nos premières séances, ce que tu ressens est parfaitement normal. Je t'ai donné des exemples, nous avons retracé les événements ensemble : tu n'aurais pas pu arrêter cette balle. Je vais te faire part de l'un de ces dilemmes moraux que l'on trouve dans des jeux pour soirée, ou en débutant la philosophie. Le feu se déclare dans un immeuble. Cinq personnes inconnues se trouvent dans un appartement, ton frère dans un autre, et tu ne peux les sauver tous. Cela ne fait pas de toi une mauvaise personne que de sauver ton frère, une seule personne, au lieu de cinq. Peu de gens sauveraient les cinq, moi le premier je choisirais mon frère, mes enfants, ma femme. C'est humain. Il faut que tu l'acceptes, alors seulement tu pourras te pardonner.

Lucifer hocha la tête, cessant de trembler tandis que les larmes affluaient toujours. Le thérapeute l'interrogea sur les raisons de la dispute entre James et Harry et hocha la tête lorsque son patient lui relata la soirée.

-Pourquoi penses-tu que tu es responsable ?

-Je ne sais pas, murmura Lucifer. Je vous l'ai dit, je ne sais pas. Je me sens responsable.

-Tu as l'impression d'être responsable parce que lorsque ton frère acceptait les dires de ton père sans sourciller, ils s'entendaient bien, et tu souffrais. Que Harry soit de ton côté fait souffrir James, mais saches une chose Lucifer : il est votre père et il est l'adulte. C'est à lui de gérer la situation, ce n'est pas à toi de te montrer digne d'être aimé de lui mais à lui de te montrer qu'il t'aime. C'est aux parents d'aimer leurs enfants car ils les ont mis au monde. Les erreurs de James ne peuvent t'en incomber, comprends-tu ?

-Oui. Je le sais. Je l'ai appris.

-Tu as le droit d'être heureux parce que Harry te montre qu'il t'aime, et dis ce qu'il pense de sa façon de te traiter à James. Et tu as le droit d'être bouleversé alors que tout va bien, de soudain être pris comme aujourd'hui d'un intense chagrin alors que tu avais fait des progrès. Tu as eu une vie difficile, Lucifer, et te reconstruire prendra du temps.

Le garçon hocha la tête, les mots de l'homme en face de lui chassant légèrement l'horreur qu'il éprouvait et sa culpabilité.

-Je ne t'ai pas donné cet outil avant, principalement parce que je ne voulais pas que tu ailles chercher sur le minitel ou dans des manuels ce que cela signifiait, mais ce que tu ressens est normal et classique. Tu as ce que l'on appel un choc post-traumatique dû à ce qui s'est produit dans ce cimetière.

Le thérapeute cita les différentes étapes et méthodes à appliquer dans ces cas là, mais ainsi qu'il l'expliqua, les remèdes miracles n'existaient pas et il devait simplement accepter ce qui s'était produit.


Les jours qui suivirent au Square Grimmaud s'écoulèrent relativement paisiblement. Les jumeaux avaient réussi à convaincre Mondingus Fletcher de leur ramener des rideaux et les adolescents avaient passé deux bonnes journées à remplacer et assortir ceux de toutes les pièces de la demeure des Blacks. Sirius avait semblé un peu plus joyeux depuis, d'autant plus que -ils l'apprirent aux hurlements de Molly-, James et lui étaient sortis vagabonder sous leur forme animagus.

Lucifer avait été autorisé à se rendre chez Noah du vendredi au lundi afin de ne pas manquer son suivi thérapeutique, et la nouvelle l'avait enchanté. La perspective de revoir Noah l'apaisait autant qu'il appréhendait les premières minutes qu'ils passeraient ensemble. Le jeudi après-midi, Harry profita d'un moment où Ron et Hermione se disputaient à propos d'une broutille pour délaisser le travail de nettoyage du Quartier Général.

-Allons en haut, proposa-t-il à son jumeau qui accepta aussitôt.

Ils entrèrent dans la chambre que Ron partageait avec Harry, et le Gryffondor ferma la porte. Son jumeau posa sur lui un regard anxieux. Que s'était-il produit ? Allait-il lui annoncer une mauvaise nouvelle ? James lui avait-il transmis de nouvelles informations sur Voldemort ? L'esprit de l'adolescent se mit à tournoyer.

-Inutile de t'inquiéter autant, le rabroua son frère. Je voulais simplement t'avertir.

Il passa une main dans ses cheveux de jais, et une lueur furieuse passa dans ses yeux émeraudes.

-Je me doute que tu n'as pas vraiment lu la Gazette ces derniers temps... Hermione l'a analysée et...

Il inspira profondément pour s'inciter au calme.

-Peu de personnes croient au retour de Voldemort, Lucifer, et la Gazette fait de la propagande. Ils ne parlent pas de nous spécifiquement, mais ils glissent des allusions, « Une histoire abracadabrante à la Potter », « Il s'en est réchappé avec une cicatrice, espérons qu'il ne nous demande pas de lui vouer un culte » « Un mensonge d'un complice, comme Lucifer Potter mentirait pour son frère... ».

-Ingénieux, lâcha le rouquin malgré la nausée qui l'envahissait.

Harry roula des yeux et massa sa nuque.

-Ecoute, je n'ai pas du tout envie qu'on me voue un culte et toi non plus, mais la population est abreuvée de ça...

-Et finissent par le croire, compléta son frère. Je comprends.

Il songea à la fureur que devait éprouver Noah face à cette situation et son estomac se noua. Une colère sourde couvait en lui et il serra les poings.

-Ils sont retors, et prêts à tout pour que la population ne les questionne pas, et tous ceux qui lisent et ne remettent pas en question sont la cause du système !

Ils les qualifiaient de menteurs, quand Lucifer n'était qu'honnêteté et qu'Harry se battait pour les sauver.

-Quel intérêt aurions nous à raconter ça ? s'exclama-t-il, outragé.

-Aucun, confirma Harry. Mais ils le croient, et ce ne sera pas mieux à Poudlard.

Ils échangèrent un regard où brillait toute leur indignation, puis Harry s'assit sur son lit et prit une mèche de cheveux de son frère entre ses mains.

-Tu devrais les teindre de nouveau.

Lucifer laissa échapper un rire incrédule, puis haussa les épaules.

-C'est inutile.

Il se dégagea doucement puis s'allongea en travers du lit.

-Je me teignais les cheveux afin d'attirer l'attention et de me démarquer. Je vis désormais avec Pétunia, qui est officiellement ma tutrice et qui m'a offert un toit pour le restant de mes jours, et non jusqu'à mes dix-sept ans. Nous sommes plus proches que jamais, et Sirius est là pour moi. Je n'ai plus besoin de me les teindre.

-Tu as toujours su pourquoi tu te teignais les cheveux, répliqua son jumeau. Et tu étais proche de Pétunia l'année dernière, lorsqu'ils arboraient un rose vif. Tu étais heureux au bal de Noël, et ils étaient pailletés d'or. Tu aimes te teindre les cheveux, alterner entre ton roux naturel et des couleurs qui font mal aux yeux. La seule période où tu as cessé de les teindre, Noah était pétrifié et tu vivais à peine. Tu es de nouveau dans un état déplorable.

Lucifer se redressa, mais Harry attrapa de nouveau une mèche qui ondulait sur son bras.

-Tu as besoin d'une coupe, assena-t-il.

-Et toi ? grinça le rouquin. Pourquoi est-ce que tu n'es pas dans un état déplorable ? Pourquoi est-ce que tu parviens à être aussi fort quand je suis pathétique ?

Harry bondit.

-Tu crois vraiment ça ? l'accusa-t-il. J'ai admis des choses que nul autre ne sait en ta compagnie. Tu es mon jumeau, tu as toujours assuré que tu étais là pour moi. Tu crois vraiment que je vais bien ? Je rêve de Cedric chaque nuit, et je suis constamment en colère, constamment ! Arrête de t'apitoyer sur ton sort ! Ma relation avec Papa est merdique, le pays entier pense que je suis cinglé, et toi tu n'as pas à gérer ça parce que je suis la figure du Survivant et que tu œuvres dans l'ombre !

Durant les deux semaines écoulées, Harry avait réagi avec plus d'irritabilité qu'à l'accoutumée envers tout le monde à l'exception de lui-même, réalisa Lucifer. Ils partageaient le même vécu, la même expérience du traumatisme.

-Excuse moi, déclara-t-il sincèrement. Je sais que tu ne vas pas bien non plus, et je sens la colère bouillonner dans tes veines. Je t'envie de ne pas avoir besoin d'un thérapeute pour affronter tout ceci, tout simplement.

Harry le contempla de ses yeux émeraudes emplis de rancoeur, et il se leva, esquissant un mouvement hésitant vers lui.

-Je suis navré, Harry, sincèrement.

-Je sais, marmonna son frère. Tu es différent de moi, point.

Lucifer acquiesça puis se laissa de nouveau tomber sur le lit. Les membres de l'Ordre allaient et venaient dans le Square Grimmaud, les bavardages bourdonnaient incessamment à ses oreilles toute la journée. Il dormait la nuit dans la chambre de Regulus et en savourait le silence autant qu'il redoutait les visions qui survenaient dès qu'il fermait les yeux. Il se délecta de l'intimité et le calme dont il disposait pour le moment en compagnie de son jumeau. Harry s'allongea près de lui et ils demeurèrent silencieux un long moment durant.

-Je redoute de revoir Noah, murmura Lucifer. J'espère qu'il va bien. L'année dernière à été tellement éprouvante...

Il s'humecta les lèvres.

-Je...

-Si c'est pour me dire que ou me demander si je penses que tu es homo et amoureux de Noah, la réponse est je n'en sais fichtre rien et oui, tu es amoureux de Noah, lança Harry.

Son intervention était tellement inattendue que Lucifer gloussa, presque indigné.

-Je l'aime, corrigea-t-il. J'en suis amoureux et je l'aime jusqu'à la fin de mes jours.

Harry grogna et enfonça son visage dans les couvertures. Parler de ce genre de choses n'était vraiment pas une activité qu'il affectionnait. Les deux garçons partagèrent un long silence qui valait tous les mots.


Le temps qu'il restait jusqu'à la rentrée diminuait peu à peu, alors que le pli entre les yeux du thérapeute de Lucifer se faisait plus prononcé.

-As-tu eu de nouvelles crises d'angoisse ? s'enquit l'homme.

-Quelques une, admit l'adolescent en regardant la pointe de ses pieds.

Il portait les mocassins achetés par son père l'année précédente à l'occasion du bal de Noël. Il avait pris quelques centimètres au cours de l'année, mais sa croissance s'était stoppée durant l'été.

-Je n'arrive pas à les endiguer. Elles surgissent d'un coup, en raison d'un commentaire ou d'un mot qui a déclenché un souvenir, et je n'arrive même pas à appliquer les exercices de respiration que vous m'avez donnés. Certaines passent rapidement, d'autres sont violentes, cela varie autant que d'habitude.

Il tapota le sol tapissé de moquette du bout des pieds.

-L'année dernière, tu as gardé pour toi -et Noah- tes angoisses, qui n'ont eu d'autres moyens de s'exprimer que par l'intermédiaire de ces crises. Puisque tu refusais de t'écouter, ton corps te forçait à le faire. Tu as passé des années à réprimer ce que tu ressentais, à accepter de ne pas être autant aimé que ton frère ou ton cousin alors que tu en souffrais. James ne t'écoute pas, ta famille d'accueil refusait les questions et tu t'es recroquevillé en toi-même. Tout ceci s'est accumulé à l'intérieur de toi comme d'un volcan. Ce volcan est entré en activité quand ton père est revenu dans ta vie, et l'accumulation des frustrations et obstacles forme la lave. En fin de compte, tu entres en éruption et en effet, il n'y a pas grand chose à faire. Le problème, ici, Lucifer, c'est que tu ne devrais pas être un volcan. Tu devrais être plutôt une rivière, où les choses s'écoulent lentement et relativement paisiblement. Comprends-tu ce que j'essaie de dire ?

-J'exprime mes émotions ! s'écria-t-il. Ici et à Noah, à Harry même. Les choses, la lave, se rajoute sans cesse !

L'homme en face de lui sourit calmement, mais dans les coins de sa bouche où naissaient quelques rides, le rouquin discerna de la tristesse.

-Tu n'exprimes pas tes émotions auprès des bonnes personnes. Il reste peu de séances, Lucifer, et même si tu vas mieux, si tu as fait des progrès, les crises d'angoisses ne vont pas disparaître. Il faut, pour le moment, que tu exprimes quand tu es contrarié, quand tu es blessé. Certains peuvent tout garder en eux, mais tu es quelqu'un d'honnête et de sensible. Tu ressens tout avec une puissance accrue, et c'est ainsi, ce n'est ni une bonne chose ni une mauvaise. Tu dois apprendre à fonctionner avec ton émotivité. En dehors de ces crises inattendues, as-tu, comme au début de l'été, des réveils violents où tu ne peux plus respirer ?

-Moins, reconnut-il. Et quand les crises menacent sans se déclencher, j'arrive à les calmer à peu près. Je vois la différence et je me sens mieux. Parfois, pourtant, la culpabilité revient plus forte.

-C'est normal, Lucifer. En attendant, tu peux être fier de tes succès, de la façon dont tu parviens à t'exprimer face à ton père.

Le garçon hocha la tête, rasséréné et releva les yeux pour offrir un réel sourire à son psychologue et le remercier.


James décida d'emmener lui-même Lucifer jusqu'à la Demeure Weber. Ils transplanèrent aussi près que les protections le permettaient, sur un sentier désert, et l'Auror jeta aussitôt de nombreux sortilèges de vérification. Le silence dans lequel père et fils marchèrent était maladroit et tendu, ainsi qu'incroyablement pesant.

-Si Voldemort ou un Mangemort surgit, utilises ta baguette. Peu importe que ton autorisation ne fonctionne que lorsque je t'entraîne, si le Ministère tente quoi que ce soit, je m'en occuperai.

-Merci, murmura Lucifer.

Il ignorait quoi ajouter. Des années plus tôt, il aurait été ravi que James montre de l'inquiétude à son égard, mais il se sentait perdu et laissé dans le noir quant à ce qu'il désirait de sa relation avec son père. La thérapie lui déliait la langue, et il inspira profondément à quelques dizaines de mètres des grilles.

-A chaque fois que nous parlions, je ne savais jamais si tu allais m'incendier ou, bizarrement, t'inquiéter pour moi. Je savais, en revanche, que tu parlerais de Harry et de combien il est merveilleux, d'à quel point je dois le protéger et ne pas être jaloux. Aujourd'hui, quand tu me parles, je ne sais pas à quel point tu désires construire un lien avec moi parce que tu regrettes que nous n'ayons pas une relation de père et de fils et à quel point c'est parce qu'une erreur a été révélée et que tu veux m'entraîner, me former, sans te préoccuper de celui que je suis.

Sa voix s'étrangla mais il réussit à demeurer parfaitement calme et digne, à regarder l'homme en face de lui dans ces yeux si semblables aux siens.

-D'autres personnes peuvent m'entraîner. Je ne veux pas de ce genre de liens. Je veux simplement... que tu reconnaisses... et que tu t'excuses, comme Tante Pétunia m'a appris à le faire lorsque je suis en tort.

Il ne chercha pas vainement à refouler ses larmes et les laissa couler doucement le long de ses joues pleines.

-Je ne suis pas en tort, répliqua James, et il va falloir que tu t'y fasses. J'ai pris les meilleures décisions possibles pour Harry et toi, et même si j'ai pu me tromper sur tes intentions, tes actions me donnaient raisons. Tu oublies un peu trop vite dans ta colère d'adolescent que je connais tes goûts, et que je ne me suis jamais trompé dans mes cadeaux de Noël ou d'anniversaire. Nous nous heurtons en raisons de nos personnalités respectives mais personne ne peut dire que je ne t'aime pas.

Le coup verbal fit hoqueter le garçon dont les lèvres s'entrouvrirent. Il secoua la tête de droite à gauche, incrédule et épuisé. Trouver le courage de s'exprimer ainsi lui avait pris une intense quantité d'énergie et il ne servait à rien de continuer.

-Personne n'a dit cela, répondit-il. Bon week-end, James.

Lydia et Noah l'attendaient aux grilles. Il jeta un regard à son père. Son expression était indéchiffrable.

Son meilleur ami l'étreignit et Lucifer inspira son odeur si familière, si réconfortante, se noyant dans la chaleur salvatrice de ses bras.

-Lucifer ! Que s'est-il passé ?

Les cheveux de Noah avaient été de nouveau coupés au dessus des épaules et sa mèche, glissée derrière les oreilles, ne masquait plus son œil gauche. Il avait pris quelques centimètres, et Lucifer lui arrivait désormais au menton. Son torse s'était développé et ses traits affinés.

-Ce n'est rien, promit le rouquin. J'ai exprimé mes sentiments à James, et ce n'est jamais chose facile.

Noah l'enlaça et posa une main sur le haut de son crâne, sur sa nuque avec un soupir de soulagement.

-Tu vas bien, murmura-t-il. Oh, Lucifer...

Le garçon sentait les tremblements de son meilleur ami contre son torse, et sut au son de sa voix qu'il pleurait. Il le serra plus fort encore et Noah y répondit.

- Désormais, la guerre à commencé, déclara le jeune Weber à mi-voix. Nous affronterons la suite.

Son ami acquiesça, mais ils demeurèrent entrelacés au milieu du parc jusqu'à ce qu'ils se sentent apaisés. Lorsqu'ils se séparèrent, leurs souffles se mêlèrent. Leurs lèvres se trouvaient à quelques centimètres à peine de celles l'autre et leurs regards s'ancrèrent pour ne plus se lâcher.

-Tu es mon meilleur ami, Noah. Mon ami, mon soutien, mon amour.

-Je serais toujours là pour toi, répondit simplement le garçon. A jamais.

Embrasser Noah était juste. Procurait une sensation de chaleur et d'évidence. Autour d'eux, un vent chaud soufflait dans les arbres et Lydia, à quelques pas d'eux, avait détourné le regard pour leur laisser ce moment qui n'appartenait qu'à eux.


Le quotidien de la Demeure Weber fut une bouffée d'air frais pour Lucifer. Les fontaines des jardins à la française permettaient à ses habitants de se rafraîchir malgré la canicule, la beauté des lieux le subjuguait toujours, et les coutumes aristocratiques le projetèrent dans un autre monde, lui permettant d'oublier le reste du monde trois jours durant. Pour la première fois depuis le début de l'été, ses nuits furent complètes et dénuées de noirceur.

-J'ai trouvé quelques archives dans la bibliothèque, lui annonça Noah les yeux brillants d'excitation. J'ai demandé à Cygnus l'autorisation de les emmener à Poudlard. Il les as conservé de son vivant pour le jour où de nouveau, la Nuit serait étudiée.

-Fantastique ! s'écria Lucifer.

Ils s'étaient arrêté peu avant le procès, à la Gazette du Sorcier du 14 Juin 1954, et appréhendaient ce qu'ils trouveraient, ou plutôt ne trouveraient pas, entre le 26 et le 28 Juin. L'adolescent s'allongea contre le torse de son meilleur ami sur le rebord de la fontaine principale et son regard dériva vers la silhouette fantomatique qui les observait depuis la pièce qu'il ne quittait jamais. Un sourire s'étalait sur son visage, réel et dénué de soucis.

-J'aimerais passer les vacances de Noël chez ma tante, dit-il, les yeux fermés sous le soleil qui caressait sa joue. Tu y serais le bienvenu, si tu le désire.

-Nous n'avons jamais fêté Noël séparés, admit Noah, mais si tout se passe bien, ta tante et ton oncle seront séparés et il s'agira de la première fois où tu te retrouveras seul avec elle -et ton cousin-. Il ne serait pas bon d'empêcher vos liens de se resserrer.

Lucifer resserra sa main sur celle de son compagnon et rouvrit les yeux.

-Tu es si altruiste, Noah.

-Tu dois passer Noël avec ta famille et penser à ce qui est le meilleur pour toi, corrigea l'autre garçon. Je rentrerai sans doute, mes parents seront en train de préparer leur prochain voyage. Ils parent en Amérique du Sud en Septembre pour quelques semaines à peine.

Le soleil cognait, et le rouquin fit glisser sa main dans l'eau avant de faire rouler sa tête contre l'aisselle de son meilleur ami.

-Je t'aime.

-Autant que je t'aime.

L'amour qui gonflait sa poitrine n'avait pas à être réprimé : il pouvait s'échapper de lui et entourer Noah, remplir leurs deux êtres de façon inconditionnelle et certaine, et la sensation en était libératrice et enivrante. Lucifer leva la main et caressa le visage lisse de son compagnon, ne songeant à rien d'autre qu'au bonheur de l'instant.


Les vacances s'écoulèrent entre nettoyage, révisions, lettres, discussions et entraînement. Hermione avait l'air anxieuse à l'idée des BUSE.

-Tu t'en sortiras très bien, promit Lucifer. Tu es la première de notre promotion, et l'une des meilleures sorcières que je connaisse.

La jeune fille rosit violemment et marmonna un remerciement.

-Comment avance la S.A.L.E ?

Il vit du coin de l'oeil Ron et Harry échanger un regard exaspéré, mais fut récompensée par un sourire radieux de la Gryffondor.

-Eh bien... Pas vraiment, regretta-t-elle. Les mentalités sont trop ancrées, il n'y a qu'à voir comment tout le monde traite Kreattur.

-Kreattur est cinglé, Hermione ! s'exclama Ron. Il ne cesse de t'insulter et d'être cruel, et tu continues à le défendre !

-Si les gens montraient un peu plus de reconnaissance envers lui, il serait moins amer ! rétorqua la jeune fille, les mains sur les hanches.

Lucifer pencha la tête sur le côté, songeur. Il dépréciait l'elfe, malgré tout l'empathie qu'il pouvait ressentir pour lui, en raison de la façon dont il traitait les habitants du Square Grimmaud, particulièrement Hermione, Remus et Sirius.

-Parmi tous les être doués d'intelligence, certains seront cruels et d'autres bons, et ce n'est pas parce qu'une classe est opprimée que toute cette classe est inoffensive, déclara-t-il doucement.

Dès que Ron eût quitté la pièce, il attrapa quelques Gallions dans sa poche.

-Considère que c'est une donation de particulier, proposa-t-il.

Harry secoua la tête mais son amie le remercia, entre gêne et contentement.


Il s'agissait de la dernière séance de Lucifer avec son thérapeute. Ils revinrent rapidement sur les progrès effectués depuis que l'adolescent avait passé pour la première fois la porte du cabinet début juillet, réveillé par les cauchemars toutes les nuits, incapable de supporter de se couper en faisant la cuisine et hanté par les événements de Juin. Il avait depuis pu reprendre son quotidien, diminué les attaques de panique et son sentiment de culpabilité et mûri, bien que cela soit autant dû à ce qu'il avait vécu qu'à sa thérapie.

-Je vais te donner le numéro de téléphone de mon cabinet, et je voudrais que tu m'appelles en cas d'urgence depuis les fixes de ton pensionnat. Tu n'es pas seul, souviens t'en, et n'hésite pas à me contacter.

Le garçon hocha la tête, regrettant les arrangements dans son histoire que sa nature de sorcier l'avait poussé à faire.

-Je reviens à Noël, annonça-t-il. Peut-être pourrais-je prendre rendez-vous ?

-Je ferais une exception pour toi. Nous nous verrons au moins quatre fois pendant ces deux semaines là.

S'ensuivirent quelques recommandations et ajustements jusqu'à ce que la fin de la séance arrive en douceur. Patient et psychologue se serrèrent la main, et Lucifer ressortit pour faire face à sa tante.

-J'aimerais emmener Lucifer boire un café, annonça-t-elle. Il est en sécurité avec moi, n'est-ce pas... Lupin ?

-Je patienterai ici Pétunia, répondit gentiment le loup-garou.

Elle hocha la tête en guise de remerciement, puis emmena son neveu en terrasse.

-Es-tu prêt à retourner à Poudlard ? L'interrogea-t-elle, les lèvres pincées.

-L'école me manque, admit-il, mais je redoute la réaction des autres élèves et les actions de Voldemort. Je... voudrais venir pour les vacances de Noël, si...

-Je serais séparée de Vernon même si le divorce n'est pas prononcé. J'ai trouvé du travail en temps que secrétaire. J'occupais cet emploi dans la société où j'ai rencontré Vernon.

Il entrouvrit les lèvres, stupéfait d'ignorer autant sur sa tante, puis déglutit et acquiesça. Pétunia l'interrogea sur ses crises d'angoisses, ses cauchemars, et tous les détails que ne comportaient pas les quatre lettres qu'il lui avait envoyées durant le mois d'Août. Finalement, ils se levèrent pour partir et elle le serra dans ses bras de façon brève et raide, le laissant interloqué et assoiffé d'amour, conscient qu'il possédait un nouveau souvenir pour appeler son Patronus.


Les lettres de Poudlard arrivèrent plus tard qu'à l'accoutumée, car Dumbledore ne parvenait pas à trouver un professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Assis dans la cuisine en compagnie de Sirius et Remus, Lucifer écoutait des anecdotes sur Poudlard. L'ancien prisonnier avait l'air légèrement plus serein, mais à l'approche de la rentrée, il devenait évident qu'il regrettait que les adolescents doivent regagner Poudlard.

-Je suis inquiet à propos de cette année, lâcha soudain le Poufsouffle. Voldemort est de retour, Harry et moi sommes accusés de mentir, et tout indique des temps sombres à venir ainsi que des morts comme dans chaque guerre.

-Il y aura des morts, Lucifer, répondit très sérieusement Sirius. Nous avons perdu de nombreux amis la dernière fois -les McKinnon, les Londubats-. Mais nous nous battons tous pour vaincre Voldemort, et ce dont Harry et toi devez vous inquiétez en priorité est vos études et votre jeunesse.

Le rouquin sentit un sourire amer se dessiner sur ses lèvres.

-Nous n'avons jamais vraiment eu le choix, soupira-t-il.

-Non, répliqua Remus, mais cette année, les opportunités de résister à Voldemort seront sans doute plus nombreuses. Dumbledore n'accepte que des personnes ayant fini leurs études pour une raison : vous devez vivre. Vous êtes encore des enfants.

-Notre enfance s'est terminée dans le cimetière, répondit Lucifer à mi-voix, avec tant de calme et d'honnêteté que les deux hommes en face de lui échangèrent un regard dévasté.

Il se sentait las, quand Harry était en colère. De temps à autres, la frustration se faisait plus forte et il explosait.

-Poudlard est pour nous comme une seconde maison, notre maison comme une seconde famille. J'y ai passé les meilleurs moments de ma vie, et j'y suis heureux. Cette année ne différera pas des autres.

La pensée de la salle commune ensoleillée, des duels avec Sally-Ann et Susan, des courses dans le parc et des discussions animées dans les repas fit accélérer ses battements de cœur et il sourit en soupirant d'aise, les yeux fermés. Un battement d'ailes le fit se redresser, et il saisit la lettre de Poudlard à la patte d'un hibou Grand-Duc. Il parcourut la lettre, notant au passage les manuels d'histoire de la magie qui ne variaient jamais vraiment et un nouvel auteur pour le manuel de Défense Contre les Forces du Mal.

-Wilbert Eskivdur, commenta-t-il.

Bartemius Croupton Junior, dans la peau d'Alastor Maugrey, ne s'était jamais embarrassé d'un support écrit l'année précédente. Ils avaient étudié les Impardonnables, les maléfices, la magie noire et les artefacts qui permettaient de la détecter. Ils en avaient sans doute trop appris, mais le Mangemort avait suivi les directives de Dumbledore et du programme.

-Je n'aurais pas choisi cet auteur, soupira Remus. Il est trop théorique pour des adolescents et l'approche de l'auteur concernant la Défense contre les Forces du Mal est de ne pas agir ni répliquer. Eskivdur est un théoricien pacifiste dont la mise en pratique est impossible, surtout aujourd'hui.

-Ce qui signifie que le professeur ayant accepté le poste ne crois pas au retour de Voldemort et s'aligne sur la position du Ministère, résuma Lucifer, les sourcils froncés.

-Dumbledore n'a pas eu le choix, expliqua rapidement le loup-garou. Un nouveau décret a été publié, le Ministère de la Magie a pu imposer une personne.

-Il n'y a que toi pour suivre les lois publiées Lunard, se moqua Sirius avec un sourire amer. Un conseil, Lucifer, quand vous irez sur le chemin de Traverse, achète les manuels que Remus a utilisé pour ses cinquièmes années.

L'ancien professeur baissa pudiquement les yeux, mais son ami lui ébouriffa les cheveux avec malice. Molly apparut en cet instant, les joues rougies par l'excitation. Ses yeux brillaient de joie et de fierté.

-Ah, Lucifer, tu as reçu ta lettre aussi ! Parfait ! J'allais sur le Chemin de Traverse -tout le monde les as eu-. Je peux te prendre tes livres... Je dois y aller rapidement, il faut que j'achète un balai pour Ron, en guise de félicitations ! Il a été nommé préfet.

Lucifer se souvint soudainement que les cinquièmes années voyaient deux de leurs camarades nommés préfets. Il songea à Ron, toujours dans l'ombre de ses frères, qui avait toujours été à leurs côtés face aux épreuves contre Voldemort, malgré sa jalousie, et sourit chaleureusement.

-C'est une très bonne chose, répondit-il. Voulez-vous que je vous accompagne ?

-Oh, non mon chéri, ce ne serait pas prudent. Je ne sais pas ce que ton père a prévu...

-James est de permanence ce week-end, lança Sirius. Il fera sans doute un crochet par le Chemin de Traverse sans ses fils.

Son regard sombre et ses dents serrés indiquaient tout ce qu'il pensait de ces manières, mais Molly fit mine de ne pas le remarquer.

-Oh, peut-être vaudrait-il mieux que je m'en charge, dans ce cas. Je vais aller chercher la liste d'Harry.

-Merci Mrs Weasley, souffla Lucifer. Je vais simplement ajouter quelques références de lectures complémentaires.

Il s'empara d'une plume et nota quelques ouvrages d'histoires et les manuels conseillés par Remus, avant de se rasseoir sur la chaise, déçu. Il comprenait le point de vue des adultes, mais laisser passer l'occasion de visiter les commerces lui coûtait.

-Voldemort n'attaquera pas le Chemin de Traverse, déclara-t-il alors que Korrigan venait se lover sur ses genoux. Son retour devait demeurer inconnu, et il possède ainsi une plus grande marge de manœuvre et les moyens de contrôler l'opinion publique et de distiller la peur. Si Harry ou moi étions pris pour cible, nous serions des martyrs et deviendrions soudainement crédibles.

-Merci ! s'écria Sirius.

-A moins que le Ministère ne fasse passer la manœuvre pour tiennes, fit remarquer Remus à son ami. Je comprends ta frustration, mais c'est plus prudent ainsi.

Korrigan frotta son menton contre la paume de son humain avec vigueur, réclamant plus de caresses, et Lucifer s'exécuta.


Une fête fut organisée en l'honneur de Ron et d'Hermione, et Lucifer s'y joignit avec joie. La bulle de joie créée le ravissait. Il écouta Mondingus Fletcher et les jumeaux opérer des transactions pour des projets de farce et attrapes, James, Sirius et Remus se rappeler de toutes leurs frasques tandis qu'ils expliquaient à Harry pour quelle raison le loup-garou avait été nommé préfet, et songea à Noah, Susan et Sally-Ann, se demandant si l'un d'entre eux avait reçu l'insigne. Une telle marque de confiance aurait été bénéfique pour la jeune Perks, et il espérait qu'elle ait été nommée préfète.

-Harry ? s'enquit-il.

Son jumeau adoptait un air nonchalant qui ne lui seyait guère.

-Sympathique cette fête non ?

-Harry, soupira-t-il en cillant, perturbé.

La voix de son frère était trop chaleureuse, et il ne parvenait pas à comprendre l'origine d'un problème inconnu. S'était-il disputé avec leur père ? Regrettait-il que ses liens avec leur père se soient délités ? Avait-il rêvé de Voldemort ? Une légère pression sur le bras pour le ramener à la réalité le fit sursauter.

-Laisse tomber, conseilla Harry d'un ton un peu trop mielleux. Sincèrement, laisse tomber d'accord ?

Il lut sur le visage de son frère qu'il s'inquiétait toujours, mais Lucifer se détendit. Ce genre de réactions signifiait que le problème était trivial et non vital. Harry soupira, et baissa sa voix au minimum, de sorte que seul son jumeau puisse l'entendre.

-Je pensais qu'après tout ce que nous avions vécu... Je pensais que je serais préfet. Oublie, d'accord ? C'est stupide. Ron et Hermione, Noah, étaient là à chaque fois. Ce ne sont pas ces qualités qui comptent. Tu n'as pas reçu l'insigne non plus, mais tu aurais dû. Tu étais avec moi et tu accomplis ce travail pour Poufsouffle...

L'allusion à l'Ancienne Salle Commune surprit Lucifer, qui cilla de nouveau en comprenant que son jumeau éprouvait de la jalousie.

-Tu n'as même pas pensé à être jaloux.

Le léger rire d'Harry était cynique et dépréciateur envers lui-même.

-Ron mérite cet insigne, répondit-il sur le même ton quasi-inaudible. Il en est heureux, et je ne suis pas sûr que nous ayons les qualités nécessaires. Je ne ferais pas un bon préfet, Harry, personne ne m'écoute, et je suis focalisé sur Noah et les miens plus que sur le reste de la maison.

Harry souffla, un brin irrité, et haussa les épaules.

-Papa non plus n'a pas été préfet, je suppose, conclut-il joyeusement, mais j'aurais apprécié de voir que Dumbledore a confiance en moi.

Lucifer posa sa joue contre l'épaule de son frère et lui pressa le bras. Il sentit le Gryffondor sursauter avant de lui rendre maladroitement son étreinte. Il comprenait en partie la peine de son jumeau qui devait se muer en colère et en sentiment de trahison. Le directeur de Poudlard était venu à plusieurs reprises au Square Grimmaud, pour chacune des réunions soit plusieurs fois par semaine, mais il n'avait jamais demandé à les voir, et lorsque Lucifer l'avait salué, il avait répondu sans croiser son regard, accroissant un sentiment de solitude et d'abandon déjà bien présent. Il se crispa et sans le moindre signe avant coureur, le zig-zag sur son cou commença à le tirailler douloureusement et son estomac se retourna. Il poussa un gémissement et leva la main à la plaie par réflexe.

-Ca suffit toi, gronda Harry entre ses dents.

Ils échangèrent un regard anxieux, et Lucifer aperçut le regard de James posé sur eux. En quelques secondes, l'homme se leva pour venir se pencher.

-Laisse moi voir, murmura-t-il à Lucifer. La cicatrice est aussi saine que celle d'Harry. Je suppose que ça arrive... de temps à autres.

-Je... commença le rouquin, le cœur au bord des lèvres. Je crois que...

Il sentit ses jambes le lâcher et fut heureux d'être assis. Ses mains se mirent à trembler et son frère s'accrocha à lui.

-Nous devrions aller nous coucher, commenta Harry. Dès que tu peux te lever.

Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Un-Blaireau. Deux-Lion. Trois-Aigle. Quatre-Serpent. Cinq-Chat. Six...

-Ca va mieux, inspira-t-il en sentant l'air entrer correctement dans ses poumons.

Ils s'éclipsèrent discrètement, mais Lucifer ne manqua pas le regard soucieux qu'Hermione leur lança avant qu'ils ne quittent la pièce.

Au premier étage, Molly Weasley affrontait un épouvantard qui se transformait en cadavre à chaque coup de baguette. Lucifer revit ceux de Noah et d'Harry produit par l'épouvantard en troisième année. La guerre planait au dessus d'eux, descendait en brume compacte autour d'eux.

L'été se terminait, et aussi étrange ait-il été, Lucifer redoutait la suite des événements.