NDA 14/10/23 : Bonjour à tous, J'espère que votre semaine s'est bien passée? Nous approchons du final à grand pas... Et je pense que ce chapitre fera hurler certains d'entre vous. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite une excellente lecture et vous dit à la prochaine!


Chapitre 29 : Promesse éternelle.

Arman retourna sur le navire fantomatique qui les avait emportés jusqu'à Poudlard.

Les chambres des élèves de Durmstrang étaient similaires aux petites cabines d'un équipage marin, et loin d'avoir le confort des lits de Poudlard, les garçons se contentaient d'un lit de camp et d'un duvet. Une vasque de pierre reposait sur un bureau étroit, et contenait de l'eau gelée pour se débarbouiller. Arman, comme tous les septième-années, disposait d'une toute petite lucarne incrustée dans le mur, pour observer le lac.

Apposant sa main puissante sur la vitre, cette dernière s'obscurcit drastiquement, jusqu'à devenir aussi noire qu'un tableau d'ardoise. D'un autre revers, il verrouilla sa porte, avant de s'asseoir en tailleur sur le plancher humide.

Sous ses jambes, divers symboles apparurent à intervalle réguliers. Et lorsqu'un éclat rouge sang s'échappa de l'un d'eux, le sorcier norvégien s'endormit dans cette même position. Sur son front, un cercle de sang se peignit, entourant une croix verticale. Le symbole de la terre.

Les iris vertes se posèrent sur un nouvel endroit. Il s'agissait d'une pièce circulaire, avec un plafond taillé en forme de voute percé d'un trou pour laisser entrer la lumière de la lune. Mais si les lieux pouvaient ressembler à l'antichambre d'un temple, ils abritaient un piano à queue translucide comme le cristal. Les cordes et les marteaux étaient visibles au travers de la surface et produisaient un son mélancolique.

Sur le banc devant l'instrument se tenait un homme vêtu d'un costume trois pièces noir sous une longue cape à revers rouge. De ses longs doigts gantés, il caressait les touches monochromes du piano, poussant chacune d'elles à jouer un morceau que personne en ce monde, ne pouvait se vanter de connaître.

« Tu avais raison. À propos d'elle… La sortie des limbes aurait pu la tuer. » S'expliqua Arman, en posant sa main sur son cœur dans un salut digne.

« Je n'en doutais pas. » Répondit l'homme sans se retourner. « L'as-tu guérie ? » Sa main droite vint frapper quelques octaves plus haut, de manière lente et saccadée, comme s'il en souffrait le martyr.

« Oui. Mais je lui ai fait peur… » Répondit le jeune sorcier. « Que dois-je faire… ? »

« Ce que nous avions convenu. »

« Mais… Elle est attachée au champion… » Protesta Arman. « Cette perte va lui briser le cœur. »

« Crois-tu que je l'ignore ? Je suis le plus à même de savoir ce qui fera pleurer Sélené ! » Il avait haussé la voix, le jeu sur le clavier s'était fait plus vif, et la pédale forte écartée de la musique. Après un long soupir, l'homme reprit. « Elle ne peut pas le rencontrer maintenant. C'est trop dangereux. Je ne peux qu'à peine la protéger de nos ennemis pour le moment. »

« Dumbledore ? Il aurait pu la tuer aussi. Est-ce qu'il est avec eux ? » Questionna le brun.

« Je l'ignore. Je ne pense pas, mais il a tendance à se surestimer… Et pire encore, il n'hésite pas à sacrifier ses alliés pour le plus grand bien. Il reste dangereux, quel que soit son camp. »

« Et si... Si je vous cède mon corps ? Comme pour Yule ? Ou la seconde épreuve ? » Demanda le sorcier, foncièrement inquiet.

« Arman… Toi comme moi, nous savons que ce n'est pas la solution. » Un nouveau soupir franchit les lèvres de l'homme.

La musique cessa, et il tourna finalement son corps. S'il était légèrement translucide, comme un fantôme du passé, ses traits fins et gracieux étaient reconnaissables entre mille. Pâle, les joues creuses sous des pommettes saillantes, il avait un regard profond et noir, moucheté de paillette d'or. De longs cils battaient ses joues à chaque bascule de paupières. Et sa chevelure épaisse, noire de jais, retombait délicatement sur son front.

« Une heure, c'est bien trop court… Et chaque fois que j'ai pris le contrôle de ton corps, tu en as gardé des séquelles. Je ne veux plus te faire subir ce genre de choses. »

« Mais l'Alter s'éveille… »

« Oui, Arman. » L'esprit se leva, et fit quelques pas vers le centre de la pièce. « Mon alter s'éveille, et bientôt, il aura retrouvé un corps humain. C'est pourquoi nous ne pouvons pas laisser Sélené lui faire face. Pas maintenant. » Le sorcier déglutit mais baissa la tête.

« Je comprends. Mais ça ne m'enchante pas. Je ne peux pas l'approcher, et encore moins la défendre avec mes simples pouvoirs. » Les obsidiennes croisèrent les iris couleur lac.

« Arman… Il faut que tu saches…Deux âmes pour un corps, ce n'est pas viable. Même pour les êtres comme moi… Ou comme elle. »

Le grand sorcier hocha douloureusement la tête, ses prunelles chassant la peine, traitresse, qui désirait marquer son visage. Le fantôme fit apparaître un siège tout près de lui, avant de l'inciter à s'asseoir. Lui-même retourna derrière le clavier du piano, et se remit à jouer le précieux morceau. Ce duo solitaire des noces funèbres.

« T'ai-je déjà expliqué pourquoi ton corps ne peut m'accueillir autant de temps… ? » Demanda finalement le pianiste.

« Non. Je sais seulement… » Il hésita, avant d'avouer, penaud. « Je ne sais pas grand-chose, finalement… » Un sourire triste se dessina sur les lèvres fines du musicien.

« Vois-tu, il y a une différence terrible entre Sélené et moi, depuis que nous sommes dans ton monde. Lorsqu'elle a traversé le voile, elle a rencontré son alter, âme brisée sans corps, et l'a recueilli par réflexe dans le sien. C'est pourquoi Sélené et Sacha O'Nigay peuvent cohabiter. Même si ton amie se trouve pour le moment endormie tout au fond d'elle. C'est cette différence, qui lui permet de restaurer son âme. » Il marqua une pause, et reprit l'air mélancolique. « Quant à moi, mon arrivée en ce monde s'est faite disons… plus… Virulente. Je ne suis pas entier, ni ne l'est mon Alter, et mon être s'en est trouvé altéré, c'est pourquoi mon âme grignote la tienne lorsqu'elles cohabitent. »

« Mais, si c'est le cas, alors ton âme est séparée de ton corps depuis le début. Où est-il ? Je pourrais le soigner, non ?» Demanda Arman, incertain d'avoir saisi les explications de son seigneur, mais plein de volonté.

« Tu ne peux pas. Arman. Je suis bloqué derrière le voile. Et rien ne peut changer ce fait… »

« Hormis les pouvoirs de l'héritière… »

« Oui… »

« Le sait-elle ? Que vous êtes plus proches qu'auparavant ? Que c'est elle qui a le pouvoir de te ramener ? »

« Non. » Fut la réponse sèche de l'homme.

« Je pourrais le lui dire, et elle t'aidera et… » Il fut coupé.

« Tu ne feras rien ! Arman… » La note trembla. « Tu ne feras rien… Sélené et Sacha sont différentes. Et je ne veux pas retrouver mon corps. Je me fiche de ce corps. Ou de mon âme morcelée. Et si je dois me désagréger dans cette dimension, qu'il en soit ainsi. » Le norvégien pâlit furieusement devant ce discours.

« Pourquoi alors ? Pourquoi être venus jusqu'à moi ? Pourquoi m'avoir montré toutes ces choses ? »

« Parce que Sélené… Sacha… La mienne… Je veux qu'elle vive… Qu'elle soit heureuse. » Admit le fantôme d'une voix brisée.

« Elle le serait à tes côtés… Si tu te donnais la peine de lui dire, elle serait ravie d'être avec toi. On l'a tous vu, elle te cherchait après le bal. » Il y eu un reniflement dédaigneux.

« M'aimer la tue. Arman. Ça la tue comme ça tuera celle que tu aimes, si jamais elle apprend ma nature. Elle se mettra en danger. Elle mérite mieux… Tellement mieux… » Le garçon ne répondit rien à l'homme, qui recommença à jouer, bien que plus malheureux encore. « Va dormir… Arman… cet endroit n'est pas fait pour les vivants et tu as cours demain… »

L'élève de Durmstrang ne répondit rien, il disparut dans un nuage de fumée, loin de cette réalité étrangère à la sienne. Le pianiste resta seul devant son instrument, et le silence emplit la pièce. Lentement, il tira sur ses gants immaculés, dévoilant deux mains calcinées, décharnées, rongées. Celles d'un cadavre en putréfaction. Le contact du tissu sur sa peau était ignoble. Jouer était insupportable. Mais il n'avait pas le choix. Il n'y avait que la magie du son qui traversait le voile et pouvait intervenir.

« Sacha… Ma flammèche… Pardonne moi cet abandon. Tu aurais dû rester le plus loin possible de moi. Tu n'aurais jamais dû croiser ce fragment. Et nous n'aurions pas à répéter les mêmes tragédies. » La voix grave se fit plus basse, plus douloureuse aussi. Le pianiste serra les dents, retenant des larmes millénaires. « Je m'en tape, d'y passer. Tout ce que j'ai toujours voulu, c'est que tu vives… Et je ne laisserai plus personne s'en prendre à toi… Dussè-je raser ce monde et tous les autres pour ça. »

oOoOoOo

Sacha n'avait pas dormi de la nuit.

Argus lui avait pourtant dit de se reposer, que l'épreuve se ferait le soir, et qu'elle avait besoin de toutes ses forces, pour intervenir. Sauver Cédric. C'était aujourd'hui qu'elle allait devoir mettre ses pouvoirs d'héritière en jeu. Le sommeil ne l'avait pas trouvé. Malgré les bracelets, malgré l'entrainement intensifs, trop de choses s'ajoutaient à son fardeau quotidien.

L'audience pour son émancipation et les détails de cette dernière. Ses pouvoirs grandissant dangereusement et se diversifiant de sorte qu'elle n'avait plus aucune idée de ce qu'elle était vraiment. La présence d'Arman, un fanatique qui certes, l'avait soigné, mais n'en demeurait pas moins dangereux. Tueur de dragon à main nu… Non vraiment, elle se serait passée de ce genre d'entourage.

La mort prochaine de Cédric, qui lui rappelait sans cesse qu'elle n'avait toujours aucune idée de quoi faire. Le récupérer avant qu'il ne prenne le trophée et s'embarque avec Harry ? Essayer de les rejoindre au cimetière pour le soustraire à Pettigrew avant qu'il ne le tue ? Prendre le portauloin en même temps que les deux ? Non. Celle-là c'était une connerie pure et simple. Faire face à Voldemort, même avec le pouvoir de ramener les morts à la vie, c'était débile. Surtout qu'il ne fonctionnait pas sur commande.

Et pire, s'il venait à comprendre ce qu'elle était, il risquait de la torturer pour l'utiliser… Voldemort trouverait forcément un moyen de passer au travers de ses protections. Sacha se prit la tête entre ses mains, et grogna sourdement. Elle avait sauté le petit déjeuner, ne se sentant pas de faire face à la foule en ce jour. D'autant que depuis sa chute vertigineuse, son dos la faisait souffrir à nouveau. Dire qu'elle l'avait oublié était incroyable.

« Je t'ai pris une salade de fruits. » Marmonna Ginny en lui tendant un petit bol.

« Merci… » Sacha releva les yeux vers la rouquine, et la fixa longuement. « Pourquoi tu voulais qu'on discute en privé, au fait ? » La gryffondor rougit jusqu'à la pointe de ses cheveux, ce qui jura terriblement.

« C'est que… Comment dire… Tu te souviens, la dernière fois ? Je t'ai demandé ce qu'il s'était passé entre mon frère et toi. »

« Je te l'ai déjà dit, je ne me souviens de rien. Je ne sais pas ce que j'ai pu lui dire d'ignoble auparavant, et encore moins pourquoi dès que je lui parle, il m'agresse. »

« Non, ça je sais pourquoi. » Grogna Ginny.

« Et bien éclaire ma lanterne, parce que j'en ai marre. J'ai assez de choses en tête en ce moment pour devoir me battre dès qu'on se croise. » S'énerva Sacha, manquant de renverser le petit déjeuner que la rousse lui avait porté.

« C'est à cause de Tom. » Finit-elle par avouer.

« Tom ? »

« Oui. Tom. C'est le nom de l'homme avec qui tu dansais. Celui qu'il y avait sur l'étiquette de la carte du maraudeur le soir du bal. »

L'équivalent d'une chappe de plomb vint s'écraser sur les épaules de la Serdaigle, dont le cœur se mit à battre violemment. Ginny venait de révéler une information qu'elle n'avait pas pu obtenir en deux ans, qu'elle s'était interdite de chercher, par respect pour le garçon qu'elle avait croisé en rêve.

Ginny en revanche, se sentait mal à l'aise, elle allait révéler le secret de son frère. La vérité sur Sacha et lui. Et Zabini… Et pourtant, si elle se sentait obligée de le dire, pour rétablir l'équilibre entre les deux, elle avait tu le principal. Le nom de famille du garçon. Jedusor. Elle ne pouvait pas le lui dire. Mais peut-être qu'avec un prénom, les visions de la noiraude s'affineraient, et peut-être qu'elle verrait le danger encouru.

« Ginny… » La voix de Sacha tremblait. « Pourquoi est-ce que… Pourquoi Fred m'en veut à cause de Tom… ? » La crainte d'avoir deviné, mêlée à sa découverte, n'arrangeait pas son humeur. Et elle savait déjà que la salade de fruit ne passerait pas. Elle avait envie de pleurer. De se jeter d'une tour, aussi.

« Fred… Fred et toi, vous êtes sortis ensembles l'année dernière. Il est tombé amoureux, éperdument. » Un frisson d'angoisse monta le long de son échine.

« Je l'ai jeté… ? » Le regard de l'adolescente se fit plus dur.

« Tu as fait pire. Tu l'as trompé avec un autre élève. Et lorsqu'il vous a surpris, tu l'as ignoré pour sauver ton autre relation… » Après le plomb, la douche froide.

« Zabini… Il m'a agressé parce que je ne me souvenais pas de lui en début d'année. C'est lui, n'est-ce pas ? » Ginny écarquilla les yeux, surprise de cette information, mais hocha la tête.

« Oui. »

« Zabini a beau être bien fait, n'importe qui d'un minimum intelligent n'aurait pas hésité entre lui et Fred. » La rousse grimaça.

« Mais tu l'as fait. Et tu l'as choisi. Tu as brisé le cœur de mon frère, et crois bien que si je l'avais su à ce moment-là, je t'aurais mis la tête dans un mur. » Sacha étira un rictus déprimé.

« Pourquoi me le dis-tu maintenant ? »

« Parce que Fred est malheureux. Il fait tout pour t'aider et te protéger, mais ses sentiments pour toi sont encore là, et ça le bouffe. J'avais promis de ne rien dire, mais il commence à vriller, et je ne veux pas que Bill ou maman voit ça. Il ne supportera pas d'être affiché. »

« Bill ou ta… » Sacha secoua la tête. « Qu'est-ce qu'ils foutent ici ? »

« Ils sont venus pour encourager Harry. Les familles des Champions sont là. » Sacha se releva d'un bond.

« Putain. Ma famille est là ? » Ginny hocha la tête.

« Tu ne savais pas ? »

« Non. J'ai eu tendance à brûler les courriers de mes géniteurs dès leur arrivée. » Elle soupira, se passant une main dans les cheveux et secouant la tête. « Je vais… Je vais parler à Fred, il ira mieux, je te le promets. Et puis, ça me permettra en plus d'esquiver l'autre tâche. »

« L'autre… ? »

« Ma tante Marlène, la mère de Cédric. Mythomane égocentrique en puissance. Où est Fred ? »

« Tu veux aider mon frère ou juste fuir ta tante ? » Demanda Ginny, pas sûre des bonnes intentions de la jeune femme devant elle.

« Très honnêtement, les deux. Je veux que Fred aille mieux, et si je peux esquiver cette folle, je suis prête à offrir un concert privé à ton frangin. »

La rouquine, bien consciente de ce que signifiait cet aveu, vu les difficultés de Sacha à chanter en public, soupira. Fred allait lui en vouloir de toutes manières, vu qu'elle avait révélé la vérité à la Serdaigle. Autant aller jusqu'au bout.

« Il est dans la grande salle pour le moment. »

« Merci, tu peux garder la salade de fruits ! » Et elle était déjà partie pour le hall. Trébuchant et grognant à chaque marche douloureuse.

Passer la porte de la grande salle fut toute une épopée, tant l'agitation et l'excitation des élèves rendait l'endroit fréquenté. Il y en avait qui faisaient carrément la queue, entre deux tables, continuant de discuter et bouchant le passage. Sacha ne prit même pas la peine d'être délicate.

« Ecartez-vous les boulets ! »

« On peut savoir à qui tu t'adresses comme ça ? » Fit une voix trainante, tout prés.

« Ah Malfoy, tu tombes bien, tu ne veux pas virer les abrutis qui bloquent le passage ? » Le garçon leva un sourcil circonspect.

« J'ai raté l'officialisation de notre amitié ? Pourquoi je devrais faire une chose pareille, O'Nigay ? » La noiraude roula des yeux.

« Parce que tu es le plus doué pour chasser les casse-couilles, que tu es admirablement beau ce matin, et que tu m'aimes bien ? » Tenta Sacha, au culot. Mais ça fonctionna, plus précisément, le blond platine eu un petit sourire moqueur.

« Ok, deux vérités un mensonge, je prends. » Et sur ces paroles, il fit un signe à Crabbe et Goyle, qui bousculèrent les élèves qui trainaient devant.

« Merci ! »

« À ton service ~ » Offrit le serpentard, en joignant le geste à la parole.

Mais Sacha s'était déjà remise en route, fonçant vers les nombreuses têtes rousses à la table de Gryffondor. Se trouvant dans le dos de Lee Jordan, elle planta son regard dans celui noisette de Fred.

« Est-ce qu'on pourrait discuter un moment s'il te plaît ? » La réponse de Fred ne tarda pas.

« Tu veux quoi cette fois ? Qu'on fasse exploser l'assiette de quelqu'un qui as dit de la merde ? Qu'on te couvre auprès de je ne sais quel prof ? Tu connais nos tarifs désormais. » Il y avait dans sa voix, beaucoup d'amertume.

« Non. J'aimerais te parler à toi, sans ton frère. S'il te plaît. » Réessaya Sacha.

« Ce que tu me dis, mon frère peut l'entendre. On t'a rendu service ensemble, jusqu'à présent. Et je n'ai rien à lui cacher. » George voulu dire quelque chose, mais cette fois, c'est la noiraude qui se fit plus incisive dans sa demande.

« Merde, Fred, j'ai besoin de parler avec toi et c'est privé, ça n'a rien à voir avec d'autres demandes magiques ou quoi que ce soit, alors s'il te plaît, ou s'il ne te plaît pas d'ailleurs, lève ton cul et viens avec moi. Merci ! » Et sans plus un mot, elle fit volteface et se mit en route pour la salle sur demande.

Elle savait qu'il suivait, elle entendait ses pas dans son dos et ses grognements. C'était idiot. Leur relation avait évolué dans le bon sens, puis était partie en vrille, tout ça parce qu'elle avait refusé d'ouvrir les yeux sur la connerie de l'autre Sacha. Fred était quelqu'un d'incroyable, et même si elle connaissait sa fin, ça ne l'empêchait pas d'apprécier l'adolescent dégingandé aux cheveux roux et à l'humour mordant.

Savoir qu'elle était indirectement responsable de sa douleur, et par extension, de la colère qui l'animait depuis, c'était une culpabilité qu'elle refusait de porter. Elle ne pouvait déjà pas lui offrir l'amour dont il avait besoin, autant lui céder la paix pour se remettre. Le trajet jusqu'au tableau hideux de Barnabas le follet et ses trolls se fit plus ou moins en silence. Sacha était passée par de nombreux passages secrets, et l'un d'eux avait fait tiquer Fred, qui avait reconnu la porte coulissante par laquelle arrivait parfois le concierge.

C'était un passage que ni lui, ni George, n'avait réussi à ouvrir. Sacha connaissait les passages secrets utilisés par Rusard. Et le cracmol lui-même, avait plusieurs fois sorti la demoiselle du pétrin… C'était lui qui l'avait guidé à l'infirmerie, cette foutue nuit à la tour d'astronomie. Peut-être était-il devenu gentil avec la demoiselle à cause de ses problèmes de magies ? Il ne se sentait pas de demander. Il n'avait déjà aucune idée du pourquoi Sacha tenait tant à le voir, après leurs engueulades.

Et il craignait une autre prise de tête.

Une porte apparut sans qu'il n'y ait fait attention, perdu dans ses pensées et suivant la demoiselle des yeux. Elle entra et garda entrouvert pour qu'il suive. Mais lorsque Fred passa la porte, il resta bouche bée. Dans les tons chauds, il s'agissait d'un petit salon de musique, avec un canapé de velours rouge et un fauteuil du même genre autour d'une table basse, sur laquelle était posé une théière en métal ainsi que deux tasses en argent. Au fond, il y avait un piano à queue noir.

Sacha secoua la tête. Quand est-ce que Nora avait pu préparer ça ? Allez savoir, cette elfe était pire qu'une espionne de série américaine finalement. Mais ça la fit sourire, d'autant plus lorsque, après un petit pop sonore, des cookies apparurent sur une coupelle, à côté du thé. Sacha vint se placer dans le fauteuil, plaçant ses jambes en tailleurs qu'elle recouvrit avec sa jupe d'uniforme. Fred refusa de s'asseoir.

« Eh bien, tu voulais me parler… J'attends. » Et s'il devait être honnête, ça ressemblait presque à un rendez-vous galant, ce qui l'angoissait.

« Il faut qu'on parle, oui… Parce que tu es en train de te rendre malade à cause de moi et d'un non-dit, et je refuse de te laisser comme ça plus longtemps. »

« C'est ça… Et du coup, soudainement, tu sais tout ? » Et s'il jouait les impétueux, il déchanta dès la phrase suivante.

« Ginny m'a dit la vérité, oui. Sur ce qu'il s'est passé l'année dernière entre toi, Zabini, et… Moi. »

« Je refuse d'en parler. » Son expression fut aussi froide que si elle avait tué son meilleur ami devant ses yeux.

Fred fit demi-tour, et tendit la main vers la poignée de la porte. Un nuage de poussière mauve et noire l'enveloppa, et la main de Sacha, qu'il savait pourtant encore sur le fauteuil, se posa sur la sienne. Un geste auquel il ne s'attendait pas, pour avoir lui-aussi, repéré les écarts visant à esquiver tout contact physique avec les gens. Comment avait-elle pu faire ça, et aussi vite, qui plus est ?

« Il va le falloir, Fred. » Et la petite main pâle emporta la sienne vers le coin cosy de la pièce sans qu'il n'arrive à la faire céder.

Une fois installé sur le canapé, elle lui versa un peu de thé au jasmin et lui tendit la tasse. Il la prit, contraint et forcé, mais la reposa ensuite sur la table basse sans un mot.

« Pourquoi tu veux parler de ça… ? Tu l'as assez dit au monde entier, que tu ne te souvenais pas, ça ne sert à rien de revenir dessus, je le sais. » Et il savait même plus encore. Mais ça, il ne pouvait pas l'expliquer, alors il refusait d'en parler de vive voix.

« Parce que ce qui a été fait l'année dernière t'a blessé et que j'en suis sincèrement navrée. Et plus encore, je veux que tu saches que tu n'y étais pour rien. Tu n'étais pas moins beau, moins gentil, ou moins que sais-je, que Zabini. Crois-moi, j'en sais quelque chose. » Et si Fred se braqua de plus belle, la noiraude poursuivit. « Même un milliard de Zabini ne pourraient pas t'arriver à la cheville, Fred. Tu es quelqu'un d'incroyablement généreux et drôle. Tu es intelligent, loyal et protecteur. Et sous cette couche d'humour piquant, il y a une sensibilité que peu d'hommes sont capable de ressentir. Parce que même si tu avais le cœur brisé, tu as cherché tous les moyens possibles pour m'aider, y compris en te mettant en danger. »

« Arrête… » Elle senti plus qu'elle ne vit, les larmes qui menaçaient le garçon.

« Et c'est ce qui fait de toi quelqu'un d'extraordinaire. Fred. Et la Sacha qui a t'a brisé le cœur était une abrutie finie. »

« Je t'en prie… Arrête… Vraiment… »

« Fred je… » Mais il la coupa.

« Ce n'était pas toi… Je le sais… Alors arrête.» Murmura finalement le rouquin en détournant les yeux. Sacha fut surprise, mais hocha la tête.

« Non, en effet. Je ne suis pas cette personne. Mais je veux être honnête avec toi aujourd'hui, sur qui je suis vraiment. Je comprendrais que tu veuilles le révéler ensuite à George, mais je te demanderai de ne le dire à personne d'autres. »

Fred ne répondit rien à ça, il se contenta d'utiliser la tasse de thé comme diversion pour ignorer la douleur lancinante dans son torse. Finalement, il allait savoir pourquoi lorsqu'il la touchait, il avait la sensation d'en toucher une autre.

« Je m'appelle bel et bien Sacha O'Nigay aussi, et nous nous ressemblons beaucoup, ta Sacha et moi, mais il y a des choses que je possède et elle non. A commencer par un tatouage dans la nuque que tu as dû voir, ainsi que plusieurs cicatrices anciennes. »

« Oui… » Il déglutit, sans relever la tête ni croiser ses yeux.

« J'ai grandi chez les moldus, ensuite, mais, dans un endroit différent d'ici. En France, qui plus est. »

« C'est pour ça que tu parles mieux français qu'avant ? Enfin… »

« Oui. Moi j'ai appris l'anglais ici, un peu en vrac, je dois dire. Même si ça s'est fait plus facilement que je ne l'aurais cru. »

« Tu n'es pas du tout une sorcière, en fait… » Ce constat le fit sourire un peu, et elle aussi.

« Non. Je ne l'ai jamais été. À une époque, c'était mon souhait le plus cher cependant, recevoir une lettre pour Poudlard, étudier la magie… Mais sorcière, c'est ensuite devenu un mot pour rire à mon insu. Parce que je n'étais pas conforme à ce que les gens attendaient de moi. Entre autres… » Fred tiqua. Ce qu'il venait d'entendre prenait tous son sens. Si elle avait été harcelée, la réaction pour Luna n'était pas disproportionnée du tout. Elle était même plus que légitime.

« Mais tu es tout de même… Un oracle… ? »

« Oui. Ça… Je peux le dire, je suis hélas le plus puissant oracle qui existe en ce moment. Et c'est en partie pourquoi j'ai eu beaucoup d'ennuis depuis mon arrivée à Poudlard. »

« On te cherche… »

« Oui. Je ne sais pas qui, et je ne sais pas pourquoi, mais cette personne en a après moi, et est définitivement dangereuse. »

Fred ne savait pas quoi répondre à ça. Il était pour ainsi dire, encore plus paumé. Après un moment de silence, il finit par s'emparer de la tasse pour boire un peu. La chaleur du thé et sa saveur lui permirent de reprendre un peu contenance.

« Pourquoi tu me dis tout ça… ? » Sacha prit une longue inspiration en fermant les yeux.

« Parce que je ne suis pas l'autre Sacha. Et que pour moi, tu es un ami qui compte. On a beau s'étriper un repas sur deux depuis des mois, tu es devenu important, un peu malgré moi. Et je ne veux plus que tu te mettes en danger, sans savoir qui je suis vraiment. » Cette déclaration le perturba beaucoup plus qu'il ne l'aurait cru.

« Tu… Tu ne me dis pas d'arrêter ? qu'on n'a rien à se dire et que je dois te laisser tranquille ? »

« Non. Je sais qui tu es, Fred, tu sauverais n'importe qui étant en danger sous tes yeux, même Malfoy. » Le nom le fit se renfrogner. « Je sais que tu ne l'aimes pas du tout, surtout depuis l'épisode à l'infirmerie, mais saches qu'il m'aide beaucoup, aussi, même si nous ne sommes pas amis. Il va me permettre de m'émanciper bientôt. Enfin, sa mère va m'aider. » Elle se racla la gorge. « Tout ça pour dire… Puisque je sais comment tu fonctionnes, autant que la prochaine fois que tu voudras jouer les héros, tu saches vraiment pour qui tu le fais. » Il hocha lentement la tête.

« D'accord… ça semble être… Important pour toi, alors… Merci, je suppose… »

« Je n'ai pas fini. » Fred leva les yeux au ciel. Même s'il devait admettre que cette conversation était plus étrange qu'il ne l'aurait cru au début, ça lui faisait aussi du bien, de mettre les choses au clair.

« Il y a pire que ce que tu viens de me dire ? »

« Oui. Au moins… Trois ou quatre choses, bien plus importantes que ça. Que je vais être obligée de te révéler. La première, nous n'avons pas le même âge, toi et moi. » Fred fronça les sourcils.

« Tu… Enfin, je n'ai jamais eu le même âge que Sacha non plus… »

« Oui. Mais tu étais le plus âgé des deux. Là… C'est moi. »

« Quoi ? »

« J'ai 24 ans, Fred. Depuis le 16 octobre. » Il resta figé par cette annonce.

« Mais alors, tu… »

« Oui. Je veux m'émanciper pour cette raison en priorité, en plus du fait que la famille de Sacha et moi avons un sérieux problème. » La suite n'allait pas lui plaire, mais elle était bien obligée. « Ensuite… Le garçon que tu as vu danser avec moi au bal… Tom… Dont j'ignorais jusqu'à lors le prénom, avant que ta sœur ne me le donne. »

Là-dessus, Fred se figea, horrifié. Est-ce que Ginny lui avait révélé l'identité de son cavalier ? Qu'il s'agissait de Voldemort ? Mais Sacha ne le vit pas, elle porta sa tasse à ses lèvres, se donnant du courage, avant de reprendre ses aveux.

« J'aime cet homme depuis un peu plus de deux ans maintenant. Lui et moi, nous sommes liés par ce qu'on appelle la destinée des étoiles. C'est une sorte de malédictions qui connecte nos âmes. Je ressens ce qu'il ressent, et inversement. Je vois à travers ses yeux, et lui au travers des miens. Et jusqu'à ce soir-là, je ne l'avais vu qu'une seule fois. Lorsque je l'ai poussé de la route et que j'ai été percutée par la voiture à sa place. Mon arrivée ici a bloqué le lien, et c'est la raison principale de mes crises d'angoisse. Je suis perdue sans lui… »

« Des âmes sœurs… » Ce constat était d'autant plus effrayant, parce qu'il savait parfaitement qui était l'homme en question. Vaincre Voldemort signifiait-il la vaincre aussi ? ça lui faisait peur…

« Je suppose. Nous ne sommes pas vraiment ensembles, à vrai dire… » Fred releva la tête, plus que surpris.

« C'est une blague ? » Elle secoua la tête, et cette fois, il perçu la détresse de la Serdaigle, cette même détresse qu'il entendait chaque fois qu'un de ses morceaux passaient à la radio.

« Non. Je ne sais pas ce que cette danse signifiait pour lui. Il connaît mes sentiments, mais ça ne l'a jamais empêché de… » elle serra les poings et ses yeux se perdirent sur la vapeur du thé au-dessus de la tasse. « D'aller voir ailleurs. » Le rappel du retour de Meleth Nin auprès de son ex insupportable, puis avec cette fameuse Roxane, le plan cul par excellence, sportive, belle à couper le souffle, forte et intelligente, lui fit mal. « Peu importe. Ce que je ressens, je sais que tu le ressens aussi. Parce que toi et moi, nous aimons de la même manière. »

« Plus que tout… » Termina Fred. Sacha hocha la tête, les yeux brillants de larmes contenues.

« Oui. Et c'est ce qui m'amène à la seconde chose difficile à dire. » Elle déglutit. « Je ne suis pas ta Sacha, mais je suis touchée par les sentiments que tu éprouves. Fred, outre notre différence d'âge, nous nous sommes rencontrés trop tard. » La main du jeune homme se serra sur le velours.

« Que veux-tu dire ? »

« J'ai dit que je serais honnête, alors je vais le faire jusqu'au bout. » Et ce, même si elle savait qu'elle allait le regretter. « S'il n'y avait pas eu Meleth nin. Je veux dire… Tom. Si je t'avais rencontré ici, durant ma scolarité… » La pensée de ses propres luttes, au collège et au lycée, lui tira un sourire amer. « Si je t'avais connu avant, Fred Weasley, ma vie aurait été beaucoup plus simple, et moins douloureuse. » Avant Quency… Avant Manu, avant Lucas ou Geoffrey… Ces hommes dangereux qui l'avaient enfermé dans un rôle et blessée à sang.

« Je… Ne suis pas sûr de comprendre… » Pas sûr, et pas certain de le vouloir non plus. Ce qu'elle sous-entendait à présent, lui faisait peur. Savait-elle finalement, le danger que représentait l'homme qu'elle aimait ?

« Ferme les yeux, Fred… »

« Quoi ? » Cette demande le chamboula, qu'est-ce qu'elle comptait faire à présent ?

« S'il te plaît. » Le rouquin s'exécuta, la voix de Sacha étant plus proche de la supplique que de la demande.

Sacha savait que c'était une connerie. Mais elle voulait lui faire comprendre, lui redonner confiance. Et si Luna partageait son fardeau, elles n'en avaient jamais vraiment parlé non plus. La blonde devinait juste sans qu'elle ne puisse l'expliquer.

Aussi, elle reposa sa tasse et se leva, elle traversa la pièce et rejoignit le garçon sur le canapé, s'agenouillant devant lui pour poser une main sur sa jambe. Là, elle ferma les yeux, et l'emporta de l'autre côté. Le nuage les entraina dans une salle sur demande noire et blanche hantée par un bourdonnement sourd. Fred se crispa, mais ne dit rien.

« Maintenant, rouvre les… » Et Fred obéit.

Les prunelles noisette s'ouvrirent de stupeur. Le monde était vide, fade, gris, mais elle, elle rayonnait. C'était… Incroyable. Il ne savait pas d'où venait ce symbole noir violet qui brillait sur son front, mais le reste… Sacha était auréolée d'une lumière pâle, lunaire.

« Où… ? » Sacha lui sourit et se rapprocha un peu de lui, tandis qu'il se penchait. Gardant le contact, pour ne pas le perdre dans la mélancolie naturelle des limbes.

« Je t'ai dit que je n'étais pas une sorcière. Je suis ce qu'on appelle une héritière. Mes pouvoirs sont… Très différents des tiens. Et ça, ce sont les limbes, les couloirs menant aux enfers. Rassure-toi, je ne vais pas te tuer. »

« Je ne m'inquiétais pas de ça… » Il déglutit et se mordit un peu la lèvre, mal à l'aise et gêné. « Pourquoi m'avoir emmené ici… ? »

« Parce que les actes valent toujours plus que les mots. » Fred se tendit, et elle se rapprocha encore. « Si ma vie n'était pas un putain de bordel sans nom depuis des mois, si j'avais été ta Sacha… »

« Oui… ? » Son cœur fit une embardée dans son torse.

« C'est toi que j'aurais choisi. » Et la bulle d'angoisse éclata. Sacha le frôla dans un geste qu'il s'interdisait d'espérer depuis des mois. Il retint sa respiration, perdu, avant de finalement fermer les yeux.

Et d'accepter ce premier et unique baiser au goût d'adieux.