Chapitre 27 : Beaucoup de questions …
Fort de cette conviction, je ne cessais de gamberger. Il y avait un ou plutôt une Black à laquelle je ne pouvais pas m'empêcher de penser dans le rôle de la méchante manipulatrice, même si toutes les apparences raisonnables étaient contre cette hypothèse. Même si elle ne donnait pas le moindre signe laissant supposer qu'elle pourrait avoir les capacités de mettre en œuvre un tel plan, je me souvenais de ce que Dumbeldore racontait du comportement de son père à l'époque où il était élève à Poudlard, de la façon dont il avait réussi à embobiner tous les autres professeurs au point d'être nommé préfet, alors qu'il avait déjà commencé ses exactions en tuant les membres de sa famille paternelle. Oui, je m'inquiétais que Delphini Black puisse être responsable de tous les évènements qui nous affectaient depuis quelques mois. En d'autres termes, depuis son arrivée.
Et si mes craintes n'étaient pas justes stupides et irrationnelles, je m'inquiétais de sa proximité avec Albus. Après avoir hésité, tourné en rond, attendu, je finis par demander au gamin de passer dans mon bureau pour l'enjoindre de garder ses distances avec Delphini Black, et ça se passa aussi mal que je m'y attendais.
« Delphini n'est pour rien dans tout ce qui se passe. C'est à cause de ses parents que vous dites ça et ce n'est pas juste, car elle n'est pas responsable de qui ils étaient. » répliqua-t-il avec colère avant de se diriger vers la porte.
Je me forçai à le laisser partir. Mais le lendemain, suivant mes pires craintes, il ne se présenta pas à mon bureau pour son cours d'Occlumencie & Legilimencie. Il en fut de même le vendredi. Il me faisait la tête et j'en étais véritablement malade malgré l'indifférence que j'affichais. Quant à lui, il avait sa mine sombre des mauvais jours, mais sans chercher à résoudre son problème avec moi. Cela dura également toute la semaine suivante, la dernière qui nous séparait des vacances de printemps.
Je devais absolument sortir de cette pénible situation avec lui. Je ne voyais qu'une solution : chercher des preuves soit de l'implication, soit de la non implication de Miss Delphini Black dans les évènements qui affectaient les descendants d'Uranus Black. Ensuite, je présenterai ces preuves quelles qu'elles soient à Albus pour qu'il puisse en juger par lui-même. Evidemment, j'aurais dû commencer par ça, par chercher des preuves avant de lui parler, mais dans l'urgence ma méfiance instinctive à l'égard de cette gamine avait repris le dessus et j'avais voulu commencer par éloigner Albus d'elle, avec un succès discutable puisque c'est de moi que j'avais réussi à l'éloigner. Et ça, c'était vraiment insupportable.
J'avais des raisons de penser que le Ministère qui avait enfin pris la situation au sérieux, disposait désormais de plus amples informations. En effet, Narcissa m'avait envoyé un hibou pour me raconter quelque chose de très intéressant. Sachant que les vacances allaient ramener au Manoir Malefoy Scorpius et Delphini et donc deux maillons supplémentaires, ce qui en ferait quatre au total maintenant que Drago avait repassé son deuxième maillon à sa tante Andromeda, le Ministère leur avait proposé une protection. Lorsque Lucius avait répondu avec hauteur qu'il était bien capable d'assurer lui-même la protection de sa famille, les représentants du Ministère lui avaient clairement indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une option mais d'une obligation, car le Ministère ne prendrait pas le risque que la chaîne de la malédiction Opes ac Dolor soit reconstituée uniquement pour ménager sa susceptibilité.
Cette histoire était d'autant plus intéressante que les Langues-de-Plomb fidèles à leur réputation ne laissaient rien filtrer sur leur enquête. Mais l'insistance du Ministère à protéger le Manoir Malefoy prouvait que ses représentants savaient désormais que d'autres maillons avaient déjà été subtilisés à leurs propriétaires. Sur cette base, j'étais capable de mener mes propres investigations, je l'avais fait bien des fois dans le passé.
Dans la période pendant laquelle j'avais voyagé, après la Bataille de Poudlard, j'avais noué des relations avec des potionnistes de différents pays. Je commençais donc mon enquête à distance en leur envoyant des hiboux pour me renseigner sur des problèmes qui auraient pu concerner à leur connaissance à des sorciers dont la famille était liée à la Maison des Black. Une piste sérieuse se dessina très vite en Espagne dans un petit village, sorte de Pré-au-Lard local, qui avait été le théâtre un an auparavant d'évènements tragiques.
J'envisageais de m'y rendre dès le début des congés et j'aurai malheureusement toute liberté de le faire. Malheureusement, car cela signifiait qu'Albus avait décidé de ne pas passer au Manoir des Prince pendant les vacances. Bien que ne me parlant plus, il avait réussi à me le faire savoir indirectement d'une manière toute serpentarde en mentionnant à Scorpius suffisamment fort pour que je l'entende, qu'il se rendrait chez ses grands-parents Weasley avec Rose Granger-Weasley et d'autres de ses cousins pour les vacances.
Le lendemain du début des vacances, je transplanai donc seul pour l'Espagne où m'attendait mon collègue potionniste. Après les salutations d'usages, il en vint à l'objet de ma visite :
« Mon cher Severus, je vous ai arrangé pour demain un rendez-vous avec la famille dont je vous ai parlé dans mon hibou. Mais je vous en conjure soyez délicat, ils sont restés très traumatisés par ce qui leur est arrivé. »
« Oui, bien sûr, mon cher Arcelio. Comme d'habitude. » répondis-je distraitement
Mon collègue toussota avant de bafouiller sur un ton gêné :
« J'aurais préféré … Enfin, comment dire … un peu plus … que d'habitude, si c'est possible. »
Je le regardai avec surprise. C'était à croire qu'il s'était donné le mot avec McGonagall. A les entendre, on aurait pu croire que j'avais l'habitude de charger droit devant moi comme un éruptif hargneux. Ridicule ! Je pris sur moi pour lui répondre avec le sourire qu'il n'avait pas de souci à se faire. Bizarrement, il n'avait pas l'air totalement convaincu.
….
Après avoir rongé mon frein presque une journée entière, je fus soulagé qu'il soit enfin temps de transplaner vers Prado-de-Leche, un petit village sorcier de Catalogne. La famille de sorciers qui nous attendait avec une nervosité manifeste, était composée de quatre personnes. Le père était un sang-mêlé descendant d'Uranus Black que Walburga Black se serait empressée d'effacer de sa tapisserie, s'il y avait figuré, et ce d'autant plus qu'il avait commis la faute impardonnable d'épouser une sorcière née-moldue. Les deux enfants, fille et garçon, auraient bientôt l'âge de rentrer à l'école je leur aurais donné autour de neuf - dix ans. Leurs parents les envoyèrent jouer au quidditch dans le jardin pour pouvoir discuter tranquillement avec Arcelio et moi autour d'un café.
« C'est arrivé, il y a presque un an jour pour jour. » nous raconta le père de famille « Il semble que nous ayons été agressés par un individu venu nous dérober les deux porte-bonheur Black que j'avais transmis à mes enfants. Je dis « il semble », car aucun de nous n'a le moindre souvenir de l'agression. L'agresseur nous a en effet oublietté tous les quatre. Ce qui est clair, c'est que quand nous avons repris connaissance les enfants n'avaient plus leur porte-bonheur. »
« En fait, c'est moi qui est repris mes esprits la première. » compléta sa femme qui peinait manifestement à contrôler ses émotions « J'étais paniquée en trouvant mon mari et mes enfants inconscients, alors que je ne savais plus ce qui avait bien pu nous arriver. Du coup, je suis partie chercher de l'aide chez notre voisin qui était un cousin de la mère de mon mari. Quand, je suis arrivée, il était en plein duel avec un inconnu. Je ne pouvais rien faire, car dans ma panique j'étais partie sans ma baguette. Alors, je me suis cachée. Quelques instants plus tard, cet individu s'enfuyait après avoir tué notre voisin. »
Elle laissa échapper une larme. Je me retournai vers son mari, histoire de lui donner le temps de se reprendre.
« Ce cousin de votre mère, c'était bien du côté Black, n'est-ce pas ? » interrogeai-je
Mon interlocuteur se borna à hocher la tête pour le confirmer. Le scénario commençait à se dessiner clairement et qu'il correspondait tout à fait à ce que j'avais en tête en venant. Ces gens avaient bien été agressés par une personne, au moins une personne, à la recherche des maillons de la chaîne. Restait à savoir qui était l'agresseur. La sorcière qui nous recevait me semblait hors d'état de nous raconter plus de détails, alors que j'avais absolument besoin d'éléments plus précis. Je tentai le tout pour le tout :
« J'aurais absolument besoin de visualiser votre souvenir de ce duel. »
« C'est que nous n'avons pas de Pensine. » objecta-t-elle
« Je sais que ça peut-être vous paraître indélicat, mais je pense pouvoir revendiquer un certain talent en tant que Legilimens. Aussi, si vous vous sentiez capable de me « montrer » ce souvenir, je pourrais le regarder directement. En vous promettant, naturellement de ne rien visualiser d'autre. » osai-je réclamer
Sans lui laisser le temps de refuser, j'avançai un argument supplémentaire :
« Jamais, je ne me permettrais de vous demander ça, si la santé et la sécurité de plusieurs des élèves dans l'école où j'enseigne, n'en dépendaient pas. Plusieurs d'entre eux qui sont à peine plus âgés que vos propres enfants, ont déjà été agressés. »
La mère qu'elle était, céda devant cet argument. Quand je pense que McGonagall osait me reprocher mon manque de psychologie !
Je visionnai donc le souvenir qu'elle avait fait surgir à la surface de son esprit. C'était un duel d'une grande intensité et d'une grande violence entre deux sorciers de talent, rien à voir avec les jeunes sorciers qui n'avaient jamais réussi à traverser les serpents de feu d'Albus. L'agresseur qui ne s'attendait sans doute pas à une pareille réception de la part d'un vieux sorcier, parut quelques instants et difficulté. Mais il eut vite fait de rétablir la situation et n'hésita pas à utiliser un Avada Kedavra pour en finir. Puis il se pencha pour fouiller le cadavre de son adversaire avant de disparaître en transplanant. Même si l'agresseur portait une large cape de voyage dont il avait rabattu la capuche pour mieux se dissimuler, il s'agissait indéniablement d'un homme adulte plutôt grand, ce qui éloignait à mon grand soulagement l'hypothèse de Delphini Black.
Pendant ma séance de Legilimencie avec sa femme, notre hôte avait réfléchi.
« Malgré l'enquête de notre Ministère, le meurtrier de notre voisin qui est probablement aussi notre agresseur, n'a jamais été retrouvé. Mais vous avez l'air d'en savoir beaucoup plus long sur les causes de ce qui nous est arrivé. Peut-être pourriez-vous nous l'expliquer ? » articula-t-il lentement
En tant que descendant d'Uranus Black, il avait tout à fait le droit d'être au courant, je lui expliquai donc ce que je savais. J'en profitai pour lui poser une question sur d'autres parents qu'il pourrait avoir du côté Black et qui seraient également susceptibles d'être en danger. Il se souvint que sa mère parlait parfois d'un lointain cousin vivant dans le sud de l'Espagne, mais il ne le connaissait pas personnellement et ne se souvenait même pas de son nom.
Après avoir pris congé avec nos hôtes, mon collègue potionniste alarmé par mon récit me demanda de bien vouloir rester en Espagne le temps d'aller visiter avec lui le cousin côté Black dont nous venions d'apprendre l'existence. Même si j'étais pressé de rentrer en Angleterre pour une toute dernière vérification, je consentis à rester quelques jours pour l'aider. Il lui fallut trois jours pour identifier, grâce à ses contacts, le sorcier en question, ainsi que le lieu isolé où il habitait.
Quand nous transplanâmes près de l'hacienda en fin d'après-midi, je fus tout de suite saisi par le silence oppressant qui régnait dans les lieux. Il ne nous fallut que quelques minutes pour vérifier que l'habitation était vide, le maître de maison et son elfe avait disparu. La pièce principale était dans un désordre effrayant comme si un combat s'y était déroulé. Et il était probable qu'un combat s'y soit effectivement déroulé et qu'il ait été fatal aux occupants de l'hacienda, un avis que j'exprimai sans détour à mon collègue :
« Mon cher Arcelio, je vous laisse informer votre Ministère de ce que nous avons découvert ici. Même si je pense qu'il y a bien longtemps qu'il est trop tard pour faire quelque chose pour les occupants de cette maison. »
« Vous pensez que ce sorcier et son elfe ont été tués et qu'on a fait disparaître leurs corps ? » m'interrogea mon collègue
« Exactement. Et sans doute, il y a bien longtemps » affirmai-je « D'après vos informations, ce sorcier vivait très retiré. Il aurait pu disparaître à l'époque où ses cousins de Prado-de-Leche ont été attaqués sans que personne ne s'en préoccupe depuis. »
« Mais qui, mon cher Severus, qui est responsable de ces attaques ? » s'inquiéta mon collègue
Je levai les mains dans un geste impuissant pour signifier que je n'en savais rien. Mon but restait en effet beaucoup plus modeste, déterminer s'il pouvait s'agir ou pas de Delphini Black. Et j'avais un rendez-vous le lendemain pour faire une dernière vérification en ce sens. Après, je pourrais enfin essayer de reprendre contact avec Albus avec des éléments concrets.
Mais il était dit que cette sombre journée ne se terminerait pas pour moi sans une magnifique nouvelle qui me remplit d'une joie sans mélange : Albus était rentré de lui-même dans notre Manoir et il me cherchait. Pour me l'annoncer, Tinny m'avait retrouvé par des moyens magiques qui lui étaient propres dans l'auberge où je passais ma première nuit en Espagne. C'est avec un soulagement presque infini que je me sentis pardonné avant même d'avoir eu l'opportunité de m'excuser. Je résistai cependant à l'envie de tranplaner immédiatement au Manoir pour le voir, car je voulais obtenir une dernière information avant d'aller le retrouver. J'indiquai donc à Tinny que je serai de retour le lendemain en lui recommandant inutilement de bien s'occuper d'Albus d'ici là.
