Presque une demi-heure d'absence… La blonde avait chuté et avait perdu connaissance dans les secondes qui avaient suivi, poussant quelques agents présents à la relever pour l'installer dans une pièce plus intime. Paniquée, Nathalie était restée à son chevet, laissant son partenaire se charger d'Antoine qui avait été transféré à l'hôpital le plus proche.
« Comment elle va ? osa Val qui venait de faire irruption dans la pièce.
- Les constantes sont bonnes… annonça Nathalie. Le choc l'a assommé…
- C'est compréhensible… Et Antoine ?
- Toujours inconscient…
- Ok… acquiesça-t-elle alors que Candice ouvrait doucement les yeux.
- Candice ? l'interpella Nathalie. Oh ! Candice…
- Antoine… marmonna-t-elle les larmes aux yeux. Je… Antoine…
- Calme-toi ! ordonna Nathalie en saisissant son bras. On s'occupe de lui…
- Il est où ?
- À l'hôpital… Tout va bien…
- On y va ! clama-t-elle en se relevant brusquement.
- Attends ! Doucement… T'es encore faible !
- Et lui, il est peut-être en train de mourir d'accord ? Alors tu discutes pas et tu m'emmènes ! ordonna-t-elle. »
L'argument s'entendait. Et la responsable de l'IJ n'eut pas d'autre choix que d'emmener son amie à l'hôpital. Le trajet s'était déroulé dans un silence pesant et sa passagère respirait l'angoisse. À peine avait-elle garé la voiture qu'elle accourut dans le hall d'entrée et tomba nez-à-nez avec les policiers.
« Alors ? Vous l'avez vu ? demanda-t-elle essoufflée.
- Non... Ils l'ont emmené en vitesse et on nous a demandé d'attendre ici, depuis on a pas de nouvelles…
- Putain… maugréa-t-elle. Mais il va bien ?
- Il était inconscient et il s'est pas réveillé depuis…
Paniquée, Candice sentit ses yeux s'embuer rapidement.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Le mec a menacé de tout faire exploser si on entrait… Il était ingérable, complètement ivre… On discutait à distance et il répondait plus… Antoine le voyait plus… On a cru qu'il était parti et il est entré…
- Sans protection ?! s'indigna-t-elle.
- On pensait pas le trouver dans ces conditions… continua Élodie les larmes aux yeux.
- Mais qu'est-ce qui lui a pris d'intervenir comme ça aussi ?! Et toi tu pouvais pas le retenir non ? s'emporta-t-elle contre Marquez qui baissa la tête.
- Ça va aller… la rassura Nathalie en caressant son dos.
- Ah oui ?! Une bombe vient de lui exploser au visage et tu me dis que ça va aller ?
- Arrête… Candice… Ça sert à rien de s'énerver comme ça…
- C'était une bombe artisanale… Les dégâts ont été limités… rajouta Élodie pour la rassurer.
- Et le médecin, il est où là ?
- Il est là ! laissa entendre une grosse voix derrière elle.
- Comment il va ? demanda-t-elle les larmes aux yeux.
- Il est toujours inconscient. Mais il est sorti d'affaires… On attend qu'il se réveille pour faire davantage d'examens.
- Je peux le voir ?
- Je suis désolé. On a des consignes strictes. Seule la famille peut le voir.
- Mais je suis sa famille ! s'agaça-t-elle.
- Vous êtes sa femme ?
- Oui ! mentit-elle.
- Alors passez déposer vos papiers au bureau et vous pouvez y aller.
- Enfin, on est pas mariés mais… je suis sa compagne.
- Oui. Si vous vivez ensemble, c'est bon.
- Euh non. On vit pas ensemble…
- Bon écoutez, j'ai d'autres patients qui m'attendent.
- Mais… balbutia-t-elle. S'il vous plaît… le supplia-t-elle presque en pleurant.
- S'il-vous-plaît… força Nathalie en osant intervenir. Vous voyez bien qu'elle va pas tenir sinon…
- Allez-y… plia-t-il d'un ton las. Chambre 122.
- Merci ! »
La commandante disparut en un éclair, se lançant à la poursuite de ce chiffre censé être gravé sur les portes de cette chambre. Elle arriva sans mal à destination et s'empressa d'enclencher la poignée. À l'intérieur, Antoine dormait, le torse dénudé, simplement recouvert par la couverture blanche de l'hôpital. Candice déposa ses affaires sur la commode et s'approcha doucement du lit où elle se permit de s'asseoir. Silencieuse, la flic scrutait son visage, s'autorisant à frôler les quelques égratignures qui l'avaient déguisées. À ses côtés au moins, elle l'entendait respirer, preuve que l'homme qu'elle aimait était encore bien vivant.
« Je déteste les bombes… » murmura-t-elle avant de caler sa tête dans le creux de son cou.
Confortablement installée, la blonde attendait impatiemment des nouvelles du médecin. Cela faisait déjà plus de deux heures qu'elle était là et Antoine n'avait toujours pas ouvert un œil. Sa montre affichait désormais 16h, son ventre était vide et, rongée par l'angoisse, elle venait à se persuader que les choses allaient une fois de plus mal tourner… Mais heureusement, un agent en blouse blanche décida de la rassurer en frappant à la porte.
« Il dort toujours ? demanda-t-il visiblement surpris.
- Oui… Ça m'inquiète un peu… répondit-elle en caressant sa main.
- C'est que les antidouleurs font effet…
- Les antidouleurs ? s'étonna-t-elle. Pourquoi faire ?
- D'après vos collègues, monsieur Dumas s'est jeté au sol au moment de l'explosion. Il a eu un bon réflexe car les conséquences auraient pu être dramatiques. Sauf qu'il est mal retombé et… la mauvaise chute a provoqué un léger traumatisme crânien. On soulage ses maux de tête.
- Mais… balbutia-t-elle. Il va avoir des séquelles ? Non parce qu'il a déjà été opéré à cet endroit et il a fait une amnésie partielle je…
- On attend qu'il se réveille pour faire un état des lieux de la situation mais, je suis plutôt optimiste.
- D'accord…
- Vous sonnez s'il se réveille ?
- Oui… confirma-t-elle avant de voir le médecin s'éclipser hors de la chambre. »
À nouveau, Candice prit place à ses côtés, l'observant en silence et le priant de se réveiller. Soudain, la blonde songea à Suzanne. Elle ignorait où se trouvait la petite et se décida à fouiller dans les affaires de son partenaire. Heureusement son téléphone avait été protégé par sa chute et malgré quelques rayures, il s'en trouvait intact. Candice le récupéra et se mit à sourire en constatant qu'Antoine n'avait jamais changé son fond d'écran. Elle s'observait, souriante, à ses côtés, un soir d'été… La photo respirait le bonheur… Le bonheur d'avant… songeait-elle attristée avant de cliquer sur ses messages.
« Maman… lut-elle à voix haute avant de cliquer sur le contact pour démarrer un appel.
- Oui Antoine ?
- Euh bonjour… C'est Candice…
- Ah pardon. Qu'est-ce qui se passe ? s'étonna-t-elle rapidement. Y a un problème avec Antoine ?
- Je suis à l'hôpital avec lui... Monsieur a joué au casse-cou pendant une intervention et une bombe lui a explosé au visage.
- Hein ?
- Mais heureusement il a réussi à éviter le pire… la rassura-t-elle en caressant la joue du blessé.
- Vous voulez que je vienne ?
- Il dort encore… Les médecins attendent qu'il se réveille pour prendre ses constantes… Ils parlent d'un léger trauma crânien pour l'instant.
- D'accord… balbutia-t-elle. Mais… Je comprends pas… On vous a prévenu ? Je… ?
- Nos services étaient en cosaisine. On retravaillait ensemble temporairement… Je pensais qu'Antoine vous en avait parlé…
- Non… Du tout… Et Suzanne ? réalisa-t-elle.
- Justement, je vous appelais pour savoir si elle était avec vous… Les médecins vont le garder en observation ce soir…
- Je suis sur Montpellier aujourd'hui. Elle doit être avec la nounou… Mais je peux la récupérer ce soir et m'en occuper…
- Sinon j'avais pensé à la prendre à la maison. Ça lui ferait plaisir et… elle devait venir demain de toute façon…
- C'est une bonne idée oui. Puis ça fera plaisir à son père aussi de savoir ça…
- Hum… acquiesça-t-elle en le fixant.
- Je vous laisse ? Et vous me tenez au courant pour Antoine surtout…
- Oui. Je veille sur lui…
- Bon courage et… merci, Candice.
- Merci… »
Elle raccrocha avant de chercher le prénom de la nounou de Suzanne parmi les derniers messages envoyés. Soudain, ses yeux tombèrent sur le prénom de son homologue. La tentation était grande… Trop grande… Et quelque peu honteuse, la blonde finit par cliquer dessus et s'empressa de lire leurs échanges. Des discussions professionnelles, quelques photos envoyées et des émojis équivoques… C'était clair, avec ces tournures de phrases, Élodie avait des vues sur son supérieur. Mais les réponses d'Antoine la faisaient sourire. Et Candice se rendait compte qu'il n'avait vraiment rien compris à ses intentions… Elle hocha négativement la tête, commençant à espérer qu'Élodie ne revienne pas à la charge. Sinon, ce serait elle qui mettrait les choses au clair avec elle…
Candice quitta cette conversation et ouvrit celle avec Julie et leur dernier échange de sms confirmait qu'elle en avait la garde. Alors elle cliqua sur son nom et colla le portable à son oreille.
« Allô ?
- Euh… Bonjour… Vous êtes Julie ? demanda-t-elle quelque peu gênée.
- Euh oui… C'est pas Antoine… constata-t-elle.
- Non ! Voilà en fait, c'est Candice je… je suis son… sa… enfin je vous appelle parce qu'Antoine a eu un petit accident au travail et il pourra pas s'occuper de sa fille ce soir…
- Ah bon ? Mais rien de grave ?
- Non… Rien de grave… Mais ils vont le garder cette nuit je pense… Est-ce que vous pourriez déposer Suzanne chez moi en fin de journée ?
- Mais il est d'accord ? Parce que je voudrais pas d'ennuis…
- Vous n'en aurez pas… Je vais prévenir ma fille et… elle vous attendra pour 18h, d'accord ?
- Ok !
- Et pour Suzanne, vous direz que son père fait des heures supp au travail… Pas besoin de l'inquiéter avec ça…
- Très bien.
- Je vais vous envoyer mon numéro et je vous communiquerai l'adresse… Si y a un souci, contactez-moi directement.
- Ok. Vous lui souhaiterez un bon rétablissement de ma part alors. Bon courage !
- Merci Julie. »
Candice raccrocha et fixa son ex-compagnon d'un grand sourire. Elle reposa le téléphone sur la table de nuit et remit ses cheveux bruns en ordre avant de s'autoriser une pause à la cafétéria de l'hôpital. Ses collègues avaient déserté le hall, se rendant au commissariat pour s'affairer à la paperasse. Tâche subsidiaire pour la commandante… La priorité était pour l'instant de veiller sur celui qu'elle aimait. Alors elle contemplait le distributeur, tergiversant sur le choix du biscuit et finalement… opta pour une douceur au chocolat, plutôt efficace contre l'amertume… songeait-elle en récupérant son gâteau. Ce fut au tour de la machine à café de subir l'hésitation de Candice… Café ? Thé doux ? Chocolat ? Le choix était difficile… Mais pleinement consciente que la journée s'annonçait encore longue, la commandante se résigna à la caféine. Munie de son petit gobelet, elle se redirigea vers la chambre 122 et ouvrit la porte silencieusement. Elle ne tarda pas à apercevoir son partenaire, la main placée sur son front.
« Antoine ? l'interrogea-t-elle surprise de son réveil.
- Hmm… gémit-il face à la douleur.
- Oh Antoine… lâcha-t-elle rassurée en se jetant dans son cou.
- Aïe… Aïe…
- Pardon… s'excusa-t-elle en le regardant doucement. Tu refais plus jamais ça…
- Ma tête… grommela-t-il.
- Je sais mon amour… laissa-t-elle échapper sans s'en rendre compte.
- Aïe…
- C'est rien… Je vais appeler le médecin, d'accord ? répondit-elle avant de déposer un léger baiser sur son front. »
La blonde disparut, accourant dans le couloir pour trouver le fameux docteur en blouse blanche. Il finit par la suivre devant la chambre avant de lui demander de rester derrière la porte le temps de l'examen. Elle accepta, trépignant d'impatience. Une bonne vingtaine de minutes plus tard, le médecin ressortit et l'interpella.
« Alors ?
- Il est secoué… Mais c'est normal…
- Et y a des séquelles ?
- Il connaît la date du jour… Il est commissaire à Sète… Il a une petite fille… Il est séparé de sa mère… Et sa compagne s'appelle Candice…
- Ouf… lâcha-t-elle en soufflant de soulagement. J'avais tellement peur de revivre l'enfer d'il y a quelques années je…
- Tout va bien. Monsieur Dumas doit juste se reposer. On le garde en observation cette nuit mais d'ici demain matin, il pourra sortir.
- Tant mieux… Et il a un traitement particulier ?
- Des antalgiques contre la douleur… Mais son IRM est ressortie impeccable. On fera un petit contrôle dans quinze jours mais c'est plutôt encourageant.
- D'accord… Merci docteur… Je peux ?
- Oui ! Mais c'est bientôt l'heure de fin des visites…
- Mais je… il vient juste de se réveiller… répliqua-t-elle déçue.
- Alors je ne vous ai pas vu !
- Merciiii… chuchota-t-elle avant de faire irruption dans la chambre. »
La blonde referma doucement la porte, fixant amoureusement son partenaire endolori par les médicaments. Elle s'approcha et s'installa sur le rebord de son lit.
« Comment tu te sens ? osa-t-elle fébrile.
- J'ai l'impression qu'on lance des boulets de canon dans mon crâne…
- Mais qu'est-ce qui t'a pris d'entrer dans la maison comme ça aussi ? s'agaça-t-elle en haussant le ton.
- Aïe… souffla-t-il en fermant les yeux à cause de la douleur.
- T'es complètement inconscient… maugréa-t-elle en l'aidant à se relever.
- Ça va… Je suis là…
- Bah heureusement ! s'agaça-t-elle avant de disparaitre dans son cou.
- Hum… Et Tito ?
- Plongé dans le coma… Marquez a témoigné et avec ce qu'il vous a dit, on peut enfin prouver tout ce qui s'est passé.
- Tant mieux…
- Je les ai laissé se charger de la paperasse… Tu m'en veux pas ?
- Non… chuchota-t-il. Il est quelle heure ?
- Bientôt 19h… J'ai réussi à négocier pour rester un peu plus longtemps…
- Hum…
- J'ai eu tellement peur… osa-t-elle avouer en baissant la tête.
- Pardon…
- Non… C'est moi qui te dois des excuses… Je suis désolée pour hier soir… J'aurais dû te répondre, je… Pardon… J'ai été égoïste…
- C'est pas grave… la rassura-t-il en caressant ses cheveux.
- Hum…
- Et Suzanne ? réalisa-t-il. Je…
- J'ai prévenu la nourrice et on a tout organisé, t'inquiète pas. Elle dort à la maison ce soir…
- Ah bon ?
- Oui… Je me suis dit que ça lui ferait plaisir… Puis comme ça demain, vous pourrez vous reposer tranquillement tous les deux. On viendra te chercher, d'accord ?
- Ok… accepta-t-il.
- Câlin… laissa-t-elle sortir d'une moue enfantine avant de se caler dans ses bras. »
