Bonsoir :)
Dans le dernier chapitre, nos deux compères se préparaient à la randonnée qui approche mais ils n'ont pas pu résister longtemps à l'envie de se revoir. On vous laisse en leur compagnie. On apprécie beaucoup ce chapitre et on espère qu'il vous plaira aussi.
Bonne lecture !
Kagami tourne en rond en attendant l'arrivée du brun. Il n'a plus rien à faire, alors il tente un peu de ménage même si c'est inutile. Il espère qu'Aomine ne sera pas en retard... Mais à sa grande surprise, il entend frapper à sa porte alors qu'il commence à peine sa poussière. Il repose son plumeau et se lave rapidement les mains avant d'aller ouvrir.
« Hey, t'as fait vite. Cool, je suis affamé aussi », dit-il avec un sourire qui lui paraît trop grand, mais tant pis.
Aomine n'avouera pas qu'il a presque couru, juste pour donner à son cœur une bonne raison de s'emballer. Mais quand Kagami apparaît dans l'embrasure de la porte, ce traitre de muscle lui rappelle avec violence que son pseudo footing n'a rien à voir avec son euphorie. S'il avait des doutes, impossible de nier l'effet que Kagami lui fait en cet instant. Preuves supplémentaires s'il en faut, son regard qui le détail comme s'il le rencontrait pour la première fois et ce silence qui s'éternise.
« Sympa la chemise... » Finit-il par articuler.
Kagami rougit un peu sous le regard inquisiteur d'Aomine, et esquisse un sourire à son compliment, à la fois content et gêné.
« Thanks... » Il ouvre la porte en plus grand pour le laisser passer. « Laisse-moi juste prendre mes affaires, et on peut y aller ! »
Aomine entre mais ne s'avance pas dans l'appartement. Il garde ses mains trop moites dans ses poches le temps de se calmer un peu. Il a beau être déjà sorti avec Kagami, ce soir il se sent fébrile. Tandis qu'il l'attend dans l'entrée il tente de se rassurer. Ça reste Kagami, pas de quoi s'en faire une montagne. Si ?
« Il aura de la place tu penses ? Il fallait peut-être réserver…
— Oh, nan, pas dans ce genre de resto. C'est un petit resto de quartier comme y en a tant d'autres, ça m'étonnerait que ce soit plein. »
Kagami va refermer sa fenêtre, attrape ses clés et sa veste, puis enfile ses chaussures.
« Let's go ! »
Ils n'en auront pas pour longtemps à rejoindre l'établissement, quelques stations de métro et un peu de marche. Le temps de discuter un peu du menu, Kagami s'imaginant déjà ce qu'il voudrait tester. La carte est assez rudimentaire, mais d'après ce qu'il a goûté l'autre jour, la cuisine compense bien le peu de variété.
Aomine se laisse guider à travers les souterrains et la bonne humeur de Kagami le déleste peu à peu de son trac. Il n'est pas là pour prouver quoique ce soit après tout. Juste partager un bon repas dans un endroit qui compte pour son crush. Il essaie de ne pas faire attention à la foule qu'il y a encore dans les rues malgré l'heure tardive, comme il en a l'habitude. Pourtant, c'est un exercice beaucoup moins facile ce soir. Et bien qu'il se foute royalement de l'avis d'autrui, une part de lui ne peut s'empêcher de se demander ce qu'ils pensent à les voir ensemble. Parce qu'il a l'impression dérangeante que ce qu'il ressent est écrit sur son front, que tout le monde peut lire la façon dont il regarde Kagami qui rayonne plus que jamais.
Le restaurant se situe dans une ruelle qui les éloigne de l'agitation des grands boulevards, son entrée signalée par une ribambelle de petits lampions blancs. À l'intérieur, c'est tout aussi calme, il n'y a que quelques clients qui discutent dans leur coin et ne font pas attention à eux. Le propriétaire en revanche leur fait signe depuis sa cuisine, son sourire s'élargissant lorsqu'il reconnaît Kagami. Il les invite à s'asseoir où ils le désirent, et par réflexe, le rouge se dirige vers l'endroit où il s'est installé la dernière fois, la place qu'occupait sa mère sur la photo. Ça le trouble un peu quand il le réalise, car cette fois il n'est pas seul, mais quelque part, ça lui semble naturel et juste, comme si c'était la bonne chose à faire. Il pose sa veste sur le dossier et s'assoit, souriant à Aomine.
« Tu vois, c'est tout calme. On sera tranquilles. »
Aomine acquiesce en silence en s'imprégnant de l'ambiance des lieux. C'est chaleureux et chargé de cette atmosphère particulière qu'ont les endroits pleins d'histoires. Avec du vécu. C'est rare dans une grande ville en perpétuelle évolution, assez pour être noté et apprécié à sa juste valeur.
« J'aime bien cet endroit, déclare-t-il d'un ton bas pour ne pas briser l'ambiance paisible des lieux.
— C'est vrai ? s'illumine Kagami. Cool. J'aime bien le côté intimiste et traditionnel. Tout va à l'essentiel. »
Et en parlant d'essentiel, il s'empare du menu pour trouver ce qui va sustenter son estomac affamé.
« Ouais... on dirait un peu une capsule temporelle », assure Aomine avec un sourire.
Puis, il imite son vis à vis et survole le menu dont il avait déjà une idée de la teneur. Il profite que Kagami soit concentré sur sa carte pour l'observer à la dérobée. Un léger sourire fleurit sur ses lèvres face à sa mine indécise. Un mouvement dans sa vision périphérique le tire de sa contemplation silencieuse et il avise le vieil homme qui s'approche d'eux tout sourire.
« Bonsoir, Kagami-san, salue le propriétaire en s'inclinant vers le rouge. Je suis heureux de vous revoir. Et bienvenue à votre ami, ajoute-t-il en s'inclinant de même.
— Merci... J'ai été bien accueilli et j'ai bien mangé, alors je ne pouvais que revenir ! répond Kagami en souriant, un peu gêné par cet accueil qui en même temps lui fait chaud au cœur.
— Merci, j'ai hâte de goûter votre cuisine. J'en ai entendu beaucoup de bien », confie Aomine en glissant un regard entendu du côté de Kagami.
Le vieil homme rit un peu, visiblement ravi, et Kagami s'empresse de commander une bière et des takoyakis accompagnés de riz, ainsi qu'un ramen au porc.
Le brun ajoute une bière à la liste, un assortiment de gyozas en entrée et le plat qu'avait pris Kagami la première fois. Leur commande prise, le gérant leur laisse de quoi picorer en attendant.
« Il a vraiment l'air content que tu sois revenu, fait remarquer Aomine, amusé par l'enthousiasme du vieillard.
— Ouais, je m'attendais pas forcément à ce qu'il se souvienne de moi... rit Kagami. Remarque, ça doit pas être tous les jours non plus qu'il prend des clients en photo !
— Il se souvenait de ta mère... comment il aurait pu t'oublier ? demande-t-il dans un ricanement incrédule.
— Ouais, vu comme ça... » Il s'écarte un peu tandis que le vieil homme revient avec leurs bières et les dépose sur la table. Il s'empare de la sienne et trinque avec Aomine. « Eh ben... à un bon repas, j'imagine ! »
Aomine acquiesce, et déguste sa bière avec appréciation. Puis il se cale sur le dossier de sa chaise pour contempler le restaurant plus en détail, cherchant des morceaux de vies oubliés çà et là sur les murs. Il remarque une famille attablée plus loin et à leur façon d'être, pas si différente que s'ils étaient dans leur propre salle à manger, il les devine habitués de l'établissement. Cette vision entraîne ses pensées vers la mère de Kagami. Il se demande si elle l'aurait emmené ici un jour, si elle avait pu.
Kagami sirote sa bière en observant Aomine à la dérobée, il semble content d'être ici et moins nerveux que lorsqu'il est arrivé à son appartement. C'est vrai que cet endroit a quelque chose d'apaisant.
« Toi qui aimes pas trop cuisiner, tu vas souvent au resto ? demande-t-il au brun, curieux.
— Pas tant que ça. Comme je suis plutôt en décalé, j'arrive souvent en fin de service.
— Ouais mais y a les jours de repos aussi ! Moi j'y vais de temps en temps... Pour découvrir des trucs et trouver de l'inspiration aussi !
— J'avoue que ça ne m'a jamais traversé l'esprit. Je suis plutôt du genre à commander. Comme je suis dehors la plupart du temps, quand je suis chez moi, j'aime bien y rester. Mais je suis content d'être là et de découvrir de nouveaux endroits, assure-t-il avec un sourire. C'est juste que tout seul, j'y vois pas trop l'intérêt.
— Tous les restos livrent pas, donc l'intérêt, c'est la bouffe ! » souffle Kagami en levant les yeux au ciel, consterné devant cette incapacité à voir l'évidence. « Mais bon, heureusement que t'es content d'être là, sinon la prochaine fois, j'invite Momoi ! » ajoute-t-il d'un air taquin.
Aomine se marre, prenant tout de même la menace très au sérieux.
« Nan ça va, tu sais que j'aime la bouffe en plus ! C'est juste de la flemme. Mais une bonne compagnie pourrait me motiver... affirme-t-il sur le même ton, regard à l'appui.
— Je vois... » rigole Kagami, amusé par ce regard séducteur. Il n'a pas trop l'habitude qu'on le drague, il voit bien que c'est naturel pour Aomine, mais en même temps il le fait d'une manière probablement pas aussi experte qu'il le croit. Mais comme il est charmant et effectivement séduisant...
« Je note, alors. Toi tu m'emmènes dans des coins perdus en rando, moi au resto et au surf ! »
Aomine lève son verre à cette déclaration, scellant l'accord d'une rasade de mousse. Faire rire Kagami lui tire un sourire satisfait. Son trac s'est évaporé dans les volutes de saveurs qui flottent dans la pièce. Remplacé par ce sentiment de plus en plus familier de plénitude, contaminé par l'aura sereine de son voisin. L'intimité des lieux l'aide aussi sûrement, et il repousse les inquiétudes que cette idée fait ressurgir. Il s'y attardera plus tard, il préfère se focaliser sur ce qui les attend bientôt.
« Dis-moi, est ce que tu as déjà pêché ?
— Jamais, dit Kagami en s'essuyant les lèvres d'un revers de la main. Pourquoi, tu comptes m'apprendre ?
— Si ça te dit. Ça pourrait te servir si tu te perds en pleine cambrousse un jour.
— Mais faudrait que je me balade tout le temps avec me canne à pêche, réfléchit Kagami en faisant la moue.
— Un détail... » balaie Aomine d'un geste, levant les yeux au ciel.
Kagami se demande s'il doit en déduire qu'Aomine se balade partout avec une canne à pêche, et l'idée le fait rire. À ce moment-là leurs plats arrivent, et il remercie le vieil homme tandis qu'il se penche vers la nourriture, alléché par l'odeur des bols fumants.
Les portions généreuses et le fumet délicieux le font saliver. Dans un grondement impatient, son estomac lui rappelle combien il a faim, et sans plus attendre il s'empare d'un beignet aux légumes et l'enfourne presque entièrement. Évidemment, il se brûle dans la manœuvre et ignore le regard moqueur de Kagami en plongeant dans son verre pour éteindre le feu sur sa langue.
Kagami attaque son repas avec un peu plus de prudence mais tout autant d'appétit. Il mâche avec enthousiasme et reste silencieux quelques minutes, profitant des saveurs simples, franches et parfaitement équilibrées.
« Ouais... Je confirme ma première impression. Il est vraiment bon ce resto », constate-t-il.
Le brun savoure ses plats, il se régale lui aussi. Cependant, le dernier repas que son cuisinier préféré lui a préparé lui reste en tête. Mais il note l'avis de Kagami, plus expert que le sien. Ce n'est pas comme s'il avait beaucoup de point de comparaison.
« C'est vrai, et c'est généreux ! Il fait partie de ton top alors, toi qui fais beaucoup de restaurants ?
— Probablement, mais je suis pas vraiment objectif... Celui-ci a clairement une valeur sentimentale, ajoute-t-il avec un léger sourire.
— Je comprends... Mais je pense pas que tu te trompes. Ça n'a rien à voir avec le premier restau qu'on a fait, assure-t-il avant de prendre une nouvelle bouchée.
— Ouais, c'est vrai. Je suis content que tu aimes en tout cas. »
Il sourit, ça lui fait vraiment plaisir, pouvoir passer du temps avec le brun et partager un bon repas, surtout ici où il a non pas vraiment des souvenirs, mais un attachement un peu indéfini. C'est une façon de consolider ses liens avec Aomine, sans pression et en toute simplicité.
« Oui beaucoup. Merci pour la découverte. »
Aomine lui sourit en retour, attendri. Sans qu'il n'ait à le dire, il comprend que c'est important pour Kagami et il s'en trouve touché. Il aime aussi la symbolique de cet endroit pour leur "nouveau départ". Son ami peut être pleinement lui-même maintenant qu'ils ont parlé de ce qui les hantait, et ici, où il a trouvé un petit morceau de son histoire, ça prend tout son sens. Il réalise alors qu'il en sera de même pour lui sur le sentier de randonnée qu'ils vont arpenter. Et ça le fait sourire. Sans même le savoir, il avait déjà prévu de se dévoiler entièrement en proposant de cette excursion. Ça l'effraie presque de constater à quel point il a pu être aveugle.
« Alors c'est quoi ton plat préféré ? demande Kagami en continuant la thématique cuisine. Et les desserts ? Et la cuisine étrangère, y a des trucs que t'aimes bien ?
— T'es bien curieux », s'amuse le brun avant de répondre le plus sérieusement du monde : « Poulet teriyaki, sans hésiter. En dessert, je suis pas difficile mais la forêt noire... j'ai pas encore trouvé mieux. Quoique les mochis maison... me demande pas de choisir ! s'affole Aomine, le cœur déchiré en deux rien qu'à l'idée. Et la cuisine étrangère... la pizza ça compte ?
Kagami éclate de rire, ravi de voir qu'Aomine peut prendre les choses à cœur quand il s'agit de nourriture.
« Ouais, j'imagine que ça compte... Hm... Je sais pas faire de forêt noire, mais je chercherai la recette. Par contre quand j'y pense, je sais faire des pizzas, si t'en veux maison un de ces quatre. »
Le rouge a les yeux qui brillent en imaginant leurs futurs repas. C'est vrai qu'il aime cuisiner et manger mais ça a toujours une saveur particulière quand c'est partagé, et puis, il a envie de faire plaisir au brun.
« Sérieux ? Et tu sais faire quoi d'autres comme plats exotiques ?
— Hm... Je sais faire des éclairs. Quelques autres plats italiens, comme des risottos ou même des pâtes maison... Des tartes au citron... Le poulet frit à l'américaine... Pas mal de trucs, en fait, conclut Kagami, satisfait.
— Kagami... si tu comptes me faire goûter tout ça, il va falloir qu'on joue plus souvent si je veux garder la forme. À moins que m'engraisser ne fasse parti de ton plan machiavélique pour pouvoir me battre... s'inquiète Aomine, faussement suspicieux.
— Comme si j'avais besoin de ça pour te battre ! s'esclaffe Kagami. Mais j'admets que va falloir maintenir un bon rythme en sport si tu veux garder ta silhouette d'athlète. Moi j'ai un métabolisme rapide, donc en général je m'en sors bien, mais tout le monde a pas ma chance, fanfaronne-t-il.
— Frimeur... marmonne Aomine. Je sais pas ce qu'il en est de mon métabolisme, j'ai toujours fait assez de sport pour compenser. Mais j'imagine qu'un peu plus ne fera pas de mal. Surtout qu'on avait déjà prévu de passer plus de temps ensemble... » souligne le brun en retournant à son plat.
À ces mots, Kagami perd un peu de sa belle assurance tandis qu'il se sent rougir. Passer plus de temps ensemble... Une expression anodine, mais qui déclenche une anxiété impatiente, ou une joie teintée de peur, ou une envie remplie d'appréhension... ou tout ça à la fois.
« Yeah... Et comme on est tous les deux sportifs... je me fais pas trop de soucis pour ta ligne » dit-il rapidement entre deux bouchées.
Aomine ne laisse rien paraitre et se contente de savourer son repas. C'est vrai qu'ils en ont parlé dans un contexte différent mais cette perspective semble toujours d'actualité. Étrangement, ce soir elle prend un peu plus de poids, ravivant sa nervosité. Comme si le cadre extérieur et le ton sur lequel ils l'évoquent cette fois-ci rendaient le tout plus sérieux et plus concret. Son ventre se noue d'anticipation en imaginant déjà leur prochain match.
Kagami a terminé son ramen et s'attaque à ses takoyakis qu'il trouve divins. Il n'a pas le souvenir d'en avoir mangé de tels depuis une éternité. Il savoure, son anxiété redescendant un peu grâce à ce plat réconfortant. Il observe Aomine à la dérobée – ou plutôt, il l'admire à la dérobée, remarquant une nouvelle fois la finesse de ses traits, la façon inconsciemment élégante dont il bouge, la note sérieuse dans ses yeux d'un bleu sombre, les nuances caramel alléchantes de sa peau...
De nouveau, Kagami détourne le regard et se concentre sur sa nourriture, le cœur battant. La présence du brun près de lui l'électrise, d'autant plus maintenant qu'il s'autorise à ressentir tout ça. Il se sent un peu impressionné, comme un gamin à son premier rendez-vous, anxieux de plaire et embarrassé à l'idée de dire ou de faire quelque chose qui aurait l'effet contraire.
Il se rappelle l'un des buts premiers de cette sortie : continuer à se découvrir... Alors il reprend la conversation avec une question.
« Au fait, tu m'as pas raconté comment t'es tombé dans le basket ? Vu que c'est pas un sport si populaire que ça au Japon... »
Perdu dans ses pensées, Aomine est d'abord surpris par la question. Puis il sourit en réalisant qu'il pensait justement au basket. Il se redresse et se cale sur sa chaise de façon à pouvoir regarder Kagami bien en face. Un coude sur le dossier, il l'observe un instant en silence puis se passe une main dans les cheveux dans un ricanement amusé.
Il y a longtemps que personne ne lui a posé la question. Et puis le basket fait tellement parti de lui aujourd'hui qu'il a un peu du mal à croire qu'un jour il a pu vivre sans. Et pourtant... il n'est pas né avec un ballon entre les mains.
« C'est drôle comme tournure de phrase... En fait, c'est plutôt le basket qui m'est tombé dessus. Littéralement, affirme Aomine, immergé dans son souvenir. On rentrait de l'école à pied avec Satsuki et ce jour-là, le terrain de notre quartier était occupé. Comme souvent, je ne regardais pas vraiment où j'allais et j'ai pas fait attention. J'ai reçu un ballon en pleine tête. Assez fort pour me faire tomber. Les gamins plus vieux qui nous accompagnaient ont filé pour prévenir ma mère. En attendant, les lycéens qui jouaient nous ont surveillé après s'être assuré que j'avais rien et pour se faire pardonner, ils m'ont laissé essayer de dribler. J'arrivais à peine à faire rebondir le ballon à une main, je me souviens qu'il me paraissait énorme à l'époque... pourtant ça a été le coup de foudre. Quand ma mère a débarqué en panique, elle pensait me trouver en pleurs, les genoux écorchés, pas en train de rire et de courir. »
Se remémorer cette histoire lui fait chaud au cœur et un sourire irrépressible se peint sur son visage. Depuis ce jour il avait continué de s'arrêter au terrain pour jouer avec les plus grands après l'école, Satsuki aux premières loges.
Kagami rit un peu à l'écoute de cette histoire, qui bizarrement ne l'étonne pas tant que ça. Il se représente parfaitement la scène et ne peut s'empêcher de s'attendrir devant le petit Aomine de son imagination. Et quand la silhouette enfantine s'efface devant l'homme qu'il a devant lui, il est captivé par son sourire.
« Je vois... On pourrait appeler ça un signe du destin, si on croit à ces trucs-là. »
Le brun rit franchement cette fois, le visage de Shin s'imposant à lui. Son vieil ami lui avait dit quelque chose dans le genre, mais il n'est pas certain d'y croire. Il hausse les épaules.
« Ouais possible. Mais peu importe le pourquoi du comment. Sans ça, je ne pense pas que j'aurais eu l'occasion de m'y intéresser et sans le basket ... j'ai du mal à imaginer qui j'aurais pu être. »
Kagami hoche la tête, essayant d'imaginer sa propre vie sans basket. Ça ne semble guère avoir de sens, il a toujours eu ce sport dans sa vie. C'est une passion autant qu'un exutoire, et une activité qui lui a beaucoup appris sur lui-même et sur autrui.
« Ouais... Je vois pas trop non plus. Peut-être que je ferais plus de surf... Mais le surf c'est pas pareil, c'est un sport solitaire, alors... ça apporte pas la même chose », réfléchit-il à voix haute.
Aomine acquiesce. Il sait que Kagami a un rapport au basket similaire au sien et qu'il peut le comprendre là où d'autre ont eu du mal. C'est plus qu'un jeu ou qu'un sport amusant. C'est toute une mentalité, un esprit et des valeurs qui l'ont complètement façonné.
« C'est sûr. Et même si c'est un sport d'équipe, on peut s'amuser aussi en solo. »
Et heureusement, ajoute-t-il pour lui-même. Si non, il aurait eu à traverser des heures bien plus sombres et bien plus solitaires que ce qu'il a connu. Même sans coéquipiers, sans adversaires, il y avait toujours un ballon à portée pour lui tenir compagnie et un panier quelque part pour encaisser ses humeurs.
« J'ai choisi mon quartier parce que y avait un terrain... avoue Kagami. On en trouve pas partout ! Et puis c'était pas cher aussi, ajoute-t-il en riant.
— Je note tes priorités, s'amuse Aomine de la confidence.
— Y avait aussi la cuisine. La mienne est petite, mais t'imagines pas les horreurs qu'on peut trouver. Sans doute conçues pour des gens comme toi qui ont jamais rien dans leur placard ! s'offusque Kagami rien que d'y penser.
— Hé ! Je m'améliore je te ferais remarquer ! » s'indigne Aomine avant de lancer : « Toi qui aimes tant découvrir de nouveaux restos, ça t'aurait pourtant fait une excuse toute trouvée.
— Ouais mais j'aime pas que la bouffe, j'aime cuisiner aussi ! Franchement, ça me déprimerait de pas pouvoir cuisiner chez moi...
— Et récurer ton évier ensuite... » se moque le brun.
Kagami lui envoie un regard noir devant cette moquerie éhontée à laquelle il choisit de ne pas répondre, non par maturité, mais parce qu'il ne trouve aucune répartie. Il se contente donc de grogner et continue son repas.
Aomine ne peut s'empêcher de rire face à sa réaction. Il s'aperçoit qu'il aime autant leurs joutes verbales que le moucher. Ok, le côté maniaque de Kagami, sujet sensible. Ce n'est pas la première fois que son ami se renfrogne lorsqu'il titille ce point précis. Il l'imite, préférant ne pas insister, mais il voit là quelque chose d'important à creuser. De peur de le braquer, il demande d'un ton plus curieux que taquin cette fois :
« Tu as toujours été aussi exigeant ? Avec la propreté et tout le reste je veux dire »
Kagami relève la tête, un peu surpris par la question.
« Oh euh... Je suppose, ouais. » Il réfléchit un instant en mastiquant sa bouchée, puis reprend : « J'ai jamais été bordélique, en tout cas. J'imagine que j'ai appris comme ça et c'est juste ce qui me semble naturel. »
Aomine l'observe. Penchant un peu la tête à cette réponse pour en saisir toutes les subtilités. Ça en dit long sur Kagami. Il sent là plus que le désir ou le besoin d'avoir un intérieur propre. Quand pour lui ce ne sont que de simples corvées, c'est bien plus ancré chez son ami. Plus de l'ordre de la nécessité. Il parierait qu'il est du genre à ne pas pouvoir se concentrer si son environnement est en désordre.
« Je vois.
— Ça te dérange ? interroge Kagami, saisi d'un doute tout à coup.
— Non pas du tout, j'aime bien tes tocs, le rassure-t-il. Moi je suis plutôt du genre bordel organisé donc j'ai du mal à saisir c'est tout.
— Je crois pas que c'est le genre de trucs qu'on peut comprendre. Par exemple, y a des gens qui adorent le baseball... » Kagami hausse les épaules. « Les gens sont bizarres, et toi et moi parmi eux », conclut-il.
La comparaison le fait rire.
« T'as raison... J'ai jamais rien compris à ce jeu.
— Moi non plus. Pourtant c'est plutôt populaire aux USA. Tatsuya a déjà essayé de m'expliquer... Mais j'crois que j'ai jamais écouté jusqu'au bout.
— Je te crois sur parole, s'amuse-t'il en visualisant la scène. Par contre... je savais pas que je faisais partie des gens bizarres.
— Vraiment ?! » Kagami éclate de rire. « D'après toi tu es 100 % normal ?! »
Aomine relève ses baguettes dans un geste désinvolte, mimant la réflexion, cherchant en quoi il peut être aussi détraqué que les fans de baseball...
« Bah... peut-être pas 100% mais j'dois pas en être si loin...
— Tu ressembles à personne que je connais, en tout cas », déclare Kagami avant de boire la fin de sa bière tout en l'observant.
Le brun hausse un sourcil sceptique, puis décide de le prendre comme un compliment. Ses yeux s'embrasent dès lors qu'ils rencontrent ceux de Kagami et son sourire se pare d'une arrogance à peine surjouée.
« Oh d'accord... Si par bizarre tu veux dire hors norme ou exceptionnel, alors oui, je suis loin d'être normal... »
Heureusement, Kagami a terminé sa bière, ce qui lui évite de devoir la recracher en riant.
« Ah ouais, je vois. Rien que ça. À côté de ta grandeur, mes petites manies sont bien misérables. Je me rends compte que ça va être dur de vivre si proche du soleil. »
Content de lui Aomine offre son sourire Colgate à Kagami et clin d'œil. Il fait l'idiot sûr de lui mais au fond, son cœur bat la chamade. Il se serait attendu à se faire rembarrer, mais non. Il a même droit à de nouvelles éloges, enfin s'il oublie le sarcasme dont elles sont teintées.
« Je serais pas allé jusqu'à me comparer au soleil mais... c'est pas moi qui l'ai dit. Et puis t'as vécu à Los Angeles, tu dois avoir l'habitude.
— Je sais pas, je trouve que le soleil à L.A. est moins... présomptueux » continue à railler Kagami. Il secoue la tête en souriant et s'attèle à terminer ses takoyakis.
Aomine lève les yeux au ciel pour la forme. Content que Kagami entre dans son jeu. Il joue le rôle qu'il aime se donner, mais il n'est pas assez suffisant pour penser sincèrement ce qu'il dit. Il termine son repas dans l'atmosphère détendue, nourrissant l'espoir secret d'un jour coller à l'image qu'il se donne.
Alors qu'ils finissent leurs bols, Kagami demande :
« Tu prends un dessert ?
— Hum ouais je pense que je vais me laisser tenter. »
Kagami regarde la carte d'un air pensif.
« Ouais, moi aussi. Pourquoi pas des dorayaki. »
Les petites crêpes fourrées aux haricots rouges ne sont pas des plus légères, mais... Il a encore de la place.
Aomine penche plutôt pour quelque chose de plus sucré et plus léger à base de glace. Il a mené la vie dure à son estomac récemment et il ne voudrait pas le contrarier avec une overdose de nourriture.
« Je vais prendre un kakigori », choisit-il en faisant signe au gérant pour passer leur commande.
Celui-ci s'approche et s'enquiert de la qualité leur repas, et sourit en hochant la tête aux nombreux compliments que lui adressent les deux jeunes hommes. Il prend leur commande et emporte leurs plats paisiblement, juste avant de réapparaître avec de nouvelles bières.
« C'est la maison qui offre, déclare-t-il.
— Oh, merci, proteste Kagami, mais ce n'est pas la peine de...
— J'insiste, dit le vieil homme sans se départir de son sourire bienveillant et tranquille.
— Dans ce cas... Merci beaucoup », murmure Kagami en rougissant un peu, touché et embarrassé par sa gentillesse.
« Je crois qu'il veut que tu reviennes », déclare Aomine avec un léger rictus.
Il trouve l'embarras de Kagami touchant en goutant à sa bière gratuite. Quand il rosit comme ça, il le trouve plus vulnérable, et il s'aperçoit qu'il aime bien cette couleur sur ses joues. Même s'il préfère quand c'est lui qui provoque ce changement de teinte.
« Yeah... J'ai ramené quelqu'un cette fois en plus ! Mais je suis content d'être revenu aussi... Et aussi de partager ce dîner avec toi », avoue-t-il en plongeant le nez dans sa bière.
Jusque-là, il s'est retenu du moindre contact avec Kagami, le souvenir de sa dernière tentative de rapprochement encore un peu amer. Pourtant l'impulsion du moment est trop forte... Alors il presse brièvement son genou sur celui de son vis à vis lorsqu'il souffle :
« Je suis content aussi, je me sens honoré sachant ce qu'il représente pour toi. »
Kagami relève les yeux et lui sourit, son cœur bat un peu plus vite en sentant son genou contre le sien.
« Tu m'emmènes en rando à un endroit qui te rappelle des souvenirs... Alors c'est normal que moi aussi je partage. »
Aomine ne peut que sourire en réponse. Heureusement il est sauvé par l'apparition de leurs desserts qu'il entame avec enthousiasme après avoir remercié le propriétaire. Un gémissement de gourmandise lui échappe à la première cuillère et poursuit avec que plus d'entrain.
Kagami reste quelques instants fixé sur le brun et sur sa dégustation un peu trop sensuelle pour qu'il puisse feindre l'indifférence à temps. Puis, il se dépêche de baisser les yeux sur son propre dessert et de l'enfourner à toute vitesse en espérant qu'Aomine n'ait rien remarqué.
L'envie de plaire à Kagami est une des vérités qui l'ont poussé à se remettre en question. Flirter avec lui ouvertement lui procure la sensation grisante de jouer avec le feu. Pourtant, sentir son regard brûlant qui le détaille comme s'il était le dessert qu'il attendait après une semaine de jeûne a le don de le faire transpirer. De gêne, de peur, il ne saurait dire. Il a l'habitude des jeux de regards, d'attiser la convoitise, d'être déshabillé des yeux. Mais l'intensité de Kagami le consume. Heureusement son dessert glacé l'empêche de fondre de l'intérieur, mais le contraste n'en est que plus évident. Il connait cette chaleur, il la connait très bien... Et bien qu'il ait sincèrement envie d'explorer ce qui se passe entre eux, ça reste totalement déroutant de l'éprouver pour un homme. Alors qu'avec une femme il aurait sauté sur l'occasion pour jouer de ses charmes et évoquer son propre désir, là, il fait profil bas. Feignant de ne rien avoir remarqué, espérant que son teint mat parvienne à masquer ses joues échauffées.
Kagami avale son dessert en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, et au moins, à présent que son estomac est bien rempli, il a l'impression de retrouver un peu ses moyens. Il reprend sa bière et évite de trop regarder Aomine qui n'a pas encore fini. Il a chaud et ce n'est pas seulement l'effet de la bière et du bon repas. Il ne sait pas si Aomine a conscience de le troubler. Comme toujours, c'est ambigu. Parfois il a l'impression qu'il en joue, parfois il semble s'en tenir rigoureusement à l'aspect amical de leur relation. Il essaie de ne pas trop s'attarder là-dessus : le brun a été clair sur sa confusion et Kagami ne veut pas le presser. Au moins, il a accepté son baiser la veille, et depuis il ne lui a envoyé aucun signal qui pourrait lui laisser croire qu'il le regrette. Il faut qu'il arrête de gamberger.
Il boit rapidement le reste de sa bière et demande :
« Alors ce dessert ? Aussi bon que le plat ? »
Aomine redresse le nez et ose un regard en coin vers Kagami qu'il trouve nerveux. Ce constat a le mérite de le rassurer sur son propre état. Il n'est peut-être pas le seul à être submergé et Kagami lui tend une perche bienvenue pour sortir de sa torpeur et de ses inquiétudes.
« Pile ce qu'il fallait ! Je te demande pas pour le tien... » s'amuse-t'il en désignant du menton son assiette vide.
Kagami rit un peu se passe une main nerveuse dans les cheveux.
« Yeah... Tu commences à me connaître, je mange beaucoup... Et en plus effectivement c'était très bon. » Il jette un coup d'œil à son portable et s'entend proposer avant d'y avoir réfléchi : « Tu veux aller boire un verre chez Kuroko après ? »
Aomine tique à la proposition. Son esprit s'emballe et s'imagine tout un tas de scénarios plus ou moins vraisemblables mais dans aucun desquels Kuroko ne l'épargne. Il aimerait bien prolonger la soirée, mais s'il pouvait éviter d'avoir à gérer Tetsu et ses frasques ce soir, ça l'arrangerait.
« Ou au bar où on est allés après ton tournois ? Il était sympa. »
Kagami hausse les sourcils, surpris qu'Aomine veuille éviter le bar de son ami. Puis, il comprend que c'est à cause de lui, et du fait d'y aller ensemble. Pourtant, la dernière fois le brun ne s'est pas gêné pour lui faire du pied, littéralement, au risque d'être remarqué par un Kuroko qui lui a aussi semblé très curieux. Il fait un gros effort pour éviter d'en tirer des conclusions. Mais il ne peut s'empêcher de poser la question :
« Peur des questions inquisitrices, hein ? Je peux comprendre. La dernière fois, il a voulu savoir si Tatsuya et moi on était ensemble. »
Il croise les bras sur sa poitrine, observant attentivement le brun.
Aomine en recrache presque sa bière. Le sale petit... Arhg... Voilà exactement pourquoi il veut l'éviter. Il sait que son ami se doute de quelque chose, et la dernière fois qu'ils ont été là-bas, il lui a donné sans réfléchir, matière à se poser des questions... Quoiqu'il se demande si Tetsu a vu quoi que ce soit, occupé comme il était. Il se serait attendu à des messages, un appel ou même une visite de son ombre mais rien. Du coup, il préfère ne pas pousser sa chance trop loin. Tandis qu'il reprend contenance et tente de calmer sa toux il note la posture défensive de Kagami.
« Tu vois que j'ai de bonnes raisons ! » s'indigne-t-il de la nouvelle. Puis il soupire et reprend plus sérieusement en se massant la nuque. « Écoute... j'admets j'ai un peu peur qu'il vienne fouiner. Je préférerais avoir les réponses à lui donner avant de subir son interrogatoire... Ça t'ennuie ? »
Kagami ne peut pas lui en vouloir et au fond, il comprend. Il sait que sa méfiance reprend le dessus et il ne doit pas la laisser gagner davantage de terrain, sans quoi il va se braquer et se remettre à broyer du noir. C'est paradoxal, autant il fait entièrement confiance à Aomine pour l'aspect amical de leur relation, autant pour le reste... Il reste travaillé par les doutes. Il inspire un grand coup. Il doit faire preuve de patience et être un peu compréhensif.
« Honnêtement ? Un peu. Mais... Je comprends, aussi. Je sais que t'es quelqu'un d'assez secret qui aime pas faire étalage de ses sentiments, alors... Allons dans l'autre bar. »
La réponse lui plante une aiguille dans le cœur mais elle a le mérite d'être honnête. Il ne doit pas oublier que Kagami a choisi de lui faire confiance malgré ses déboires passés, et il ne veut surtout pas le décevoir. Ce n'est pas comme s'il voulait le cacher à ses amis, juste avoir un peu plus de temps pour comprendre avant de pouvoir l'expliquer. Il baisse un peu les yeux et acquiesce.
« Ouais mais y a pas que ça... il a certainement déjà capté de toute façon et... Je passe une très bonne soirée alors... j'ai pas envie qu'il vienne nous déranger », confesse-t-il trop timidement à son goût.
Kagami esquisse un sourire en coin, pas tout à fait convaincu par cette raison-là, mais il se détend un peu et décroise les bras.
« Right... Bon, je vais payer, et on peut y aller ! »
Sans attendre la réponse, il se lève pour régler l'addition, discutant un peu avec le gérant et notamment de sa recette de takoyakis de laquelle il s'inspirerait bien.
Aomine profite d'être laissé seul un instant pour reprendre ses esprits. Il s'en veut d'avoir gâcher l'ambiance et se frotte le visage pour laisser cette fausse note derrière lui. La soirée n'est pas terminée. En enfilant sa veste il s'intime de faire bonne figure, et s'approche des deux hommes toujours en train de discuter au comptoir. Sans les interrompre, il glisse discrètement un billet dans le bocal à pourboires puis s'adosse au mur pour les écouter parler recettes, sourire en coin. Il note avec attention la façon dont le visage de Kagami semble s'illuminer lorsqu'il parle de cuisine dans des termes qui dépassent à présent ses propres connaissances. La simple découverte de la joie sur les traits de son ami termine de chasser son malaise.
Kagami prend finalement congé et promet de revenir bientôt, la recette détaillée des takoyakis rédigée par le gérant dans la main. En se détournant il remarque Aomine qui les observe et lui sourit.
« Let's go. »
