Hmm…
Bonjour à tout-es ?
On est… loin les uns des autres, à présent. Voilà tellement de temps que je n'ai pas publié ! Vous pouvez remercier mon époux-e d'avoir voulu une soirée pour jouer à King's of War. Je me retrouve désoeuvrae, et voici donc l'ultime chapitre du tome 5.
De façon surprenante, le tome 6 est actuellement en cours d'écriture. Je ne sais pas, je me suis toujours dit que j'arriverai au bout de ces fichus sept tomes. Il y a tant d'intrigue à régler. Je suis certain-e que vous voulez savoir ce qu'il advient de Sirius, comment James, Lucifer et Harry gèrent leurs relation, si James a entendu ce qu'on lui disait cette fois, comment Pétunia va évoluer… Que vont devenir Noah, Sally-Ann et Susan ?
Ce tome a été bien angtsy. C'est l'unique de mes œuvres où j'ai ainsi plongé dans la psyché d'une personne en dépression, en proie à des troubles mentaux. Le relire, des années après que j'aie traversé mon propre enfer, me fait du bien. Parce que l'écrire a été cathartique. Lucifer va mieux, comme moi à présent. Il est en bonne voie, même s'il continuera de voir son thérapiste dans le sixième tome.
Merci de m'avoir suivi jusqu'ici. Peut-être que ce cinquième tome peut vous servir de conclusion à Une Lueur dans l'Ombre, si vous n'avez pas la patience d'attendre que le sixième tome se déroule, ou bien que vous passez ici par hasard, après avoir reçu un mail, mais vous êtes détaché-es de la Fanfiction. Merci pour m'avoir permis d'écrire tout ça.
CELUI-DONT-ON-NE-DOIT-PAS
PRONONCER-LE-NOM EST DE RETOUR
Dans une brève déclaration faite à la presse vendredi soir, Cornélius Fudge, le ministre de la Magie, a confirmé...
Lucifer jeta à peine un œil à l'exemplaire abandonné du Sorcier du Dimanche sur la table de chevet d'Hermione. Il se pelotonna au pied du lit de Noah de la même manière que Ginny était au pied du lit voisin. Sa cheville avait été soignée en un mouvement de baguette, mais elle avait été tout aussi ébranlée que ses camarades. Luna s'était sortie à peu près indemne des confrontations et venait leur rendre visite, un exemplaire du Chicaneur toujours dans sa poche. Les bras de Ron avaient été bien plus marqués par les tentacules de cerveaux que les doigts de Noah. Les pensées, d'après Mrs Pomfresh, pouvaient laisser de puissantes traces. La peau des deux garçons demeurait en partie dépigmentée aux endroits où les prises avaient été les plus fortes.
Susan avait échappé de peu à un transfert à Sainte Mangouste pour soigner la brûlure au troisième degré occasionnée par l'Incendio. Le nez de Neville avait retrouvé sa taille normale. Sally-Ann se trouvait alitée et forcée au repos. Elle s'était battue jusqu'au bout en puisant dans ses réserves physiques, et dormait seize heures par jour, se réveillant pour avaler des repas survitaminés et deux potions différentes.
Harry demanda l'autorisation à Noah de se jucher sur son lit d'un regard, et appuya son frère contre lui.
— Je reviens de chez Hagrid, dit-il à mi-voix. Je voulais... prendre l'air.
Ron et Ginny échangèrent un regard inquiet.
— Harry, hésita Hermione. Lucifer. Tout le monde va bien. Je suis certaine que nous allons tous nous remettre.
— Ils sont amorphes, marmonna Sally-Ann sans parvenir à relever la tête de son oreiller. Susan, tu leur a dit, n'est-ce pas ?
La préfète ne répondit pas. Lucifer se força à tourner le regard vers elle. Son bras en écharpe était recouvert de bandages baignant d'onguent qui étaient changés quatre fois par jour. Des cercles noirs entouraient ses grands yeux bruns. Depuis quatre jour qu'ils se trouvaient à l'infirmerie, elle n'avait pas ouvert la bouche en présence de Lucifer.
— Je peux le faire, proposa la jeune Perks avec le peu d'énergie qu'elle parvint à rassembler. Ou juste dire à Lucifer que tu ne lui en veux pas.
Susan secoua la tête et se redressa sur ses oreillers, balançant ses jambes sur le côté pour se tenir assise sur son lit.
— La deuxième guerre a commencé avec cette bataille, annonça-t-elle. Nous avons tous choisi de vous accompagner. Sally-Ann pense que nous avons réussi. La prophétie a été détruite, le monde n'a pas eu le choix que d'admettre que Vous-Savez-Qui est de retour, et personne n'a subi de conséquences graves.
Elle soupira, dévisagea un à un ses compagnons d'Infirmerie.
— Nous sommes compagnons d'armes. Je me suis effondrée en plein milieu du champ de bataille, complètement inutile pour une simple brûlure. Je pensais être à la hauteur. C'est dur d'admettre que je ne suis pas la Légende qu'étaient mes parents.
Neville déglutit douloureusement.
— Excuse-moi, dit Ginny, mais j'ai aussi dû me tenir à l'écart après juste une cheville cassée. Être blessé en combat et ne pas pouvoir continuer, c'est un lot commun. Je ne crois pas que ça veuille dire quoi que ce soit par rapport à ta place parmi nous.
— Tu n'as pas à te sentir coupable Susan, intervint Lucifer d'une voix rauque. Tout le monde a flanché à un moment donné, ce soir-là. Les autres intervenants étaient rodés à des années de duel. Nous n'avons que quinze ans.
— Il y aura des prochaines fois, désormais, prédit la jeune Bones. Nous répondrons à l'appel. Ce n'est pas une guerre que vous avez à mener seuls.
Harry et Lucifer entrelacèrent leurs doigts. Le choc des révélations dans le bureau d'Albus Dumbledore ne s'était pas atténué. Ils peinaient à parler, à regarder les autres, à se départir de leur culpabilité et de la certitude profonde qu'ils devaient affronter Voldemort. La rancœur qu'Harry entretenait à l'égard de James en avait été décuplée.
— Je viens de croiser le professeur McGonagall, dit Harry un peu trop fort. Elle est revenue de Sainte Mangouste.
L'annonce fut saluée par des cris de joie, Lucifer échangea un sourire ravi avec Noah.
— Faites attention aux Serpentards, reprit le Survivant. Malefoy est furieux que nous ayons envoyé son père en prison, d'autant plus qu'il est tombé parmi les premiers et que Voldemort doit réellement vouloir lui faire payer.
— Je ne suis pas sûre qu'ils tentent quelque chose sous la surveillance de Dumbledore, s'opposa Hermione.
— Ils sont ingénieux, contra Sally-Ann. Nous préviendrons nos premières années.
Harry se leva de nouveau, tendant discrètement la main à Lucifer pour qu'il l'accompagne à l'extérieur. Ayant reçu son philtre calmant, le rouquin interrogea silencieusement Noah, qui attrapa au vol une chocogrenouille envoyée par Ron et entama la lecture d'un livre sur les Grands Procès de la Renaissance.
Leurs pas les portèrent à la lisière entre le lac et la forêt interdite, là où ils avaient un jour sauvé l'âme de Sirius, de leurs amis, et la leur.
— Dumbledore prétend que tout est sa faute, commença Harry. As-tu une idée du plan dont il parle ?
— Non, répondit prudemment Lucifer. Je crois simplement qu'il est moins en retrait que ce que nous pensions, et qu'il nous porte une attention particulière parce que dans la guerre qui arrive, nous serons des éléments clefs.
— Mais pas les seuls, c'est ça ?
Il soupira et s'adossa à un arbre au tronc recouvert de mousse.
— Tout ce que je croyais ne fait plus aucun sens. Je ne sais plus rien. Quand nous étions enfants, je t'ai dit que je tuerai Voldemort, et la simple idée aujourd'hui me rend nauséeux. Je n'avais aucune idée de ce que ça voulait dire, j'ai juste répété les discours qu'on m'a assené quotidiennement. Tuer ou être tué. Mais toi, tu es encore plus en danger que moi. Si les Mangemorts ont ordre de ne pas me toucher, Voldemort veut que tu tombes le premier. Il te considère comme la raison pour laquelle je suis encore en vie et la plus grande menace. Ô, l'ironie... C'est ton corps qu'il a possédé au Département des Mystères, ta mort qu'il préférait plutôt que la mienne. C'est un bordel sans nom, en ce moment, tu sais ? Notre père a fait de moi une égérie, un symbole. Je croyais qu'il ne m'avait privé que de toi, ce que je peinais à avaler, mais j'ai perdu bien plus que ça. J'ai perdu mon insouciance, des moments de vacances, de joie, de rires. Et regarde-moi me plaindre, alors que mon enfance a été géniale par bien des côtés. J'étais tellement persuadé d'être extraordinaire ! C'est ce que veut tout enfant, non ?
Harry eut un long rire sans joie.
— Un enfant rêve d'extraordinaire, mais ce qu'il veut, ce dont il a intrinsèquement besoin, c'est d'amour, répondit Lucifer du même ton docte que son thérapeute. Je sais que tu voudrais que je parle de moi... Je ne vais pas bien. Je me suis dissocié. Ma santé mentale qui commençait à se recouvrir est de nouveau en lambeaux. Je lutte de toutes mes forces pour éviter la régression et ne pas repartir dans une spirale infernale. Et j'ai très peur de retrouver Pétunia. Peu importe les explications de Dumbledore, elle ne m'a jamais élevé pour que je fonce dans le danger. Elle voudrait que je sois en sécurité, et je n'ai pas pensé à elle un seul instant.
— Je crois qu'elle ne t'en voudra pas, corrigea Harry. Je crois qu'elle sait très bien ce dans quoi tu as été entraîné.
— La guerre a commencé, souffla son frère. Il faut que tu sois en paix avec ton passé, Harry, parce que le présent va avoir besoin de toute notre attention. Nous devons avancer, quoi qu'il arrive, ensemble.
Ils s'appuyèrent l'un contre l'autre pour observer les vaguelettes sur le lac calme et désert. Les incertitudes n'attendaient que leur inattention pour les dévorer. Sirius se trouvait toujours à Sainte-Mangouste. Il s'était réveillé, mais paraissait dépossédé d'une partie de lui-même, restant les yeux vagues et réagissant à peine aux stimulis extérieurs. James avait encaissé silencieusement les reproches de Dumbledore, mais les deux frères n'étaient plus assez naïfs pour imaginer qu'il aurait cette fois entendu qu'il avait construit tout ce qu'il reprochait à ses enfants et ses amis. Et, trop tôt, les jumeaux devraient effectuer un choix primordial.
Albus Dumbledore tint parole. Le jour où Noah sortit de l'infirmerie, il fit mander les deux Poufsouffles dans son bureau, et livra une explication.
— Tu as fait l'expérience de l'Histoire, Lucifer, et un élève aussi attentif que toi en cours d'Histoire de la Magie aura relevé la présence de plusieurs éléments dans une guerre. Si tu désires une analogie, je suis le Général, qui observe le champ de bataille et aide ceux qui sont sur le terrain à prendre les bonnes décisions pour parvenir à la victoire. Ce n'est pas le rôle le plus noble, mais il est nécessaire, car il maintient une vue d'ensemble et une cohésion. Les éléments qu'il possède peuvent être utilisés pour renverser la situation à n'importe quel instant, ou se révéler dangereux. Il y a des choses qu'Harry et toi devrez apprendre à un moment propice et déterminant. Il était trop tôt pour que vous affrontiez Voldemort, tout comme il était trop tard pour vous apprendre le contenu de la prophétie. Lorsque votre choix sera fait, lorsque la guerre parviendra à sa fin, vous pourrez être victorieux.
Dans toute la prudence de sa diatribe, Dumbledore s'assurait qu'il n'obtienne aucun indice mais qu'il comprenne que s'ils voulaient la défaite de Voldemort, ils devraient patienter. L'information ne devait en aucun cas parvenir à l'ennemi, et le Mage Noir avait toujours accès à leurs esprits et à des espions. Il s'inclina.
Le directeur hésita, agitant des doigts fébriles, jetant un coup d'œil aux tableaux et aux objets qui l'entouraient.
— L'amour qui vous unit, l'amour dont vous faites l'expérience ne représente aucun danger pour la guerre. En revanche, je vous ai déjà averti des conséquences que pouvait avoir une relation si fusionnelle. Il faut que vous les compreniez. Il faut que vous en discutiez, que vous les analysiez, que vous consultiez au moins Cygnus Weber. Vous avez peur de perdre l'autre à chaque instant. Vous lui faites confiance pour veiller sur vous, mais pas sur lui-même. Tous deux, vous avez vécu la force destructrice de l'amour. Lucifer lors des Pétrifications, Noah lors du Tournoi des Trois Sorciers et au Département des Mystères. L'amour est une puissance qui peut détruire autant qu'il unit, une entité terrifiante et incontrôlable. Pour survivre et maîtriser votre amour, vous devez pouvoir vous vouer une confiance mutuelle absolue, laisser derrière votre peur de l'abandon. Il est primordial que vous réussissiez à atteindre cette confiance. Elle passera par des disputes ou vous vous exprimerez sans craindre que l'autre vous rejette, par l'acceptation de laisser l'un partir au devant du danger, gérer ses problèmes. Votre confiance doit être aussi absolue que votre relation.
L'homme observa les deux adolescents assis sur deux sièges différents qui n'éprouvaient que l'envie de se retrouver blottis l'un contre l'autre dans le même lit pour se promettre l'éternité et trouver la sérénité dans le pur contact.
— Comment avez-vous su, ce jour-là ? demanda Lucifer.
Il avait fallu que la question vienne de lui, qu'il admette à voix haute ce qui avait failli se produire. Dumbledore lui offrit un sourire, et ses yeux pétillèrent par-dessus ses lunettes en demi-lune.
— Mon cher Lucifer, la tour d'Astronomie est l'une des plus hautes, très isolée et difficile à surveiller. Crois-tu réellement que les Fondateurs et ceux qui leur ont succédé laisseraient un tel endroit sans protection ? Si un étudiant tente de passer la barrière protectrice, le directeur en est aussitôt informé. Tu n'aurai pas pu atteindre le sol. J'ai veillé sur vous deux jusqu'à ce que je sois certain, des semaines plus tard, que tu étais en sécurité.
La nouvelle soulagea Noah. Le Node se serait activé si Lucifer avait basculé, et Dumbledore aurait été forcé d'intervenir en personne. Dans la protection guérisseuse, ils avaient trouvé à surmonter l'épreuve de la meilleure manière.
Le festin de fin d'année vit Gryffondor remporter la Coupe de Quidditch, et Serpentard celle des Quatre Maison. Lucifer, Noah, Sally-Ann et Susan ne pouvaient y prêter moins d'attention. Certes, jamais encore Poufsouffle n'était arrivée première, toutefois leurs préoccupations différaient dorénavant de la norme pour adolescents. Ils entraient dans une guerre qui ne laisserait personne indemne.
Ils décidèrent de se tasser à huit dans un compartiment. Lucifer avait choisi le sol, Korrigan élisant domicile sur ses genoux. Le chat renâclait sous les caresses de Noah, méfiant devant ces nouvelles mains à l'odeur étrange. Il préférait se frotter contre ses jambes ou son nez. Hedwige, Cygne et Coquecigrue hululaient furieusement dans leurs cages calées entre deux valises. Susan avait laissé son hibou des marais s'envoler jusque chez sa tante avant le voyage. Aucun d'entre eux n'avait assez de place, et Pattenrond les jugeait depuis les hauteurs où il s'était réfugié. Ils n'auraient été nulle part ailleurs, concentrés et profitant du bien-être qu'ils se procuraient.
Harry comme Lucifer étaient très réticents à l'idée de sortir du train. Ils redoutaient les réactions de leurs tuteurs respectifs.
Amelia Bones se tenait en grande conversation avec leur tante. James, Remus, Molly et Arthur conversaient nerveusement. Ebenezer et Pernelle patientaient poliment avant d'aller saluer Pétunia, néanmoins leur nervosité vis à vis de l'état de santé de leur fils était inscrite sur leur corps. Tandis que sa femme se tenait immobile, Ebenezer s'agitait et tentait de parler sans vraiment faire sens. Lorsque vint son tour de sortir du train, Sally-Ann marqua un temps d'arrêt. Lucifer l'appela, inquiet. Elle fixait une femme aux cheveux clairs et ondulés qui tentait tant bien que mal de retenir un petit garçon aux joues rebondies voulant de toute évidence foncer vers la locomotive rouge. Un homme barbu de petite taille posait une main ferme sur son épaule. Sachant qu'il valait mieux ne rien dire pour ne pas que son amie se ferme, Lucifer lui proposa son aide pour descendre sa lourde valise du marchepied.
La jeune fille ne détachait pas de sa famille un regard aussi stupéfait que défiant. Le petit garçon l'avait repérée et l'appelait à grand cris et gestes des mains. Quelque chose au creux du ventre de Lucifer le força à réagir, quand bien même son amie se retournerait contre lui.
— Tu dois y aller avant qu'il ne prenne ta réaction comme un rejet, la pressa-t-il. Va le voir. Reviens après si tu veux, mais va le voir.
— Tout le monde n'est pas comme toi ! s'emporta Sally-Ann. Oh, excuse-moi, tu sais que c'est épidermique, et je sais que tu as raison. Je reviens, il sera ravi de te rencontrer.
Elle s'avança vers Andrew, évitant soigneusement de prêter attention à ses parents, et souleva son petit frère dans les airs sous ses gloussements aussi ravis qu'indignés.
Harry et Lucifer fixaient leurs familles. Le rouquin poussa discrètement Noah vers la sienne, sachant qu'ils ne partiraient pas sans s'être fixé de date de rencontre. Pernelle et Ebenezer l'entourèrent de leurs bras, examinèrent ses cicatrices avec fascination, l'embrassèrent en commentant sa croissance, son apparence, s'inquiétant des dégâts causés par Ombrage.
— Viens, Lucifer, l'appela Pétunia.
Elle s'était avancée tandis qu'Amélia Bones accueillait Susan avec une pudeur partagée par sa nièce. L'adolescent fut surpris du ton doux par lequel elle s'adressait à lui, par la main qu'elle tendait dans sa direction. Korrigan feulant dans sa cage, il s'approcha.
— Attends, l'interrompit son père en posant une main sur son épaule.
Le garçon hurla, attirant sur eux l'attention de tous les autres passagers. Pernelle et Ebenezer décidèrent de réagir immédiatement.
— Je voulais juste dire au revoir à mon fils, lâcha sèchement James.
— Et tu n'as pas un instant songé qu'après tout ce qu'il avait traversé, il risquait de croire que tu voulais l'arracher à son foyer ? répliqua Pétunia, acide.
Pour la première fois depuis qu'il le connaissait, Lucifer vit son père aborder un air contrit. Il laissa son enfant retourner près de sa belle-soeur, inconscient qu'il venait de rompre un lien fragile qui se tissait entre Pétunia et lui, rompre le fil des promesses que le pas en avant de la femme signifiait.
— En vous voyant étendus sur le sol... J'ai eu peur, reconnut James. Harry et moi passerons pour organiser les vacances.
Il ouvrit les bras, et son visage s'affaissa lorsqu'il n'obtint aucune réaction. A contretemps, le rouquin réalisa que son père avait voulu l'étreindre.
— Je ne crois pas t'avoir invité, répliqua Pétunia. Fort heureusement, je suis une adulte, aussi vais-je passer outre ton impolitesse. Harry et toi pouvez venir pour le thé samedi prochain, est-ce un horaire qui te convient ? Si Harry et Lucifer veulent se voir, je serai ravie de l'héberger quelques jours.
Les jumeaux se séparèrent douloureusement, se promettant de s'écrire dès le lendemain, une fois qu'Hedwige serait remise du pénible voyage en train. Lucifer sentit qu'on tirait sur sa manche.
— C'est toi, Lucifer ? gazouilla le petit frère de Sally-Ann. Elle a dit qu'elle veut te dire au revoir, mais maman veut que ce soit vite, elle aime pas la gare.
— Bonjour Andrew, murmura l'adolescent en s'agenouillant à sa hauteur. Je suis honoré de te rencontrer.
— Il ne sait pas ce que ça veut dire, répliqua Sally-Ann en roulant des yeux. Dis-lui juste que tu es heureux de le voir ! Bonjours, Mrs Evans, enchantée. Je suis une amie de votre neveu.
Elle tendit une main respectueuse à Pétunia, qui s'en saisit et détailla la veste en jean déchiré, les hautes bottes, et le t-shirt rock dont était affublée l'adolescente.
— Je vois que tu as partagé tes goûts avec Lucifer, commenta-t-elle. Je présume que tu es Sally-Ann ? Puis-je aller saluer tes parents ?
La prudence avec laquelle la femme s'exprimait trahissait son malaise et sa méconnaissance de la magie, bien que les vêtements de la jeune fille fussent une bonne indication.
— Oh, grimaça celle-ci... Il ne vaudrait mieux pas. Ils n'aiment vraiment pas que je sois une sorcière, et je crois qu'ils vous mettraient très mal à l'aise sur la façon dont vous avez accepté que votre neveu ou votre sœur le soient. Vraiment, Mrs Evans. Comme Lucifer pourra vous le dire, je suis même surprise qu'ils soient venus me chercher. Je crois qu'ils ont eu peur, eux aussi. J'en suis quitte pour un savon. Lucifer... Profite de ton été, et écris-moi !
Elle brûlait d'envie de l'enlacer, s'en empêchait. Son ami décida d'en prendre l'initiative, de la laisser rompre le contact quand elle le désirait.
— Je ne t'en veux pas, d'accord ? Essaie, toi aussi, de ne pas trop m'en vouloir, je sais que je suis irritable.
Il la sentit forcer sur ses muscles, forcer à se dégager. Elle ne parlait pas assez. Il ignorait exactement ce qu'elle avait ressenti, au Département des Mystères, comment elle traversait l'épreuve. De fait, il se trouvait incapable de l'aider.
— Viens Andrew, on retourne voir Papa et Maman. Je t'offrirais une figurine du train pour ton anniversaire.
— Mais c'est pas demain ! se révolta l'enfant.
Une ombre passa sur le visage de Pétunia tandis qu'elle observait le petit garçon, retranchée quelque part où Lucifer ne pouvait plus l'atteindre. Une fois tous les adieux effectués, ce fut une femme impatiente qui entraîna son pupille vers la partie moldue de la gare.
Elle choisit de faire halte un salon de thé calme, le même que celui qui avait suivi son retour de troisième année.
— Le professeur Dumbledore m'a écrit, annonça-t-elle. Il voulait que je sache que tu n'es pas responsable d'être entré par effraction dans un Département Secret Défense.
Lucifer lui avait envoyé une lettre également, où il expliquait ce qui s'était produit, s'attendant à tout instant à être rejeté, à ce qu'elle lui ordonne de ne plus remettre les pieds dans cette maison où elle s'était réfugiée pour lui, pour elle, pour Dudley.
— La réponse que j'ai envoyée à ton directeur était assez désagréable, ajouta-t-elle. Ce monde m'a tout pris. Chaque année, j'ai failli devoir organiser ton enterrement. Je voudrais que tu m'écoutes attentivement. Tu es chez toi auprès de moi. Tu peux faire toutes les bêtises que tu veux, tu peux te mettre en danger, tu seras toujours chez toi. Je ne sais pas dans quel genre de monde huit adolescents peuvent être autorisés à mener un combat contre un dangereux criminel, mais tu vis dedans. Tu veux en prendre la responsabilité, je ne te la retirerai pas. Tu as raison, tu as fait le choix d'aller sauver Sirius dans un piège évident. Mais si tu avais eu des adultes responsables autour de toi, des adultes qui ne t'ont pas appris toutes ces années que tu ne valais rien, que tu devais te sacrifier, tu aurais agi autrement. Lorsqu'un enfant commet un acte aussi grave, les adultes autour de lui sont responsables, et je suis ta tutrice. Je ne t'ai pas donné pour consigne de ne pas mettre ta vie en danger, je ne peux pas être en colère que tu l'aies fait. A présent, la guerre commence, et nous allons décider ensemble de la suite. Je ne t'interdirai pas d'y participer. Je n'aurai pas cette cruauté. Mais je veux qu'avant tout, tu aies une santé mentale rétablie, et nous allons nous concentrer cet été sur ton bien-être.
Lorsque le thé arriva, sa tante lui servit l'eau brûlante avec sa grâce habituelle, ses manières de jeune fille aisée des années soixante. Son pupille, sonné, peinait à comprendre le sens de son monologue si étrange, à la fois si distant et si proche.
— J'ai un nouveau symptôme, murmura-t-il. James a appelé ça la dissociation, Hermione dit que c'est ce qui peut se produire en cas de Syndrôme de Stress Post-Traumatique. La situation a encore empiré, j'ai l'impression de n'être...
— Cesse de t'apitoyer sur toi-même, le tança sa tante. Au contraire, je trouve que tu es resté au pallier franchi la dernière fois. Ton thérapeute t'aidera à gérer la dissociation, tu as rendez-vous lundi. Demain, Dudley revient de chez son père et nous irons passer l'après-midi à St James Park. Tu tiens debout, tu as été capable de passer tes examens et de remporter une bataille. Je pense que c'est suffisant pour que tu puisses te regarder en face. Les Weber nous invitent à dîner mercredi prochain, et tu peux téléphoner à Noah ce soir.
Avec son ton sec, son emploi du temps cadré et autoritaire, la façon dont elle prenait implicitement en compte les désirs de son neveu, Lucifer reconnaissait sa tante. Il la remercia sans avoir à forcer le sourire amusé et ravi qui s'étirait sur son visage.
— Est-ce que tout va bien avec Vernon ? s'enquit-il.
— Ce n'est pas ton rôle de t'en préoccuper, répliqua Pétunia avec suffisamment de douceur pour qu'il ne se sente pas rembarré.
— Non, répondit prudemment l'adolescent. Mais je le fais tout de même, parce que je voudrai être certain que tu vas bien. Les rives de l'enfance sont déjà loin pour nous, nous sommes en âge où nous pouvons décider d'écouter ceux qui nous élèvent.
— Il y a des sujets que nous allons commencer à pouvoir aborder, puisque tu seras bientôt majeur, acquiesça sa tante. Mon divorce avec Vernon ne fait pas partie des sujets de prédilection.
Elle considéra son neveu, considéra la possibilité qu'il veuille juste savoir ce qui s'était passé durant son absence, durant son année en Ecosse, et s'efforça d'adopter un ton calme.
— Il a très mal pris mon départ et s'est montré particulièrement injurieux. J'ai quitté Privet Drive le jour même où je lui ai annoncé que je souhaitais divorcer, et n'ai accepté les rencontres qu'en café ou en présence de nos avocats. Grand bien m'en a pris. Nous n'avons presque plus de contact, en dehors des jours où je dépose Dudley chez lui ou des coups de téléphone de querelles dont tu n'as aucun intérêt à connaître leur contenu discutable.
La femme passa sous silence la façon dont son fils réagissait à la situation et Lucifer comprit qu'elle désirait garder le secret de leur relation, respecter l'intimité de son enfant, ce qu'il concevait parfaitement. Il eut un nouveau sourire devant l'épouse de banlieue modèle qui avait tant aimé les ragots et gardait dans son ton une légère excitation teintée de mépris en dépeignant la situation.
— Je veux que tu me parles de la bataille, dans la voiture, ordonna sa tante. Je veux savoir exactement ce qui s'est produit, et je veux les nouvelles du monde magique. Ainsi qu'une explication sur Dolores Ombrage.
Ils quittèrent King's Cross ensemble et Lucifer, qui quelques heures plus tôt, arborait une mine sombre et se blottissait contre Noah et son frère comme si sa vie en dépendait, souriait face à la fraîcheur nouvelle de Pétunia Evans.
