Chapitre 28 : … et quelques réponses
Le lendemain matin, quand je transplanai à Sainte-Mangouste, j'étais toujours tellement réjoui du retour spontané d'Albus au Manoir des Prince que je me retenais avec difficulté de sourire bêtement tout seul. Ce que ne manqua malheureusement pas de noter le Médicomage avec lequel j'avais rendez-vous :
« Mon cher Severus, vous avez l'air ... »
Il s'arrêta pour chercher les mots adéquats pour traduire sa surprise. J'avais moi-même tout un tas de suggestions allant de « parfaitement stupide » à « franchement ridicule », mais il opta pour une version plus sobre :
« ... très en forme. »
Ce Médicomage me devait quelques services, car il lui arrivait de faire appel à moi dans certains cas compliqués pour lui créer une potion spécifique pour tel ou tel patient. J'espérais donc qu'il accepte de me donner quelques précisions sur la date d'arrivée de Delphini Black l'année précédente et donc sur sa situation à la date à laquelle les descendants espagnols d'Uranus Black avaient été attaqués.
Je craignais qu'il se fasse un peu tirer l'oreille pour donner des informations sur son ancienne patiente, mais il n'en fût rien. Au contraire, il semblait content que quelqu'un vienne enfin s'inquiéter d'elle.
« Vous n'imaginez pas dans quel état, elle est arrivée ! » s'écria-t-il en levant les bras « Elle était dans un état de stress, je dirais même dans un état d'angoisse, tel que nous avons commencé par la mettre plusieurs jours sous potion de sommeil, en la surveillant jour et nuit, puis sous potion apaisante ! »
Je me renseignais l'air de rien sur la date exacte de son arrivée et un simple calcul m'appris que le jour où les évènements s'étaient produits à Prado-de-Leche, elle dormait sous surveillance à Sainte-Mangouste. Elle n'avait donc pu ni attaquer qui que ce soit, ni mettre quelqu'un sous Imperium pour le faire à sa place. Fort de cette certitude, je n'avais plus qu'une envie, rentrer au Manoir des Prince et faire amende honorable auprès d'Albus.
Cependant, la politesse et un peu de curiosité aussi me conduisirent à faire taire mon impatience pour interroger un peu plus avant mon interlocuteur sur le cas de Delphini Black et plus précisément sur la raison pour laquelle elle était arrivée en si mauvais état à l'hôpital.
« Cette gamine a manifestement passé sa vie entière à être ballotée un peu partout, sans que personne ne lui demande jamais son avis sur ce qui la concernait. » m'expliqua-t-il en secouant la tête « D'après ce que j'ai compris de ses propos, ses « tuteurs » lui avaient expliqué à son entrée à Durmstrang, qu'elle y resterait pendant toute la durée de ses études. Et elle s'est accrochée à l'idée de cette stabilité même quand l'Institut l'a déscolarisée tout en la gardant dans ses murs. C'est quand Durmstrang s'est littéralement débarrassé d'elle en la faisant emmener par les représentants de notre Ministère qu'elle a complètement craqué, d'autant plus qu'elle n'était pas capable de communiquer en anglais. D'où la potion de sommeil pendant près d'une semaine. »
Je ressentis une véritable honte en repensant à ce que j'avais dit de cette gamine qui n'était rien d'autre qu'une victime. En prenant congé, je lui demandai l'autorisation de lui envoyer Narcissa Malefoy pour discuter avec lui du cas de Delphini Black. Il l'accepta sans difficulté. Puis, je transplanai pour le Manoir des Prince, dont je trouvai la façade austère plus accueillante que jamais sachant qu'Albus était là.
« Il travaille dans la bibliothèque. » me glissa Tinny alors que je traversais le hall à grands pas.
« Je suis désolé ! » lançai-je sans préambule en ouvrant la porte de la pièce
« Je sais. » répondit-il simplement en se levant du tapis sur lequel il était vautré suivant son habitude pour venir se jeter dans mes bras
Je le serrai dans mes bras en repoussant mes larmes avec difficulté. Personne ne m'avait plus répondu ça depuis la mort de sa grand-mère. Lily aussi « savait » toujours quand je m'en voulais de m'être comporté comme un crétin.
« Moi aussi, je suis désolé d'avoir fait la tête. » murmura-t-il
« Tu peux l'être ! » grondai-je pour retrouver une contenance
Il recula d'un pas pour considérer ma tenue les sourcils froncés. Je n'avais même pas enlevé ma cape de voyage pour aller le retrouver plus vite.
« Mais où étiez-vous ? » demanda-t-il
« Je vais te raconter ça, mais j'ai besoin d'une tasse de thé. » réclamai-je « Allons dans mon bureau ! »
Il se retourna pour empiler d'un mouvement de baguette les livres et les parchemins qui trainaient par terre et les ranger sur la table où je ne désespérais pas qu'il s'installe un jour pour travailler plutôt que sur le tapis.
Je posais une main sur son épaule pour parcourir le couloir qui nous séparait de mon bureau. J'avais intérêt à profiter maintenant de pouvoir encore le faire, car dans deux ou trois ans il ferait la même taille que moi. Tinny nous surveillait du coin de ses yeux globuleux, nous étions l'essentiel de son monde et il était primordial que tout aille bien entre nous pour qu'elle aille bien.
Le thé demandé apparut sur la petite table. Je m'assis avec satisfaction dans mon fauteuil et vidai une première tasse avant de lui résumer mes investigations des derniers jours.
« N'empêche que sans ses parents, vous ne l'auriez jamais soupçonnée. » observa Albus à propos de Delphini Black
Contrairement à l'autre jour, il n'y avait pas de reproche dans son ton. Aussi n'est-ce pas ce qui retint mon attention, ce qui m'interpela c'est que pour la deuxième fois il avait dit « ses parents » en insistant juste assez sur le « ses » pour que j'y vois un message. Bien sûr l'inflexion était minime, mais Albus était un serpentard et comme tel j'étais certain qu'il ne faisait pas ça par hasard. J'allais donc là où il semblait vouloir m'emmener, en lui demandant :
« Pourquoi dis-tu « ses parents » et non juste « sa mère » ? Aurais-tu davantage d'informations ? »
« Oui, je sais qui est son père et j'imagine que vous le savez aussi. » répondit-il en se concentrant sur son verre de jus de citrouille
C'était un vrai dialogue de serpentards, il voulait dire certaines choses mais aussi m'amener à lui en révéler aussi. Et moi, j'imaginais l'irritation de son gryffondor de père quand le gamin essayait de discuter de cette façon-là avec lui. Pour ma part, j'étais capable de jouer le jeu :
« Disons que j'ai une quasi-certitude. »
« Et c'est difficile pour vous vis-à-vis de Delphini ? » demanda-t-il
« Je t'avoue que c'est un peu compliqué. » confessai-je
Il décida de découvrir un peu son jeu :
« Parce que son père a tué ma grand-mère ? »
« Parce qu'il a tué ta grand-mère et beaucoup d'autres gens. Parce qu'il a entraîné dans sa folie meurtrière toute une partie du monde sorcier. Parce qu'il a failli nous détruire tout simplement. » répondis-je
Pendant qu'il analysait ma réponse, j'avançais moi-même la question qui me brûlait les lèvres :
« Comment l'as-tu appris ? »
La réponse fusa tellement évidente que j'aurais dû y penser moi-même :
« Salazar Serpentard, enfin son portrait, me l'a dit. »
« Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement ? » interrogeai-je
« Quand je suis venu lui demander de nous organiser une entrevue avec Phineas Nigellus Black, il m'a reproché de ne pas être venu le voir depuis longtemps, ce qui était vrai, et surtout de ne pas lui avoir encore amené la petite Gaunt. » expliqua-t-il
« Et tu as compris immédiatement ce que cela signifiait ? » le questionnai-je
« En fait, oui. » admit-il « Sur le mémoire du Professeur Lupin, il était mentionné que Voldemort était le dernier représentant de la Maison des Gaunt par sa mère, et que c'est pour ça qu'il était Fourchelang. »
« Je vois. Et qu'est-ce que tu as dit à Salazar Serpentard ? » repris-je
« Je lui ai demandé de ne pas en parler à Delphini, de s'adresser à elle en parlant seulement de la Maison des Black, s'il devait lui dire quelque chose. » raconta Albus
« Et qu'est-ce qu'il t'a répondu ? » insistai-je
« Il m'a dit qu'il était d'accord, mais que je devrais bientôt lui dire la vérité. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que je dois lui dire la vérité dès maintenant ? J'ai peur de lui faire du mal. » s'inquiéta-t-il
Il venait d'en arriver à la question qui le préoccupait. Et je n'avais pas la moindre certitude quant à la bonne réponse. Je coupai la poire en deux pour ne pas le mettre en difficulté, mais sans être vraiment certain d'avoir raison :
« Il est clair qu'il faudra le lui dire un jour, mais je ne vois pas l'urgence à le faire tout de suite. »
Je sentis son soulagement, mais il restait songeur. En profitant du temps pluvieux, je lui proposai de faire une petite potion l'après-midi, histoire de lui donner l'opportunité de me dire le reste de ce qu'il avait en tête. Cela vint assez vite. Tout en pesant méticuleusement les yeux de scarabées, il lança sans me regarder :
« Vous savez, Delphini compte beaucoup pour moi et ça m'est égal qu'il soit son père. »
Ce fut à mon tour d'affirmer :
« Je sais, Albus, je sais. »
« J'espère que ça ne vous dérange pas trop. » ajouta-t-il avec une vraie inquiétude dans la voix
« Eh bien, disons que je vais faire mon possible pour m'en accommoder … » certifiai-je sans pouvoir me départir d'une certaine angoisse en me demandant ce qui se passerait le jour où cette information serait connue de tous
Aucun de nous ne revint plus sur la question de toutes les vacances. La deuxième semaine se passa tranquillement entre potions, parties d'échecs et petits plats concoctés par Tinny pour Albus. Notre seule distraction, alors que les mesures de sécurité prises au Manoir Malefoy nous interdisait d'y aller comme à ses habitants de venir nous voir, fut constituée par la visite d'Harry et de Ginny. J'aurais voulu retenir le temps, profiter un peu plus longtemps de cette quiétude, alors que je prévoyais que le retour à Poudlard risquait d'être compliqué, ce en quoi je ne fus pas déçu …
