Chapitre 5
Ancrés dans cette nouvelle routine où ils parvenaient, de manière assez surprenante, à cohabiter relativement sans trop de heurts – principalement parce qu'Harry était attentif à ne pas lui donner de raisons de le punir – les jours défilèrent jusqu'à ce qu'une semaine ne passe.
Ce matin-là, Harry resta planté devant l'éphéméride poussiéreux calé dans un coin du comptoir de la cuisine, entre un rouleau d'essuie-tout et le frigo, le bol vide qu'il s'apprêtait à rincer à la main. C'était Snape qui s'occupait d'arracher les feuilles et il n'y prêtait pas toujours attention. Sauf que là, c'était impossible à ignorer : le 1 encré de rouge s'étalait en grand sur le carré blanc.
Son regard alla se poser sur la pendule, nota l'heure, imagina sans mal la cohue au Square Grimmaurd pour ne pas rater le Poudlard Express…
« Je ne peux pas prétendre être malheureux de ce sursis avant de devoir retourner enseigner à des imbéciles qui ne veulent pas apprendre… » offrit Snape, dans son dos. « Mais… Je dois admettre que cela est étrange de ne pas être à Poudlard, aujourd'hui. »
La gorge serrée, Harry ne se fit pas confiance pour répondre et hocha la tête, poursuivant son chemin jusqu'à l'évier où il se lança dans la vaisselle du petit-déjeuner. La vaisselle était devenue sa corvée. Le Professeur ne le lui avait pas demandé et lavait souvent ce dont il se servait en dehors des repas, mais il n'avait pas protesté non plus. Il n'avait pas non plus fait de commentaire lorsque le garçon avait tiré l'aspirateur ancestral du fond de la buanderie et avait entrepris de faire le ménage en grand – à l'exception de la chambre du sorcier et de la deuxième pièce en haut qu'il n'avait toujours pas osé ouvrir.
Avoir des corvées lui donnait quelque chose à faire, à présent qu'il avait terminé ses devoirs et que l'Occlumencie ne l'occupait qu'une petite portion de la journée. Et, cela lui donnait l'impression de gagner ses repas. Parce que Snape était toujours généreux avec ses portions et ne l'avait encore jamais privé de nourriture.
Il y avait bien un déjeuner que l'homme avait sauté parce qu'il s'était senti mal et était allé s'allonger mais ce n'était pas vraiment sa faute et Harry pouvait survivre sur un repas par jour, alors deux, ce n'était pas si grave.
Toute la matinée, il ne put s'empêcher de regarder la pendule, de se demander où en étaient ses amis, s'ils étaient déjà dans le train, si…
De guerre lasse, il se décida à attaquer une partie du ménage qu'il détestait et qu'il avait évité jusque là : faire les vitres. Il ne trouva pas de raclette ou de produit adapté mais, qu'à cela ne tienne, il avait déjà dû improviser chez les Dursley et il y avait du vinaigre blanc dans la réserve. Un petit mélange avec de l'eau tiède et quelques miroirs et fenêtres plus tard, Harry astiquait les vitres ouvertes de la cuisine, à genoux sur le banc du porche et tentait de s'entraîner à l'Occlumencie.
Identifier les stimuli extérieurs lui venait de plus en plus naturellement. La bulle, c'était autre chose mais il arrivait parfois à isoler totalement son esprit quelques secondes. Elle était un peu plus sphérique, un peu plus épaisse…
Snape disait qu'il y avait du progrès même s'ils étaient loin d'un résultat satisfaisant.
Il était tellement focalisé sur son exercice qu'il sursauta lorsque Snape sortit en trombe sur le porche et manqua renverser la bassine pleine de savon.
« Que… » demanda-t-il mais s'interrompit en entendant le bruit du moteur qui se rapprochait.
« Reste-là. » ordonna le Professeur, en portant la main à sa manche droite où sa baguette était cachée.
Harry le regarda descendre les quelques marches et commencer à contourner la maison d'un pas vif… Il jeta le chiffon dans l'eau, s'essuya les mains sur le sweatshirt trop grand de Dudley et glissa la droite dans la poche ventrale bien pratique pour stocker sa baguette… Il s'avança jusqu'à la limite du porche, suivant Snape du regard…
Mais le sorcier n'eut pas le temps de tourner le coin que leur visiteur débarquait déjà.
« Severus ! » s'exclama la sorcière et il était difficile de dire si c'était un salut enthousiasme ou un rappel à l'ordre. « Ne devriez-vous pas vous reposer ? »
Harry prit bien soin de faire disparaître son sourire amusé alors que Snape accompagnait le Professeur McGonagall vers le porche. Elle portait une tenue Moldue mais, comme Snape, paraissait savoir se fondre dans le décors mieux que Dumbledore. Sa longue jupe à carreaux écossais, ses bottines et son manteau noir étaient relativement passe-partout. Le chignon sévère et les lunettes étaient les mêmes. Et la lourde besace en cuir passée en bandoulière dont le Professeur de Potions tenta de la délester – et se vit asséner une légère claque sur le bras pour sa peine – faisait tout à fait sac de voyage.
« Comment êtes-vous venue, cette fois-ci ? » demanda Snape. « Je n'ai pas senti le moindre bruissement de magie… »
« J'ai volé jusqu'au village puis j'ai demandé à cette serviable Mrs Reid de me déposer. » répondit McGonagall. « Elle revient me chercher vers cinq heures. Il faudra lui offrir le thé. Parlant de thé, j'en prendrais bien une tasse. J'ai essuyé un vent de front, un peu après Poudlard… »
« Où est votre balai ? » demanda Harry curieusement, en se demandant si elle l'avait miniaturisé et rangé dans son sac.
« Caché dans une allée entre deux maisons, là où personne n'aura l'idée d'aller le chercher. » déclara-t-elle, avant de lever un sourcil. « Bonjour, Mr Potter. » Rappelé à l'ordre sur la politesse, il rougit et marmonna un bonjour, un peu mal à l'aise lorsque le regard pénétrant de la sorcière tomba sur la bassine derrière lui et les vitres encore humides – mais, et Harry n'en était pas peu fier, propres. Elle se tourna vers Snape, les lèvres pincées et avec une mauvaise humeur subite. « Ne me dites pas que vous avez passé la semaine à lui faire faire des corvées. Qu'a-t-il bien pu faire pour que vous le punissiez ce coup-ci ? Oh, j'avais dit à Albus que… »
« Cessez de m'accuser. » la coupa le sorcier, avec mauvaise humeur. « Je ne lui ai rien demandé, il semble considérer le ménage comme un hobby. »
« C'est vrai. » glissa Harry, avant qu'elle ne se remette à hurler. « Il ne m'a rien demandé. C'était sale et j'ai le temps. »
Le regard de la sous-directrice passa de son élève à son collègue plusieurs fois, sans sembler savoir si elle devait les croire. Finalement, elle émit un bruit dubitatif. « Eh bien, vous n'aurez plus beaucoup de temps pour le ménage, Potter, car j'apporte vos cours pour les deux prochaines semaines. » Elle se dirigea vers la porte d'autorité, se tournant à demi vers Snape. « Albus a dit que vous vous occuperiez d'organiser son emploi du temps ? »
Le Professeur de Potions confirma, tout en la suivant dans la cuisine. Harry aurait pu continuer à suivre la conversation de là où il était, à nettoyer les vitres, mais McGonagall réclamait du thé et les biscuits que Snape achetait pour le thé était bien meilleurs que ceux des Dursley et il avait le droit d'en prendre autant qu'il voulait alors il fila à leur suite, prenant le sorcier de vitesse en attrapant la bouilloire.
Pas pour être serviable ou pour tenter de rentrer dans ses bonnes grâces mais parce qu'il avait remarqué que ses traits étaient particulièrement crispés depuis la veille. Snape n'avait jamais encore eu de vraie crise devant lui, simplement des moments de faiblesse principalement constitués de vertige ou de fatigue intense qui le poussaient à garder le lit quelques heures, mais il touchait de plus en plus souvent le pansement sur son cou depuis quelques jours, comme si la plaie le gênait.
L'espace d'un instant, il crut que l'homme allait faire une remarque – il n'aimait pas être traité comme un malade – mais, probablement parce que la sous-directrice les étudiait toujours avec attention, il s'abstint.
Harry remplit donc la bouilloire et la mit sur le feu, luttant un peu, comme à chaque fois, avec le bouton du fourneau qui accrochait.
« Avant que je n'oublie… » déclara McGonagall, après s'être raclé la gorge. Elle tira de son sac un petit sachet en papier marron qu'elle lança à Snape. « De la part de Mrs Reid pour votre filleul. »
Les deux Professeurs échangèrent un long regard qu'Harry ne sut comment interpréter, puis Snape jeta un coup d'œil à l'intérieur du sachet, le referma et le lança dans sa direction, sans même viser. Harry le rattrapa au vol, bien sûr. Il n'était pas l'attrapeur le plus jeune de sa génération pour rien.
Malheureusement, il fut puni de cette pensée un peu arrogante en se souvenant, avec un pincement au cœur, qu'il n'était pas prêt de remonter sur un balai.
Le sachet contenait un assortiment de bonbons qu'il avait remarqués sans vraiment y prêter attention à l'épicerie, l'autre jour. Ils étaient collants, pleins de sucre et semblaient délicieux.
« Ne mangez pas tout en une fois. » ordonna Snape. « Et gardez les dans la cuisine, pas dans votre chambre. »
Le Professeur était un peu froid.
À cause des bonbons ? Non, plutôt parce que McGonagall était dans la cuisine.
Harry s'était habitué à la version bizarre et humaine de Snape. Preuve que le monde marchait sur sa tête, le vouvoiement le choquait désormais presque plus que lorsque l'homme le tutoyait. En général, le vous était réservé aux moments où Harry lui tapait sur le système ou aux commentaires pleins d'ironie.
« Est-ce que le Professeur Dumbledore a eu des nouvelles du Ministère ? » explosa-t-il, n'y tenant plus.
« Je regrette, Potter. » soupira McGonagall. « La situation avec le Ministère est… plus que compliquée. »
Les épaules du garçon s'affaissèrent. Il n'y avait pas vraiment cru, bien sûr, ça aurait été trop facile mais… Mais, en l'apercevant, une petite partie de lui avait espéré pouvoir repartir avec elle, réintégrer Poudlard et…
Incapable de masquer sa déception, il se tourna vers le placard pour sortir une assiette et les gâteaux en question. Snape proposa à la sorcière de s'installer au salon, leurs voix portaient jusqu'à lui mais il n'écoutait que vaguement, trop occupé à se lamenter sur son sort. Ce n'était pas qu'il soit malheureux au cottage… C'était loin d'être le pire endroit où il avait vécu et Snape était correct mais… Ses amis lui manquaient. L'école lui manquait. Sa baguette lui manquait.
Avec un léger sentiment absurde de culpabilité, il passa la main dans la poche du sweatshirt pour caresser le bois de saule, s'excusant mentalement de ne pas l'apprécier à sa juste valeur. C'était juste que sa baguette en bois de houx… Elle l'avait sauvé l'année dernière. Sans le Priori Incantatem…
Les éclats de voix subits l'alarmèrent et il se dépêcha de verser l'eau chaude dans la théière et de caler le tout sur un plateau pour rejoindre le salon. C'était Snape qui s'énervait, McGonagall l'étudiait sans surprise apparente ou véritable patience.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » lui demanda Harry, à voix basse pour ne pas couper la diatribe cinglante qui tenait plus du monologue.
Ce n'était pas encore assez bas.
« Ce qu'il se passe ? » répéta Snape, rouge de colère, une veine battant dangereusement à sa tempe. « Il se passe, Potter, que le Directeur a perdu la tête ! »
Harry le regarda bien en face et leva les sourcils. « Il m'a laissé ici avec vous, vous vous souvenez, Professeur ? Je pensais que, ça, c'était clair depuis longtemps… »
« Un peu de respect. » gronda le Professeur de Potions, sans y mettre de réelle contrariété. « Asseyez-vous et prenez un biscuit au lieu de loucher dessus. Votre vue est assez mauvaise comme ça. »
Discrètement, le garçon leva les yeux au ciel mais se laissa tomber sur le repose-pied à côté du fauteuil de Snape. Ce ne fut qu'une fois assis qu'il se rendit compte, au lever de sourcils interpelé de McGonagall, qu'il aurait dû l'écarter d'abord. Le cottage n'était pas si grand et ils avaient pris l'habitude de vivre en proximité. De plus, Snape avait une fâcheuse tendance à venir le réveiller lorsqu'il faisait des cauchemars et Harry, à sa grande honte, avait, lui, développé une tendance à s'accrocher à son bras comme un noyé jusqu'à avoir repris sa respiration. Et c'était sans mentionner les sessions d'Occlumencie qui, l'air de rien, demandaient réellement une certaine confiance et…
Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il appréciait Snape, du moins pas le Snape de Poudlard qui terrorisait les gens et fondait sur vous comme une chauve-souris, mais ce Snape-ci qui tendait à marcher pieds nus et le laissait manger autant qu'il le voulait…
Pour se donner une contenance, il attrapa un des biscuits, laissant McGonagall servir le thé puisqu'elle avait attrapé la théière.
« Ma salle de classe ne passera pas l'année. » soupira le Professeur de Potions. « Ma réserve… Minerva, je vous conjure de verrouiller ma réserve personnelle… Et mon bureau. Qu'il aille s'installer ailleurs. Le… »
« Allons, allons, mon garçon… » se moqua la sorcière. « Je veux bien voir ce que je peux faire pour votre réserve personnelle mais Horace a temporairement repris ses fonctions de Directeur de Serpentard et le bureau, vous le savez très bien, va avec. » Elle grimaça légèrement. « Il a déjà commencé à refaire la décoration. »
La veine battait plus fort encore sur la tempe de Snape.
Harry commençait à s'inquiéter à l'idée qu'elle n'éclate.
Ses yeux verts dérivèrent vers le pansement sur son cou…
« C'est un incapable dangereux et je-m'en-foutiste ! » tonna le Professeur.
McGonagall ajouta un sucre dans son thé, y rajouta un nuage de lait et touilla sans ciller ou sembler prêter une trop grande attention à son collègue. « Je vous rappellerais qu'il enseignait déjà quand j'étais à l'école. »
« Et ? » rétorqua Snape. « Dois-je ajouter sénile à la liste ? »
« Peut-être devriez-vous surtout mesurer vos paroles devant un élève. » riposta-t-elle.
C'était comme regarder un match de tennis. Harry tournait la tête à chaque répartie, mâchonnant un biscuit. Il se figea lorsque l'attention des deux enseignants se reporta sur lui mais Snape ne tarda pas à émettre un bruit dédaigneux. « Ce n'est que Potter. »
« Merci. C'est gentil. » s'agaça Harry, avant d'avoir pu se retenir.
C'était le problème avec ce Snape trop humain, on tendait à baisser la garde. Pourtant, au lieu de lui arracher la tête comme McGonagall s'y attendait très clairement vu la manière dont elle se redressa dans son fauteuil, il leva les yeux au ciel. « Ce n'est pas ce que je veux dire et tu le sais très bien. »
Le savait-il très bien ?
Pas tout à fait.
Mais il haussa les épaules. « De toute manière, il ne va pas vous remplacer toute l'année… Quand vous serez remis, vous pourrez reprendre votre poste. »
« À condition que tu ne sois plus en exil. » rétorqua Snape, bien que personne n'ait jamais dit ça. La situation était censée être temporaire et coïncidait avec la convalescence du Professeur. Harry avait pensé qu'à la seconde où il irait mieux, on lui trouverait un autre endroit où vivre. « Et il ne faudra, de toute manière, que quelques jours au Professeur Slughorn pour détruire ce que j'ai mis des années à mettre en place. »
« Je garderai un œil sur vos serpents. » promit McGonagall, en les étudiant tous les deux sans en avoir l'air. « Et ce n'est pas la faute d'Albus, Severus. Le Ministère a maintenant toute autorité pour pourvoir les postes vacants sans candidats… Horace était un bon compromis. Il est certainement bien plus compétent que la bonne femme qui a débarqué hier. Dolores Ombrage. » McGonagall poussa un soupir extrêmement agacé. « Une réunion du corps professoral et j'étais prête à l'étrangler avec le ruban rose noué comme un œuf de Pâque sur sa tête. »
Harry avait eu le malheur de porter la tasse de thé à ses lèvres et manqua en projeter partout. Il toussota et crachota.
« Lequel de nous ne mesure pas ses paroles devant un élève, déjà ? » ironisa Snape.
McGonagall ne tressaillit même pas. « C'est entièrement différent. Cette femme n'a rien d'un véritable Professeur. Vous devriez voir le curriculum… » Elle secoua la tête. « Je n'ai pas pris la peine de vous en apporter une copie. En ce qui concerne la Défense, vous êtes libre de faire ce que vous voulez pour Potter. »
« Dans la mesure où ça reste théorique. » marmonna l'adolescent, avec un soupir malheureux.
« Nous verrons. » nuança Snape. « Il y a des choses pratiques à apprendre en Défense qui ne nécessitent pas de magie… »
« Je préfère ne pas savoir. » décréta la Directrice des Gryffondors, en attrapant son sac. Elle en sortit un stock impressionnant – et bien trop volumineux pour la taille réelle du sac – de parchemins et de livres qu'elle empila sur un côté de la table basse. « Voilà pour les quinze premiers jours. » Harry écarquilla les yeux avec une légère panique. « N'ayez pas peur, Potter, le Professeur Snape saura vous guider. Ce sont principalement des plans de cours, des lectures recommandées ainsi que des devoirs à faire. Certains ont la correction, vous pourrez vous évaluer seul. Pour d'autres, je les récupérerai lors de mes visites et les ferai corriger par vos Professeurs. Tous ont déjà accepté de garder le secret. »
Tout ça pour quinze jours uniquement ?
« Quelles autres nouvelles ? » demanda Snape, détournant la conversation.
Que ce soit parce qu'Harry était là ou parce qu'il ne se passait pas grand-chose dans le monde magique, la conversation devint vite ennuyeuse, tournant autour de gens qu'il ne connaissait pas. Au bout d'un moment il osa demander si elle savait comment allait Sirius.
« Égal à lui-même, je dirais. » soupira-t-elle. « Remus a toutes les peines du monde à le convaincre de cesser de quitter le Q.G. en douce… Ce qui me rappelle… »
Elle sortit des enveloppes d'une des poches de son sac et les lui tendit. Il y en avait également quelques unes pour Snape, ainsi qu'un volumineux magazine dont la couverture comportait un chaudron.
Le Professeur semblait plus heureux d'avoir le magazine entre les mains que les enveloppes mais Harry étudia les siennes avec joie. Il y avait une lettre de Ron, une d'Hermione, une de Remus et une de Patmol…
« Si vous voulez prendre un moment pour les lire et rédiger une réponse… » offrit McGonagall, avec un sourire.
Harry releva brusquement la tête, son regard déviant d'elle à Snape avec espoir. « Je peux ? »
L'homme cessa d'inspecter son propre courrier pour froncer les sourcils. « Bien entendu. Vous n'êtes pas mon prisonnier, jusqu'à preuve du contraire. Ne dites pas où vous êtes ou avec qui, ne donnez aucun indice, surtout au cabot… Il serait capable de débarquer ici pour me demander des comptes… Mis à part ça, il n'y aucune raison pour laquelle vous ne pourriez pas correspondre avec vos amis. »
« Profitez-en donc pour me montrer votre chambre, Potter. » exigea McGonagall, en se levant. « Ce cottage est si petit, je suis curieuse de voir comment Severus vous a installé. »
C'était une requête une peu étrange mais, après avoir quêté automatiquement le regard du Professeur de Potion, il acquiesça. McGonagall ne rata pas l'échange, pinça les lèvres mais ne commenta pas.
Elle pesta en revanche contre l'escalier trop raide et trop dangereux et jura d'y rajouter une rampe dès que Snape pourrait supporter la magie.
« C'est étroit. » commenta-t-elle, lorsqu'elle aperçut son arrangement sur la mezzanine. « Ne manquez-vous pas de place ? »
Après des jours de délibération, il avait finalement traîné la valise vide en bas pour la caler dans le placard, ce qui avait libéré pas mal d'espace. C'était étroit pour quelqu'un habitué à vivre dans un château en Écosse, sûrement, mais pour lui qui avait grandi dans un placard puis dans une chambre qui ne lui appartenait pas vraiment et où il n'avait pas le droit de toucher à la moitié des choses, c'était le grand luxe.
« Non, je suis très bien, ici. » promit-il.
Et il s'aperçut que c'était vrai.
« Êtes-vous satisfaite, Minerva ? » lança Snape du rez-de-chaussée où il était resté dans son fauteuil à lire ses lettres. « Pensiez-vous que je le faisais dormir sur le banc du porche ? »
« Avec vous deux, rien ne m'étonnerait. » rétorqua la sorcière, en se penchant légèrement par-dessus la rambarde. « Vous auriez pu vider le grenier… Il aurait eu plus d'intimité. »
Ah, triompha Harry, la pièce mystérieuse était donc un grenier.
« Sans magie ? » riposta Snape. « Nous verrons plus tard. »
« Plus tard, Severus ? » releva McGonagall avec un amusement certain.
« Ne suis-je pas censé avoir disparu de la surface de la terre ? » grommela le Professeur, sans lui répondre. « Pourquoi diable m'apportez-vous des lettres inutiles ? »
« Des lettres inutiles… » répéta la sous-directrice, avec sidération, en s'accoudant plus franchement à la rambarde de la mezzanine. « Des lettres de vos collègues et amis qui se soucient de vous… Inutiles ? »
« Pomona me fait le récit complet de ses péripéties avec sa Tentacula Vénéneuse durant l'été. » railla Snape. « Croyez-vous que je ne puisse me passer d'une information aussi captivante ? »
McGonagall retourna au rez-de-chaussée pour mieux le gronder et Harry les écouta se chamailler d'une oreille distraite tout en parcourant son propre courrier, amusé par l'affection manifeste entre eux qu'il n'avait jamais perçue auparavant. Si on le lui avait demandé avant cette rencontre, il aurait affirmé que les deux Directeurs de Maison se détestaient.
À vrai dire, à les voir interagir dans un cadre plus libre, hors de l'école, il était impossible d'oublier que Snape avait été l'élève de McGonagall avant d'être son collègue.
Et c'était assez drôle.
Ils déjeunèrent sur le pouce. C'était un peu étrange de partager une table avec deux de ses enseignants mais Harry s'était fait à l'étrange – et, surtout, même en dehors de l'école McGonagall restait McGonagall : elle ne faisait rien de bizarre comme mettre des lunettes de soleil ou écouter de la musique Moldue. Elle était d'ailleurs bien moins à l'aise dans le cottage avec ses appareils Moldus que Snape ou lui. Elle demandait parfois ce que faisait telle ou telle chose avant de le qualifier d'ingénieux… Ce qui fit dire à Harry qu'une grosse partie des aménagements plus récents avait été faits par le Professeur de Potions.
Ils discutaient encore de quelques problèmes à propos du cottage – la toiture nécessitait visiblement une inspection, selon Snape – lorsqu'elle suggéra de faire une petite promenade digestive. Harry, qui était mort d'ennui à les écouter parler de choses aussi terre à terre, en profita pour filer dans sa chambre écrire les réponses à ses lettres.
À aucun moment il ne tenta volontairement de les espionner et, d'ailleurs, il eut le temps de terminer une lettre à Hermione et une autre à Ron, sans être dérangé. Puis il entendit leurs voix…
La lucarne qu'il avait lavée tant bien que mal plutôt – à l'aide d'un abracadabrant système d'équilibriste qu'il valait probablement mieux que Snape n'ait pas vu – était restée ouverte pour que l'eau qu'il avait renversée durant ledit jeu d'équilibriste sèche. Or, les deux Professeurs semblaient s'être arrêtés juste derrière la maison.
Sans doute, de manière ironique, pour qu'Harry ne les surprenne pas.
Il n'avait jamais été très bon lorsqu'il était question de se mêler de ses affaires… Il délaissa donc son bureau pour venir se percher sur le canapé, escaladant à moitié le dossier pour rapprocher au maximum son oreille de la fenêtre.
« Combien de fois vous l'ai-je dit ? » triompha McGonagall. « Physiquement, c'est peut-être tout James mais il ressemble davantage à sa mère. »
Le cœur battant, Harry s'approcha encore, autant qu'il le put. Snape avait la voix grave et elle ne portait pas autant que celle de la sorcière… Il n'en perçut que des bribes.
« … comportement… remarqué ? »
Il y eut un silence puis sa Directrice de Maison soupira. « Ces Moldus… Je l'ai dit à Albus à l'époque... Ce sont les pires qu'on puisse trouver. Vous savez qu'Hagrid a eu toutes les peines du monde a lui faire parvenir sa lettre d'acceptation à Poudlard… »
« … problèmes à la maison ? » demanda Snape, sans qu'Harry ne saisisse le début de la question.
Il aurait préféré qu'ils cessent de parler des Dursley et ne recommencent à discuter de Lily. Juste au cas où…
« Des problèmes ? De quelle nature ? » répondit McGonagall, soudain méfiante. « Qu'avez-vous découvert ? »
« … découvert… soupçonne… »
Harry râla silencieusement. Était-il obligé de marmonner ?
« Voulez-vous que je me renseigne ? » proposa sa Directrice de Maison.
La réponse de Snape, bien qu'inaudible, était clairement moins qu'enthousiaste. Ils s'éloignèrent après ça et Harry retourna à son bureau, frustré et un peu nerveux.
Pourquoi Snape parlait-il des Dursley avec McGonagall ? Que cherchait-il ? Harry n'avait pas posé de problèmes. Il était un modèle de sagesse depuis qu'il avait mis un pied au cottage. Mais si quelqu'un allait demander aux Dursley, évidemment…
Le Professeur était persuadé qu'il était un fauteur de troubles, de toute manière. Bien sûr qu'il allait gober tout cru ce qu'Oncle Vernon ne manquerait pas d'affirmer.
Et ça ne faisait pas avancer les théories qu'il ne fomentait pas seul dans son coin. Pas du tout. Parce qu'il avait arrêté d'y penser.
Et si, dans sa réponse à Remus, après avoir promis au loup-garou qu'il allait bien, était en sécurité et allait pouvoir suivre les cours à distance bien que de manière uniquement théorique, il glissa innocemment qu'il se demandait si Lily avait eu d'autres amis que les Maraudeurs qui pourraient, potentiellement, avoir des photos d'elle, par exemple – parce qu'il lui fallait bien une excuse – eh bien… C'était une coïncidence. Fortuite. Totalement fortuite. Et s'il rajouta, après coup, qu'il était inutile d'embêter Sirius avec ça, juste au cas où il y aurait un lien à faire, ce qui, Harry en était persuadé, n'était pas le cas, c'était juste par accès de prudence.
Leur balade dura longtemps, bien plus longtemps qu'il n'était raisonnable vu la rapidité avec laquelle Snape se fatiguait, mais puisque Harry était un garçon à problèmes, il refusa de s'inquiéter.
S'inquiéter pour Snape.
Où allait-on ?!
Ça ne l'empêcha pas de redescendre avec un air bravache lorsqu'il les entendit revenir. Snape leva un sourcil à son expression contrariée qu'il fit mine de ne pas remarquer.
Aller demander au Dursley s'il posait problème à la maison… Vraiment.
McGonagall ne parut pas s'apercevoir qu'il boudait. Ou alors elle n'en avait pas grand-chose à faire. Elle le sermonna un moment sur l'importance des B.U.S.E.s et sur pourquoi il devait s'appliquer même en ces circonstances difficiles et malgré la difficulté de ne pouvoir pratiquer la magie.
Il fut presque reconnaissant d'entendre le ronron de la voiture de Mrs Reid s'engager sur le chemin, même s'il fallut, très vite, s'assurer que rien ne traîne ne trahissant l'existance du monde magique. Il aurait bien fait remarquer qu'un coup d'œil aux étagères et elle découvrirait le pot aux roses mais Snape, prévoyant, l'installa à la cuisine. Si la femme fit une remarque en voyant les chaudrons, elle parut gober entièrement le mensonge selon lequel ils étaient d'époque et qu'il prévoyait de s'en servir comme décorations en octobre.
Harry émit un bruit amusé qui lui valut un regard lourd de sous-entendus de la part de son Professeur de Potions – qu'il se rappela de justesse de ne pas appeler Professeur devant la Moldue. McGonagall était apparemment un peu connue au village – logique si la famille de son mari avait habité là – et elle avait visiblement dit à Mrs Reid qu'elle était une parente éloignée d'Harry et voulait s'assurer que tout se passait bien pour lui.
Tant de mensonges, Harry en perdait le compte.
Mais, au moins, n'était-elle pas allée raconter qu'il était le fils d'une amie d'enfance mystérieuse et très, très morte dont elle avait provoqué la mort et qui aimait mélanger le ketchup à la mayonnaise.
Entre lui qui ressassait dans son coin et Snape qui s'était replié sur lui-même, étant d'un naturel peu sociable, heureusement qu'il y avait McGonagall pour faire la conversation. Du moins jusqu'à ce qu'elle ne s'exclame qu'elle allait rater son transport si elles ne se hâtaient pas.
« Potter, raccompagnez-moi. » exigea-t-elle, à voix basse, tandis que Mrs Reid s'attardait sur le seuil pour demander à Severus s'il était certain qu'il n'avait besoin de rien parce que, dans le cas contraire, les commerçants du village étaient prêts à lui déposer ses courses au passage, ça ne dérangeait vraiment personne.
Harry le laissa se dépêtrer tout seul de la sollicitude un peu envahissante de l'épicière, escortant McGonagall jusqu'à la voiture garée – proprement, elle – derrière la Ford Fiesta noire.
« Le Professeur Snape m'a affirmé que tout se passait bien mais j'avoue avoir du mal à le croire. » lâcha-t-elle. « Y a-t-il… »
« Je n'ai pas posé de problèmes ! » s'énerva-t-il. « Et s'il a un problème, il ne me l'a pas dit et il ne m'a pas puni, non plus. Je n'ai rien fait de mal, Professeur. Et ce n'est pas la peine d'aller demander aux Dursley si je crée des problèmes à la maison parce que… »
Elle leva la main de manière impérieuse pour le faire taire. « Mais, enfin, Potter, il n'a jamais été question de ça ! » Elle lui jeta un regard sévère. « Il va vraiment falloir vous débarrasser de cette passion pour l'espionnage. »
Il enfonça les mains dans ses poches et baissa les yeux, envoyant voler un galet d'un petit coup de pied. « Je n'espionnais pas. La fenêtre était ouverte. »
« Eh bien, la raison pour laquelle il n'est pas bon d'écouter aux portes – ou aux fenêtres – c'est parce qu'il est facile de se méprendre. » le gronda-t-elle. « Le Professeur Snape ne voulait pas savoir si vous posiez problème à la maison mais si vous aviez des problèmes à la maison. »
« Quelle différence ? » marmonna-t-il. « Il veut juste… »
« La différence, c'est qu'il s'inquiète pour vous. » le coupa-t-elle, en l'étudiant sérieusement. « Potter… S'il y avait un problème chez votre oncle et votre tante… »
« Il n'y a pas de problèmes. » protesta-t-il rapidement, avec la force de l'habitude.
Combien de fois avait-il demandé à Dumbledore s'il pouvait passer l'été à Poudlard ? Combien de fois avait-il dit à divers adultes que les Dursley étaient affreux et le détestaient ? Personne ne faisait jamais rien, de toute manière. Et si quelqu'un allait trouver les Dursley pour leur demander des comptes, qui plus est quelqu'un du monde de la magie, ce serait pire.
« Vous en êtes bien sûr ? » insista sa Directrice de Maison. « Parce que je ne peux rien faire pour vous aider tant que vous ne me confirmez pas qu'il y a un souci, mon garçon. »
« Aucun souci. » répéta-t-il.
La sorcière n'avait pas l'air convaincu du tout mais elle jeta un coup d'œil rapide au coin de la maison que Mrs Reid n'avait pas encore passé. Snape devait être désespéré de s'en débarrasser.
« Et tout se passe bien avec le Professeur Snape ? » s'enquit la sous-directrice. Il hocha la tête. Elle pinça les lèvres. « Vous êtes certain ? D'autres dispositions pourraient être prises, n'en déplaise au Professeur Dumbledore. Je sais que vous avez des rapports très conflictuels avec lui… »
Harry hésita puis haussa les épaules. « Il est plutôt… cool. »
Le Professeur McGonagall le dévisagea longtemps, avant de répéter avec un détachement et une dignité que renforçaient le poids de ses années. « Cool. »
Il grimaça, jeta un regard derrière lui pour vérifier que Snape n'allait pas les surprendre puis soupira. « Il est très différent d'à l'école. » N'y tenant plus, il lâcha une information qu'il brûlait de partager avec Ron et Hermione. « Vous saviez qu'il pouvait manger un paquet entier de biscuits au chocolat en une fois ? »
La bouche de la sorcière tressauta mais elle était beaucoup trop professionnelle pour rire. « Je vous conseillerais de cacher vos bonbons si vous ne voulez pas qu'il en mange la moitié. Il nie régulièrement mais nous savons tous qui blâmer quand il n'y a plus rien de sucré dans la salle des Professeurs. »
« Professeur, il vous a dit qu'il allait mieux, tout à l'heure… » hésita-t-il, en baissant la voix. « Ce n'est pas vraiment vrai. Ces jours-ci il n'arrête pas de toucher le pansement, il dort au moins deux heures tous les après-midi et il a beaucoup de vertiges. »
L'expression de la sorcière redevint sérieuse mais il subsista un brin d'amusement dans son regard. « Je note, Mr Potter, je note. Ah, j'allais oublier… Le Professeur Dumbledore m'a demandé de vérifier que vous aviez récupéré une baguette, en cas d'urgence ? »
Après avoir vérifié qu'ils étaient toujours seuls, il tira brièvement la baguette de la poche de son sweatshirt pour la lui montrer.
Il vit la surprise passer sur le visage de McGonagall. La compréhension aussi.
« Est-ce Severus qui vous a confié cette baguette ? » demanda-t-elle.
Il hocha la tête puis la rangea rapidement en entendant les bruits de pas qui se rapprochaient. « Savez-vous à qui elle appartenait, Madame ? »
« Lui avez-vous posé la question ? » botta-t-elle en touche, alors que Mrs Reid passait le coin du cottage et leur faisait un signe de la main. McGonagall le lui rendit avec un sourire mais le regard qu'elle posa sur Harry était sérieux.
« Il a dit qu'elle appartenait à une amie à lui. » répondit-il rapidement. « Qu'elle était morte. Mais il ne m'a pas donné de nom. »
La sous-directrice hésita. « Tâchez de profiter de cette opportunité pour apprendre à le connaître. Sous son mauvais caractère, il a de très bons côtés. »
« Il déteste mon père. » siffla Harry. « Il dit des horreurs sur lui. Et… »
« Et James le lui rendait bien. » le coupa-t-elle, avant de faire une légère grimace. « Je ne doute pas qu'il ait une version personnelle et exagérée de sa rivalité avec les Maraudeurs mais… James et Sirius pouvaient se montrer… particulièrement acharnés lorsqu'il était question de lui jouer un tour. J'aimais beaucoup ces garçons et j'ai parfois été plus tolérante que je n'aurais peut-être dû l'être, certaines de leurs plaisanteries étaient… » Elle s'interrompit, soupira… « Severus a des raisons de leur en vouloir. De véritables raisons. Cela ne renie en rien ce que votre père a pu faire de bien par la suite ou son courage ou même le fait qu'il était extrêmement sympathique et généreux avec d'autres… Severus faisait simplement ressortir son pire côté et inversement. On est parfois bien bête à l'adolescence, bien loin de l'adulte que l'on deviendra. »
Mrs Reid les rejoignit avant qu'il ait pu la presser pour plus de détails.
Machinalement, il remercia encore l'épicière pour les bonbons et leur fit signe alors que la voiture s'éloignait le long du chemin mais le cœur n'y était pas.
C'était la première fois, la première fois, qu'un adulte sous-entendait que James était moins que parfait.
Ou que Snape puisse dire la vérité, même de manière exagérée, lorsqu'il affirmait que James était un enfant gâté arrogant qui aimait à écraser son monde.
Dumbledore avait toujours dit…
Il avait comparé la chose à sa rivalité avec Malfoy or, dans sa rivalité avec Malfoy, les choses étaient claires : c'était Malfoy, le connard. C'était lui qui avait commencé, lui qui venait sans arrêt lui chercher des poux, lui qui le provoquait, lui qui se moquait, le rabaissait…
Sirius avait dit que Snape était toujours à les espionner, à essayer de leur faire avoir des ennuis…
Remus était plus mesuré, en général, mais Remus était d'un tempérament calme et plus pacifique…
Il mit un temps infini à passer le seuil du cottage, suffisamment longtemps, en tout cas, pour que Snape l'interpelle dès qu'il l'entendit fermer la porte. Suivant le Potter ! qui avait tout de l'ordre, il bifurqua vers le salon, non sans avoir noté la tonne de vaisselle sale qui s'entassait dans l'évier.
« Qu'y avait-il dans vos lettres ? » demanda l'homme, avec à peine plus qu'un regard jeté par-dessus le magazine que McGonagall lui avait apporté.
Qui avait eu l'idée d'un magazine appelé Potions Hebdo, c'était à se poser la question.
« Vous avez dit que j'avais le droit de répondre. » protesta-t-il. « Je n'ai rien dit d'où j'étais ou de vous… »
Les yeux noirs quittèrent la page pour se poser sur lui et y rester, ce coup-ci. « Non… Je parlais de celles que vous avez reçues. Pourquoi cette mauvaise humeur subite ? »
Parce qu'il fallait toujours qu'il se mêle de ce qui ne le regardait pas, qu'il remette en cause des vérités absolues sur ses parents et que ce n'était pas juste qu'il aille se plaindre de lui au Professeur McGonagall alors qu'il n'avait pas désobéi à une seule règle jusque là.
« Je ne me suis pas plaint au Professeur McGonagall. » gronda Snape et, avec un temps de retard, Harry détourna le regard. « Quant au reste… »
« Vous n'avez pas le droit de fouiller dans ma tête ! » s'énerva-t-il.
« Si vous ne voulez pas que je fouille dans votre tête, je vous conseille d'apprendre à vous défendre, Potter. » rétorqua le Professeur. « Et de vous adresser à moi avec un peu plus de respect. »
Harry serra les mâchoires jusqu'à s'en faire mal.
À Poudlard, il aurait insisté.
Là, il se contenta de baisser la tête.
Trois repas par jour et une chambre, se répéta-t-il.
« Oui, Monsieur. » lâcha-t-il.
Il sentit plus qu'il ne vit Snape lever les yeux au ciel. « Allez donc prendre un peu d'avance pour demain. Lisez le premier chapitre de votre manuel de Potions et je vous conseille d'être en mesure de me donner la liste exacte des ingrédients d'un philtre d'allégresse durant le dîner. »
Harry prit un malin plaisir à taper des pieds en montant l'escalier. Il s'en voulut une fois sur le palier où il se figea, le cœur battant, sachant très bien ce qui se serait passé s'il avait osé faire ça chez les Dursley. Mais il n'eut pas à esquiver un objet contondant lancé du bas de l'escalier parce que, contrairement à Oncle Vernon, Snape ne débarqua pas comme une furie.
Toutefois, l'homme accrocha son regard d'en bas dès qu'il apparut sur la mezzanine.
Il n'eut pas besoin de dire quoi que ce soit, le poids de sa désapprobation était suffisamment lourd.
Penaud, Harry sortit le livre de Potions qu'avait apporté McGonagall, se cala sur son canapé et se mit à lire. Parce qu'il se sentait coupable, il lut le chapitre deux fois jusqu'à en connaître les grandes lignes par cœur. Parce qu'il était agacé de se sentir coupable, il finit par laisser tomber la tête sur l'accoudoir et à fusiller la soupente du regard.
Snape était du genre à tenir ses promesses. Il ne fut donc pas surpris, lorsque le sorcier l'appela un peu après pour lui demander de mettre la table, de se voir interrogé comme personne n'aurait dû l'être un premier septembre. Il ne s'en sortit pas si mal. Le Professeur se fendit même d'un « Acceptable » qui, chez lui, équivalait aux plus chaleureuses félicitations.
Harry demeura morose. Il ne pouvait s'empêcher de regarder la pendule, de se demander à quoi ressemblait l'ambiance dans la Grande Salle, d'imaginer ce que faisaient Ron et Hermione, de se demander si Gryffondor avait beaucoup de nouveaux premières années…
Il était toujours en train de dessiner des ronds dans son assiette vide du bout de sa fourchette lorsque Snape jeta le paquet de bonbons au milieu de la table, le faisant sursauter. Il leva les yeux vers lui mais le Professeur resta impassible – comme s'il ne venait pas de l'attaquer avec un sachet de sucreries.
« Ce n'est pas une Cérémonie de la Répartition, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas rendre la soirée un peu spéciale. » décréta Snape, en tirant un papier d'un des tiroirs pour aller l'afficher sur le frigo à l'aide d'un aimant en forme de pomme au plastique cuit par le soleil.
C'était un emploi du temps et Harry en grinça presque. Du moins, jusqu'à ce qu'il ne voit la case hachée, tous les jours à la même heure…
« Vous avez sérieusement prévu une plage sieste ? » demanda-t-il, incrédule et sans savoir s'il devait être amusé ou vexé.
« Après les séances d'Occlumencie. » confirma Snape. « Étant donné le peu que tu dors la nuit, de toute manière, cela ne te fera pas de mal… Lorsque tu maitriseras mieux les bases, nous déplacerons les séances en soirée. Cela allégera le reste de l'emploi du temps. »
Le reste de l'emploi du temps était extrêmement chargé et lorsqu'il pensait que ce ne serait que de la théorie, il avait envie d'en pleurer.
« Mais tout cela attendra demain… » reprit le Professeur. « Ce soir, nous sommes encore en vacances et cela fait longtemps que je n'ai pas joué aux échecs… J'espère que tu es moins mauvais que ne le veut la rumeur… »
Visiblement, la rumeur disait vrai.
Même la version Moldue des échecs ne le sauva pas d'une cuisante défaite mais les bonbons adoucissaient un peu les moqueries bon enfant de Snape.
