Youhou ! J'ai réussi à me motiver à poster. Bref... L'histoire touche vraiment à sa fin.


Chapitre 25 : La tombe blanche

Harry n'avait encore jamais assisté à un enterrement. Il n'y avait eu aucun corps à ensevelir lorsque Sirius était mort, et personne n'avait organisé de cérémonie en sa mémoire. Il ne savait à quoi s'attendre et s'inquiétait un peu de ce qu'il allait voir, de ce qu'il allait ressentir. Il se demanda si la mort de [Tom] lui paraîtrait plus réelle une fois que les funérailles auraient eu lieu. À certains moments, le fait lui-même menaçait de le submerger d'horreur, mais il y avait aussi des périodes d'hébétude, d'engourdissement, où il lui était lui était très difficile de croire à la disparition de [Tom]. Cette fois cependant, contrairement à ce qui s'était passé pour Sirius, il n'avait pas cherché désespérément une faille, une possibilité que Tom revienne parmi les vivants… Parfois même, il lui arrivait d'éprouver une once de fierté, pour l'altruisme et le courage dont son ami avait fait preuve. Dès les premiers instants de leur rencontre, Harry avait eu l'intuition qu'il restait du bon dans ce jeune double de Voldemort jaillit de nulle part. Si seulement cela ne l'avait pas conduit à l'ultime sacrifice.

La plupart du temps, Harry n'avait pas le loisir de songer à Tom. Il y avait tant à faire ! Tant à organiser. L'Ordre du Phénix à convaincre du bien fondé de son projet révolutionnaire, un réseau à mettre en place, des actions à décider. Mais dans les réunions ou dans les moments de solitude où Harry réfléchit à ce qu'il était résolu à faire, aux limites qu'il se fixait et à celles qu'il franchirait sans doute, il lui semblait parfois entendre Tom qui se moquait gentiment du mage noir qu'il menaçait de devenir. Même si ce n'était que le fruit de son imagination, c'était des instants que Harry chérissait. Puisse le souvenir de Tom rester à jamais dans sa mémoire pour l'empêcher de basculer dans des extrêmes sanglants !

Un demi-sourire étira les lèvres de Harry alors qu'il entendait presque Tom se moquait de la situation, lui le double du terrible Lord Voldemort qui agissait en héros et qui même au-delà de la mort, veillait à la droiture de son ami. C'était apaisant, alors qu'il gravissait un sentier forestier, bordé de chênes et de châtaigniers. Sous le soleil d'été qui filtrait au travers des branchages feuillus, Harry, Hermione et Ron arboraient tous des mines graves. Hermione avait ensorcelé leurs vêtements pour leur donner l'aspect solennel de circonstance.

Vector les accueillit légèrement devant la haie de lauriers qui encerclait cette tour où ses parents avaient décidé de s'établir pour fonder leur famille.

— Vous êtes légèrement en avance, nota-t-elle en guise de bonjour.

— Nous ne voulions pas prendre le risque de vous faire attendre, répondit poliment Hermione.

Au grand soulagement de Harry qui ignorait quoi dire et ne parvenait à lutter contre ce sentiment diffus que sa présence était déplacée (même si on lui avait assuré le contraire), Hermione se chargea de faire la conversation alors que Vector les conduisait à travers le jardin fleuri. Ils arrivèrent ainsi à un petit portail à l'arrière, descendirent un mince sentier et débouchèrent ainsi sur une petite rivière. Son clapotis joyeux s'élevait dans le sous-bois humide et tapissait de myosotis, d'anémones et de véroniques pour se mêler aux chants des oiseaux.

Des sorciers attendaient déjà là. Même si Harry n'en avait rencontré aucun en chair et en os, il les reconnut sans la moindre hésitation : Ada, en pleine discussion avec son père Virgile Vector, Alberforth Dumbledore (avec qui Emily avait repris contact à l'âge adulte et qui avait pris une part active à la lutte contre l'Alchimiste – sans doute en souvenir de cette lutte bien plus que par crainte de son frère, Voldemort avait toujours interdit aux Mangemorts de malmener le tenancier de la tête de sanglier) qui échangeait de son côté avec Helena Hart et Semiramis Eartheart, la sœur cadette de Septima.

Semiramis s'arracha à sa conversation pour venir à la rencontre de Harry d'un pas énergique. De son père, elle avait hérité d'une grande taille filiforme et des cheveux noirs de corbeaux. De sa mère, elle avait pris les yeux gris et une certaine douceur dans les traits de son visage qui tranchait avec toute l'assurance qu'elle dégageait. Elle tendit une main à Harry qui découvrit en la saluant, qu'elle était dotée d'une poignée bien trop vigoureuse au goût de ses doigts.

— Je suis désolée pour tout ce qui s'est passé, déclara Semiramis avec gravité. J'aurais dû m'opposer à Voldemort.

— Vous euh… vous étiez dans une situation compliquée, répondit Harry mal à l'aise. Voldemort était un mage noir, mais il était aussi votre père.

— La situation n'était pas compliquée. J'étais trop lâche pour faire ce qui devait être fait.

A Avalon, Voldemort avait légué une grande partie de sa mémoire à Harry. S'y trouvait une foultitude de connaissances sur des aspects plus ou moins sombres et plus ou moins légale de la magie, sur les membres influents de la société sorcière, mais aussi des stratégies, des échecs, des projets… et des souvenirs marquants. Semiramis était la jeune sœur de Septima, qui, contrairement à son aînée, n'avait pas hésité à de nombreuses reprises à reprocher à leur père ses dérives de mage noir. L'escalade des mots et des colères avait un jour dégénéré. Ils en étaient venus à se battre. Une fois, deux fois, et bien d'autres fois encore. Ce n'était généralement quelques brefs échanges de sortilèges auxquels Voldemort mettait un terme rapide. Sauf cette dernière fois, la veille du départ précipité de Semiramis pour le Canada. L'échange de méchancetés orales et de sortilèges d'ordinaire bien inoffensifs s'était transformé en véritable duel de mages dotés d'une puissance extraordinaire. Après une âpre lutte qui les avait tout deux vidés de leur énergie, Semiramis avait fini par l'emporter. Harry gardait une image très vive de Semiramis penchée au-dessus d'un Voldemort vaincu et désarmé. Sans doute hésita-t-elle à lui jeter le maléfice de mort. Mais au lieu de cela, plutôt que d'achever son mage noir de père, elle avait préféré prendre la fuite.

D'après Voldemort, Semiramis était tout simplement devenue meilleure que lui ce jour-là. Cependant Harry se demandait si Semiramis n'était pas plutôt plus déterminée à l'emporter. Même l'âme morcelée et le cœur rongé par un appétit démesuré pour le pouvoir, Voldemort avait toujours accordé une très grande importance à la sécurité de ses filles et de ses petits enfants.

— Il n'a jamais cessé de vous aimer, vous savez, précisa Harry comme s'il était redevable d'un devoir de mémoire.

Comment un être à l'âme morcelée pouvait-il encore éprouver de l'amour ? Harry avait une théorie à ce sujet. Le premier Horcruxe de Voldemort n'était pas un acte de haine mais d'amour, cette affection inconditionnelle qu'il éprouvait pour ses filles et qui l'avait conduit à prendre tous les risques pour les protéger de l'Alchimiste des Ombres. Par la suite, aucun de ses crimes, même la magie la plus noire, n'avait pu effacer cette marque indélébile dans son âme.

— Ne lui cherchez pas d'excuse, claqua sèchement Semiramis. Il vous a arraché votre famille. Si je suis ici aujourd'hui, ce n'est pas pour lui, mais pour ma mère. Et pour vous. J'ai entendu parler de vos projets. Je ne vous ai pas soutenu par le passé, mais je le ferai à l'avenir. Plus de lâcheté.

— Je euh… rien ne vous y oblige, bredouilla Harry.

— Ma conscience m'y oblige.

— Harry, intervint Vector, j'ai conscience que vous ne nous reprochez rien, mais vous ne pouvez nous empêcher, ma sœur et moi, d'éprouver de la culpabilité devant notre inaction. Par ailleurs, ce combat ne concerne pas que vous. Il est également question des Hermèsiens. Peut-être ont-ils perdu leur démon et il n'y aura plus d'Alchimiste, mais ils n'en demeurent pas moins une secte sanglante, avide de pouvoir. La lutte contre les Hermèsiens est profondément ancrée dans notre histoire familiale. Elle est à la fois notre héritage et notre fierté. Nous n'y renoncerons pas.

Harry acquiesça, à défaut d'avoir les mots pour répondre à une telle déclaration. Il rechignait à risquer des vies supplémentaires. Peut-être aussi, était-il encore sous l'influence d'une manière ou d'une autre de Voldemort, à travers ce fragment d'âme surnuméraire qui demeurerait à jamais en lui, à travers ses souvenirs aussi, et cette influence le conduisait à éprouver un devoir de protection envers cette famille. Mais Harry n'avait pas le droit de leur refuser le droit de se réconcilier avec eux-mêmes et avec leur passé. Le meneur qui s'éveillait doucement en lui devinait aussi l'atout que représenterait une combattante comme Semiramis.

Voilà donc à quoi il en était réduit : à faire des calculs sur les luttes à venir, à réfléchir à qui il enverrait au combat pour renverser le gouvernement alors que dans quelques minutes, on commémorerait le sacrifice de son ami. Une profonde lassitude s'empara de Harry. Elle s'accrut encore lorsque Alberforth Dumbledore s'excusa des crimes de son frère et lui promit lui aussi son soutien.

Enfin, l'arrivée de Susan en compagnie de Théodore et Évariste, mit un terme à la discussion. Au retour d'Avalon, Vector avait recueilli Susan chez elle, pour la réconforter dans l'épreuve du deuil – et peut-être aussi, pour se réconforter elle-même. Toujours dans le but de veiller sur une Susan très éprouvée, Vector avait invité Théodore à les rejoindre. Le jeune Nott s'était empressé d'accepter l'invitation, révélant alors à Harry que depuis la mort de sa tante, Susan n'avait plus aucune famille. La nouvelle avait attristé Harry, même s'il n'avait pas eu le temps de s'appesantir dessus. Comme Susan était désormais majeure, nul ne s'était préoccupé jusqu'à présent de savoir s'il y avait des adultes pour veiller sur cette jeune orpheline. Même les membres de l'Ordre du Phénix (en pleine crise réorganisationnelle) ne s'étaient guère inquiété de la voir repartir avec la fille de Lord Voldemort. Pire encore : ayant observé une certaine proximité entre Susan et Voldemort, certains d'entre eux commençaient à se méfier d'elle !

Les yeux rougis et gonflés par les pleurs, la mine défaite, Susan bénéficiait ici d'un cadre bienveillant pour la soutenir. Théodore avait passé un bras protecteur par-dessus les épaules de son amie éplorée alors que perché sur le crâne d'Evariste, un Fumseck aux allures de poulet dégingandé lui jeter des regards inquiets. Derrière, telle une ombre discrète mais dévouée, arrivait Kreattur. Le vieil elfe de maison avait bien changé en quelques jours ! Tout propre depuis le bout des orteils jusqu'à la pointe des oreilles, il veillait sur Susan avec une détermination farouche.

Tout le monde était présent. Le silence se propagea naturellement dans l'assistance. Seuls les oiseaux continuaient de chanter. On se regroupa autour d'une pierre blanche. Vector fut la première à parler. La gorge de Harry se serra. Cela devenait réel. Tom ne reviendrait plus. Il ne commettrait plus de maladresse, n'interpréterait plus de travers quelques faits obscurs avec sa naïveté touchante, et ne trouverait plus un nouveau moyen de se réveiller à l'infirmerie après avoir frôlé la mort. Harry n'avait passé qu'une seule année à ses côtés et pourtant il avait fini par le considérer comme une sorte de petit frère qu'il s'efforçait de protéger. Un petit frère que les Tisseuses lui avait arraché. Éprouvait-il de la colère ? Oui, intensément. Mais cette colère se mêlait à un vide étrange, hanté par des souvenirs douloureux.

Vector parlait de Voldemort, dans le meilleur comme dans le pire. Peut-être était-ce lié à un attachement contre-nature issu de la proximité de leurs âmes, peut-être aussi était-ce un effet de la trahison de Dumbledore et du rôle de… mentor ? que Voldemort avait joué ces derniers mois. Voldemort aussi, contre toute attente, lui manquait. Harry rechignait à se l'avouer. Une amertume honteuse envahie sa bouche lorsqu'il le réalisa, mais il aurait souhaité poursuivre ses conversations mentales avec le mage noir. Tant de défis terrifiants l'attendaient !

Bien trop tôt au goût de Harry, son tour arriva de prendre la parole.

— Je n'ai pas connu Emily Maitland, mais je sais que Voldemort et Tom y étaient profondément attachés. J'ai aussi appris qu'elle avait fondé un orphelinat et beaucoup œuvré, à son échelle, à la protection de l'enfance. Étant moi-même orphelin, je ne peux qu'approuver l'importance d'un tel travail. Quant à Voldemort… Je crois bien que je ne lui en veux plus. Du moins, plus beaucoup. J'ai senti tous le poids de ses remords sincère sur la fin. Cela m'a aidé à pardonner. Ce n'est plus de la peur ou de la colère qu'il m'inspire, mais de la tristesse. Quel homme serait-il devenu sans les épreuves traversées ? Que se serait-il passé si Dumbledore avait été honnête ?

Bien malgré lui, Harry avait craché cette dernière phrase. La colère qu'il n'éprouvait plus à l'encontre de Voldemort s'était retournée toute entière contre Dumbledore. L'homme qu'il l'avait envoyé dans une famille maltraitante. Qui avait traité avec une légèreté scandaleuse sa sécurité et celle de tant d'autres enfants sous sa responsabilité de directeur d'école. Qui avait instrumentalisé sa lutte contre Grindelwald d'abord, puis contre Voldemort sans se préoccuper des morts, des blessés et des orphelins. Qui aurait pu empêcher Voldemort de devenir Voldemort, même si ce dernier avait également sa part de responsabilité. Qui, plutôt que de comploter pour dominer la Mort, aurait pu sauver un nombre incalculable de vies.

— Je crois que Voldemort aurait pu devenir un grand sorcier, de ceux qui marquent positivement son époque. Après tout, n'a-t-il pas sauvé notre dimension d'un monstre cosmique au prix d'un sacrifice immense ? N'a-t-il pas tenté de raisonner Dumbledore pour sauver bien d'autres mondes ?

Harry désigna sa cicatrice.

— Comme vous le savez sans doute peut-être, cette cicatrice que Voldemort m'a laissée devenait douloureuse à chaque fois qu'il se trouvait à proximité, qu'il ressentait une émotion vive et ou que nous communiquions. Cette douleur a cessé lorsqu'il a accepté le pouvoir de la Mort. Le lendemain, il tombait volontairement dans le piège de Dumbledore et se laisser capturer. Il se doutait qu'il ne survivrait pas à ce qui se tramait. A Avalon, il était en paix avec l'idée de mourir, et surtout de mourir pour sauver des vies. Il y voyait une sorte de salut. Son seul regret était qu'Emily et Tom doivent se sacrifier avec lui.

Harry prit une profonde inspiration.

— Tom, je suis désolé. Ce qui t'es arrivé est injuste. Les Tisseuses ont été cruelles de te permettre de vivre cette année en te laissant croire à un futur possible alors que dès le début, tu étais condamné.

Les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Impossible d'en dire davantage. Harry ravala ses larmes sans parvenir à poursuivre. Heureusement, Hermione prit sa suite. Elle parla de Tom en des termes très doux et très élogieux. Parfois elle s'interrompait pour laisser sortir un sanglot mais reprenait très vite après, avec beaucoup de dignité. Ron passait de temps à autre une main ses yeux rougis pour effacer les larmes qui se formaient à leurs coins. Une digue céda en Harry. Quelle honte après tout, y avait-il à pleurer la mort d'un ami cher ? L'an dernier, sous l'effet de la colère, Harry avait ravagé le bureau de Dumbledore (acte vandale pour lequel il n'éprouvait plus aucun remord). Désormais la tristesse dominait.

Susan aussi pleurait. Évariste l'avait accueillie dans ses bras et lui caressait le dos avec tendresse dans un geste qui ne visait qu'à apporter un peu de réconfort. Fumseck, perché sur l'épaule d'Evariste, avait posé sa tête sur celle de Susan. Il pleurait lui aussi comme si ses larmes de phénix avaient pu apaiser les maux de l'âme. Du coin de l'œil, Théodore les observait avec l'ombre d'un très discret demi-sourire. Harrry aussi eut envie de sourire. Il se demanda quelle aurait été la réaction de Tom s'il avait été témoin de la scène. Aurait-il été jaloux ? Ou au contraire, aurait-il éprouvé une satisfaction de voir Susan dans les bras d'un garçon décent ? Peut-être les deux à la fois. Harry n'avait jamais compris la nature de la relation que Tom entretenait avec Susan.

Une profonde lassitude s'empara à nouveau de Harry, qui s'interrogea une fois encore sur ce qu'aurait été les choses, si Dumbledore avait été réellement bon et si Tom avait eu le droit de vivre.

Lorsque tous ceux qui avaient quelques choses à dire en mémoire des défunts se furent exprimés, Vector leva la baguette. Un vent chargé de magie agita les robes de sorciers et dans une pluie de magie, la pierre blanche se transforma en magnifique marbre à la pâleur éclatante sur lequel étaient inscrites en lettres d'argent, les dates de naissance et de mort.

En fin d'après-midi, Harry, Ron et Hermione se résignèrent à quitter ce coin de campagne si éloigné des troubles qui agitaient déjà le monde sorcier. Harry comprenait sans peine pourquoi Voldemort et Emily avaient décidé de s'établir dans ce cocon de verdure où l'on éprouvait un profond sentiment de sécurité. Il y aurait passé des jours entiers pour oublier toutes les responsabilités qui pesaient sur ces trop jeunes épaules. Il n'en avait pas le loisir. L'Ordre du Phénix l'attendait au Square Grimaurd, pour discuter du sort d'Eleusis Gaunt, désormais leur prisonnière mais qui affirmait vouloir se racheter. Harry devrait aussi les convaincre qu'il n'était plus sous l'influence ni de Voldemort, ni de Dumbledore, qu'il défendait une cause juste et que des jours meilleurs les attendraient à l'issue de leur lutte face à un gouvernement devenu dictature.


Plus que l'épilogue à poster, aux allures de scène post générique de Marvel. Il s'intitulera "Le réveil de Hector Grimm"