Eddie était rentré hébété.
Il avait du mal à comprendre ce qu'il venait d'apprendre. Il n'était peut-être pas très bon en maths mais il savait encore compter et le calcul était sans appel. Si Shannon était bien la mère de Christopher alors il y avait une chance sur deux pour qu'il soit son père.
Il se recroquevilla sur le canapé en tirant sur ses cheveux.
Shannon était morte par sa faute. Et maintenant, Christopher était en passe de perdre celui qu'il considérait comme son père. Eddie était fou de douleur à l'idée que cet homme ait endossé son rôle, mais en même temps il se trouvait pathétique de ressentir ses sentiments égoïstes, alors qu'il avait de grandes chances de ne pas survivre à son accident.
Il savait qu'il devait dormir mais Buck était de garde et il était le seul avec lequel il pouvait parler de tout ça. Ses collègues ne prendraient jamais son parti, et sa famille déclencherait une guerre de tranchée pour qu'il en obtienne la garde, ce qui serait néfaste pour Christopher.
Buck trouverait une solution pour l'aider.
Il se redressa lorsqu'il entendit sa voiture se garer dans l'allée. Buck ouvrit enfin la porte et laissa son sac tomber près sur le sol.
Eddie se redressa et vint à sa rencontre.
– Eddie ? s'étonna-t-il de le voir éveillé à une heure aussi tardive. Est-ce que tout va bien ?
– Doux Jésus, Buck, souffla Eddie en découvrant l'état de son visage.
Buck avait un côté du visage tout violacé et il se tenait penché sur le côté ce qui l'informait qu'au moins l'une de ses côtes devait être meurtrie.
– Mais qu'est-ce qui s'est passé ?
– Rien, lui assura-t-il avec un demi sourire. Je vais bien. Mais toi ? Pourquoi tu ne dors pas ?
– Ne change pas de sujet, gronda-t-il en passant son bras sous le sien. Viens t'asseoir. Dis-moi ce qui s'est passé ?
Buck le laissa lui retirer sa chemise.
Eddie vit, sans surprise, que ses côtes avaient également pris le coup. Il était persuadé, de par sa position, qu'il devait avoir des côtes de fêlées.
– C'est impressionnant mais pas vraiment douloureux, lui promit-il.
– Qu'est-ce qui s'est passé ? répéta-t-il.
– Le treuil a lâché. J'étais à dix mètres du sol. Un arbre a amorti ma chute.
– Tu as vu un médecin ? s'enquit-il en connaissant d'avance la réponse.
– Ce n'est pas si grave.
– Buck...
– Je t'assure que je vais bien. Si je vais à l'hôpital, Simmons me mettra sur la touche. Il rêve de se débarrasser de moi. Ce boulot, c'est toute ma vie.
– Et ça risque de te tuer, insista Eddie. Simmons va finir par te tuer.
– M'oblige pas à faire ça, Eddie. Je t'en prie.
Buck avait les larmes aux yeux et Eddie savait à quel point il voulait être pompier.
Il savait que Buck le vivrait vraiment mal de devoir changer de voie professionnelle mais il ne voulait pas le perdre. Il venait d'apprendre la mort de son ex-femme et qu'il avait sans doute failli perdre son petit-ami ce soir.
Ça le rendait malade.
Malgré tout, il savait que d'insister maintenant ne ferait que déclencher une dispute. Ils étaient encore tous les deux sous le coup de l'émotion.
Il passa ses doigts sur les côtes de son amant qui tressaillit sous son toucher. Eddie devait prendre un problème à la fois et soulager Buck devait être sa priorité.
Il s'occuperait de Simmons plus tard.
– Allez viens, Buck. Un bon bain détendra tes muscles et ensuite on glacera tout ça.
Eddie le redressa et Buck pris appui sur lui.
Il l'emmena dans la salle de bain où il l'installa sur la cuvette de WC, le temps de faire couler le bain. Puis, il l'aida à finir de se déshabiller, avant de l'aider à entrer dans l'eau chaude.
Buck tressaillit entre ses bras avant de se détendre.
– Tu me racontes ?
– Une voiture à flanc de falaise, soupira-t-il, en fermant les yeux. C'était pendant l'orage. Le cap m'a demandé de descendre.
– Le treuil n'aime pas trop la pluie, lâcha Eddie. Pourquoi ne pas l'avoir fait en rappel ?
– Je l'ai suggéré, admit Buck. Le cap m'a dit que remonter les blessés serait plus rapide avec le treuil.
Eddie passa un gant sur son visage pour le détendre et nettoyer le reste de boue qu'il avait dans les cheveux.
Il savait que Buck ne voulait pas prendre sa douche à la caserne, qu'il n'avait pas vraiment confiance en son équipe. Eddie avait peur qu'il ne lui dise pas tout, il avait peur que Buck subisse des intimidations de la part de son équipe en plus de son capitaine.
Il était presque sûr que le fait qu'il préfère les hommes en était la raison.
Ça le rendait dingue de le savoir au milieu d'homophobes prêt à tout pour lui faire payer d'être qui il était. Il comprenait mieux pourquoi Buck lui avait demandé de ne rien dire pour eux deux. Il avait peur que la haine de son équipe ne se reporte sur lui.
Il le protégeait.
– Et ensuite ? demanda-t-il en inspirant calmement.
– Je ne sais pas. J'étais presque arrivé à la voiture quand le treuil a déconné. J'ai chuté de trois ou quatre mètres. J'ai demandé à la radio ce qui se passait mais le Cap a dit qu'il y avait un problème avec le treuil et que je devais attendre. Le temps que je comprenne que je devais m'accrocher à la falaise, le treuil a lâché et je me souviens juste d'avoir atterri dans l'arbre, d'avoir rebondi sur au moins trois ou quatre branches avant de toucher le sol.
– Dios, tu as vraiment de la chance d'être en vie, souffla-t-il livide.
– Ce n'est pas aussi terrible que tu le penses, j'ai vécu pire que ça.
Le regard d'Eddie passa sur la cicatrice qui ornait la jambe de Buck.
Son amant n'aimait pas en parler et Eddie ignorait ce qui lui était arrivé mais il se doutait que cela devait être un horrible souvenir. Sûrement un accident très grave, s'il se fiait aux exercices qu'il faisait chaque matin, pour éviter une quelconque raideur dans son muscle.
– On fait un métier dangereux Buck, murmura-t-il en caressant ses cheveux pour qu'il le regarde dans les yeux. Tu dois pouvoir être en sécurité avec ton capitaine, pouvoir faire confiance à ton équipe...
– Je sais. C'est pour cette raison que j'ai demandé mon transfert, lui apprit-il. Le chef dit que ça va prendre plusieurs semaines avant qu'il me trouve une autre place.
– Tu lui as parlé de ce qui se passe avec Simmons ?
– Non, admit-il. J'ai juste dit que la 118 n'était pas pour moi.
– Viens travailler avec moi !
– Ce n'est pas si simple, soupira-t-il.
– Pourquoi pas ? Il nous manque toujours un homme.
– Et Bobby Nash ne laissera personne remplacer son fils, lui rappela-t-il. Et il ne me laissera jamais revenir. Pas après m'avoir viré pendant ma période probatoire.
– C'était il y a des années, Buck, tu as grandi et les choses ont changés.
– Notre couple est aussi une raison de nous interdire de travailler ensemble.
– Personne n'est obligé de savoir. Buck, promets-moi juste d'y réfléchir. Ça pourrait être temporaire, juste le temps qu'une autre place se libère. Te savoir dans cette équipe me terrorise. Je t'en prie, penses-y !
– D'accord, souffla-t-il résigné. Je vais y réfléchir. Et toi ? Pourquoi tu ne dormais pas ?
– Je t'attendais, admit Eddie.
– Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?
– Ça peut attendre Buck. Pour le moment le seul pour lequel tu dois t'inquiéter, c'est toi.
– J'ai promis d'y réfléchir et je suis trop fatigué pour le faire maintenant. Donc nous avons le temps de régler ton problème.
– J'ai peur que ça soit un peu trop compliqué pour être réglé en deux minutes.
– Je t'écoute, insista Buck.
– D'accord, je... j'ai rencontré le petit-fils de Bobby aujourd'hui.
– Christopher, lui sourit-il. Ce gamin est génial.
– Il l'est, confirma Eddie. On a discuté quelques minutes et puis j'ai vu par hasard une photo de sa mère et c'était Shannon. C'était mon ex-femme.
